mercredi 28 janvier 2015

De pures relations de travail


« La notion selon laquelle Éros et Agapé peuvent être après tout la même chose, non pas qu'Éros soit Agapé, mais parce qu'Agapé est Éros, peut paraître étrange après presque deux mille ans de théologie. Il ne semble pas non plus justifiable de se référer à Platon comme défenseur de cette identification, Platon qui introduisit lui-même la définition répressive d'Éros dans l'arsenal de la culture occidentale. Cependant Le Banquet contient la célébration la plus claire de l'origine et de la substance sexuelles des relations spirituelles. Selon Diotima, Éros conduit vers le désir d'un beau corps vers un autre et finalement vers tous les beaux corps car "la beauté qui réside en tel ou tel corps est soeur de la beauté qui réside en un autre", et "ce serait le comble de la folie de ne pas faire tenir pour une et identique la beauté qui réside dans tous les corps." (Banquet, 210 b). À partir de cette sexualité vraiment polymorphe  surgit le désir de ce qui anime le corps désiré : la psyché et ses manifestations diverses. Il y a une ascension continue depuis l'amour corporel d'une personne jusqu'à celui des autres, jusqu'à l'amour du beau travail et du beau jeu (epitédeumata), et finalement jusqu'à l'amour du beau savoir (Kala mathémata). Le chemin d'une "culture supérieure" passe par le véritable amour des garçons (orthôs paiderastein). La "procréation" spirituelle est l'oeuvre d'Éros tout autant que la procréation corporelle, et l'ordre juste et vrai de la Polis est aussi érotique que l'ordre d'amour juste et vrai. Le pouvoir culturo-génétique d'Éros est la sublimation non-répressive : la sexualité n'est ni détournée de son objectif, ni bloquée en lui ; en atteignant son objectif, elle le transcende plutôt jusqu'aux autres, recherchant une satisfaction plus totale.
À la lumière de l'idée d'une sublimation non-répressive, la définition freudienne d'Éros selon laquelle il tend à "organiser la substance vivante en unités toujours plus vastes afin que la vie puisse être prolongée et amenée à un développement supérieur " (Freud, Collected Papers) assure une signification accrue. L'impulsion biologique devient une impulsion culturelle. Le principe de plaisir révèle sa propre dialectique. Le but érotique de conserver tout le corps comme sujet-objet de plaisir appelle le raffinement continuel de l'organisme, l'intensification de sa réceptivité, le développement de sa sensibilité. Le but produit ses propres projets de réalisation : l'abolition du travail, l'amélioration du milieu, la victoire sur la maladie et le vieillissement, la création du luxe. Toutes ces activités découlent directement du principe de plaisir, et en même temps, elles constituent le travail associant les individus en "unités toujours plus vastes" ; n'étant plus confinées à l'intérieur de la domination mutilante du principe de rendement, elles modifient l'instinct sans le détourner de son but. Il y a sublimation et donc culture ; mais cette sublimation agit dans un système de relations libidinales croissantes et durables qui sont en elles-mêmes des relations de travail. »

(Herbert Marcuse, La transformation de la sexualité en Éros, dans Éros et Civilisation).

dimanche 25 janvier 2015

Un pouvoir sur le monde

 Photographie : Frantisek Drtikol.

« Notre amour avait un pouvoir sur le monde :
chacun était sous le charme
quand nous passions à pas lents comme si
nous emmenaient à la fête
une barque et des chansons.
Débraillés, le duvet de la couverture
encore dans le cou
nos voix ressemblaient
aux voluptés du rossignol et du chacal
emmêlées dans l'air.
Nous savions les réponses
aux anges gardant les portes 
qui sévèrement séparent la tristesse
de la terre et du ciel.
(— Oui, nous allons rester...
— Tant que cela dure...
— Nous admirons le renard quand il court...
— Nous écrirons des poèmes jusqu'au bout de la vieillesse
jusqu'à l'extrême douleur physique.
Il est rare qu'on étreigne
il est rare qu'on redoute
la mort autant
que lorsque dans nos mains
l'amour
devient le sceptre
du pouvoir sur le monde. »

(Katerina Anghelàki-Rooke, 
extrait des Papiers dispersés de Pénélope).

mercredi 21 janvier 2015

Sade à Orsay : en manière de bilan...


L'exposition Attaquer le soleil consacrée à Sade, qui s'achève dans quelques jours au Musée d'Orsay, est une belle exposition. Elle se parcourt avec plaisir, elle satisfait, pour nous, à cette poignée d'exigences banales capables d'extraire, pour de trop rares instants, hors de ce monde que nous ne comprenons plus, à force de l'avoir trop percé à jour, et que son odeur pestilentielle, du coup, se soit trop répandu partout, ait désormais trop imprégné nos vies de tristesse pour que le phénomène accusât la moindre chance de réversibilité. Ces exigences, donc, sont tenues : pas d'enfants, donc une possibilité formelle de silence et de méditation (formelle, car les abruti.e.s à téléphone portable, ou les cadres commerciaux soudain lâchés au milieu de vous avec leurs commentaires spontanés, autant sonores qu'ineptes, par un démoniaque comité d'entreprise grouillant de cégétistes, tiennent à sévir universellement), ensuite : une enfilade  - dans la sereine tranquillité chromatique de salles plongées dans une obscurité délicate, aux tons ocre ou parme - de situations psychogéogaphiques intenses sinon réalisées, évidemment (rappelons que  nous sommes dans un musée), du moins évoquées en leur absence cruelle, avec un pincement de regret essentiel serrant le coeur (n'avons-nous plus, à notre disposition, que ce genre de sentiment esthétique : la beauté comme promesse de tristesse ou d'amertume ? misère !). Et puis, tout simplement, la beauté nue d'oeuvres dont nous connaissons, certes, moult d'entre elles, oui, et alors ? La Victoire de Samothrace vous séduirait-elle moins aujourd'hui qu'hier du fait, si l'on osait ce blasphème, de ses rides ou de ses cheveux blancs ? Ici, au reste, les décapités ne manquent point, voisinant pêle-mêle avec : un Péché de von Stuck, de 1899, horizontalisé, aux cheveux roux et serpent noir, et aux yeux morts duquel se trouve accolé un terrifiant sourire, une terrifiante saisie malaxeuse de seins, d'ailleurs petits, relevés comme à la morgue, des seins maltraités et souffreteux de cadavres ; un Orphée dépecé par des Ménades scandaleusement bonhommes dans l'acte, de Vallotton (que nous n'apprécions guère, d'habitude) ; quelque belle, rare et sombre gravure d'Alberto Martini ; une Médée de Delacroix dont nous avions commenté l'esquisse ici même voilà quelque temps ; une Roue de la fortune préraphaélite chère à Lilith Jaywalker ; d'appréciables martyres de saintes (Agathe), de tyrans, de quidams, datant d'époques variées ; sans oublier la sublime Femme piquée par un serpent, de Clésinger (1847) qui vous jouit littéralement dans les yeux, puis la bouche, laquelle vous est en effet, ouverte béante, de force...

Tout cela, donc, et tant d'autres choses. Tant d'autres belles choses. Regardez autour de vous : les filles, pour beaucoup, ont fait des efforts notables, et remarqués, de tenue. Elles se sont mises, pour le divin Marquis, sur leur trente-et-un spécifique : talons hauts, noirs, jupe noire, tendue de fesses musclées, et brimées, souvent, par l'étoffe insolente, cheveux serrés en d'agressifs chignons de danseuses torturées à l'exercice, et arborant, ces filles, des compagnons de marche, pas vilains non plus quoique moins subtils, bien sûr, au regard parfois étrangement étonné, duquel saillissent (pour qui sait les observer, avec la discrétion requise) de brefs courants de trouble libidinal, inondant alors, les effluves invisibles se croisant violemment, telle ou telle section de la salle. Un jeune homme s'adressa ainsi à une femme, qu'il croyait, dans la pénombre relative de l'endroit, être la sienne : Des chattes ! lui susurra-t-il langoureusement devant des photographies gentiment pornographiques, et dans le creux de l'oreille, qu'il était près, nous parut-il aussi, de lécher dans le même mouvement, l'infortuné. Car aussitôt, la femme s'étant retournée, et le jeune homme s'étant aperçu, rougissant, de la confusion, sa femme légitime s'étant approchée et ayant, elle aussi, pris connaissance du quiproquo, tous deux goûtèrent la réaction émise par la primo-interpellée : En effet, oui, murmura-t-elle en retour, l'on dirait bien que c'est de cela qu'il s'agit : des chattes, en partant d'un éclat de rire particulier, évocateur de l'ambiance lourde, et délicieuse, préludant d'ordinaire (ou d'extraordinaire, hélas !) aux possibilités mélangistes les plus fécondement avérées. 
Tout cela, donc, c'était l'expo Sade. Tout cela, donc, était beau et charmant. Sans doute. Annie Le Brun, commissaire d'exposition, n'est pas n'importe qui. Des textes opportuns - quant à l'histoire personnelle du Marquis ou certaines de ses prises de position conscientes les plus irrémédiablement salutaires : son athéisme farouche, en particulier - s'étaient vu accrocher un peu partout, sur les murs, nous disant quoi penser, insistant, peut-être, sur quoi retenir, pour quoi comprendre. On apprit des choses, certainement. On releva, le moins machinalement possible, des dates, des lieux. On connut, encore, d'authentiques moments d'étrangeté, à la faveur de tel égorgement de Goya (voir ci-dessous), telle introspection physiologique de Bellmer, telles planches ou cires antiques d'anatomie. Puis l'on sortit. Et ça y était. L'on venait de voir cette expo Sade qui nous tentait de longue date. Tout cela avait été beau. Non ? Tout cela avait été bel et bon. Et alors, s'examinant sincèrement, si la chose est possible, l'on était à part soi, une fois de plus, invinciblement, et nécessairement, et fatalement, déçu, frustré et agacé par un tel étalage muséal de beauté et de bonté.

Sadien, visible à l'exposition Attaquer le Soleil.

Non-sadien, non-visible à l'exposition Attaquer le Soleil.

Nous sommes aigris, la chose est entendue. Nous sommes malheureux. Nous sommes injustes. Car enfin, qu'attendre exactement d'une exposition ambitieuse comme celle-là, ou de n'importe quelle autre ? Sade n'est-il pas un grand maudit de l'histoire, et de la littérature, édité par Pauvert, qui risqua là, dans l'aventure, très récemment, sa liberté ? Sade ne fut-il pas enfermé sous tous les régimes politiques, preuve de son irréconciliable radicalité, etc etc ? L'exposition Attaquer le soleil ne touche-t-elle pas au but, en retraçant le périple existentiel d'une telle détermination scandaleuse faite homme, et chair ?
Le problème, voyez-vous, c'est que dans les musées, cette chair-là est bien triste, quand hors les murs des musées, elle secoue, cependant, le monde, qui s'écroule, des dernières violences offensives, ayant, précisément, fait la vie et l'intérêt d'un homme comme Sade. Oserons-nous l'avouer, en paraphrasant Marx : pour la bourgeoisie des musées, il y a eu du sadisme mais il n'y en a plus. Le contenu extérieur d'une oeuvre (et d'une vie) peut bien vous être décliné sur tous les tons, si la pertinence de celle-ci est valable, sa pertinence est actuelle, et, dans le cas de Sade, féroce, gênante, nauséeuse, bouleversante. Aucune de ces sensations ne nous prit à la gorge, ni aux tripes ici, à Orsay.  Pour nous, le spectre qui hantait les lieux était surtout celui de Freud. Quand Marx, historien de la littérature, remarque, en parlant de la Tragédie grecque, que l'étonnant est de constater, à son sujet, que parviennent ici à nous émouvoir profondément des représentations esthétiques correspondant à des strates de l'histoire socio-économiques définitivement englouties, ne signifiant rien pour nous, il isole, sans en saisir l'ampleur, un matériau fixe, non soumis au mouvement généralisé qu'il aperçoit, à raison, dans le monde et dans l'homme. Ce matériau fixe, Freud lui donne un nom et l'étudie comme pulsion essentielle. Le Ça freudien est inéduquable, prédateur, fixe. Il est terré au plus profond de nous, et nous ne le changerons jamais, il dominera toujours cette prétention consciente à la civilisation. Freud, qui n'est pour ainsi dire jamais cité dans l'exposition Sade, est un penseur de la liberté bien plus que de la pulsion, puisqu'il reconnaît dans la répression des instincts la condition de la civilisation, et qu'il voit dans la sublimation esthétique, notamment, la preuve de cette fierté et cette grandeur humaines acquises dans une telle répression. Quelle est la vérité d'un visage ? La torsion de ses traits dans la jouissance, ou la concentration dans la lecture et la réflexion ? Et la vérité d'une bouche ? Dans l'organisation, et l'émission méthodique d'un discours ou dans l'exécution d'une fellation, laquelle la déforme, la gonfle, la fait littéralement taire en lui clouant le bec (à moins qu'elle n'en révèle le caractère essentiellement dévorateur) ? La liberté ou la nature ? Le passage de l'une à l'autre, la vérification de l'une par l'autre, au gré de ce passage même ? Oui : on en revient toujours à ce point. Et c'est bien cette question que nous eussions voulu voir posée ici par Annie Le Brun ou qui que ce soit d'autre. 


Annie Le Brun

Sade pose un primat de la pulsion et considère toute autorité politique prétendant dominer celle-ci comme abusive. Il a raison. Il considère, de fait, non sans une conséquence implacable, que l'insurrection devrait être la forme normale, et non pathologique, de toute république digne de ce nom. Pour Freud, le Moi agissant comme interface entre le monde des pulsions et le monde extérieur, objectif, celui des autres hommes, préserve le sujet qui laisserait libre cours à ses instincts d'une mort certaine, de la disparition à très brève échéance, attendu que le monde ne se laisserait pas faire, n'accepterait pas sans réagir la domination incessante des pulsions de qui que ce soit. Par ailleurs, cette idée sadienne d'une cruauté des instincts qui ne saurait être réprimée sans injustice publique, débouche, dans l'histoire, sur des phénomènes auxquels la psychanalyse a donné, de longue date, des interprétations satisfaisantes, ravalant, en quelque sorte, le sadisme à un objet d'étude inconscient parmi d'autres, ruinant l'espèce de spécificité incomparable de scandale dont Sade est encore entouré. Notre révolte - relative - vient du fait que celles et ceux qui, à Orsay ou ailleurs, persistent à voir en lui un de leurs compagnons de route de scandale  et d'originalité refusent souvent d'envisager, de par la position sociale qui est la leur, une solution politique à ce primat de la pulsion insociable. Les psychanalystes aussi sont, la plupart du temps, des bourgeois conservateurs, soignant davantage la société que de malheureux malades seulement rongés par des impossibilités prétendues, mais réellement traînées comme un boulet depuis l'enfance, et écrasées desquelles ceux-là mourront, inguéris, au terme d'une existence dont ils eussent pu faire tellement d'autres choses, tellement mieux : une existence unique, irremplaçable, car il n'est pas de dieu. Il n'est pas de dieu. Il n'est pas de dieu et cette vie-là est la seule vraie. Nous n'aurons pas d'autre chance, et nous le savons, confusément, en dépit de tout. C'est ainsi que l'agressivité, la colère découlant de telles frustrations infantiles, d'une telle domination inquestionnable de la pulsion, trouvent toujours à s'exprimer, massivement, dans l'Histoire. Prenez les SS qui s'étaient fait un slogan de cette idée littéralement sadienne selon laquelle La nature étant cruelle, nous avons le droit de l'être aussi. Herbert Marcuse, tout marxiste fût-il, reconnaissait la nécessité de la répression freudienne fondamentale, générant la civilisation. Le concept qu'il forge de sur-répression ne vise au fond qu'à identifier la superstructure contingente - historique - d'une telle répression, sa partie éliminable, réformable dans la Révolution, celle-ci passant par une baisse drastique du temps accordé au Travail, afin que ledit temps, libéré et disponible, puisse être réaffecté à la satisfaction libidinale. Mais en attendant la Révolution, dans le cadre d'une société aliénée, sexuellement entravée, voilà ce qu'il adviendra immanquablement de la pulsion sadienne : « Le développement libre de la libido transformée, au-delà des institutions du principe de rendement [actualisation contingente, bourgeoise, du principe de réalité freudien, pour Marcuse], diffère essentiellement de la libération de la sexualité régie à l'intérieur du domaine de ces institutions. Ce dernier processus fait exploser la sexualité réprimée ; la libido continue à porter la marque de la répression et se manifeste dans les formes libidineuses si bien connues au cours de l'histoire de la civilisation : dans les orgies sadiques et masochistes des masses désespérées, " d'élites" privilégiées, de bandes de mercenaires crevant de faim ou de gardiens de prison et de camps de concentration. Semblable libération de la sexualité fournit une soupape périodiquement nécessaire à cause d'une frustration insupportable. Elle renforce les racines de la contrainte instinctuelle plutôt qu'elle ne les affaiblit ; par conséquent, elle doit être fréquemment utilisée pour étayer les régimes répressifs (...) la fonction du sadisme n'est pas la même dans une relation libidineuse libre et dans les activités des SS. Les formes inhumaines, coercitives et destructrices de ces perversions semblent être liées à la perversion générale de l'existence humaine dans une civilisation répressive, mais les perversions ont une substance instinctuelle distincte de ces formes, et cette substance peut parfaitement s'exprimer sous d'autres formes, et compatibles avec la normalité d'une haute civilisation. » (Éros et civilisation, Minuit, p. 178). Ce qui est repéré là du fascisme, et de son rapport privilégié  à la sexualité sadique serait tout aussi juste rapporté au libéralisme existentiel contemporain, nourri à la conception cruelle, rapace, prédatrice, dominatrice du monde, ainsi qu'à son exigence de rendement, pour reprendre le terme marcusien : son exigence de performance et de productivité, qu'on pourrait autant définir comme sadique que comme anti-érotique. Que dire, en outre, du nihilisme djihadiste égorgeur, lequel, par l'ignorance ou la haine délibérées mêmes qu'il prétend témoigner au Mal et au Péché, se démasque sur la scène historique comme fondé, structuré, gorgé de sexualité réprimée, retournée au stade sadique-anal le plus évident, pour ainsi dire innocent et fier de lui
Comment, sinon par peur ou timidité, une exposition consacrée à Sade, l'homme de la pulsion, et à sa prétendue actualité brûlante, aura-t-elle pu à ce point ignorer l'exposé lucide d'une telle contemporanéité des enjeux posés initialement, de manière tellement grandiose, par cet homme qu'elle entendait présenter intimement ? Car cette intimité de Sade ne relève pas, ne relève plus de ses dates de naissance ou de mort, du récit de sa vie tourmentée, de l'exposé volontiers larmoyant du nombre d'années de prison qu'il effectua sous tous les régimes et bla et bla et bla. Jean-Marc Rouillan ou Blanqui firent autant d'années de prison que Sade. Georges Ibrahim Abdallah, de nos jours, dépassera sans nul doute bientôt ce triste record. Le seul hommage qui puisse être rendu à tous ces enfermés, désormais, est justement de ne point conserver d'eux, pour les identifier comme subjectivités libres, le seul souvenir de leur souffrance spectaculaire, mais davantage celui de leur pensée et des problèmes, des contradictions humaines (politiques) que celle-ci aura pu déclencher dans l'Histoire. La contradiction est intéressante, opposant, dans le supplément co-édité pour l'occasion par Beaux-arts éditions et le Musée d'Orsay, nos deux co-commissaires d'exposition : Laurence des Cars, d'abord, se justifiant en toute simplicité d'une limite reconnue à ses choix et projets : « Nous nous sommes très peu censurées. Mais nous avons porté une attention particulière à certains sujets, du moins du côté de l'équipe d'Orsay, car nous avons la responsabilité du contact avec les visiteurs. Ce n'est évidemment pas une exposition pour tous les publics. Elle touche à des choses extrêmement intimes et, de ce fait, ne peut pas laisser indifférent », cependant qu' Annie Le Brun, embêtée, peut-être, par les déclarations candides de sa petite camarades, embraye aussitôt en décrivant, en quelques formules ramassées et d'ailleurs pertinentes, tout ce que l'exposition manque, tout ce que cette exposition n'est pas, d'après nous, précisément, en regard de la richesse de l'oeuvre sadienne : « Il est sûr que depuis la levée de l'interdit sur son oeuvre, on essaye de le neutraliser de bien des manières. Ces derniers temps, particulièrement experts en neutralisation, ont inventé le "porno-chic", devenu un nouveau marché à travers la publicité et la mode. Mais il existe depuis longtemps une neutralisation docte, universitaire, qui s'entête à faire de Sade le philosophe qu'il n'est pas. En affirmant contre tous sa "façon de penser", il ne cesse d'en dire l'enracinement physique, sinon sexuel. S'il écrit La Philosophie dans le boudoir, c'est pour mettre la philosophie dans le boudoir, et non l'inverse... ».

En l'occurrence, neutralisation ou non, philosophie ou pas, une exposition Sade n'admettant, en son sein, pour ne citer que ces deux passeurs d'absolu, ni Freud ni Marx, et ne posant, privés d'eux et de toute perspective instinctuelle et sociale moderne, aucune question véritable aux ingénus parcourant toutes ces gentillesses pornographiques inoffensives, viendra à l'existence, selon le terme du poète, et quoi qu'elle puisse en dire, sans rien vouloir troubler, ni déchaîner en nous. Elle ne méritera, à ce titre, qu'un jugement poli, avant le retour au réel, dehors, près de la Seine bourbeuse, sous la pluie charriée des angoisses.

Montreuil en Ruine

Errances du lumpen, sur le vif, par-delà bien et mal, mais avec la tendresse adéquate.
C'est RUINE, à Montreuil.
Et c'est chez FATALITAS, au 3 rue Edouard Vailland.
Le soir du vernissage, soit le mardi 27 janvier, un concert aura lieu au bar LA NOUVELLE COMEDIA, à quelques encablures de là, à partir de 18h30, avec  le groupe lillois TRAITRE.
Vous êtes prévenus.
Venez nombreux.

mardi 20 janvier 2015

Le cauchemar de Jean-claude Juncker

Athènes, quartier d'Exarchia, 25 janvier 2015...


– Ça y est, chéri : je suis prête ! Allons voter pour Syriza et transformer enfin la Grèce en cette dictature anarchiste-communiste mâtinée de féminisme ultra-radical dont nous avons toujours rêvé, qui terrorisera les marchés, les flics et la bourgeoisie du monde entier !
 – Déjà, mon ange ? Mais tu sais bien que les bureaux de vote ne ferment qu'à 19 heures...

lundi 19 janvier 2015

Achète, ordure !

 

Une affiche de gauche, France, 1936.

Le Shakespeare polymorphe de Pouchkine

François Louis en Falstaff, 
encadré d'Ariane Lacquement et de Sandrine Baumajs, 
extraordinaires interprètes du
Comme le temps passe... 


« Les personnages créés par Shakespeare ne sont pas, comme ceux de Molière, les types de telle ou telle passion, de tel ou tel vice, mais des êtres vivants, pleins de passions multiples, de vices variés ; ce sont les circonstances qui développent devant le spectateur les formes diverses et les nombreux aspects de leur caractère. Chez Molière, l'Avare est avare, et rien de plus ; chez Shakespeare, Shylock est avare, débrouillard, vindicatif, bon père de famille, spirituel. Chez Molière, l'Hypocrite fait hypocritement la cour à la femme de son bienfaiteur, prend hypocritement son bien sous sa garde, demande hypocritement un verre d'eau. Chez Shakespeare, l'hypocrite prononce une sentence de justice avec une vaniteuse rigueur, mais selon la justice ; il justifie sa cruauté par le raisonnement profondément pensé d'un homme d'État ; il séduit l'innocence par de puissants, d'attrayants sophismes, non par un ridicule mélange de dévotion et de libertinage. Angelo [dans Mesure pour mesure] est hypocrite en ce que ses actes publics contredisent ses passions secrètes : et quelle profondeur dans ce caractère !
Mais nulle part peut-être le génie si varié de Shakespeare ne s'est reflété avec autant de diversité que dans Falstaff, dont les vices, reliés l'un à l'autre, forment une amusante et difforme chaîne, rappelant la bacchanale antique. Si l'on analyse le caractère de Falstaff, on voit que le trait principal en est la luxure ; jeune, il est probable qu'une grossière galanterie à bon marché a été le premier de ses soucis, mais le voici déjà quinquagénaire, ventripotent, décati ; la gloutonnerie et le vin ont nettement pris le pas sur Vénus. En second lieu, il est poltron, mais, fréquentant constamment de jeunes hurluberlus, sans cesse exposé à leurs railleries et à leurs farces, il dissimule sa poltronnerie sous une insolence évasive et railleuse. Il est vantard par habitude et par calcul. Falstaff n'est nullement sot, bien au contraire. Il a aussi certains plis de l'homme qui a de temps en temps connu la bonne société. De principes, il n'en a aucun. Il est faible comme une vieille femme. Il lui faut fort vin d'Espagne (the sack), copieux repas et de l'argent pour ses maîtresses : pour avoir cela, il est prêt à tout, hormis seulement un danger manifeste.
Dans ma jeunesse le hasard m'a rapproché d'un homme en qui la nature, comme si elle avait voulu imiter Shakespeare, avait reproduit la géniale création de l'écrivain. **** était un second Falstaff : luxurieux, poltron, vantard, point sot, amusant, dépourvu de principes, larmoyant et gras. Une seule circonstance lui donnait un charme original : il était marié. Shakespeare n'a pas eu le temps de marier son vieux garçon. Falstaff est mort auprès de ses belles amies sans avoir été ni mari cornard, ni père de famille : que de scènes perdues pour le pinceau de Shakespeare !
Voici un trait de la vie domestique de mon honorable ami. Son fils, un bambin de quatre ans, tout le portrait de son père, un petit Falstaff III, répétait un jour pour lui-même, en l'absence de son père : " Ce qu'il est blave, mon papa ! Ce que l'Empeleul l'aime, mon papa ! " Quelqu'un entendit le bambin et s'écria : " Qui est-ce qui t'a dit cela, Volodia ? — C'est mon papa ", répondit Volodia. »

(Alexandre Pouchkine, extrait de Table Talk, vers 1836).

dimanche 18 janvier 2015

Mensonge de tous les saints


« Toutes les icônes le montrent, tu vas me tuer. C'est l'après-midi, mes écailles brillent. Je ne mange que l'herbe de la lune. Le sang m'est inconnu. Je réchauffe les oeufs de la cité, les habitants font des cauchemars. C'est tout ce que je fais - le reste est mensonge. Quant à la jeune fille, quant aux eaux que je tiens prisonnières, vois : ceci est un jardin avec des pommiers nains et des fraises que je n'ai pas goûtées. À présent seuls et face à face. C'est vendredi, les porcelaines de nos visages sombrent dans la nuit soudain. Je vois ma pensée : une épine dans le ciel. Je vois encore ta noire pèlerine s'ouvrir et me recouvrir, tandis que se lève ta main tenant l'épieu. Dans d'autres circonstances, j'aurais pu être un chien dans ta cour. Sur les tableaux j'ai des ailes aux membranes vertes. Je n'ai jamais volé. Je traîne mon ventre enflé sur le sol en déplaçant la mer vers la montagne. À ce moment-là le verre de ta voix s'est brisé plantant l'épieu dans mes poumons, jusqu'au coeur. Un sang épais a jailli, teignant les chaussures d'argent des anges derrière toi sur deux rangs qui riaient. J'ai lancé le dernier sifflement - fil de nickel de la terreur. Les pommes du jardin ont mûri, sont tombées à mes pieds. Levant les yeux au ciel tu es devenu saint. Mes griffes plantées dans le sol répandent musique et parfum. J'ai fermé les yeux et j'ai vu.  »

(Yànnis Kondos, Le dragon parle à Saint-Georges in D'un moine anonyme).

vendredi 16 janvier 2015

Forcément, mon âme.


« Vous comprenez, capitaine : jusqu'ici, j'ai toujours cru que si je mourais dans un mauvais lieu, eh ben, mon âme, forcément, elle pourrait pas aller au paradis ! Mais aujourd'hui... Je m'en fous... Elle peut aller où elle veut, pourvu que ce soit ailleurs qu'ici... »

(Frederic « chef » Forrest, Apocalypse Now).

Ca va bien se passer...

jeudi 15 janvier 2015

Les Âmes blanches et noires


Raed Bawayah, Un moine avec ses prises de chasse, Autriche, 2010.
(tiré de la série Les Âmes blanches et noires).

S'il vous reste du glaviot...


Paris - Kalachnikov


C'est gratuit.
Mais sans intérêt.
Ou peut-être que nous ne comprenons vraiment plus rien à rien.
Peut-être que la dépression ne nous quittera plus.
Que la légèreté, désormais, ne sera plus jamais de mise.
Ni de saison.
Pour nous.
A Paris.
En France.
 



mercredi 14 janvier 2015

Je suis Robert Burger


 
Robert Burger, dit The king.

« A New York, le 11 août 1963, Burger a rencontré dans un bar un quidam qui lui a offert à boire, et l'a poussé à lui parler de ses difficultés dans la vie. Apprenant à la fin qu'il avait été dupe d'un prêtre déguisé en homme normal, Robert Burger l'a tué sur place. La police se perd en conjectures sur le sens de cet acte exemplaire. »

(Internationale Situationniste n° 9, août 1964)

Derniers jours





 




Tuija Lindström - Un rêve s’il en fut jamais.
Institut suédois - 11 Rue Payenne, 75003 Paris.
Jusqu'au 18 janvier 2015 - entrée libre. 

Note : On se procurera avantageusement, par tous moyens nécessaires, le très beau catalogue de l'exposition sus-mentionnée A Dream if ever there was one, publié initialement à Stockholm en 2012 chez Art and Theory Publishing/ Hasselbladfoundation/ The Finnishmuseum of Photography (oui, car la dame, toute plus grande photographe suédoise soit-elle, naquit en Finlande au mitan du siècle dernier). Le catalogue était indisponible lors de notre passage à l'Institut Suédois et, paraît-il, épuisé de manière générale. Tentez donc votre chance chez les esclavagistes de la vente en ligne. Vous avez le droit, vous savez. Tout ça, c'est de l'art. Ce n'est pas comme vendre du papier-cul, par exemple, ou des meubles, ou des vêtements pour jeunes enfants, lesquels objets, alors, se devraient d'être équitablement produits et distribués, sous peine d'excommunication définitive, morale et solidaire.

mardi 13 janvier 2015

Papon papon


lundi 12 janvier 2015

Derniers jours


Alberto Garcia-Alix, De faux horizons,
Maison Européenne de la Photographie,
5 rue de Fourcy (4ème arrondissement de Paris).
Gratos le mercredi de 17 à 20 heures.
Sinon : 8 euros.
Jusqu'au 25 janvier 2015.

Plutôt la vie

 
Cratère en calice dit Vase Borghèse, Ier siècle av. J-C (Musée du Louvre).

« Ne parlez pas de culpabilité, ne parlez pas de responsabilité. 
Quand défile l'Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête ; quand les sens frissonnent et tressaillent, insensé et impie quiconque reste à l'écart, quiconque ne se lance pas dans la belle expérience, celle qui part à la conquête des voluptés et des passions.
Toutes les lois de la morale - aussi mal conçues que mal appliquées - ne sont rien et ne résistent pas une seconde, quand défile l'Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.
Ne te laisse arrêter par aucune obscure vertu. Ne te crois tenu par aucune obligation. Ton devoir est de céder, de toujours céder aux Désirs qui représentent, parmi les créatures des dieux, le plus haut degré de la perfection. Ton devoir est de t'engager en soldat fidèle et d'un coeur loyal, quand défile l'Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.
Ne t'enferme pas chez toi et ne te laisse pas égarer par les théories sur la justice, par les préjugés sur les récompenses qu'accorde une société mal faite. Ne dis pas : Mon effort vaut tant et c'est de tant que je dois profiter en retour. Tout comme la vie est un héritage que tu n'as rien fait pour mériter, le plaisir est lui aussi un héritage. Ne t'enferme pas chez toi ; mais garde les fenêtres ouvertes, grandes ouvertes, pour entendre les premiers échos du passage des soldats, quand surgira l'Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.
Ne te laisse pas abuser par ceux qui disent que le service est dangereux et pénible. Ils blasphèment. Le service du plaisir procure une joie infinie. Bien sûr qu'il t'épuise, mais il t'épuise d'une ivresse divine. Et quand tu finiras par tomber sur la route, même alors ton sort sera enviable. Quand passera ton enterrement, les Figures que tes désirs auront inventées jetteront sur ton cercueil des tulipes et des roses blanches, les jeunes Dieux de l'Olympe te porteront sur leurs épaules, et ils t'enterreront au Cimetière de l'Idéal, où resplendissent les mausolées de la poésie. »

Constantin Cavafis, L'Armée du Plaisir (vers 1895).

dimanche 11 janvier 2015

Communautarisme

 

« Je n'hésitai pas à me risquer au milieu de cette tourbe de misérables, je les fréquentais, je fraternisais avec eux, et j'eus bientôt l'avantage d'être regardé par eux comme un des leurs.»

(Eugène-François Vidocq, Mémoires).

samedi 10 janvier 2015

Prolégomènes à un dimanche de communion


Passé, ce matin, devant une agence immobilière, dans un quartier tendance du Nord-est parisien. Dans la vitrine, distraitement aperçu, aux confins de deux annonces proposant les locations d'un appartement de 45 m2 (1190 euros mensuels) et d'un studio de 19 m2 (785 euros), cette prédication simple, sobrement exhibée  par le propriétaire de la boutique sur un autocollant : Je suis Charlie. Interloqué, emporté - cependant - un peu plus loin, par le seul élan de la marche. Et quelques pauvres secondes après, déjà rectifié mentalement, déjà dissipé cette très probable illusion d'optique. C'est : Je suis cher, là ! qu'il convenait certainement de lire. 

*** 

Après le déferlement de Je suis Charlie, voici donc, à présent, le déferlement contraire de Je ne suis pas Charlie
Misère de l'ultra-gauche. 
Misère, en regard de la faribole citoyenniste, de ce second marché de la nostalgie collectiviste et, quoi qu'ils en disent, unanimiste.
Je ne suis pas Je ne suis pas Charlie. 

 *** 

Celui qui tire, aujourd'hui, un simple signe d'égalité abstrait entre les barbaries d'État et religieuses ne mérite à nos yeux ni égard ni patience. L'État est un dispositif politique, ne se maintenant jamais que par la légitimité philosophique que lui accorde la masse. Ce dispositif ne doit jamais sa survie qu'à l'hégémonie culturelle et intellectuelle dont il bénéficie parmi la majorité des opprimés. La force militaire ou policière ne lui suffit point. L'État appelle, de manière automatique, pour ainsi dire, phénoménologique, sa propre négation. Il est dans son destin de se révéler comme mensonge essentiel, dès lors que se sont vues confrontées, dans l'esprit de qui est libre de réfléchir, l'égalité formelle de tous devant la loi et l'inégalité réelle des dominants (que l'État protège par nature) et des dominés. Cette aperception du mensonge que représente l'État a pour condition sine que non l'exercice de sa liberté rationnelle. Pour réfuter tel larbin philosophique de l'État, il faut être en état de se mouvoir parmi les idées, d'user, de manière autonome, de concepts qui mettront un tel mensonge, une telle illusion, en pleine lumière. Les penseurs apologètes de l'État furent souvent de grands esprits. Lorsque Rousseau ou Hegel lient la nature de l'État à la réalisation d'un contrat social, ou d'une Idée éthique, il n'est, après eux, qu'un autre penseur, d'un calibre de Marx, par exemple, qui soit alors capable de présenter, arguments à l'appui, la fausseté de semblables assertions. Ce calibre-là, celui de Marx, n'est pas celui des frères Pois-chiche, qui ont frappé l'autre jour dans le onzième arrondissement de Paris. 
La Religion, pour elle, ne connaît que la force, l'arbitraire, la soumission violente à une vérité révélée n'appartenant à personne d'autre qu'à celui qui l'aura émise, du fond de son cerveau. La Religion n'appelle pas la conviction, l'assentiment, la légitimité, l'accord, l'acquiescement. Elle n'appelle jamais que la soumission à une force d'autant plus incontestable qu'elle sera plus absurde. Je crois parce que c'est absurde, dit Tertullien. La Religion représente le triomphe assumé de l'Ignorance, le désespoir organisé et célébré, comme une libération, la seule qui vaille, des capacités de libre raisonnement. Les frères assassins de Charlie-Hebdo furent ainsi formés par une variété spéciale de savant, ou d'anti-savant, le savant étant ici, d'ailleurs, autant chéri comme hypostase absurde que parmi l'élite scientiste moderniste. Au bout du raisonnement, cependant, d'un quelconque «savant en Islam», ainsi que se présentent les prédicateurs musulmans (le très gauchiste Tariq ramadan, par exemple), il y a toujours un premier moteur que nous jugerons absolument absurde : à savoir un Dieu, dont nous nions l'existence, ou un texte écrit par tel prophète de rencontre, dans lequel nous ne reconnaissons que délires, plus ou moins inspirés sur le plan esthétique, de l'imagination humaine. Il ne s'agit pas de dire que les musulmans sont là pires que les autres : la kippa des Juifs leur sert tout autant d'écran entre une condition de misère essentielle qu'ils s'auto-administrent humblement, à l'appel de leurs prêtres, et une sublimité divine littéralement inapprochable, et écrasante. Il s'agit de reconnaître que la Religion est pire que tout. Il s'agit de comprendre que ne pas chercher à comprendre la puissance de Dieu, reconnue par nature inexplicable et incompréhensible, c'est être un bon croyant, et même, n'en déplaise aux cathos de gauche ou aux gentils musulmans compatissants devant l'incroyable massacre récent des soixante-huitards libertins de Charlie-Hebdo, le croyant parfait : le croyant idéal. Il s'agit de comprendre, et d'admettre en toute honnêteté intellectuelle (si nous acceptons encore d'y consentir) que croire en Dieu revient littéralement à désespérer des concepts, à mépriser l'intelligence,  et à haïr la raison, toute somme de comportements qu'aucun sbire de MM. Cazeneuve ou Valls, tout répugnant soit-il, ne pourra, à l'heure où nous écrivons ces lignes, exiger de nous à la lettre, ledit sbire nous accordant donc, par là même, de penser sa chute et celle de son maître, leur possible disparition ignominieuse, leur caractère de contingence historique, qui passera. 
Le fait, donc, de refuser de s'associer à quelque moment ignoble d'unité nationale organisée par des salopards socialistes encore tout chauds du sang de Rémi Fraisse, entre autres ignominies, ne doit pas empêcher d'établir une hiérarchie pragmatique entre des barbares rationnels, des monstres froids étatiques comme disait Nietzsche, permettant, par le fanatisme scientiste même de leur hommage perpétuel rendu à une raison qui n'est pas la nôtre, de les combattre, et d'autres barbares, des barbares dont la dangerosité est, pour nous, sans équivalent, de par la promotion consciente, et perverse, que ceux-là assument - tranquillement - de la mort considérée comme seule vie valable et réelle, et de l'ignorance absolue caractérisée comme seule liberté.

mercredi 7 janvier 2015

Islamophobie

   Un islamophobe, avec quelques amis, dans les rues de Paris, 
du temps où les mots en général, 
celui de libertaire, en particulier, 
avaient encore un sens.
Les mots sont importants...

« Vivent les camarades qui, en 1959, dans les rues de Bagdad, ont brûlé le Coran ! » 
(Adresse aux révolutionnaires d'Algérie et de tous les pays, Internationale Situationniste n° 10, Alger 1965).