Postface d'Anselm Jappe (Marx) et de Bertrand Cochard (Hegel)
Présentation de l'éditeur
«La lecture de Marx et de Hegel fut déterminante dans le processus de réflexion ayant mené à l’écriture de La Société du spectacle. Guy Debord, s’il s’inscrivait dans la tradition de la pensée marxienne, n’était pourtant ni marxiste ni hégélien. Mais il a trouvé chez ces philosophes deux formes de pensée radicales qui répondaient pleinement à ses préoccupations. À l’instar du système théorique de Hegel, capable d’appréhender dans un seul mouvement tout ce qui gouverne l’existence humaine, il s’est attaché à produire une analyse de la société marchande qui s’applique à l’ensemble de son mode de fonctionnement. Quant à Marx et à son entourage, leur parcours et leurs idées constituent pour lui un modèle pour l’organisation de l’activité politique et révolutionnaire de l’Internationale situationniste.
Néanmoins, les spécificités de chaque auteur, et l’existence de deux dossiers de fiches de lecture bien distincts dans les archives de Guy Debord, ont été respectées dans ce volume constitué de deux parties : la première consacrée à Marx, la seconde à Hegel, l’une et l’autre faisant l’objet d’une postface revenant sur les apports précis de chacun à son œuvre».
Parution prévue le vendredi 19 février 2021
Euh... ! Moi aussi j'en ai des fiches... recopiées, de ma pogne, du musée Mitterrand (deux en tout, J.-M. Guyau, et l'autre là, Commenksédèjà). Et j'en fais c'que j'veux — Nananèreu !
RépondreSupprimerEt pas trois marchandises distillées chères et mal tronquées à la Marcolini, mais certes avec des trucs dedans. Et mes yeux sont meilleurs que les lunettes de Jappe l'ek-zotéricien !
Bon alors, vous balancez les fiches Bristol brut de pomme, ou bien ? Sollers, il a de quoi manger ses nouilles. Y aurait encore des promesses à satisfaire ?
Merdreueuh, kamème aussi, zexagèrent !
Mitou.
Jappe? Pourtant, vu ce qu'il en reste dans sa Société au Fromage, à savoir un vague iconoclasme, j'aurais parié qu'il avait définitivement jeté Guy du bord.
RépondreSupprimer"Quant à Marx et à son entourage, leur parcours et leurs idées constituent pour lui un modèle pour l’organisation de l’activité politique et révolutionnaire de l’Internationale situationniste".
RépondreSupprimerCurieuse affirmation (euphémisme pour ne pas dire qu'elle est mensongère), l’Internationale situationniste et Debord ayant eu assez peu de "modèle" en matière d'organisation de l'activité théorico-pratique. Sur ce terrain de l'organisation, ils ont en effet dû s'adapter en fonction des circonstances, lesquelles n'étaient pas très favorables. Mais il faut au moins leur reconnaître qu'ils ont eu ce mérite et cette intelligence, contrairement à tous les groupuscules léninistes de l'époque, de ne pas vouloir recréer "le Parti" et de parier sur la réappropriation des idées par chacun et sur l'auto organisation de tous. Que leur pari ait échoué est un autre problème qui concerne plus largement la société toute entière. Contrairement aux commentaires qui précèdent, je pense que ces fiches de lecture doivent être tout à fait intéressantes pour comprendre la construction conceptuelle d'une pensée critique. C'est peut-être même la première fois qu'il nous est donné d'entrer dans les coulisses de la formation intellectuelle d'un penseur qui a contribué de manière importante à la compréhension de son époque.
On est quand même plus, à mon avis, dans la debordologie qu'autre chose. Je ne suis pas bien sûr que ça ait grand chose à voir avec l'idée de départ, nonobstant l'égo king size du bonhomme. Je veux dire que l'obsession pour les bandelettes des grands panseurs me paraît bien peu situ, en tous cas très éloigné de ce que j'aime dans ce mouvement, à savoir son questionnement des activités séparées de la vie (quotidienne).
SupprimerMais ce "questionnement des activités séparées de la vie quotidienne" que vous appréciez plus particulièrement, a bien été alimenté par des réflexions et des lectures, pas uniquement par la pratique de la dérive tant prisée par les suiveurs. C'est ce travail intellectuel, en amont, ce processus réflexif qui est vraisemblablement montré dans ces fiches de lecture. On peut bien sûr ne pas s'y intéresser et se limiter à "dériver" en buvant des coups au comptoir en se persuadant ainsi que chaque verre ingurgité, ou chaque meuf honorée par vos assauts révolutionnaires, preuves de votre vie trépidante et passionnée, vous rend assurément plus radical que votre voisin de beuverie, mais ce faisant vous ne ferez pas beaucoup avancer la compréhension de votre époque, juste peut-être enfler un peu votre ego désabusé.
SupprimerEnler ou désenfler, en l'espèce. Si vous nous pardonnez cette petite saillie de rien du tout.
SupprimerCertes il faut choisir en effet: "désenfler votre ego désabusé" ou "enfler votre ego abusé". Mais dans les deux cas, au bout du chemin (ou du comptoir quand ils ouvriront de nouveau) pointe la désillusion qui génère en général un cynisme sentencieux. C'est le moment de vérité où se révèle rétrospectivement l'authenticité des convictions vécues ou la pose radicale pour une postérité fantasmée. Pour votre pénitence, cher Vilbidon, vous lirez donc tous les volumes du Capital (en allemand de préférence) et participerez en tenue à 3 manifs de gilets jaunes et un stage de formation black-bloc. Ensuite de quoi seulement vous pourrez retourner pérorer au comptoir sur la "debordologie" et "l'égo king size du bonhomme" si le sujet vous intéresse encore.
SupprimerJe ne vous dis pas qu'il ne faut rien lire, juste qu'à mon avis il y a bien suffisamment à penser avec ce que Debord a publié de son vivant. Plus vous entrez dans les subtilités d'une théorie, et plus il est difficile d'échanger vos subtiles idées avec des non-spécialistes, et encore moins avec le quidam (de qualité, s'entend). Donc, rapport à l'objectif révolutionnaire de cette théorie, ou ça ne vous sert à rien, ou sans le savoir vous refaites virtuellement le Parti d'avant-garde, avec ses intellos en tant qu'indispensable classe séparée. C'est pour cela que ça ne me paraît pas franchement essentiel. Après, en tant que petit train électrique, je ne dis pas, c'est toujours une meilleure compagnie que la riltivi ou touiteur.
SupprimerPour ce qui est picole et baise compulsives, ça appartient plutôt au versant intime du problème: que faire en l'absence de mouvement révolutionnaire réel (absence propice à l'inflation théorique, notez), et pourquoi, jusqu'où, au juste, en souffrir.
Inflation ou stagflation, en l'espèce. Si vous nous pardonnez cette petite prise de bénéfice de rien du tout.
SupprimerAbsence propice à l'inflation RHETORIQUE, vouliez-vous dire sans doute, car l'actuel champ théorique ne me semble pas être particulièrement inflationniste, à moins d'appeler "théorie" le gloubi-boulga intersectionnaliste et décolonial. Mais j'ai cru comprendre que nous étions sur un blog sérieux, ici, n'est-ce pas ?
Supprimer@Moine:
SupprimerOu carrément récession, si on veut filer la métaphore économique jusqu'au bout. L'émancipation, ça fait un bail que je n'en ai entendu parler. La mode est plutôt à la revendication de l'égalité dans l'exploitation, la common decency, etc. Soit la grande liquidation de 68, ce Cheval de Troie du libéralisme, forcément ultra, peut-être pas toujours apatride, mais en tous cas sans âme, dans l'ordre et la modération.
La mode est surtout à l'effondrement de toute logique, et à la baisse conséquente, tendancielle, de toute valeur explosive accordée à la vérité, cette hypothèse dont nous n'aurions plus besoin (cet effet de pouvoir, etc, comme disent les cons suiveurs, et très sérieux, du Roi Chauve). Ce soutien marqué à la vérité, presque positiviste, pourrait-on dire, est encore ce qui nous séduit le plus chez le Debord de la dernière époque, très loin du Lukacsisme somme toute classique de la Société du Spectacle, qui ne s'alignera jamais (manque de freudisme oblige, entre autres lacunes) face à des gens tels que Adorno, Horkheimer ou même Marcuse.
SupprimerRares sont en effet ceux, aujourd'hui, capables d'apercevoir ce lien organique existant entre savoir-parler (savoir-penser) et critique de l'existant mensonger, entre logique et ontologie. Jean de Salisbury (dans son Metalogicon, notamment) insiste, après Aristote, sur cette dignité commune au langage bien maîtrisé, à la morale bien comprise et au réel conceptuellement bien déterminé.
@Jean
SupprimerOui et non. Les Nuisances et les Appelistes, par exemple, n'ont pas leurs numéros dans le petit cirque intersectionnel. Ce dont je veux parler, c'est du point où la critique sociale devient sa propre fin, faute d'avoir prise sur les choses (sa raison d'être, précisément). Ça ressasse, ça raffine: puisque le monde ne mord pas à la théorie, la théorie gobera le monde. Quelque chose qui a à voir avec le travail unificateur de la raison laissée à elle-même, si vous préférez.
@Moine
Maîtrise jusqu'à un certain point, oui. Figurez-vous que je me suis aventuré dernièrement à lire Th. Kaczynski, et bien j'ai été très surpris. Évidemment, conceptuellement parlant, c'est loin d'être serré, mais ça ma paru tout bien pesé (et nonobstant la faillite sans appel du volet pratique) bien meilleur que bien des trucs qui nous expliquent dans les règles de l'art que tout est parti en cacahuète avec la Modernité, la Renaissance, le Néolithique, ou que sais-je.
Il ne me semble pas que les Nuisances ou les Appelistes aient proposé quelque nouveauté théorique que ce soit, leurs corpus respectifs étant peu ou prou celui conceptualisé par l'IS. Au mieux, il se sont distingués par des choix tactiques différents de leurs aînés afin d'essayer de relancer la critique de la totalité: le pari pour les premiers, que la critique des "nuisances" déboucherait sur un retour de la question sociale (en fait ils ont contribué au résultat inverse en se désintéressant de plus en plus de la question sociale), et le choix pour les seconds de miser sur une carte insurrectionnaliste néo-blanquiste afin de réactiver l'offensive. Ces deux courants ont pensé renouveler la pensée critique et avoir prise sur la réalité mais les deux ont péché par orgueil: dans les deux cas, aucune auto-critique, ou même acceptation de la critique, pour tirer d'éventuelles leçons de leurs échecs respectifs. Seul le groupe Tiqqun a essayé de penser le nihilisme pour le dépasser mais il s'est rapidement perdu dans un activisme vain qui ne pouvait déboucher que sur un insurrectionalisme dérisoire dont les appelistes ont été les héritiers directs. Pour les uns comme pour les autres, la messe a été dite assez rapidement.
SupprimerC'étaient quelques exemples. Vous pouvez y mettre la Critique de la Valeur, Hartmunt Rosa (dernière génération de l'École de Francfort, si j'ai tout suivi), tous les trucs (écolo-)réformistes ("1%" compatibles) critiquant plus ou moins savamment la démesure technologique et/ou financière du système. Bref, tout ce qui a une certaine pertinence par rapport à son sujet, épouse bien certaines tendances du monde actuel, mais n'ouvre aucune perspective de rupture. Car, et ça fait mal de le dire, 1994 vu de 2020, ça s'appelle quand même «le bon vieux temps».
SupprimerAprès, je suis peut-être plus coulant que vous sur la notion de théorie, effectivement. Si, par exemple, vous considérez que la Critique de la Valeur c'est juste du Marx, alors oui, tout ce qui précède est rhétorique.
La Critique de la Valeur est certes un peu différente. Elle est au moins une entreprise méritoire de réactualisation de la critique de Marx, non pas pour elle-même, mais pour mieux comprendre les nouveaux aspects que prend le capitalisme dans son développement mortifère. Ce faisant, la critique de la valeur reste confinée au strict terrain théorique et il n'est pas sûr que la réalité qu'elle prétend embrasser corresponde toujours à sa critique "scientifiquement" conceptualisée. Le caractère "scientifique" de son approche me semble d'ailleurs assez discutable (c'est son aspect le plus faible, le moins argumenté) et relève ainsi plutôt du postulat contrairement à des données sociologiques objectives comme peut l'être par exemple l'existence des classes sociales que certains voudraient bien faire passer à trappe aujourd'hui. Je ne dirais donc pas que la Critique de la valeur est "juste" du Marx mais au contraire "un peu trop" du Marx.
Supprimer«Ce soutien marqué à la vérité, presque positiviste, pourrait-on dire, est encore ce qui nous séduit le plus chez le Debord de la dernière époque, très loin du Lukacsisme somme toute classique de la Société du Spectacle, qui ne s'alignera jamais (manque de freudisme oblige, entre autres lacunes) face à des gens tels que Adorno, Horkheimer ou même Marcuse.»
SupprimerMais comment faites-vous pour couper les deux Debord (tout ça m'a donné envie de relire les Commentaires … du spectac')? Il ne me paraît alors plus en rester en gros que ce qu'ont en retenu les Nuisances, avec l'impasse que relève Jean. Pour moi, ça revient à solder toute réflexion sur la séparation entre l'art, la science, et la vie quotidienne (avec comme perspective l'art savant de ne plus fonctionner dans la société spectaculaire). Or, je ne vois guère ce que la psychanalyse pourrait apporter sur ce front-là.
Jean relève les impasses qu'il veut.
SupprimerPour nous, ce qui n'est plus valable dans la SdS, c'est la perspective - à laquelle souscrit ce livre en 1967 - d'une révolution prolétarienne à portée de main (historique). Faute d'un pessimisme critique suffisant (pessimisme notamment étayé sur celui du dernier Freud, confronté concrètement à cette perspective révolutionnaire, séduisant nombre de ses propres disciples), le projet de Debord reprend alors celui de Lukacs, c'est-à-dire en gros celui d'un activisme subjectiviste conquérant "à la Fichte" : prétendant se soumettre, assujettir à son contrôle des conditions d'existence et d'épanouissement humains désormais découplés d'une aliénation marchande simplement "contingente", presque "fragile".
Or, cette fragilité du Capital est une illusion, ce dont les oeuvres tardives de Debord finissent par convenir, le Capital absorbant tout, surtout l'essentiel de la critique lui étant portée.
Cela, la Théorie Critique en avait pris conscience dès les terribles années 1940 (je pense ici bien entendu à Adorno et Horkheimer). Marcuse, seul, avait tenté vaille que vaille de maintenir un espoir d'émancipation, lui-même de plus en plus ténu.
Ah tiens, à propos de Debord et avant que les troquets rouvrent, deux détournements en cartes postales à demander (c'est gratos) à l'éditeur : edition-privee-hors-commerce@mail.com
RépondreSupprimerOn peut les voir ici :
https://situationnisteblog.com/2020/12/05/ne-teletravaillez-jamais-2020/
https://situationnisteblog.com/2020/12/05/nous-rions-mais-jamais-en-meme-temps-que-vous-2020/