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samedi 9 février 2019

It's been a long time coming...

Disponible dès à présent, dans toutes les bonnes boucheries...

... Ça y est, nom de dieu ! Il est de sortie ! Il aura mis le temps, c'est vrai. On vous le concède. Or mais, ce soir, eut lieu dans le dix-huitième arrondissement de Paris un fameux rendez-vous destiné à célébrer ladite sortie. Bon, Gérard a fait le conférencier en mode soutenance de thèse, comme disent les jeunes (universitaires). Sauf que là, c'était drôle dans l'ensemble, et qu'il y avait beaucoup d'amis à nous et d'amies et de camarades. On n'a pas pu parler avec tout le monde, certes, comme d'habitude, mais on conçoit à cette heure même, de cela aussi, comme d'habitude, de la mélancolie, ce qui nous excuse un peu, peut-être. Au plan méthodologique, Gérard Godfroy a passé en revue les divers chapitres de son livre avec un certain bonheur, car suscitant en cela de nombreuses réactions outrées, voire enthousiastes, de l'assistance. Et au plan soûlographique, durant ce temps-là, l'audience nombreuse (par ailleurs concentrée) aura fait ce qu'elle avait à faire sous les volutes de fumée de cigarettes. D'autant qu'au-dehors, au même moment, pluie et tempête se déchaînaient : en sorte qu'on sera sorti grisé mais refroidi. Bref, un livre nouveau qui sort sur l'Internationale et son milieu, ça se respecte. Et c'est précisément ce qu'on a fait ce soir. Gérard überalles ! 

(Ci-dessus : Gérard Godfroy, 8 février 2019, 20 h 15 GMT)

Présentation de l'éditeur : 
Qui était exactement l’anarchiste et bandit russe Netchaïev ? Qu’appelle-t-on la «République des Jules» ? Quelles furent vraiment les activités internationales de la Première Internationale (1864 – 1872) ? Et les liens de celle-ci avec les mouvements féministes de son temps ? Telles sont les questions traitées par Gérard Godfroy, avec autant de légèreté que de science, d’humour que de précision, de méticulosité que d’irrévérence. Loin des études universitaires ou marxologiques convenues, sur cette grande période révolutionnaire toujours aussi évocatrice, son traité désordonné, foutraque et jouissif, en réconciliera plus d’un avec l’histoire : la grande et la micrologique.
***
« À ceux tentés de lui tenir grief d'un tel déferlement sans règles, d'un semblable chaos agitant nerveusement sa plume, qu'ils songent à cette vérité simple qu'il n'est probablement aucune meilleure méthode d'introduire efficacement à cette époque, celle de la Première Internationale, de ses genèse et contexte bouillonnants. Il en va de l'intuition possible de ce spectacle explosif, de l'affrontement de ses têtes dures et molles selon, une fois encore, l'expression heureuse de Godfroy. Ce qui nous ramène à cet intérêt invincible propre à la haine de classe dont nous parlions tantôt, et qu'aucune expérience sectaire ne sera ainsi jamais, selon nous, en mesure d'invalider. De tout temps, à chaque époque, les coléreux, énervés, révoltés les plus extrémistes et intransigeants se seront finalement trouvés, de fait, avoir raison, être demeurés dans le vrai du vrai : du bon côté de l'intelligence de leur environnement vital. La compréhension authentique du monde se trouve a priori, par quelque singulier destin, strictement réservée aux têtes dures habitant ce monde du mieux qu'elles le peuvent, aspirant, par là-même, à le bouleverser du sol au plafond, à leurs façons, suivant leurs obsessions diverses. Les têtes molles, quant à elles, l'Histoire les cloue invariablement au même pilori de médiocrité éternelle, dont toutes les prières de leurs spécialistes en sciences humaines ne parviendront jamais à les détacher. »


(Laurent Zaïche, avant-propos)

lundi 31 août 2015

Isis

Des résédas (heures arrêtées !)
Des roses aux bras arraisonnées,
En la ruse irisée d'Éros usés,
Isis toujours ressuscitait.

(Zaïche, 24 juin 2015)

mercredi 24 juin 2015

C'est déjà ça de gagné


Je remontais la rue, les yeux bas comme souvent. Le monde autour est tellement laid, et tellement pire que laid : il m'attend. Dans un halo de sourcils, à la faveur de quelque cruel courant d'air, et de ce genre de réflexe idiot que les courants d'air suscitent, je relève brièvement la tête, alors je l'aperçois, qui venait en sens inverse dedans sa vieillerie et ses loques noires et grises. Elle avait repéré, sur un bout plongeant de caniveau, la tentatrice brillance d'une pièce de dix centimes et, du fait que je marchais sans conscience sur elle et cette jolie situation, avait dû se restreindre aussitôt dans sa félicité, s'interrompre un instant dans la descente programmée, avant soudain, à toute vitesse, à toute inquiétude indéfinie (quoique immanquablement justifiée chez les pauvres) de s'emparer enfin à la diable de son trésor, en se baissant alors bien trop vite, en faisant jouer ses muscles et ses nerfs, épuisés, beaucoup trop brutalement. Puisse-t-elle ne point s'être fait mal. Enfin nos regards se croisent, pathétiques mais hétérogènes. Car elle se méprend évidemment sur ma propre étrangeté. Je suis déterré de longue date, surtout le matin à cette heure, mais elle l'ignore. Une contenance apparaît. C'est déjà ça de gagné, me souffle-t-elle en exhibant la pièce tandis que je passe à sa hauteur, et voyant que j'ai vu qu'elle vit. S'excuserait-elle ? Il y a de ça. Mais de quoi au juste ? Et elle me sourit d'abondance, quasi-tremblante. Je lui souris de même. J'insiste. Voilà que ma journée commence ainsi sur le chemin du travail. C'est déjà ça de gagné.

mardi 2 juin 2015

Calcul mental

Un plus un égalent cadres.
(Laurent Zaïche)

(Ma parole, encore plus dur que la dernière fois...)

samedi 19 juillet 2014

Confluence des âmes

      Max Švabinský, La confluence des âmes (1896)

La chaleur l'éveilla et la moiteur, sur son torse. Il passa, dessus, sa main et déjà, dans le noir, la  chercha, fit aller le renflement de sa paume contre ses reins, dont il combla l'une des fossettes, puis l'autre, étalant la sueur qui stagnait sur ses hanches, et soudain empoignant celles-ci, tirant vers lui, vers le haut, les roulant, ces petites charmeries, se fondant en elles, qui débordaient ses mains. Il se colla à elle. Tous deux s'emboîtèrent. Elle dormait profondément. Le petit ronflement même qu'elle produisait lui semblait un ravissement d'intimité et de chaleur. À mesure qu'ainsi attaché à elle, l'épousant, il la sentait, l'écoutait respirer, abandonnée, et vivre, la peur qu'un jour - serait-ce une nuit ? - elle meure, disparaisse de son existence, de son lit, de son corps inquiet, incapable - sans elle - de quelque repos ni confiance, la peur, alors, gravissait en son âme des sommets très convenables.

(Laurent Zaïche)

lundi 17 février 2014

Notes sur Chucho el Roto

La cellule de Chucho el Roto au bagne de San Juan de Ulua, Vera Cruz.
 
Les fragments ici présentés constituent des notes préparatoires à l’Avant-propos de l’ouvrage consacré au célèbre bandit mexicain, et publié en décembre 2012 par les éditions Sao Maï. Ils n’apparaissent évidemment point – sous cette forme en tout cas – dans l’édition définitive.

Barbarie actuelle au Mexique. Ce qui domine, l’opacité. La vérité sera connue plus tard, comme d’habitude. Telle est la logique des grands carnages. En attendant, donc : carnage. Dante. Agrippa d’Aubigné.

Liaisons dialectiques Banditisme-Révolution. Objet d’une importante littérature. Question au fond jamais tranchée. Condamnation à la fois pertinente et insuffisante du Lumpen par Marx, Hobsbawm, Adamic (Dynamite !), etc. Le Crime : « violence obligée des pauvres après la victoire du Capital » (Manchette). Crime : produit de la violence capitaliste et réaction de survie, d’adaptation à ce système, y compris à ses codes, que le Crime ne subvertit pas, mais radicalise, prend en quelque sorte au mot. Assurance de la promotion sociale du criminel que la légalité bourgeoise lui refuse dans les faits. Au mensonge formel capitaliste s’opposent ainsi : dissimulation, clandestinité, secret criminels, lesquels auront tôt fait de tomber sous le coup de la critique cléricale ou moralisante, etc. Fausseté contre fausseté. Statut, cependant, de la fourberie et du mensonge dans la société d’après. Comment revenir sur ces habitudes d’avant ? Est-ce souhaitable ? Ruse recyclable ? Voir là-dessus Chucho. Son intelligence d’adaptation. Question de la possibilité seulement de l’entrée en communisme d’anciens menteurs par nécessité, ayant de fait aimé le mensonge comme leur sécurité. L’ayant aimé au plus intime.

C’est en cela que les habitudes de Chucho sont passionnantes. Chucho se travestit pour commettre ses crimes. Son talent du déguisement : poussé nous dit-on au génie. Pas seulement extérieurement : dans l’emprunt des codes symboliques mêmes de cette bourgeoisie qu’il dépouille, et à laquelle de fait il ressemble furieusement.

Cette bourgeoisie portant le masque de l’humanité légale abstraite se heurte ainsi au bandit dont le propre masque, contrairement à celui de la classe ennemie, dirait plutôt la foncière honnêteté. Le masque du bandit : sa vérité d’homme libre. Sa vérité plastique. Expression spectaculaire de son authentique visage. Cette vérité, parfaitement entendue ailleurs, au plan esthétique, dans d’autres conditions (Goya, Ensor). Elle trouve ici son équivalent politique. Le masqué : à la fois le puissant, l’agent de la justice historique, de la vérité profonde. Opposées au visage dégagé, autrement dissimulateur et fourbe, de la Domination.

Le Masque. Le Mexique s’en est fait une coutume : « lutte libre », etc.
Chucho hier, Marcos aujourd’hui. 
Immortalité du premier.

(Laurent Zaïche, 2011-2012)

dimanche 4 août 2013

Non-non

Au fond, le vrai problème avec les gens du Livre, c’est qu’ils n’en ont jamais lu qu’un.
De livre.

dimanche 4 novembre 2012

Terrier

De Raskolnikov, se construire l’âme.
En commençant par la chambre.


(Laurent Zaïche)


mardi 10 janvier 2012

La troupe rat-dicale



Il y a deux sortes de rats :
Les affamés et puis les repus.
Les repus restent sagement au foyer,
Les affamés, quant à eux, voyagent.

Ils arpentent, sur des milles,
Sans s’arrêter jamais,
En ligne droite, en une course furieuse,
Ne les bloquent ni vent, ni quelconque
Mauvais temps.

Ils grimpent dessus les hauteurs,
Nagent aussi à travers les mers,
Beaucoup se noient, ou se rompent la nuque,
Les vivants laisseront là les morts.

Ils arborent, ces malheureux,
Des tronches bien terrifiantes ;
Tous ont le crâne tondu,
Rats-dicaux rasés de près !

Et cette rat-dicale troupe
Ne se sait aucun Dieu.
Point ici d’enfants qu’on trouverait baptisés,
Non plus que de femme privatisée.

Cette bande de rats sensuels,
Ne pense qu’à bâfrer et à boire,
Et cependant qu’elle bâfre et boit,
Se fout de l’immortalité de l’âme.

En tant que bande de rats sauvages,
Elle ne craint ni l’enfer ni les chats,
En propre ne possède ni or ni bien,
Rêve plutôt d’un nouveau partage
Du Monde.

Les rats voyagent : aïe !
Ils sont déjà dans les environs.
Et ils s’approchent encore
J’entends leurs sifflets, ils sont légion.

Malheur ! Nous sommes foutus,
Ils accourent devant nos portes !
Monsieur le Maire, et le Sénat entier,
N'arrivent qu’à branler du chef, sans avis
À donner.

Les bourgeois courent aux armes,
Les curés sonnent les cloches,
Voilà donc la Propriété,
De la morale l’auguste bouclier,
Menacée.

Or ni le son des cloches, ni les oraisons,
Ni les avisés décrets du Sénat,
Ni les canons, par quintaux ou bien tonnes,
Ne pourront, sur ce coup-là, vous porter secours,
Pauvres petits bonhommes !

Aucune aide à attendre des vieilles expressions creuses,
Impuissant, l’art corrompu des phrases.
Les rats ne se laissent point prendre au syllogisme,
Franchissent sans même les voir les plus fins
Sophismes.

En un ventre affamé ne peut entrer
Que de la logique de soupe,
De la raison de boulettes,
Des arguments de rosbif,
De la citation de Saucisse
De Göttingen.

Un stockfish muet, préparé au beurre
Convaincra la troupe rat-dicale,
Bien mieux que ne le pourrait Mirabeau,
Ou tout autre bavasseur
Et fileur de mots,
Depuis Cicéron.


Henri Heine, Die Wanderraten (Les rats voyageurs).
Traduction : Laurent Zaïche.