lundi 17 août 2020

Contre Julien Freund (et tous les autres démocrates pour rire...)




«Grâce en soient rendues à l'importance qu'avait encore récemment la culture classique dans notre enseignement secondaire et supérieur, la référence à Platon n'est pas chez Julien Freund implicite ou inconsciente mais parfaitement explicite : 

"Si nous analysons l'essai de démocratie directe inaugurée par les étudiants lors des événements du printemps 1968, nous ne pouvons pas ne pas songer à ce que Platon écrivait à ce propos dans le livre VIII de la République" (Freund, L'essence du politique, p.13). 

Le texte visé est probablement celui-ci : 

"La même maladie...qui, née dans l'oligarchie, a causé sa ruine, naissant ici aussi de la liberté, s'y développe avec plus de force et de virulence et réduit à l'esclavage l'état démocratique ; car il est certain que tout excès amène généralement une violente réaction, que ce soit dans les saisons, les plantes ou les corps, et dans les gouvernements plus que partout ailleurs" (République, VIII, 563e-564a).

"Cette complaisance [écrit encore J. Freunddes démocraties à la violence est aussi vieille que l'histoire... Elle affaiblissait les Athéniens devant la menace de Philippe" (ibid.)

Ici, l'historien de l'Antiquité s'étonne, car la démocratie athénienne n'était plus, au IVe siècle, ni violente ni activiste. C'est du manque de conscience civique de ses concitoyens, de leur "passivité" que se plaint constamment Démosthène. Mais précisément, pour Julien Freund, il convient de distinguer le politique, qui est une essence, et la politique qui est une activité envahissante et, à la limite, destructrice du politique. Qu'en est-il de la démocratie dont le concept proprement politique est l'égalité ?

"Même en démocratie, le danger consiste à faire de la politique pour elle-même, ce qui veut dire considérer toutes les choses sous l'angle exclusif de la démocratie... Chercher à tout démocratiser n'est qu'une des manières de tout politiser" (Freund, op. cit., p. 30).

Laissons donc la démocratie à son seul secteur qui est le politique. Ni l'université, ni, je suppose, l'entreprise ne relèvent de la démocratie.

"La démocratie est par essence et par définition un régime politique et non point un régime scolaire ; en conséquence la pédagogie est soumise aux présupposés et aux lois de l'éducation et non à celles de la politique ou de l'économie..." (id., p. 80)

Platon vivait dans une démocratie esclavagiste où seuls les hommes pouvaient être citoyens, les femmes étant, comme les esclaves, bien que pour d'autres raisons, écartées de la vie politique. Ajoutons qu'Athènes n'a connu de son temps ni révolte servile sérieuse, ni révolte féminine. La logique de la démocratie ne lui en inspirait pas moins de très sérieuses et très remarquables inquiétudes : 

"Le dernier excès où atteint l'abus de la liberté dans un pareil gouvernement, c'est quand les hommes et les femmes qu'on achète ne sont pas moins libres que ceux qui les ont achetés. J'allais oublier de dire jusqu'où vont l'égalité et la liberté dans les rapports des hommes et des femmes" (Platon, République, VIII, 563b). 

Platon n'était pas démocrate, au contraire de Julien Freund, mais le danger que représente un débordement de la démocratie hors du politique est perçu de façon semblable. Il est remarquable que ceux des marxistes qui parlent d'une "démocratie formelle", qu'il est loisible de supprimer pour installer la "démocratie réelle" au niveau socio-économique, font, en réalité, exactement le même raisonnement. Comme l'écrit fort justement Claude Lefort : 

"On est en droit de se demander, à considérer l'histoire récente, si là où une démocratie bourgeoise n'a jamais réussi à s'implanter, il y a quelque possibilité de créer des formes démocratiques nouvelles, ou s'il n'y a pas comme un accroc irréparable dans le tissu social. Peut-être devrait-on observer que cette démocratie, si formelle soit-elle, a un effet d'entraînement nécessaire dont une société ne peut se passer sans danger" (in Éléments pour une critique de la bureaucratie, p. 332).»

    (Pierre Vidal-Naquet, Préface à Démocratie antique et démocratie moderne, de Moses I. Finley, 1976)

8 commentaires:

  1. Félicitations, Le Moine, pour la fraicheur de ses rappels salvateurs concernant la démocratie. Bravo également pour la mention de l'ouvrage central de Finlay, Démocratie antique et démocratie moderne. Cela est d'autant mieux vu que l'historien traite, dans la première partie de son essai, de l'apathie et de la participation en régime démocratique, la première étant clairement dénoncée, dans notre monde, avec l'aide notamment de l'expertise et de l'infantilisation généralisée, comme un mode de gestion gouvernementale et étatique essentiel à la survie des dirigeants. C'est au fond ce que souhaite ce pauvre Freund, mais c'est aussi ce qui aurait provoqué le dégout et l'horreur de n'importe quel citoyen athénien ordinaire...
    Concernant Platon, certes, il ne fut jamais démocrate. On lui doit cependant, à travers ses premiers dialogues dans le Protagoras, l'exposé sans doute le plus puissant et le plus beau avec l'oraison funèbre de Péricles dans Thucydide, de la définition de la démocratie athénienne. (Nous laissons à vos ouailles le soin de chercher, par eux-mêmes, le discours de Protagoras...). Là encore, la chose est d'autant plus remarquable que l'ouvrage du philosophe est destiné à ruiner la visée des sophistes et de leurs enseignements. L'attaque a eu la postérité historique que l'on connait... Mais c'est au prix d'une énorme confusion et de l'ignorance totale de leurs rôles, indispensables, dans la vie démocratique grecque. Comme le souligne Finlay dans son essai, Platon, à travers la bouche de Socrate, "utilise moqueries, parodies, voire tricheries, à un degré tout à fait rare dans le corpus platonicien".
    Mais les grecs, au final, qui s'en soucie ? A l'instar de certains marxistes fossilisés, les matinaux du lundi continuent à croire que la résolution du problème social entrainera de facto la dissolution du problème politique... Les pauvres... Quant aux intersectionnalistes et autres indigénistes, ils ont moins le mérite de la saloperie et de la clarté : les grecs ? Athènes ? L'universalisme grec légué avec l'œuvre historique de Thucydide et celles des philosophes, pour ne parler que d'eux ? Une simple invention de mâle blanc, dont la teneur et la portée ne valent pas plus, voire moins, que les croyances ancestrales des descendants écrasés de couleurs d'aujourd'hui... A pleurer.

    Colin

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    1. Pour ce qui est de votre premier paragraphe, oui : Finley (proche de l'école de Francfort) est rafraichissant, en milieu lénino-marxiste sectaire, prompt à rabaisser la démocratie ("formelle"), à la charger a priori de tous les maux, alors que Marx lui-même avait plutôt à coeur (nous semble-t-il) d'insister sur le MENSONGE - le décalage - de la société bourgeoise réelle relativement à ses idéaux "de droit" proclamés. Conclusion : le communisme aurait alors pour but de réaliser lesdits idéaux : faire passer la justice et l'égalité dans la réalité (ceci sans dévaloriser pour autant l'idée, ou la "forme" juridique elle-même).
      Finley ne fait là (brillamment) que reprendre, en l'assumant comme helléniste marxien, la fameuse contradiction posée avant lui par Benjamin Constant entre "liberté des Anciens" (participation politique) et "liberté des Modernes" (droits individuels privés). Les crétins intersectionnels participant, bien évidemment, de cette dernière sans s'en rendre compte.
      Pour ce qui est de Platon, oui encore : vous avez raison. La définition de la démocratie par Protagoras est magnifique (on est toujours, en gros, plus intelligent et savant à plusieurs que tout seul). L'erreur serait de croire que Platon attaque les "sophistes" en général : il n'en est rien. C'est en réalité "l'éristique" que Platon condamne, et une variété bien spéciale de sophistes, que l'on pourrait rapprocher de nos maîtres de "Sciences-Po" ou de l'ENA actuels, enseignant à pouvoir causer de tout et de son contraire avec aplomb et sans problèmes dans la même minute. La génération de "sophistes" du 4ème siècle n'a rien à voir avec les Sages du 5ème du type Protagoras ou Gorgias, avec lesquels, d'ailleurs (vous l'avez sans doute noté) les rapports sont toujours remarquablement respectueux et cordiaux entre eux et Socrate, dans les Dialogues platoniciens concernés. C'est davantage les Calliclès et Thrasymaque que Platon tient dans son viseur. Protagoras était le pote de Périclès (qui l'avait chargé de rédiger un projet de Constitution) : il était lié au parti démocrate, pas aux oligarques. Périclès notait, lui, qu"un homme qui ne fait pas de politique est un citoyen inutile" (Thucydide). Rappelons que c'est pour avoir dit que "l'homme (et non les dieux) est la mesure de toutes choses" (en somme pour athéisme, ou au moins : agnosticisme) qu'il avait été condamné et forcé à l'exil, comme Socrate fut lui-même condamné à mort.
      Dernière chose : l'Académie de Platon était en concurrence directe avec l'école d'Isocrate, chez qui les rapports entre rhétorique et philosophie étaient, disons, fluctuants (le sujet serait un peu long à traiter ici). Les piques contre les "sophistes" sont sans doute aussi un peu dirigées contre ce rival.
      Mais quand le très anti-démocrate (lui, pour le coup !) Aristophane attaque les "sophistes", lui, on a la preuve définitive qu'il met tout le monde dans le même sac (puisque dans les "Nuées", Socrate est lui-même présenté comme "sophiste" bavardeur). Platon le rappelle dans "L'apologie de Socrate". Les pièces d'Aristophane étant autorisées, donc validées par l'élite "anti-démocratique" de l'Athènes du tournant 5-4ème siècle. Il y aurait donc une certaine identité de vues (certes inconsciente) entre les "grands" sophistes et Platon, ce dernier, une fois encore, n'attaquant que les néo-sophistes : les arrivistes éristiciens.

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    2. @ Colin (encore) : Voilà sûrement le passage du "Protagoras" auquel vous pensiez :

      " (Prométhée) pénètre subrepticement dans l'atelier qui était commun à Athêna et à Hèphaïstos et où tous deux pratiquaient leur art, et, après avoir dérobé l'art de se servir du feu, qui est celui d'Hèphaïstos, et le reste des arts, ce qui est le domaine d'Athêna, il en fait présent à l'homme. Et c'est de là que résultent, pour l'espèce humaine, les commodités de la vie [322a] mais, ultérieurement, pour Prométhée, une poursuite comme on dit, du chef de vol (...) »
      Or, puisque l'homme a eu sa part du lot divin, il fut, en premier lieu, le seul des animaux à croire à des Dieux; il se mettait à élever des autels et des images de Dieux. Ensuite, il eut vite fait d'articuler artistement les sons de la voix et les parties du discours. Les habitations, les vêtements, les chaussures, les couvertures, les aliments tirés de la terre, furent, après cela, ses inventions. Une fois donc qu'ils eurent été équipés de la sorte, les hommes, au début, vivaient dispersés: il n'y avait pas de cités; ils étaient en conséquence détruits par les bêtes sauvages, du fait que, de toute manière, ils étaient plus faibles qu'elles; et, si le travail de leurs arts leur était d'un secours suffisant pour assurer leur entretien, il ne leur donnait pas le moyen de faire la guerre aux animaux; car ils ne possédaient pas encore l'art politique, dont l'art de la guerre est une partie. Aussi cherchaient-ils à se grouper, et, en fondant des cités, à assurer leur salut. Mais, quand ils se furent groupés, ils commettaient des injustices les uns à l'égard des autres, précisément faute de posséder l'art d'administrer les cités; si bien que, se répandant à nouveau de tous côtés, ils étaient anéantis. C'est alors que Zeus, craignant pour la disparition totale de notre espèce, envoie Hermès porter aux hommes le sentiment de l'honneur et celui du droit, afin que ces sentiments fussent la parure des cités et le lien par lequel s'unissent les amitiés. Sur ce, Hermès demande à Zeus de quelle manière enfin il donnera aux hommes ce sentiment du droit et de l'honneur: «Faut-il que, cela aussi, j'en fasse entre eux la distribution de la même façon qu'ont été distribuées les disciplines spéciales ? Or, voici comment la distribution s'en est faite : un seul individu, qui est un spécialiste de la médecine, c'est assez pour un grand nombre d'individus étrangers à cette spécialité; de même pour les autres professions. Eh bien ! le sentiment du droit et celui de l'honneur, faut-il que je les établisse de cette façon dans l'humanité ? ou faut- il
      que je les distribue indistinctement À TOUS ? (SOULIGNÉ PAR NOUS) » «À TOUS INDISTINCTEMENT (id.), répondit Zeus, et qu'ils soient tous au nombre de
      ceux qui participent à ces sentiments !
      Il n'y aurait pas en effet de cités, si un petit nombre d'hommes, comme c'est par ailleurs le cas avec les disciplines spéciales, participait à ces sentiments".

      (Platon, "Protagoras", 322a)

      La vertu démocratique offerte (via la capacité de discussion, c'est-à-dire la capacité "logique") par Zeus aux hommes, comme leur lot spécifique (naturel). Aristote reprendra largement cette idée.

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    3. Précisément cher Moine.
      Mais vous êtes trop gentil avec vos ouailles. Sans soupçon de protestantisme, pour savoir gouter à des choses si divines -en l'occurence ce récit mythique de Protagoras-, il est bon parfois que le fidèle y mette du sien sans intermédiaire aucun...
      Voilà en tous cas ce qu'une époque ultra spécialisée, déprimée et globalement apathique politiquement (grande crainte de Tocqueville pour en citer un autre), n'est toujours pas prête à entendre...
      Colin

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  2. Dans Le Politique - 310a à 311b, qui aurait été écrit entre 367 et 357 av. J.-C. —, L’Étranger opère une dichotomie des trois formes de gouvernement idééls : pouvoirs d’un seul, de plusieurs, de tous. Il ouvre ainsi l’ensemble de la tradition constitutionnelle sous laquelle nous catégorisons encore classiquement la réflexion politique par ces oppositions entre de bons et de mauvais ou d’efficients ou d’inefficients pouvoirs respectivement d'un seul, de plusieurs, de tous.

    Mais, surprise !, pour ce qui concerne le pouvoir de tous, la démocratie, il ne retient qu’un seul nom, bien que cette dichotomie l'atteigne, elle aussi. (302d, traduction É. Chambry, éd. Garnier-Flammarion)

    "- L’Étranger : (...) et le gouvernement de la multitude [donnait naissance] à ce que nous avons appelé du nom unique de démocratie ; mais à présent il nous faut aussi la tenir pour double.

    - Socrate le jeune : Comment donc, et d'après quel principe la diviserons-nous ?

    - L’Étranger : D’après le même exactement que les autres, eût-il déjà un double nom. En tout cas, on peut commander selon les lois ou au mépris des lois dans ce gouvernement, comme dans les autres.

    (...303b)

    - L’Étranger : Pour ce qui est de la multitude, tout y est faible, et il ne peut rien faire de grand, ni en bien, ni en mal, comparativement aux autres [gouvernements], parce que l’autorité y est répartie entre beaucoup de mains. Aussi, de tous les gouvernements, quand ils sont soumis aux lois, celui-ci est le pire, mais, quand ils s'y dérobent, c’est le meilleur de tous ; s'ils sont déréglés, c’est en démocratie qu'il fait le meilleur vivre ; mais s’ils sont bien ordonnés, c'est le pire pour y vivre (...)".

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    1. Que Platon ne soit pas démocrate, qu'il tienne même ce type de gouvernement en haine (après tout, ce sont les démocrates qui auront tué son maître bien-aimé, pas les Trente Tyrans), aucun doute là-dessus.

      Mais que certaines de ses critiques adressées à la démocratie NOUS intéressent aujourd'hui, c'est ce dont témoignent les réflexions, sur ce sujet, de la toujours très précieuse Annick Stevens, dans un article ("la démocratie vue par ses inventeurs") dont voici les coordonnées : http://www.refractions.plusloin.org/spip.php?article78

      " Son affirmation d’une inégalité naturelle des capacités entre les individus est simplement basée sur l’évidence de l’observation. Non qu’il ignore à quel point l’enseignement développe ces capacités, mais il constate que certains enfants, dès leur plus jeune âge, apprennent vite tandis que d’autres arrivent difficilement à un niveau élémentaire. Je crois que nous ne devons pas, comme c’est le cas trop souvent, considérer cette question comme un tabou. Ce n’est pas en niant les différences de capacités que nous ferons accéder tous les enfants au meilleur d’eux-mêmes. L’enseignement doit être individualisé, pour s’adapter aux intérêts, aux motivations, aux efforts et aux difficultés, toutes choses différentes selon les enfants. En ce qui concerne le savoir intellectuel et manuel, que chacun s’oriente selon ses propres désirs et aptitudes ne pose aucun problème ; seul le savoir pratique (éthique et politique) doit être partagé par tous si nous voulons une vraie démocratie.

      En ce qui concerne les valeurs revendiquées par la démocratie, la tirade de Platon contre les excès de la liberté (République, 562-564) est pour nous plutôt ridicule et révèle surtout son extrême conservatisme social et moral. Certaines de ses descriptions, cependant, évoquent des travers de la démocratie telle que nous la vivons aujourd’hui. Par exemple, le fait de ne plus accepter la moindre contrainte, ou le fait que les maîtres d’école se mettent à craindre leurs élèves et donc à les flatter. Ces dérives sont typiques d’un système exclusivement libéral, dépourvu de toute autre valeur que la liberté individuelle. De même, sa dénonciation de l’égalité a quelque chose de pertinent quand elle quitte le terrain strictement politique et s’attache au modèle de l’homme démocratique, pour lequel toutes les activités, toutes les jouissances sont égales, qui passe de l’une à l’autre sans avoir aucune ligne directrice dans sa vie. L’obsession de l’égalité a été à l’origine d’une grave dérive à Athènes, celle qui consista à ostraciser, c’est-à-dire à voter le bannissement de tout citoyen qui semblait prendre trop d’influence sur la vie publique. Outre que ce fut souvent un prétexte commode pour se débarrasser d’un adversaire politique, la mesure confond évidemment égalité et nivellement, influence et domination. "
      (Annick Stevens)

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  3. Je ne saurais que m'incliner devant l'érudition forte et joyeuse des 2 commentaires. Pour ce qui est du rapport de Platon et des sophistes, vous avez sans nul doute raison lorsque vous évoquez le point générationnel... Reste que, tout en les prenant au sérieux, il entend clairement marquer néanmoins une distance de nature entre le discours philosophique et la tradition rhétorique des éducateurs, condition même pour lui de l'autonomie et de la spécificité propres de la philosophie. Sur ce sujet, et pour peu que cela intéresse grand monde, on peut se reporter à l'ouvrage de Jacqueline De Romilly, "Les grands sophistes dans l'Athènes de Péricles". Heureux également que le nom de Benjamin Constant apparaisse sur ce blog, surtout lorsque l'on connait l'automatisme doctrinaire et le rejet systématique de certains milieux de gauche à l'évocation de noms et d'ouvrages relevant du camp "opposé". Marx n'avait pas ses œillères, et pour son rapport à la démocratie, rien ne vaut l'extraordinaire "Critique du droit public hégélien" écrit en 1843, texte dont la plupart des marxistes n'ont jamais trop su quoi faire et dire, à part le classer comme simple hors d'œuvre et mise en bouche brillante certes, mais sans conséquence aucune sur la concoction autrement plus sérieuse des plats principaux à venir...
    Enfin, indéniablement, Aristophane était réactionnaire ; mais il fait encore rire, ce qui n'est pas rien... Après tout, et même s’il le confondait précisément avec les sophistes, la description de Socrate par Aristophane comme hippie déjanté et pouilleux en son "philosophoir" où il semble littéralement planer demeure, au-delà de la morale de la pièce, un grand moment comique.

    Colin

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    1. Certes, pour Aristophane : il est à se tordre. Jetons toutefois un oeil à la biographie disons "signifiante" de celui qui rend, en français, possible et réelle une telle puissance comique, son (très grand) traducteur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor-Henry_Debidour

      Pour ce qui est du bouquin de Romilly, notez qu'à la page 208 de celui-ci, l'auteure se livre à une "réhabilitation" fort étonnante de... Trasymaque (le "méchant" de "la République"), présenté comme un très authentique défenseur de "l'intérêt collectif"...

      Hé ouais, ces choses-là sont décidément bien compliquées...

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