Ci-dessus : subjectivité d'espèce (détail)
1-But du sujet et plan de la Nature
«Comme nous humains sommes habitués à conduire notre existence péniblement de but en but, nous sommes de ce fait convaincus que les animaux vivent de la même manière. C'est une erreur fondamentale de croire qui a jusqu'à présent toujours mené la recherche sur de fausses voies.
Il est vrai que personne ne prêtera de buts à un oursin ou à un ver de terre. Mais déjà pour décrire la vie de la tique, nous avions dit qu'elle «guettait» sa proie. À travers cette expression, même si c'est involontaire, nous avons déjà laissé les petits tracas de la vie quotidienne des humains s'immiscer dans la vie de la tique qui est uniquement commandée par le plan de la nature.
Notre première préoccupation doit en ce sens être d'éteindre le feu follet du but durant l'examen des milieux. cela ne peut se faire que si nous ordonnons la manifestation de la vie animale à la perspective du plan. Peut-être que, par la suite, certains actes de mammifères supérieurs s'avéreront des actes intentionnels qui sont eux-mêmes ordonnés au plan général de la nature [souligné par le Moine Bleu, en vacances]».
2-Plan de la nature et Instinct
«La mise en parallèle entre but du sujet et plan de la nature nous épargne la question de l'instinct, par laquelle on ne peut rien entreprendre de correct.
Pour devenir un chêne, le gland a-t-il besoin d'un instinct, ou encore un groupe de cellules mésodermiques en a-t-il besoin pour former un os ? Si l'on répond par la négative et que l'on pose à la place de l'instinct un plan de la nature comme facteur d'ordre, on reconnaîtra alors le règne de plans de nature aussi bien dans le tissage de la toile d'araignée que dans la nidification de l'oiseau car, dans les deux cas, il n'est pas question de but individuel.
L'«instinct» est seulement un produit de l'embarras et se trouve mobilisé quand on nie les plans supra-individuels de la nature. Et on les nie parce que l'on échoue à se faire une idée juste de ce qu'est un plan, car ce n'est ni une substance ni une force. Il n'est pourtant pas difficile d'acquérir une expérience du plan si l'on s'en tient à un exemple concret : pour planter un clou dans le mur, le plan le plus parfait ne suffit pas si l'on n'a pas de marteau, mais le marteau le plus parfait ne suffit pas non plus si l'on n'a pas de plan et que l'on s'en remet au hasard. On se tape alors sur les doigts».
(Jakob von Uexküll, Milieu animal et milieu humain)