«Les catégories inférieures ont une propension naturelle à diriger leurs regards et leurs aspirations vers le haut, et cela particulièrement dans les domaines assujettis à la mode, parce que c'est là que l'imitation des apparences est la plus aisée. Ce processus est également à l'oeuvre ─ même s'il est moins visible que dans le cas des relations entre les dames et leurs bonnes ─ entre les différentes sous-divisions que comptent les catégories supérieures. On constate dans maintes situations que plus les groupes d'appartenance sont proches les uns des autres, plus les inférieurs sont fébriles dans leur course à l'imitation et les supérieurs dans leur fuite vers le nouveau. La pénétration grandissante de l'économie monétaire ne peut que rendre plus flagrant encore ce processus en même temps qu'elle l'accélère considérablement, puisque les objets de la mode, qui sont les apparences extérieures de la vie, sont très facilement accessibles à qui possède de l'argent. L'égalité avec la classe supérieure s'y établit donc plus aisément que dans tous les domaines où sont exigés des gages non vénaux de qualité individuelle».
«La difficulté réelle que présente le problème du rapport entre l'esprit et la nature tient à ceci : hypostasier la polarité de ces deux entités est tout aussi inadmissible que le fait de réduire l'une à l'autre. Cette difficulté exprime la position délicate de toute pensée philosophique.»
Et voilà comment on écrit l'histoire. En d'autres temps, on appelait ça des enragés :
«Depuis le 14 mai 2019, le bâtiment du 65 rue Thuillier-Delambre, 80136 Rivery est squatté par le Collectif La Brèche. Avant ça, vous aviez peut-être entendu parler de nous… De septembre 2016 à juillet 2017, on occupait la Maison Cozette, 26 place Vogel à Amiens, où on a organisé pas mal de concerts, d’ateliers, débats, projections etc., et qu’on a cloturé par un festival féministe de 3 jours avant de s’en faire expulser manu militari par quelques cars de CRS. Mais bon, on avait prévu le coup, on occupait déjà le lieu suivant : La Pente, 40 rue Bonvallet, à Amiens, qui a duré jusqu’en janvier 2018. C’était plus calme, mais on a bien animé la vie de quartier quand même, avec des spectacles, projections, et d’autres évènements. Expulsion de nouveau. De janvier 2018 à janvier 2019, on occupe alors le 65 boulevard Guyencourt, toujours à Amiens, un grand squat avec un jardin : « Saint Rock Village ». Et puis après 2 bâtiments municipaux occupés, puis 1 appartenant à la Société Immobilière Picarde, on décide de passer carrément au niveau central… En février 2019, on ouvre donc « Le Ministère », 2 rue Debray, un immeuble administratif avec moulures et tutti quanti appartenant… Au Ministère du Travail. Pas mal pour des chômeurs et RSAistes 😉 Bon, on s’en fait virer 1 mois et demi plus tard, l’Etat, c’est pas la même chose. Mais on a quand même eu l’occase d’agrandir le collectif entre temps, d’héberger de nouvelles personnes en galère, et de mobiliser pas mal de solidarité autour de tout ça. Comme on a la flemme d’un gros déménagement, on se dit « Boh, on va pas bouger trop loin ». Allez, on squatte juste à côté, on déménage même à pied : au 4 rue Debray, dit « La Mérule », et qui appartient aussi à l’Etat. Pas de chance, y’a vraiment la mérule, ça nous vaut de passer au tribunal administratif, c’est plié en 1 mois et demi aussi. Enfin ça y est, nous voici de nouveau posé.e.s. Au 65 rue Thuillier-Delambre, à Rivery, donc, périphérie proche d’Amiens (15min de la gare). On repart dans le privé, on cible un multipropriétaire niçois qui collectionne les arrêtés d’abandon parce qu’il laisse dépérir ses baraques.
On est une petite vingtaine aujourd’hui, répartis sur un bon terrain, entre maison, cabane, caravane, camion, et retapage de corps de ferme. Et y’a de quoi accueillir plus ! 😉
On retape un petit peu tout : on a une super salle de concert en sous-sol, fripe (avec cabine d’essayage s’il vous plaît !), free-shop, info-kiosque, salle de jeux, bibliothèque, cabane dans les arbres, un immense hangar pour des spectacles…
Et puis Amiens c’est cool, ça bouge bien. On peut compter quelques autres squats…
Alors si vous passez dans le coin (c’est entre Paris et Lille-Bruxelles !), hésitez pas à faire une halte ! Si vous cherchez un lieu où jouer avec un groupe de zic, pour un spectacle, ou pour toute proposition, on est carrément open !»
A très bientôt !
Squat de Rivery
65 rue Thuillier-Delambre
80136 Rivery
Lien sur squat.net: https://radar.squat.net/fr/amiens/collectif-la-breche
Lien vers l’article de squat.net: https://fr.squat.net/2019/11/21/amiens-des-nouvelles-du-squat-de-rivery/#more-43125
Remercions, comme chaque année, la commission pédagogie du MEDEF pour l'excellence du travail fourni. Rappel : le même sujet était également traitable sous l'angle purement métaphysique (option partenariat social).
Toutes nos félicitations aux nouveaux employés lauréats !
«Les ennemis de la religion, ces esprits qui ne croient rien, qui se font un titre d'esprit fort de douter de tout, qui cherchent des réponses aux arguments dont on se sert pour prouver l'existence de Dieu, qui raffinent les difficultés que l'on objecte contre la providence, ne sont pas pour l'ordinaire des gens fort voluptueux. Quand on passe toute la journée parmi les verres et les pots, qu'on aime à courir le bal toute la nuit, qu'on en conte et à la blonde et à la brune, qu'on tend toutes sortes de pièges à la pudicité des femmes, qu'on ne cherche qu'à tuer le temps dans la débauche et à prévenir le dégoût des plaisirs par la diversité des objets, on ne se met guère en peine de savoir si M. Descartes a bien démontré dans sa métaphysique l'existence de Dieu et la spiritualité de l'âme, et s'il a bien répondu aux objections qui lui ont été proposées. On ne s'avise point non plus d'examiner la Démonstration évangélique de M. Huet, si pleine d'éloquence et d'érudition, et de chercher de quoi éluder les preuves de la vérité de la religion chrétienne. On ne va point se rompre la tête à étudier les prétendues démonstrations de Spinoza pour tâcher de comprendre que l'univers est un être simple et que nous sommes des modifications de Dieu.»
(Page d'accueil d'un blogue fasciste, France, 2020)
«Dans les luttes de classes du XIXème siècle, le mot bourgeois a pris le caractère d'une déclaration de guerre mortelle. Bourgeois signifiait exploiteur, vampire, et cela devait atteindre tous ceux qui avaient un intérêt à la domination du mauvais ordre social. Cette signification a été expliquée et fixée jusque dans les détails par la science marxiste. Mais les adversaires féodaux du capitalisme, tout à fait réactionnaires, ont mis eux aussi – en suivant une tradition du romantisme – un sens méprisant dans ce mot. Les restes d'une telle idéologie ont été repris par les mouvements nationalistes-ethniques [völkisch] de tous les pays. Tous dépeignent le bourgeois à peu près comme la bohème d'avant-guerre, comme un spectre terrifiant, ils opposent au mauvais type humain "bourgeois" de l'époque passée celui de l'homme nouveau de l'avenir. En même temps, ils parlent d'oppositions dans le noyau biologique, la race, la manière de penser, etc.
Pour le grand capital, ce second sens dépravant du mot bourgeois, qui fait abstraction de l'économique, est tout à fait bienvenu. Il aime se servir de l'idéologie aristocratique autant que des officiers aristocrates. Dans le combat moderne contre la mentalité "bourgeoise", le grand capital, justement, est laissé en dehors de la discussion. Ceux qui en disposent ont depuis longtemps abandonné les modes de vie concernés par ce combat. Chez le magnat d'un trust et dans son environnement mondain, "mondialement ouvert", c'est tout juste si l'on retrouverait encore un seul des traits de caractère qui avaient marqué le petit-bourgeois en certaines périodes du siècle passé : luttant pour sa subsistance, pédant, personnellement avide de gain. Ces qualités pénibles ont glissé vers les classes moyennes inférieures, dépossédées, qui se trouvent en position de défense pour sauver leur petit peu de plaisir de vivre. La bonne société vit aujourd'hui à un niveau si élevé, ses sources de revenus sont si dissociées des personnes, que toutes les formes de conscience d'une concurrence mesquine peuvent disparaître complètement. Ainsi, la grande bourgeoisie laisse volontiers ses idéologues enfourcher leur cheval contre le bourgeois, qu'en réalité elle ruine par la concentration effective du capital.
(Le Monde, 10-05-2018)
Les prolétaires n'ont rien à voir avec ce combat contre le "bourgeois". Quand dominait ce type économique, que le capital aujourd'hui extermine, il fallait qu'ils voient en lui l'ennemi principal. Aujourd'hui, ces couches, dans la mesure où elles ne constituent pas les milices nationalistes-ethniques, doivent être neutralisées ou gagnées. Dans le langage du prolétaire, bourgeois signifie encore et toujours exploiteur, classe dominante. Dans la théorie encore, le combat se dirige avant tout contre cette classe, avec laquelle on n'a rien de commun. Quand des métaphysiciens modernes tentent une sociologie critique de l'histoire de la philosophie comme développement de la pensée "bourgeoise", ce n'est pas pour rechercher lesquels de ses traits le prolétariat devra dépasser. Ces idéologues voudraient ici ne stigmatiser et n'éliminer que les reliquats théoriques de l'époque révolutionnaire de la bourgeoisie. Du déclin des classes moyennes le prolétariat se félicite également, mais pour d'autres raisons que le capital. Pour ce dernier, c'est le profit qui importe ; pour le prolétariat, la libération de l'humanité.
Nous n'avons rien à faire d'une terminologie selon laquelle c'est la jalousie envers son mari d'une petite-bourgeoise privée de distractions, et non la possession d'une Rolls-Royce, qui représente l'expression de la vie bourgeoise.»
(Max Horkheimer, «Le combat contre le bourgeois», in Crépuscule, 1926-1931)
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(Ci-dessus, de haut en bas : 1) morceau du groupe fasciste Ile-de-France, intitulé Tuer le bourgeois (le tuer... «en chacun de nous», s'entend). On notera par ailleurs l'iconographie explicitement et significativement inspirée, ici, du film Fight Club, de David Fincher) ; 2) Banderole aperçue au cours des premiers actes du soulèvement insurrectionnel des Gilets Jaunes, France, fin 2018)