Ci-dessus : Réactions humaines à la culture du viol et performativité queer au sein des parcs à chiens de Portland, Oregon (titre d'un des sujets acceptés par une revue scientifique de renom, victime du canular géant de Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Boghossian, Février 2018).
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« Quand un homme se masturbe en pensant à une femme sans lui avoir demandé son consentement, c'est une agression sexuelle. Il existe une culture systémique du viol chez les chiens. L'astronomie est une science sexiste et pro-occidentale qui doit être remplacée par une astrologie indigène et queer. Ces thèses vous semblent loufoques, invraisemblables ? Elles le sont. Elles ont néanmoins été considérées avec le plus grand sérieux, et parfois même publiées, par des revues académiques de premier plan aux Etats-Unis, victimes de l'un des canulars universitaires les plus ambitieux jamais mis en œuvre…
Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Boghossian sont trois chercheurs américains, persuadés que quelque chose cloche dans certains secteurs du monde académique outre-Atlantique. "Le savoir basé de moins en moins sur le fait de trouver la vérité et de plus en plus sur le fait de s'occuper de certaines 'complaintes' est devenu établi, presque totalement dominant, au sein de [certains champs des sciences sociales]", écrivent-ils dans le magazine Areo, et les chercheurs brutalisent de plus en plus les étudiants, les administrateurs et les autres départements qui n'adhèrent pas à leur vision du monde". Se désolant de ce tournant idéologique en cours dans les facs américaines, notre trio d'universitaires établit une liste des disciplines les plus gravement touchées : il s'agit des matières communément regroupées dans l'enseignement supérieur américain sous le terme de "cultural studies" ou "identity studies", "enracinées dans la branche 'postmoderne' de la théorie qui a émergé à la fin des années soixante". On y trouve donc les fameuses "gender studies", les "queer studies" mais également la "critical race theory", les "fat studies" (sic) ou des pans entiers de la sociologie critique. Le point commun de ces branches universitaires, requalifiées en "grievance studies" (qu'on pourrait traduire par "études plaintives") ? D'après les trois chercheurs, elles produisent des travaux très souvent "corrompus" par l'idéologie, qui renoncent à toute honnêteté intellectuelle dès lors qu'il s'agit de dénoncer les oppressions de toutes sortes : sexistes, raciales, post-coloniales, homophobes, transphobes, grossophobes…
Pour prouver leur diagnostic, Pluckrose, Lindsay et Boghossian ont fait un pari simple… et drôle : pousser, dans des articles fantaisistes, la doxa qu'ils pointent dans ses retranchements les plus absurdes et voir si ces papiers seraient acceptés pour publication dans de très sérieuses revues scientifiques. Ils ont donc passé dix mois à écrire de faux "papers", un format universitaire anglo-saxon qu'on peut comparer au mémoire français. Recette commune de ces essais : "Des statistiques totalement invraisemblables, des assomptions non prouvées par les données, des analyses qualitatives idéologiquement biaisées, une éthique suspecte (...), une bêtise considérable".
Les chercheurs ont ensuite systématiquement envoyé leurs travaux bidons aux "journaux de référence dans les champs universitaires concernés". Après quasiment un an de bombardement de canulars, les trois audacieux ont été forcés d'arrêter leur expérience car un de leurs textes commençait à connaître un important écho dans la presse. Mais les 20 papers écrits ont suffi à valider la pertinence de leur thèse : pas moins de sept d'entre eux ont en effet été validés par les revues universitaires, dont quatre publiés. Sept autres sont encore en cours d'examen et seulement six ont été refusés sans ambiguïté par les universitaires chargés de les évaluer. Par quatre fois, les facétieux compères ont même été invités à eux-mêmes examiner le travail de "pairs" en récompense… de leur "savoir exemplaire".
Lorsqu'on examine le contenu de ces faux mémoires, on peine pourtant à croire que leur absurdité n'ait pas sauté à la figure des chercheurs chargés de les examiner (...). Une de leurs inventions croquignolesques a même rencontré un réel triomphe académique : dans "Réactions humaines à la culture du viol et performativité queer au sein des parcs à chiens de Portland, Oregon", nos chercheurs soutiennent qu'il existe "une rampante culture du viol canine" et qu'une "oppression systémique" frappe certaines races de chiens. Un mémoire qualifié "d'incroyablement innovant, riche en analyse, extrêmement bien écrit et organisé" par la revue Gender, Place, and Culture, qui lui a fait une place dans ses prestigieuses colonnes… et l'a même intégrée parmi ses 12 meilleures publications de l'année 2018 ! La chercheuse Helen Wilson, auteure de ce travail volontairement absurde, expliquant sa méthode de travail, y écrivait avoir "délicatement inspecté les parties génitales d'un peu moins de 10.000 chiens tout en interrogeant leurs propriétaires sur leur sexualité", mais également avoir "constaté un viol de chien par heure au parc à chiens urbain de Portland" ! Pas de quoi faire lever un sourcil aux universitaires chargés de valider son article pour publication dans une revue "de référence"…
D'autres mémoires-hoax n'ont pas eu le temps d'être publiés avant que le canular soit finalement rendu public. Mais ils ont été quasiment intégralement validés par les revues auxquelles ils ont été présentés, avec des modifications mineures. (...)
Le clou de cette fanfaronnade a été apporté par un essai présenté au magazine Sociology of Race and Ethnicity, où nos trublions prétendent "examiner de manière critique la blanchité ('whiteness', ndlr) depuis la blanchité". Pour cela, ils ont ni plus ni moins sélectionné - sans le dire - des extraits de Mein Kampf, l'infâme pamphlet antisémite d'Adolf Hitler, en y remplaçant le mot "Juifs" par "Blancs". Le paper a été rejeté mais cela ne l'a pas empêché de recevoir au préalable les éloges de plusieurs pairs universitaires. "Cet article a le potentiel pour être une contribution puissante et particulière à la littérature traitant des mécanismes qui renforcent l'adhésion blanche à des perspectives suprémacistes blanches, et au processus par lequel des individus peuvent atteindre des niveaux plus profonds de conscience sociale et raciale", écrit ainsi un chercheur enthousiaste, qui n'objecte que "des révisions concernant la précision, la clarté, l'expression d'assertions et des exemples concrets" et complimente ainsi sans le savoir une resucée de Mein Kampf.
(...) Le tableau final est implacable pour tout un pan du monde universitaire anglo-saxon : "Il y a un problème de production du savoir au sein de champs qui ont été corrompus par les 'grievance studies' nées du socio-constructivisme et du scepticisme radical. Parmi les problèmes, il y a la manière dont des sujets comme la race, le genre, la sexualité, la société et la culture sont traités par la recherche". C'est donc bien un nouvel obscurantisme que les chercheurs décrivent, une idéologie qui "rejette l'idée d'universalité scientifique et d'objectivité et insiste, pour des raisons morales, sur la nécessité d'accepter la notion de vérités multiples basées sur l'identité". »
(Marianne, 4-10-2018)
Ouais… la cerise WTF mais attendue sur le gâteau gâté de la crise de reproductibilité qui affecte particulièrement la psychologie sociale.
RépondreSupprimerNe nous voilons pas la face : ce canular, en soi fort opportun puisqu'il ridiculise nos ennemis, pose de nombreux problèmes. Premier problème, d'ailleurs : les ridiculise-t-il tant que ça ? Les principaux ZintéresséEs (les responsables débiles des revues bernées concernées) ont d'ailleurs répondu que rien de nouveau sous le soleil du populisme, que ça favorisait l'alt-right, etc. Bref : on ne combat plus la mauvaise foi, passé un certain temps, à force de sincérité "objective". Les post-modernes SONT au pouvoir, point barre. Les armes de la critique, face à eux, ne suffisent plus. L'autre souci, c'est que les "critiques" en question, sans doute pertinents, ne sauraient non plus être des camarades, étant non seulement issus, peu ou prou, du même sérail universitaire, mais exprimant, qui plus est, un certain nombre d'arguments détestables à l'appui de leur projet gaguesque. C'est ainsi que l'"intelligence artificielle" (cible, selon eux, de la post-modernité) pourrait être défendue a priori comme production rationnelle "pure". Or, la critique de l'intelligence artificielle ne saurait être mise sur le même plan que la critique "indigéniste " anti-scientifique de l'astronomie, par exemple. Nous renvoyons là nos Lecter, lectrices et Hannibal à la version intégrale de l'article de Marianne. Autre exemple : l'un des (faux) articles proposés par les soins de nos trois faussaires à leurs stupides victimes portait aussi sur : "l'influence statistiquement bénéfique de l'auto-pénétration anale régulière" (via des "plugs" adéquats) par les hétérosexuels, sur les comportements sexistes ordinaires... Or, serait-ce complètement absurde d'imaginer l'intérêt d'un Wilhelm Reich de la grande époque, entre autres noms possibles, pour ce type de procédure rigolote ?
SupprimerLa sympathie manifestée par nos trois lascars pour la cause LGBT (et leur appartenance revendiquée à une "gôche" n'en pouvant juste plus de la French theory et de ses suites regrettables) ne suffit donc pas, selon nous, à les exonérer de toute critique. Loin de là.
« La différence entre les gens du commun et les professeurs d’université, c’est que ces derniers sont arrivés à l’ignorance après de longues et pénibles études. »
RépondreSupprimer– Une vieille tata cisgenre blanche.
Certes.
SupprimerMerci Lady Oscar.