«La maternité est devenue l'aspect le plus glorifié de la condition féminine. C'est aussi, en Occident, le domaine dans lequel le pouvoir de la femme s'est le plus accru. Ce qui est vrai depuis longtemps à propos des filles, cette emprise totale de la mère, l'est devenu à propos des fils. La maman sait ce qui est bon pour son enfant, on nous le répète sur tous les tons, elle porterait intrinsèquement en elle ce pouvoir stupéfiant. Réplique domestique de ce qui s'organise dans le collectif : l'Etat toujours plus surveillant sait mieux que nous ce que nous devons manger, boire, fumer, ingérer, ce que nous sommes aptes à regarder, lire, comprendre, comment nous devons nous déplacer, dépenser notre argent, nous distraire. Quand Sarkozy réclame la police dans l'école, ou Royal l'armée dans les quartiers, ça n'est pas une figure virile de la Loi qu'ils reproduisent chez les enfants, mais la prolongation du pouvoir absolu de la mère. Elle seule sait punir, encadrer, tenir les enfants en état de nourrissage prolongé. Un Etat qui se projette en mère toute-puissante est un Etat fascisant. Le citoyen d'une dictature revient au stade du bébé. Langé, nourri et tenu au berceau par une force omniprésente, qui sait tout, qui peut tout, a tous les droits sur lui, pour son propre bien. L'individu est débarrassé de son autonomie, de sa faculté de se tromper, de se mettre en danger. C'est ce vers quoi notre société tend, possiblement parce que notre temps de grandeur est déjà loin derrière nous, nous régressons vers des stades d'organisation collective infantilisant l'individu. Dans la tradition, les valeurs viriles sont les valeurs de l'expérimentation, de la prise de risque, de la rupture avec le foyer. Quand de toutes parts la virilité des femmes est méprisée, entravée, désignée comme néfaste, les hommes auraient tort de se réjouir, ou de se sentir protégés. C'est autant leur autonomie que la nôtre qui est remise en cause. Dans une société libérale de surveillance, l'homme est un consommateur comme un autre et il n'est pas souhaitable qu'il ait beaucoup plus de pouvoirs qu'une femme».
(Virgine Despentes, King Kong Théorie)
On devrait jamais quitter la Croix Rousse.
RépondreSupprimerNi le punk-rock.
SupprimerAh, elle était des bords de Saône ?
RépondreSupprimerDe Nancy, au départ. Mais elle évoque sa période lyonnaise comme un moment pas trop désagréable de sa vie (pour moult raisons) dans cet ouvrage de réflexion très stimulant qui est aussi un essai biographique (King Kong Théorie).
SupprimerDu temps où elle bossait chez le disquaire Gougnaf de la rue Burdeau (69001) pour être précis.
SupprimerMerci pour ces précisions. J'avais lu KK Théorie, il y a quelques années, qui m'avait fait forte impression - un texte très stimulant, en effet, et que j'ai souvent recommandé aux ami(e)s.
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