jeudi 10 février 2022

Lorsque nous sommes entrés dans le troquet (ce soir)


Sorti ce soir, pour se soûler après le travail, tranquillement. Perturbé dans ce projet, par un trio intempestif de gauchistes, à la table d'à côté. Conversation hystérique. Et bruyante. Les références sont de mise. Ça fuse. Look queer mainstream et idéologiquement de type chimérique : mi-lundi-matin, mi-ex-léniniste d'ouverture (bordiguiste ? trotskiste ? va savoir !), mi-Théorie Communiste (horreur !), concédant pragmatiquement (pour le dernier tiers inclus en question) à ses deux camarades certaines vertus pratiques : des résultats [sic !] incontestables en matière de manifs, d'agitations, de pauvres micro-scandales, bref, en termes de rendement spectaculaire (quoi d'autre, de toute façon, depuis ces Thèses sur Feuerbach qui nous font tant de mal depuis tous ces siècles, avec tous ces cons et leur obsession praticiste ?). Pour la substance des choses, ces gens (faut l'savoir, hein !) sont littéralement, qu'on le sache, obsédés par les nazis et leur activité concrète du moment : les nazis contemporains groupusculaires, donc, les Zouaves, leurs conflits, leurs scissions, leurs (Z)emours et ainsi de suite.  Babillage très pénible, par exemple (table distante de moins d'un mètre de la nôtre, on le précise ! Bonjour la discrétion des échanges blanquistes conspirationnistes...) concernant les dernières bastons en cours et toutes les autres, prévues (ces trois maigrichons frustrés, tu parles, ça doit pas s'entraîner souvent, tout ça). Alors ? Qui gagne, ces temps-ci ? Qui est le plus fort ? La Jeune Garde de M. Raphael Arnault ? la bande de M. Bernanos et de ses camarades ? La section pro-ukrainienne de Ouest Casual ou plutôt les grand-russes ? Et pourquoi, au juste ? Et qui couche avec qui ? Soral fréquente-t-il vraiment les backrooms aussi régulièrement qu'on le prétend ? Serge Ayoub vaut-il à ce point le coup ? À quels antifas peut-on parler, exactement, sans risquer de s'en manger une ? Plutôt bourrés, pas bourrés ? Quels sont, de manière générale, les antifas les plus accessibles ? Les moins accessibles ? Que faire ? (comme disait l'autre) et avec qui ? Surtout : comment s'organiser ? Comment monter des réseaux ? (les fascistes disent, eux : des équipes). Voilà. Voilà de quoi parlent les gauchistes aujourd'hui. Voilà ce qui les tient. Et voilà (ce qui est beaucoup plus grave) ce qui nous gave, ce qui nous gâche nos débuts de soirée dans des bars pourtant choisis (du moins le pensions-nous niaisement) avec pertinence pour leur remarquable impersonnalité. Ensuite, les mecs enchaînent sur leur projet de thèse, à Saint-Denis. Pendant un quart d'heure. Sans déconner. Non mais vous imaginez le cauchemar ? Débarquer dans un bordel pareil alors qu'on y était entré juste pour boire un godet ? À vous faire regretter les Trotskids, décidément, et leurs patrons de bistrot bretons à l'ancienne (du temps où Zemmour gisait presque encore à l'état de projet dans les couilles de son père, du côté de Montreuil). Ces patrons de bistrots, fantasmés ou pas, mettaient au moins un peu d'ambiance dans le refus de vous accueillir et de vous aimer, en dépit de vos thunes proposées. Ceux d'aujourd'hui sont dramatiquement tolérants. Va falloir trouver d'autres lieux. Mais ça n'existe pas.

15 commentaires:

  1. Les thésards n'ont fait qu'assimiler, il faudrait qu'ils se taisent.

    De nos tristes jours, dans un local, où on ne peut plus fumer, on s'y attendrait ; mais dans un rade, où on ne peut plus fumer non plus, là, c'est être pris en traitre. La clope a cet avantage que le temps d'inspirer, on ferme sa gueule.

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    1. Les mecs sortaient bien pour fumer : très souvent, même. Mais un par un, hélas ! En sorte que ça jactait toujours, par roulements continus.

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    2. Ça jactait donc à jet continu de leur grand "nous", même pas des petits par intermittence. Bienveillants, en plus ?

      Même pas l'avantage pervers du fumer dehors : le plaisir d'écouter deux des trois "mi-", alternativement, casser du sucre sur l'idéologie du troisième "mi-" momentanément absent ! Sale temps.

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    3. Vous savez : les conversations de ce genre sont des sortes de structures qui s'autogèrent. Déplacements, condensations, tout ça. Elles n'ont que des porteurs (lesquels peuvent donc aller pisser ou fumer à volonté), pas de sujets, pas d'auteurs. D'ailleurs, qu'est-ce qu'un auteur ?

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    4. Ah ben oui... suis-je rêveur du je qui sourd universellement, moi, aussi ! J'en omettais la communauté principale des agents du général Intellect. Inconscient que je suis.

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    5. Le problème du Träger, en l'espèce, c'est qu'il veut sa Lager.
      En même temps que nous, et à deux mètres, hélas !

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  2. N'a-t-on pas le récemment dans un bar "Interdiction de tenir des propos sexistes, homophobes, racistes et (sic) grossophobes" ? Même si la cause semble juste, on aurait aimé avoir le choix de ses engueulades avec ses voisins de zinc.
    De toute façon, c'est devenu hors de prix de se biturer gentiment et encore heureux quand on tombe sur un rade où on n'a pas l'idée saugrenue d'exiger l'ausweiss vaccinal.

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    1. Les tenanciers de bistrot kabyles font ça très bien, souvent. Du coup, le problème c'est qu'ils se retrouvent souvent avec de la clientèle pénible, genre conspis d'esstremegôche. Ou comment avoir le défaut de ses qualités.

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  3. C'est tout à fait ça. Longtemps que je pense qu'en France y'a trop de gôchisses et pas assez de Kabyles.

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  4. Entendu dans un rade : «tu m'as pris pour un mélanchoniste ou quoi ?»

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    1. Ce qui n'empêche pas que cela s'écrive avec un E (mélenchon)...

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    2. "La mélancholie est l'illustre compagnon de la beauté (...)" Charles Bas-de-laine.

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    3. "La mélancholie est l'illustre compagnon de la beauté (...)" Charles Bas-de-laine

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  5. Pourtant la racine ne serait pas "mélancolie" !

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