dimanche 2 octobre 2022

Du bon usage impérial de l'islamisme (3)

(La Dépêche, 1-10-22)

Celles et ceux qui nous lisent depuis un peu de temps connaissent notre opinion sur la grande alliance naturelle des virilismes totalitaires islamiste et grand-russe (Kadyrov-Poutine-Douguine), alliance explicitement défendue par un Alain Soral, pour ne citer que cet exemple d'anti-impérialiste professionnel et obsessionnel, quoique basé, d'ordinaire, assez loin du front, en termes de milliers de kilomètres. Cette synthèse ignoble donne, en ce moment-même, des signes précurseurs considérables et prometteurs d'effondrement total, face au libéralisme bourgeois armé, incarné par la résistance magnifique de l'Ukraine. Nous croisons les doigts, une fois encore, en ce sens et ne pouvons qu'admirer humblement le courage de gens se battant de la sorte, pour des libertés aussi dérisoires que celles de pouvoir dire ce qu'on pense à haute voix, de critiquer l'État, la Police, les patrons et les prêtres sans risquer forcément le camp de travail à régime sévère, de faire ce qu'on veut de son cul, de sa tête et du reste de soi au quotidien. De cela, de cette sainte guerre de la liberté individuelle, les Ukrainiens se trouvent abondamment payés, en mépris insondable, par la quasi-totalité de la gauche et l'extrême-gauche petite-bourgeoise occidentale ≪anti-système≫, ≪anarchistes≫ compris. Une gauche de rupture (zarma) dont, pourtant, le mode de vie ordinaire, minable, ne se trouve constitué, tout glorieux projet révolutionnaire prolétarien mis à part, que de ce genre de liberté minimale : libre bavardage, libre baise ou tentative de baise, libre exposition de ses névroses existentielles ridicules, libre lutte de pouvoirs incessantes et microscopiques en quête d'une quelconque place au soleil plus agréable que celle du voisin. L'Ukraine se bat ainsi, sans le savoir ni le vouloir, la pauvre ! pour Clémentine Autain, en somme, pour Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal, Sandrine Rousseau, Rokhaya Diallo et tout ce style de personnes empowerisées très lamentablement inintéressantes. L'Ukraine, cette Start-up Nation connectée et progressiste (sur la geekitude généralisée de laquelle bute aujourd'hui le Kremlin et son stalinisme analogique des années 1980) se bat aussi évidemment pour M. Macron, qui l'en récompense tellement mal. Pour M. Macron et ses suivants, c'est-à-dire toutes celles, tous ceux qui, par lâcheté, par soumission automatique à la gouaille de rue d'un Poutine (lequel les hypnotise, les terrorise et les fait donc mouiller en abondance, tel un principe de réalité invincible chevauchant des ours torse nu, dans la Taïga, avec le flegme d'un James Bond qui gère) auront jusqu'au bout refusé, avec la morgue puante de la Realpolitik qui fait son affranchie et sa maligne, les exagérations d'un peuple luttant simplement, au départ, pour éviter la toute bête extermination physique. Il est, certes, et de fait, à craindre désormais qu'à cause même de cette lâcheté occidentale préliminaire (la Grande-Bretagne et les USA étant mis à part), semblable exagération nationaliste soit, à l'avenir, fort difficile à conjurer. Il sera en effet difficile et sans doute, au reste, largement illégitime, d'imposer, après leur stricte victoire militaire, des bornes au ressentiment de millions d'Ukrainiens assoiffés non seulement de justice, mais aussi de vengeance. Or, nous n'avons rien, avouons-le, ou pas grand-chose, pour notre part, contre le ressentiment en soi : nous ne sommes pas nietzschéens. Ni de gauche ni de droite. 

Celles et ceux, quant à eux, qui ne nous lisent que depuis peu iront lire, si l'envie les en prend, nos précédentes considérations sur ce sujet de l'alliance islamo-fasciste gangstérisée que le poutinisme symbolise horriblement. Il va de soi que la question que nous nous posons de longue date, relative au type de fascisme tenant davantage la corde à notre époque (Xi Jinping ? La Charia ? L'Eurasisme ?) face au libéralisme occidental soi-disant décadent, reste ouverte. Et que l'évolution actuelle du conflit ukrainien, sans parler de son issue, modifie encore la donne. En sorte que chacun fera ses pronostics, risqués. Pour nous, nous avons notre idée, mais on n'est pas Madame Soleil. On se contente d'espérer, d'attendre, et de goûter les bonnes nouvelles comme elles méritent d'être goûtées. C'est ainsi que l'apéro fut savoureux en fin de journée, comme nous venions d'apprendre la chute de Lyman et la dislocation massacrante d'un nouveau corps d'armée russe. Nous guettons déjà, avec impatience, la suivante, et puis celle d'après. Nos jours ne sont faits que de cela, depuis le 24 février dernier. De quoi d'autre, de plus important, voudriez-vous qu'ils fussent faits, au juste ?

Ci-dessus : Une poignée d'islamistes poutiniens (issus des fameux bataillons Tik-Tok de Kadyrov) passent visiblement une très sale après-midi sous le feu d'Ukrainiens embusqués déguisés en arbres, du côté de Lyman. Il est sûr que violer puis égorger, à fin de ≪dénazification≫, des femmes, des enfants ou tout autre personne vulnérable et désarmée dans des zones conquises, est autrement aisé.  

12 commentaires:

  1. Mauvaise nouvelle en effet. Le ressentiment ne se laisse pas borner, les rapports de force, inévitablement, le relancent – parfois non sans trêves – et la loi, serait-elle morale, universelle, est inopérante à son endroit, puisque extérieure (bien que Kant l'invoque "en moi") quant à ce qui agit de l'intérieur, comme un sentiment. Il peut néanmoins s'épuiser dans un bon bain de culture. J'apporte donc aussi une bonne nouvelle.

    Les stals ont comptablement maintenu leur retard à cet égard, même en pleine course sixties-seventies (de rattrapage) à la détente. À ma connaissance ni le russe ni l'ukrainien n'ont traduit le n° 12 de счастливчик люк. Le jour viendra où les О'Хара auront honte de voir du О'Тиммин en eux-mêmes, et réciproquement.

    L'humour – qui certes est impossible pendant le combat, mais qui s'invite à la trêve – est plus puissant que l'espoir. Il est une réflexion des affects, pas seulement, mais aussi, une projection.

    On a toujours tort de relativiser du point de vue d'un regard d'aigle, sérieusement. Mais lorsqu'on relativise ostensiblement et à partir de soi, en se mettant en jeu, on l'ouvre, on dilue le ressentiment et pas seulement le sien. Les occasions sont évidemment rarissimes, mais d'autant plus précieuses, et encore plus sérieuses, puisque détaillées.

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    1. "Il peut néanmoins s'épuiser dans un bon bain de culture."
      Oui. Et de victoire. Souvenez-vous comment Calliclès finit par mordre la poussière, dans le Gorgias. Ainsi, donc, la force brute serait supérieure au Droit, au point que la "loi" victorieuse qu'elle incarnerait devrait constituer la matrice de tout droit respectable ? Ainsi donc, les "forts" (Poutine, les chefs de son genre, les désinhibés de tout poil) mériteraient de dominer la grande masse numérique des faibles obsédés par l'idée de "justice" qui ne serait qu'une arnaque, pour renverser, par culpabilisation proto-chrétienne, le rapport de force ? Foutaises, car les faibles, plus nombreux, sont de fait plus forts. Force reste donc à la Loi, comme le beuglent (en un détournement abject caractérisant toute la réalité de la classe bourgeoise privatisant l'universel) les forces de l'ordre injuste, du désordre établi. Calliclès repart la queue basse. Socrate a gagné. Reste que les faibles, plus forts car plus nombreux, en restent alors à cette velléité de force, laquelle s'appuie en effet sur la violence, Pour que cette force passe en liberté, il en faut bien plus. Il en faut trop, comme La Boétie le soupçonnait voilà bien longtemps. Il n'en reste pas moins que la Justice, comme la Liberté, doit être défendue pour elle-même, sans crainte des conséquences de sa victoire éventuelle. Le patriotisme, comme tout concept, doit se voir historisé, et dialectisé. Il ne peut être, dans les temps de guerre d'invasion fasciste auxquels l'Ukraine se trouve confrontée, simplement abstraitement congédié.

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    2. Déclaration de jl mélenchon, aujourd'hui : "Quand on crée une liberté, quand on est pour l'égalité sociale, pourquoi serait-on contre l'égalité des droits et en quoi est-ce une liberté « sociétale » ? Pourquoi on distingue les deux ? Qui veut la liberté à un endroit la veut à l’autre.

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    3. Alléluia ! Ce qui ne valait pas pour l'Ukraine "néo-nazie" et le "Droit international" (bourgeois, forcément bourgeois) en général dépasse désormais le stade du "sociétal" et acquiert soudain pleine dignité. Miracle ! Et accessoirement foutage de gueule cynique de l'opportuniste ordinaire, volant au-devant de la victoire pour ne pas passer pour un con. Ni une ordure !

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    4. Mélenchon défendait le PACS en l'occurrence (précision pas inutile)

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    5. Ah ! Vous voulez parler de cette odieuse propagande LGBT interdite dans ce bastion anti-impérialiste otanesque qu'est la Russie ? Allez, Merluche : dégage !

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  2. "lâcheté occidentale (Grande-Bretagne et États-Unis mis à part)". Rappel pour l'histoire. Ce n'était pas joué du tout au 26 février, Le Drian aurait suivi. Tous lui proposaient la fuite, que Zelensky a su – très courageusement, solitairement – refuser. Ainsi advint-il, une fois de plus, que l'histoire bifurqua, sous le voile léger de son déterminisme.

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    1. En effet. Il n'en reste pas moins que, dépourvus et méprisés au début de l'invasion (Kiev n'étant alors virtuellement défendue que par une seule brigade motorisée), les Ricains et leurs HIMARS, les Brits et leurs MLRS auront bien aidé, et sans jamais tergiverser sur le fond (ce vieux crocodile BOJO, en particulier). Ce qui n'aura pas été le cas, of course, de cette sale merde de Macron, tout juste bon à éborgner les Gilets Jaunes chez lui.

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    2. Ingrédients de la résistance du début : le courageux comique Zelensky et, surtout, le génial défenseur de Kiev (né en Russie, soit dit en passant à l'adresse des contempteurs professionnels du "nazisme" ukrainien) Oleksandr Syrskyi, dont vous trouverez un petit résumé de l'action récente ici :
      https://twitter.com/VictorCahat/status/1576897257408167936

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  3. Le problème, cher moine bleu, c'est qu'il est loin d'être certain que ces ukrainiens que vous "admirez" (tout courageux soient-ils) se battent pour la liberté "de critiquer l'État, la Police, les patrons et les prêtres", comme vous le supposez pompeusement. Il est rare qu'on se batte d'ailleurs pour ce qu'on sait ou croit savoir, mais là je ne vous apprendrai rien. Un peu de recul ne fait jamais de mal en telle situation, même si c'est trop demander, sans nul doute.

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  4. Vous avez raison. Prenons un peu de recul et demandez-vous pour quoi vous seriez prêts à vous battre, au juste. Et à quelle liberté vous accepteriez sans aucun problème de renoncer, en cas d'une invasion fasciste. Puis nous prendrons encore un peu plus de recul, et nous pourrons nous demander ensemble si, des fois, il n'y aurait pas qu'une seule liberté (celle de critiquer le donné, ou l'existant, en général) et, si des fois, elle ne serait pas indivisible. Mais on ne voudrait pas abuser de votre temps précieux : vous êtes sûrement occupés, nuit et jour, à préparer la victoire prolétarienne des Conseils Ouvriers en France et à l'échelle de l'univers.

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