mardi 26 avril 2022
Pendant ce temps-là, chez les intellos de gauche
lundi 25 avril 2022
mardi 19 avril 2022
Allez, les nains ! On vote Alberich !
lundi 18 avril 2022
On efface tout et on recommence !
Et vogue le navire !
Wotan, Loge, Chéreau (1979)
C'est tellement beau. Le mec (Wotan) est un dieu, certes, garant des lois et traités, et de tout ce que vous voudrez d'autre qui fait marcher l'ordre du monde, mais il s'est reconnu pourtant, à quelques scènes de là, comme la plus impuissante des victimes impuissantes. Et il le dit, d'ailleurs, tel quel. Il aime cette part de lui, sa volonté, féminine (la Walkyrie Brünehilde, sa fille), qui le dépasserait enfin dans le sens de ce qu'il désirerait et aimerait, contre la nécessité du monde : sa faiblesse, son amour, réalisés ou non. Il faudrait pour cela qu'un Siegfried valable se pointe, un humain fragile désignant, par cette fragilité et cette innocence même, une nouveauté, un enjeu nouveau. Accessoirement, ce qui est politique, Wotan reconnaît qu'il n'est de ≪droit≫ qui ne naisse de violence, d'usurpation, d'exception : il n'est point de droit qui ne naisse et ne procède d'un en-dehors barbare du droit. Et alors ? Serait-ce une raison de ne pas en souffrir, de ne pas souffrir de cette situation de fait/de droit, d'injustice native, aux termes des exigences contraires et tout aussi impérieuses d'un certain droit naturel qui nous ressemble tous, posant l'égalité entre toutes souffrances et dignités ? MacIntyre, sur ce coup-là, décidément, et à jamais (voyez sa face ruisselante, jouissez-en). Macintyre/Wotan, donc, cédant le triomphe divin au seul dieu éternel qui vaille, celui des vainqueurs libéraux éternels : le Feu, toujours jeune, en son ironie triomphante. Loge. Le personnage principal de la Tétralogie. Celui qui se fout bien (explicitement) de tous les autres cons et connes. Mais a-t-il bien raison, ce feu ? Et existe-t-il (tellement) ?
jeudi 14 avril 2022
Deuxième tour
mercredi 13 avril 2022
De Mélos à Marioupol
Note : on remplacera, dans le passage ci-dessous, les termes ≪Athéniens≫, ≪Athènes≫ respectivement par ≪Russes≫, ≪Moscou≫ ; ≪Méliens≫ et ≪Mélos≫ par ≪Ukrainiens≫, ≪Ukraine≫ ; ≪les Mèdes≫ par ≪Les Nazis, lors de la Grande Guerre Patriotique≫ ; ≪Sparte≫ et ≪Lacédémoniens≫ indifféremment par ≪L'OTAN≫ et, enfin, ≪Philocratès, fils de Déméas≫ par ≪Alexander Dvornikov, le boucher de Syrie≫. Cette série de substitutions effectuées, ledit passage paraîtra soudain prendre une coloration contemporaine du plus haut intérêt. Il est cependant possible (l'Histoire nous le dira très prochainement) que sa fin elle-même en soit à modifier. Et qu'en lieu et place du massacre de Mélos, la célèbre et tragique expédition athénienne de Sicile (415 av. J.-C.) en vienne plutôt à s'imposer, à titre de comparaison efficace avec les événements en cours.
***
≪Les Athéniens. Si vous êtes réunis pour calculer les incertitudes de l'avenir ou pour toute autre raison, au lieu d'examiner simplement la situation actuelle pour sauver votre patrie, nous interrompons tout de suite l'entretien ; sinon, nous parlerons.
Les Méliens. Il est naturel et pardonnable que, dans des circonstances critiques, souvent les paroles et les pensées s'éloignent de la question traitée. Toutefois cette réunion a également pour objet notre salut. Nous consentons donc à engager la discussion sous la forme que vous avez indiquée.
Les Athéniens. Nous n'emploierons pas de belles phrases ; nous ne soutiendrons pas que notre domination serait légitime au motif que nous avons autrefois défait les Mèdes ; ni que notre expédition contre vous aurait pour but de venger les torts que vous nous avez fait subir. Assez de ces longs discours qui n'éveillent que scepticisme ! De votre côté, ne vous imaginez pas non plus nous convaincre en soutenant que vous n'êtes pas entrés en guerre aux côtés de Sparte, que vous avez toujours refusé le conflit avec nous, que vous n'avez aucun tort envers Athènes. Il nous faut ainsi, de part et d'autre, ne pas sortir des limites de ce qui est ; nous savons, et vous savez aussi bien que nous que, dans le monde des hommes, les arguments de droit n'ont de poids que si les forces en présence sont strictement égales de part et d'autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder (...). Ce que nous voulons vous faire comprendre, c'est que nous sommes venus à Mélos pour le bien de notre empire, et que ce que nous allons vous dire maintenant nous sera inspiré par le désir de sauver votre cité. Car nous voulons établir notre domination sur vous sans coup férir et entendons vous épargner dans notre intérêt comme dans le vôtre.
Les Méliens. Et comment pourrions-nous avoir le même intérêt, nous à devenir esclaves, vous à être les maîtres ?
Les Athéniens. Vous auriez intérêt à vous soumettre plutôt que de subir les pires malheurs. Nous aurions avantage, de nôtre côté, à ne pas vous faire périr.
Les Méliens. Si nous restions tranquilles en paix avec vous et non en guerre sans prendre parti, vous n'admettriez donc pas cette attitude ?
Les Athéniens. Non, votre hostilité nous fait à dire vrai moins de tort que votre neutralité ; celle-ci est aux yeux de nos sujets une preuve de notre faiblesse ; celle-là un témoignage de notre puissance (...).
Les Méliens. (...) Nous qui sommes libres encore commettrions donc la lâcheté et l'ignominie de ne pas tout tenter pour éviter la servitude ?
Les Athéniens. Non, si vous délibérez sagement. Car il n'est pas question pour vous d'une lutte d'égal à égal, où votre réputation soit en jeu et où il vous faille éviter la honte d'une défaite. C'est sur votre salut même que vous délibérez et vous avez à vous garder d'attaquer des adversaires bien plus puissants que vous.
Les Méliens. Eh bien ! nous savons que, dans les guerres, la chance tient souvent la balance plus égale qu'on ne s'y attendrait en constatant simplement la disproportion des forces des deux adversaires. Pour nous, céder tout de suite, c'est perdre tout espoir ; agir, c'est nous ménager encore quelque espérance de salut.
Les Athéniens. L'espérance, il est vrai, donne du courage dans les situations critiques ; on peut, quand on a la supériorité, se confier à elle ; elle est alors susceptible de nuire, mais sans causer notre perte. Cependant, ceux qui risquent tout ce qu'ils possèdent sur un simple coup de dés (l'espérance étant naturellement prodigue) ne découvrent la vanité de l'espoir que par les désastres qu'il a tôt fait de leur susciter et, lorsqu'on a ainsi percé à jour l'espérance, celle-ci ne laisse alors plus aucun moyen de se garantir contre ses traîtrises. Vous êtes faibles, vous n'avez qu'une seule chance à courir ; ne tombez pas dans cette erreur (...).
Les Méliens. Nous n'ignorons pas, sachez-le bien, qu'il nous est difficile de lutter contre votre puissance et contre la fortune ; il nous faudrait des forces égales aux vôtres. Toutefois nous avons confiance que la divinité ne nous laissera pas écraser par la fortune, parce que, forts de la justice de notre cause, nous résistons à l'injustice. Quant à l'infériorité de nos forces, elle sera compensée par l'alliance de Sparte, que le sentiment de notre commune origine contraindra, au moins par honneur à défaut d'autre raison, à venir à notre secours. Notre hardiesse n'est donc pas si mal fondée.
Les Athéniens. (...). Mais voyons ! Nous avions convenu de délibérer sur votre salut et constatons pourtant que dans toutes vos paroles, vous n'avez rien dit qui soit de nature à inspirer confiance à un peuple et l'assurer de son salut. Bien au contraire ! Vos plus fermes appuis ne consistent donc qu'en espérances à long terme, et les forces dont vous disposez présentement sont insuffisantes pour vous assurer la victoire sur celles qui, dès maintenant, vous sont opposées. Ce serait la pire des imprudences, si après notre départ vous n'adoptiez pas une résolution plus sage. Vous ne vous laisserez pas égarer par cette obsession de l'honneur qui, si souvent, perd les hommes au milieu de dangers sans gloire et menaçants. Que de gens, sans se faire illusion sur les risques qu'ils couraient, se sont laissés entraîner par l'attrait de ce mot : l'honneur ! Séduits par ce terme, ils sont tombés de leur plein gré dans des maux sans remède. Leur déshonneur est d'autant plus ignominieux qu'il est dû à leur propre folie, et non à la fortune. En délibérant sagement, vous éviterez ce malheur et vous conviendrez qu'il n 'y a rien d'infamant à céder à un État puissant dont les propositions sont pleines de modération, lorsqu'on vous offre de devenir ses alliés et ses tributaires, en vous laissant la propriété de votre sol. Puisque vous avez le choix entre la guerre et votre sécurité, vous ne prendrez pas le plus mauvais parti. Ne pas céder à ses égaux, mais bien se comporter avec les forts et user de modération avec les faibles : voilà les conditions essentielles de la prospérité d'un État. Réfléchissez donc ; après que nous nous serons retirés d'ici, dites-vous et redites-vous encore que c'est votre patrie qui est l'objet de vos délibérations. Elle seule est en cause, et une seule délibération, bonne ou mauvaise, décidera de son avenir".
Là-dessus, les Athéniens se retirèrent de la conférence. Les Méliens, restés seuls, demeurèrent à peu de chose près sur leurs positions et firent cette réponse : "Notre manière de voir n'a pas varié, Athéniens. Nous nous refusons à dépouiller de sa liberté, en un instant, une cité dont la fondation remonte déjà à sept cents ans. Nous avons confiance dans la fortune qui, grâce aux dieux, l'a sauvée jusqu'à ce jour et dans l'aide des hommes et nous tâcherons de la conserver. Nous vous proposons notre amitié et notre neutralité ; mais nous vous invitons à évacuer notre territoire en concluant un traité au mieux de vos intérêts comme des nôtres".
Les Athéniens, rompant la conférence, répondirent : "Ainsi donc, d'après votre décision vous êtes les seuls, semble-t-il, à regarder l'avenir comme plus assuré que ce que vous avez maintenant sous les yeux. Votre désir vous fait considérer comme déjà réalisé ce qui est encore incertain. Votre fol espoir vous pousse à vous livrer entièrement aux Lacédémoniens, à la fortune, à l'espérance. Vous vous en repentirez."
Puis les députés athéniens regagnèrent l'armée. Les stratèges, devant l'obstination des Méliens, prirent immédiatement leurs dispositions d'attaque. Chaque contingent allié reçut un secteur et l'on se mit à investir la place (...). Là-dessus l'été prit fin, et au début de l'hiver suivant (...), les Méliens parvinrent à capturer une partie de l'enceinte ennemie, où les hommes de garde étaient peu nombreux. À la suite de cet événement, de nouvelles troupes arrivèrent d'Athènes, sous les ordres de Philocratès, fils de Déméas. Le siège fut désormais mené avec énergie et, à la suite d'une trahison, les Méliens se rendirent à discrétion aux Athéniens. Ceux-ci massacrèrent tous les hommes en âge de servir qui tombèrent entre leurs mains. Les femmes et les enfants furent vendus comme esclaves. Par la suite, cinq cents colons d'Athènes furent envoyés à Mélos et s'établirent dans l'île≫.
(Thucydide, La guerre du Péloponnèse, V, 7)