Le 12 décembre 2022, au petit matin, les autorités islamistes d'Iran ont procédé à l'assassinat, en public, dans la ville de Mashdad (dans le nord-est du pays) de Majid Reza Rahnavard, 23 ans, préalablement condamné à mort par le tribunal ≪révolutionnaire≫ de cette même localité, dirigé par une pourriture de juge portant nom de Seyed Hadi Mansouri. Le motif officiel de cette condamnation à mort est le suivant : ≪Inimitié contre Dieu≫. Majid Reza Rahnavard avait participé à des manifestations révolutionnaires (les mêmes bouleversant actuellement tout le territoire iranien depuis des mois) à Mashhad, le jeudi 17 novembre 2022. Il avait été arrêté le 19 novembre 2022, accusé d’avoir tué deux miliciens du régime puis, comme de coutume, torturé en détention, contraint à des aveux forcés et condamné. Comme on lui demandait ces dernières volontés, juste avant son exécution, il prononça ces quelques mots : «Ne pleurez pas, ne lisez pas le Coran, ne priez pas. Soyez joyeux. Écoutez de la musique.»
Ci-dessus : destruction enthousiaste, par des émeutiers iraniens,
d'une statue de l'imam Khomeini,
dans la ville natale d'Omar Khayyâm (Nishapour), hier.
«Ce palais dont le faîte touchait au ciel — et dont les rois eux-mêmes baisaient le seuil, — j’ai vu sur ses ruines un coucou — perché, qui criait : Où ? où ? où ?»
Il semble qu'en Iran, les flics islamistes perdent progressivement le contrôle des rues un peu partout. À Mashbad, ville natale du Guide Suprême Khameneï, la statue de ce dernier vient d'être incendiée par la foule (voir ci-dessous). Des armureries sont, paraît-il, prises d'assaut et pillées. On s'achemine donc vers un bain de sang (l'armée et les Pasdaran fourbissant vraisemblablement à cette heure leur machine de mort) et une insurrection, dont nous souhaitons évidemment qu'elle triomphe, mais dont on se souviendra, en tous les cas, qu'elle aura démarré par une révolte de femmes contre des Religieux virilistes prétendant les asservir au nom d'un Dieu inexistant. Alain Soral, Zemmour et leurs amis doivent avoir bien mal au cul ces jours-ci, leurs idoles fascistes à gros bras vacillant, de manière inédite, sous la poussée démocratique ≪bourgeoise≫ des fragiles coalisés. Du coup, le stalinisme s'enraye. Il ne comprend plus ce qui se passe : il n'imprime plus, comme disent les journalistes. C'est que, dans le processus révolutionnaire authentique, les libertés, ≪formelles≫ ou ≪matérielles≫, ne sont aucunement ce détail négligeable que nos crétins marxistes occidentaux imaginent d'ordinaire, obsédés qu'ils se trouvent par l'Économie et ses froids mécanismes de structure objective. Dans la définition de tout objet, en l'occurrence, forme et matière sont en effet indissociables, ainsi que le répétait déjà inlassablement un vénérable métaphysicien des temps jadis. Et l'ensemble pousse uniment, tendanciellement, dynamiquement vers une certaine fin toujours ouverte, un certain achèvement toujours reporté, une certaine mystérieuse réalisation.
#Russie#Tchétchénie Kadyrov mobilisant ses hommes, avec l’hymne jihadiste « Nahnou Ahfad al-Mouthana Ayouha al-Tarikh Oudna », Nous sommes les descendants de Mouthana [un compagnon du prophète] Ô Histoire nous voilà de retour, version russophone-arabe, pour combattre en #Ukrainepic.twitter.com/tB9u5JWq0Q
≪Le patriarche orthodoxe russe Kirill a qualifié les opposants à Moscou en Ukraine de "forces du mal" qui veulent briser l’unité historique entre les deux pays, au quatrième jour de l’invasion du pays par la Russie. "Que Dieu nous préserve de ce que la situation politique actuelle en Ukraine, pays frère qui nous est proche, soit utilisée de manière que les forces du mal l’emportent", a déclaré Kirill lors de son sermon dominical, cité par l’agence Interfax. En 2012, ledit patriarche avait proclamé que la présidence de M. Poutine était "un miracle de Dieu"≫.
«[Notre mouvement] sera le parti de Yasser Arafat, de Georges Habache et de cheikh Yassine… LE PARTI DE YASSER ARAFAT, DE GEORGES HABACHE ET DE CHEIKH YASSINE !…»
(Houria Bouteldja, leader des Indigènes de la République,
discours au Cabaret Sauvage, 10 décembre 2008)
Ci-dessus : L’islamiste Mansour Abbas votant aux élections israéliennes du 23 mars 2021.
On sait que la mainmise politique du Hamas sur les mosquées de Gaza avait été, dès le départ, à la fin des années 1980, soutenue stratégiquement par l'État d'Israël, obsédé par l'idée d'affaiblir la lutte palestinienne, alors incarnée (qu'on le déplore ou non) par la ligne «nationaliste-laïque» (ou baassiste) de l'OLP d'Arafat. C'est sur cette identité profondément collaborationniste de l'islamisme palestinien que Jean-Pierre Filiu revient en détail, dans l'article ci-dessous, publié ce jour par Le Monde.
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«Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, un parti identifié à la minorité palestinienne est officiellement associé à la coalition gouvernementale. La victoire est d’importance pour l’islamiste Mansour Abbas, à la tête de Raam, l’acronyme hébreu de la "Liste arabe unie". Activement courtisé par Benyamin Nétanyahou, qui espérait grâce à lui demeurer au pouvoir, Abbas a finalement rallié ses quatre députés à Naftali Bennett, sans pour autant assumer un portefeuille ministériel. Même Itzhak Rabin avait insisté en 1992 pour avoir une "majorité juive" pour la paix, préférant gouverner avec les orthodoxes du Shas plutôt que de dépendre des voix des "partis arabes". Que les islamistes de Raam aient brisé un tel tabou n’aurait cependant pas été possible sans une longue histoire de coopération plus ou moins discrète entre ce courant palestinien et Israël.
LA PRIORITÉ À L’ISLAMISATION
Les Frères musulmans sont bien implantés dans la "bande" de Gaza, où, en 1948, la guerre et l’exode concentrent un quart de la population arabe de Palestine. Le territoire est administré par l’Egypte, qui a refusé de l’annexer, à la différence de la Jordanie à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Gamal Abdel Nasser prend le pouvoir au Caire en 1952 avec l’aide des Frères musulmans, à qui il offre la mairie de Gaza, mais se retourne contre eux, deux ans plus tard. En 1956-57, la bande de Gaza est occupée par Israël durant quatre mois, à la faveur d’une offensive coordonnée avec la France et la Grande-Bretagne dans le canal de Suez. Les islamistes palestiniens se joignent au front commun de la résistance nationaliste, malgré une répression féroce, avec un millier de morts pour 330 000 habitants. Israël se retire sous la pression des Etats-Unis, mais occupe de nouveau la bande de Gaza en 1967, lors de la guerre des Six-Jours. Les Frères musulmans, dirigés à Gaza par le cheikh Ahmed Yassine, refusent cette fois d’adhérer à un front uni contre Israël. Yassine considère en effet qu’Israël, en humiliant Nasser, a d’une certaine manière vengé les islamistes des persécutions que le dirigeant égyptien leur avait infligées. Il estime surtout que la priorité doit aller à la réislamisation de la société palestinienne, punie de ses péchés par cette nouvelle occupation, plutôt qu’à la résistance nationaliste. Les autorités d’occupation comprennent le parti qu’elles peuvent tirer d’une telle discorde inter-palestinienne. Elles favorisent de plus en plus ouvertement Yassine, assistant en 1973 à l’ouverture de sa mosquée à Gaza, puis l’autorisant en 1979 à recevoir des financements étrangers. Ces facilités contrastent avec la répression méthodique menée à l’encontre de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) et de ses réseaux. En 1980, les militaires israéliens restent ostensiblement passifs lorsque les islamistes attaquent des bastions du militantisme nationaliste. L’OLP dénonce en retour la collusion entre les Frères musulmans et l’occupant.
LE TOURNANT DU HAMAS
Lorsque éclate, en 1987, l’intifada, soit littéralement le "soulèvement" de la jeunesse palestinienne, Yassine comprend qu’une telle vague risque aussi de le balayer. C’est pourquoi il décide, du jour au lendemain, de transformer les islamistes palestiniens en "Mouvement de la résistance islamique", désigné sous son acronyme arabe de Hamas. Les Frères musulmans, qui accusaient jusque-là les nationalistes de l’OLP de ne pas être assez musulmans, les accusent désormais d’être prêts à des concessions envers Israël. Le Hamas se dote d’un bras armé, le Majd, confié à Yahia Sinouar, l’actuel chef du mouvement à Gaza, et élimine des dizaines de rivaux palestiniens, stigmatisés comme "collaborateurs" ou "corrompus". Les militaires israéliens jouent évidemment de ces dissensions pour affaiblir l’intifada, même si Sinouar est arrêté en 1988 et Yassine en 1989. Il faut attendre 1991 pour que le Hamas bascule dans la "lutte armée" contre Israël, avec la création des brigades Ezzedine Al-Qassam, du nom d’un guérillero islamiste, tombé en Galilée en 1935. En Israël même, le Mouvement islamique, également inspiré des Frères musulmans, profite de la tolérance des autorités en faveur des islamistes palestiniens, qui leur paraissent un contrepoids utile face à l’OLP. Il remporte plusieurs municipalités aux élections locales de 1989, mais se divise sur la participation aux législatives de 1996. Sa "branche Nord" refuse de cautionner ainsi les institutions israéliennes, tandis que sa "branche Sud" franchit le pas et en retire les bénéfices actuels, sous l’appellation de Raam. Ce courant légaliste se joint d’abord aux autres "partis arabes", lors de leur record historique de 2019, avec 15 députés à la Knesset, mais il choisit ensuite de faire cavalier seul. Officiellement, la rupture intervient sur la question de la place des homosexuels dans la société arabe, Raam campant sur une position bien plus rigide que ses partenaires progressistes. De fait, Mansour Abbas préfère négocier le soutien de ses seuls députés pour être le seul crédité des mesures à prendre en faveur de la minorité arabe. Pour l’heure, Mansour Abbas reconnaît "avoir des préoccupations communes avec les partis juifs religieux et la droite conservatrice". Un tel rapprochement au nom de valeurs partagées a beau sembler paradoxal, il est donc loin d’être une nouveauté dans l’histoire des islamistes palestiniens».
Hier, l'intellectuel algérien Saïd Djabelkhir a été condamné à 3 ans de prison ferme pour "offense à l'islam". La loi actuelle de son pays (via, en particulier, son sinistre article 144 bis du Code Pénal) punit en effet de trois à cinq ans d'emprisonnement et/ou d'une amende de 50 000 à 100 000 dinars (309 à 618 euros) "quiconque offense le Prophète ou dénigre le dogme ou les préceptes de l'islam, que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen".
Saïd Djabelkhir ne recevra sans doute pas, de ce côté de la Méditerranée, en France, un soutien excessivement massif de la part de celles et ceux trop affairéEs, au quotidien, du haut de leur chaire universitaire de sociologie, à fustiger plutôt tous «les arabes de service néo-orientalistes» (ou «néo-colonialistes», au choix) coupables d'oser défendre au bled la liberté de penser et de conscience (on se souviendra, avec rage, à ce sujet, des mésaventures récentes de Kamel Daoud). Nous tenions, donc, modestement, à l'assurer ici de notre soutien et de notre admiration, notamment pour le courage physique et intellectuel (ce qui est la même chose) dont il aura fait preuve en cette affaire. Nous tenions également à revenir, pour clarifier les choses aux yeux du public français, sur cette fameuse histoire dite de la Fatwa de la tétée des grands, ayant eu en son temps un tel écho en terre d'islam, et dont le traitement critique, par Saïd Djabelkhir, aura justement (voir la vidéo ci-dessus) constitué l'un des quatre motifs explicites de la persécution judiciaire s'abattant aujourd'hui sur lui.
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«Le 22 mai 2007, le monde musulman a été frappé de stupeur et d'hilarité par une fatwa, diffusée depuis l'université Al-azhar au Caire, le plus grand centre de théologie sunnite, appelée la fatwa de la tétée des grands. Deux imams parmi les professeurs ont émis un avis selon lequel la femme pourrait désormais enlever son voile et être seule avec un collègue dans un bureau, à condition de l'avoir allaité à cinq reprises en lui donnant "directement son sein". Les auteurs expliquent que "le fait qu'elle lui donne le sein est considéré comme un acte maternel qui empêcherait tout acte sexuel entre les deux."
Il faut rappeler, en effet, qu'en islam l'allaitement crée un lien de parenté justiciable de l'interdit de l'inceste, autrement dit deux enfants allaités par la même femme deviennent frères et sœurs, et l'allaitante leur mère. Dès lors, l'interdit de l'inceste s'applique entre eux, au même titre que s'il y avait parenté par le sang.
Cette fatwa de la tétée des grands, lancée depuis un lieu de haute autorité de l'islam, a provoqué pendant des semaines, chez les musulmans sur toute l'étendue du globe, dans les médias et sur les réseaux sociaux, des flots de commentaires indignés et moqueurs, des protestations et des déplorations, y compris venant d'autres institutions islamiques. Il y eut même le projet d'une campagne menée par des femmes ― on ne sait si c'est pour rire ou s'insurger ― présentant des slogans tels que I don't give my milk ("Je ne donne pas mon lait") ou bien No milk for guys ("Pas de lait pour les mecs").
Les humoristes s'en sont bien sûr donné à cœur joie, mais pas seulement eux, des journaux sérieux ayant témoigné des efforts de cette fatwa, par exemple : "En vous rendant dans une administration publique, vous ne devriez pas être surpris si vous tombez sur un fonctionnaire de 50 ans en train de téter sa collègue." (cité dans "Fatwa de la tétée", islam.faq.free.fr). Ou bien : "Aujourd'hui, un employé a déclaré à l'une de ses collègues qu'il voulait sa tétée avec du café." Ou encore : "On ne peut téter en open space, il faut créer des salles de tétée dans les entreprises."
Un quotidien algérien rapporte : "Des époux exigent de leurs épouses d'allaiter les amis, pour éviter toute relation ambiguë. Ils les forcent à leur donner le sein pour nouer une affiliation familiale par le lait, empêchant ainsi toute relation illicite" (cité dans "Algérie : la fatwa sur "l'allaitement des grands", forum-religion.org, 4 janvier 2014). Des imams vont se porter au secours de ces femmes par des contre-fatwas opposées à l'allaitement des grands.
Un autre journal rapporte le cas "d'un homme d'affaires, qui a demandé conseil quant à la légalité de cette fatwa, car il voulait l'exploiter pour téter son employée. Faut-il donc modifier le code du travail ?" (cité dans "Une fatwa incroyable", bladi.info, 28 septembre 2007).
Selon un théologien d'Al-azhar, cette fatwa ne serait qu'une mauvaise interprétation d'un "cas particulier" au temps du Prophète, lequel aurait en effet conseillé à une femme d'allaiter son fils adoptif, alors adulte, pour devenir ainsi sa mère de lait, après l'interdiction de l'adoption dans l'islam.
D'où le fait qu'un cheikh plus moderne, ou comme on dit aujourd'hui un "musulman modéré", a proposé qu'on ne boive pas le lait directement au sein, mais dans un verre, ce qui suppose de traire mécaniquement les femmes. Cependant, l'objection à cette proposition est que le hadith (parole rapportée du Prohète) ne mentionne pas cette possibilité, étant donné que, dans l'Arabie du VIIè siècle, il n'existait pas de pompes à lait.
Le Haut Conseil d'Al-azhar, réuni en urgence, avait beau suspendre les auteurs de la fatwa, qui se sont rétractés entre-temps, de leurs fonctions d'enseignant, cela n'a pas mis fin pour autant à l'affaire. Des sites salafistes qui délivent des fatwas à flux tendu s'étaient déjà emparés du problème, depuis longtemps. Ainsi, sur le site "La Mouslima Salafiya", relayant un organisme appelé "Comité permanent des recherches scientifiques islamiques et de l'Iftâ’ ", on trouve, parmi des dizaines de milliers de fatwas en libre accès, celles-ci (cf "Quelques fatwas sur l'allaitement", lafemmesalafiya.eklablog.com, 29 avril 2013) :
―Fatwa 4668. Question : "L'échange d'allaitement entre musulmans et chrétiens est-il permis ?" Réponse : "Cela est permis." Voilà donc un beau procédé pour élargir la fraternité monothéiste.
―Fatwa 16932. Question : "Il a tété la grand-mère avec le père de son épouse ?" Réponse : "Cela n'est pas permis".
―Fatwa 16644. Question : "Son mari la tète par force, quel est l'avis religieux sur cela ?" Réponse : "Elle ne devient pas illicite pour son mari".
―Fatwa 1719. Question : "Une femme a trait du lait de son sein dans l'oreille d'un petit garçon ; il désire épouser la fille de cette femme : cela est-il permis ?" Réponse : "Cela est permis."
On ne sait pas ce que cette femme voulait faire entendre à ce petit garçon, mais toujours est-il que l'on reste dans la logique qui gouverne le déchaînement des fatwas dans le monde musulman contemporain, car l'oreille est un orifice ; or un grand nombre de fatwas, parmi les centaines de milliers qui sont reprises par les médias et sur Internet, concernent les orifices corporels et les femmes. (...)
Une fatwa-folie s'est donc déchaînée partout, sans limites, touchant les questions les plus graves et les plus futiles, et même des personnages fictifs. Ainsi Mickey Mouse, le personnage des enfants de toute ma génération, dont nous pouvions lire les bandes dessinées en arabe sans problème, a fait l'objet d'une fatwa émise par un prédicateur, Al-Mounajid, qui apparaît souvent sur les chaînes de télévision saoudiennes et sur Al-Jazira. Dans sa condamnation de Mickey, il dit : "La charia requiert l'extermination de toutes les souris, y compris les rongeurs et la célèbre souris du dessin animé " (cf "Égypte : Mickey Mouse n'est pas un agent de Satan", www.lapresse.ca, 26 septembre 2008). Le prédicateur a lancé cette fatwa contre la souris de Walt Disney, considérée comme un "agent de Satan". Cette espèce animale étant considéré comme "impure", il a étendu la condamnation à Jerry qui échappe toujours à Tom.
Une souris qui échappe toujours au contrôle, cela ne nous éloigne pas de l'enjeu autour des orifices, comme nous le savons depuis le cas princeps de "l'homme aux rats", à partir duquel Freud dégagera les mécanismes obsessionnels, dont le fantasme d'intrusion anale des souris. Dire de la souris de Walt Disney qu'elle est "un agent de Satan" confirme ces fantasmes d'intrusion et d'impureté, puisque les orifices corporels sont les lieux privilégiés de la circulation satanique dans la mythologie islamique ; et si on se rappelle que Satan est un être de feu, il devient évident que cette circulation énergétique orificielle correspond bien à ce que nous appelons en psychanalyse "pulsions".
On trouve chez les auteurs musulmans une parfaite illustration de cette théorie démonologique des pulsions (dont Freud disait qu'elle était plus proche de la psychanalyse que les théories scientifiques des instincts) à travers cette littérature très populaire qu'on appelle "la littérature jaune" (à cause de la couleur du papier utilisé pour son impression). Ainsi, al-Hanafi (XVIè siècle) écrit dans l'un de ses opuscules : "Lorsque Dieu créa l'homme d'argile, en attendant qu'il lui insuffle une âme, Satan se moquait de lui en jouant à pénétrer par sa bouche, à sortir par son anus et l'inverse. Il empruntait de la même manière d'autres orifices : oreilles, nez, etc, tout en disant à Dieu : "Voyez ce que je fais de la créature que vous m'avez préférée et devant laquelle vous me demandez de me prosterner."
Ainsi, originairement, la corporéité humaine est exposée à l'effraction démoniaque et à sa moquerie, et le restera tant que l'âme n'en contrôle pas les accès que sont les orifices de telle façon que l'on peut dire que les pulsions constituent mythologiquement l'ironie du corps humain et de sa dignité d'élection divine. C'est ce qui appelle la purification scrupuleuse, telle que l'islam en a fait une conquête incessante, au point que ce monothéisme nous paraît se distinguer des autres par une obsession de la pureté excessive, sous le versant de la propreté exigée dans les cinq prières qui balisent la journée. De très nombreux traités ont été consacrés aux moindres faits corporels susceptibles de créer un état d'impureté.»
(Fethi Benslama, Un furieux désir de sacrifice, 2016)
«On connaît le propos que Dostoïevski fait tenir à l’un des frères Karamazov : si Dieu n’existe pas, alors tout est permis. Une idée apparentée est que les croyances religieuses, qu’elles soient vraies ou fausses, permettent aux hommes et aux sociétés qui les entretiennent de s’élever d’une façon inaccessible à celles et ceux qui ne croient pas. D’après le mathématicien et philosophe anglais William Clifford (1845-1879), rien de tout cela n’est vrai. Ainsi qu’il le défend à Londres en 1876 dans une conférence intitulée "L’éthique de la croyance", le déclin de la religion est au contraire l’occasion de rendre l’humanité moralement meilleure. Plus encore : il n’est plus possible de croire sans immoralité. Son texte deviendra vite un classique ; en 1897, William James (1842-1910), philosophe et psychologue, entreprend de le réfuter. Dans "La volonté de croire", il veut légitimer les croyances les plus improuvables, du moment qu’elles répondent à nos besoins passionnels, tel celui "que le monde soit religieux". Historiquement, la réponse de James emporta la conviction de nombreux lecteurs dans sa tentative de concilier science et religion. Mais philosophiquement, il se pourrait bien que Clifford ait eu raison et que son éthique de la croyance d’après laquelle "on a tort, partout, toujours et qui que l’on soit, de croire sur la base d’éléments de preuve insuffisants" s’avère une boussole pour quiconque n’a pas renoncé à "se servir de son entendement" ».
«Une jeune femme a adressé une lettre ouverte au musée d'Orsay dans laquelle elle explique qu'on lui a refusé l'entrée, mardi après-midi, à cause de sa robe. Le motif avancé par les agents du musée parisien ? Un décolleté trop plongeant. Selon son témoignage, un agent de sécurité lui explique que "les règles sont les règles"».
(La Dépêche, 10 septembre 2020 après leur origine du monde)