≪Avec Le Complot contre l’Amérique, l’écrivain américain Philip Roth met en lumière, à contre-courant des idées reçues, les virtualités fascistes de son pays. Il imagine ce qui se serait passé si les Etats-Unis, en 1940, s’étaient ralliés à Hitler. Son nouveau roman est beaucoup plus qu’un livre de politique-fiction : une exploration de ce qui ronge la démocratie américaine. "On ne réécrit pas l’histoire": l’adage, d’évidence, vaut pour tout le monde, sauf pour les romanciers, à qui rien n’interdit d’imaginer ce qui aurait pu se passer. Et lorsqu’il s’agit d’un écrivain comme Philip Roth, cela nous vaut le roman sans doute le plus éblouissant (mais aussi le plus dérangeant, le plus propre à ébranler nos préjugés) que nous puissions lire aujourd’hui. Roth, donc, imagine que, en juin 1940, Franklin Delano Roosevelt, le président démocrate qui postulait pour un troisième mandat, est battu ; et que c’est Charles Lindbergh, l’aviateur, le héros des foules, mais aussi l’antisémite notoire, le sympathisant du régime nazi, qui reçoit l’investiture du parti républicain et qui, soutenu par le puissant courant isolationniste, visant à tenir les Etats-Unis à l’écart de la guerre en Europe, finit par l’emporter. Le sujet du roman est donc la chronique de cette année (fictive) où le président, dès son arrivée à la Maison Blanche, s’empresse de signer un pacte de non-agression avec Hitler, puis avec le Japon, avant d’entamer, sous de fallacieux prétextes, une politique de discrimination envers la communauté juive. Jusqu’au moment où Lindbergh sera victime d’un accident d’avion, où Roosevelt reviendra sur la scène publique – et où l’histoire, telle que nous la connaissons, reprendra son cours… S’agit-il, comme la présentation du livre l’affirme, d’un récit de « politique-fiction » ? Pas exactement : car la politique-fiction, le plus généralement, consiste surtout à projeter dans le futur une sorte d’anti-utopie, à valeur critique quant à notre présent (...). Roth, quant à lui, se voue plutôt à réinventer un passé virtuel.≫
(Guy Scarpetta, Le Monde diplomatique, journal alter-stalinien français, juillet 2006)
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