«La croissance technique et économique indéfinie est à la fois le fait et le dogme fondamental de notre temps. Comme l'immutabilité d'un ordre à la fois naturel et divin fut celui du passé. La grande mue qui travaille les sociétés industrielles, et les autres à leur suite, est à la fois la réalité immédiate que nous pouvons appréhender dans le quotidien de notre vie et le moteur profond d'une histoire que religions et idéologies s'époumonent à suivre».
(Bernard Charbonneau, Le système et le chaos)
Je ne pense pas que les idéologies et les religions s'époumonent. Comme si elles avaient chacune des poumons, à l'image d'une humanité qui courrait après en délaissant progressivement sa nature. Je crois plutôt que les technologies sont les sciences faites idéologies et religions, mobilisées vers de mêmes buts. L'industrie n'en disant que les moyens, la productivité exploiteuse. Mais ces buts ? Son discours et ses certitudes positivistes — au sens de la catéchèse comtienne ? Quels sont-ils ? Qu'est-ce que la perfection ?
RépondreSupprimerBon, j'ai bien du mal à penser ce que je crois. Vous allez m'aider, les unes, les uns et les autres, hein ? Il ne nous suffit plus d'avoir distingué la raison intrusmentale de l'autre. Les cobayes ne peuvent plus seulement comprendre qu'ils servent.
Pour expliquer l'apparition du langage, Claude Hagège — L'homme de paroles, p. 22 — propose ce renversement : "L'utilisation à des fins communicatives des organes qui, du nez et des lèvres au larynx, possèdent d'abord des fins nutritives, respiratoires, défensives, est naturelle. (...) Le concept de "naturel" n'a pas ici d'implication métaphysique. Il n'y a que profit à renverser le dicton sur l'habitude comme seconde nature : ce qu'on appelle nature pourrait n'être pas davantage qu'une première habitude." Et l'apprentissage du langage était la deuxième métaphore du 18 Brumaire de Marx.
Parler, entendre, etc., comme on goûte ? Sans fin ?
La nature, pour nous, c'est la limite.
SupprimerEt au premier chef (autoritaire), bien entendu : la mort. La nécessité que l'on doive mourir occultée par la nécessité de n'en jamais parler. Car le présent du progrès, c'est l'avenir. Le sacrifice du présent - donc de l'individu - à l'avenir - donc à l'espèce humaine, réduite à sa spécificité "intelligente".
"Mais ces buts ? Son discours et ses certitudes positivistes — au sens de la catéchèse comtienne ? Quels sont-ils ?"
- Eh bien, vaincre la mort : comme les religions le proposent à l'angoisse humaine qui refuse de se connaître comme telle (comme angoisse insoluble).
Voilà la continuité religion-croissance progressiste. Cf le clonage reproductif à la Dolly, ou tout ce que vous voudrez d'autre en mode trans, en mode : franchissement de limite. Tout cela est connu de l'univers entier.
Mais la victoire sur la mort a aussi un versant utopique, émancipateur, comme le progrès. Et comme le christianisme. On a aussi raison de vouloir vaincre la mort.
Aber, la mort est invincible ; le mourir (mal [de] vivre, douleurs, aliénations, apathies, etc.), lui, est renversable. Plutôt dans la limite ou à la limite de la limite qu'au-delà, même envisagé "horizontalement", temporellement, séculièrement.
SupprimerPourquoi substantiver le mourir ? Je sais bien, en pensant à ceux qui ne sont plus, nos fantômes. Mais c'est d'avoir vécu, quotidiennement vaincu si vous voulez, qu'ils brillent encore.
RépondreSupprimerVaincre et vivre quotidiennement, c'est vivre en individu, pas en simple exemplaire de son espèce, ce qu'on appellerait bien "forme-de-vie" (si l'autre con de philologue catholique qui vient n'avait pas réduit ce concept à un simple "style" de vie, à la Debord, par exemple). Or, l'individu, seul, est ce qui meurt, doit mourir et le sait, et communie - en cette nécessité consciente - dans la souffrance avec tout ce qui meurt. Et résiste, instinctivement. Cf Le Principe Espérance II, sur les utopies médicales et la lettre de Adorno à Horkheimer, dont nous avions donné un extrait ici même : http://lemoinebleu.blogspot.com/2019/01/pessimisme-materialisme-psychanalyse.html
C'est le dialogue entre limite et illimité, tous deux nécessaires, qui nous intéresse chez Kant, en particulier, dans les antinomies nécessaires de la Raison, et le besoin utopique de franchissement des limites, chez lui, de la Pensée. Ce qui n'implique pas un mépris irrationaliste de l'entendement, au contraire.