jeudi 16 juin 2022

Conception du monde

Dédicace à tous nos amis ≪anti-campistes≫ (ils nous avaient fait la même, quand on soutenait les marxistes-léninistes du PKK contre les islamistes turcs). Tout ça, en vérité, c'est la faute à l'OTAN ! Un impérialisme russe, turc, ou chinois, non mais allô, quoi ? Juste impossible. Un impérialisme sous pavillon "socialiste-antifasciste", et puis quoi encore ? Et pis, d'abord, les ukrainiens, c'est rien que des nationalistes néo-nazis ultra-libéraux. D'ailleurs, au fond de notre goulag, on sera trop bien pour en parler, de tout ça. À l'aise. Quelle connerie, la guerre ! 
Et quelle foutaise, la liberté... 
Hein, les camarades ?
Hein, les fines mouches ?

4 commentaires:

  1. Le PKK soutenu par Assad (et, cela va sans dire, Poutine...). La dialectique, quoi...

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    1. Non. Les YPG étaient soutenus par les USA, en Syrie, avant que Trump foute la merde, contre l'avis de tout l'état major yankee. Les Rojavistes étaient de facto les ennemis de Poutine-Assad (les américains ont exterminé un de leur contingent Wagner du côté de Deir Ezzor, qui s'approchait un peu trop près de leur zone d'influence). Et justement parce que les kurdes des YPG étaient soutenus par l'impérialisme américain (y en aurait-il un autre, au fait, d'impérialisme ?), ils étaient transcendantalement tricards chez moult gauchistes français pour qui "ricain" veut toujours dire mal absolu, même après Prague 68, Budapest 56, Tian An Men 89, etc etc ad nauseam. Ceux et celles qui y sont partis, et les ont rejoints au Rojava, défendent même souvent, par pure idéologie (contraire à leur générosité et leur humanité pratique) maintenant la thèse - sidérante, même pour nous - que la prochaine offensive programmée de Erdogan dans le coin sera une offensive de... l'OTAN (lisez un texte instructif à ce sujet, récemment publié sur Lundi AM). Ces gens-là comprennent-ils la tactique poutiniste d'Erdogan visant, au coeur même du dispositif otanesque, à saborder l'adhésion suédoise et finlandaise ? Mais baste... Nous avons un autre point de vue sur les choses, et c'est marre : la liberté, et l'individu (créations et valeurs à l'origine bourgeoises, captées par la bourgeoisie mensongèrement sans que ces valeurs en soient souillées pour autant, mais désormais en voie de disparition accélérée) peu nous importe la forme idéologique consciemment arborée par celles et ceux qui les défendent, que ce soit par diplomatie, calcul ou instinct de survie. Les kurdes ou les ukrainiens seraient alliés avec des pourris libéraux comme Joe Biden contre des pourris fascistes comme Erdogan, Xi Jinping ou Poutine pour sauver leur peau ? Grand bien leur fasse. Nous les trouvons infiniment plus sympathiques que ceux d'en face, quelques tares "néo-nazies" ou staliniennes qu'on pourra bien leur dégotter ici ou là. Cela fait une différence, à nos yeux, et en ce moment même, d'être YPG ou volontaire ukrainien, d'un côté, djihadiste turc, tchétchène ou moscovite pro-poutine de l'autre. Et c'est en cela que nous sommes à la fois bien seuls, par les temps qui courent, et bien impuissants.

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    2. Depuis le déclenchement de l'insurrection syrienne, dès 2011-2012, le PYD/PKK a dealé avec Assad : on ne se mêle pas de cette révolution, on va sanctionner durement tous les Kurdes qui participent aux manifs anti-gouvernementales, et en échange le gouvernement nous laisse tranquille. Et c'est ce qui s'est passé. Faire commencer l'histoire folklorique du Rojava à 2013 et à l'arrivée de Daesh, c'est falsifier l'histoire. A part ça, le PKK a toujours entretenu, bien avant 2011, de bonnes relations avec la famille Assad. Leur chef a même pu compter sur elle pour trouver refuge à Damas. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs si les révolutionnaires syriens (que beaucoup de gauchistes en France ont essayé de réduire à des bandes d'islamistes, à l'instar de cette ordure de Melenchon) détestent depuis le début les kurdes du PYD/PKK. Il suffit de causer avec des exilés syriens pour s'en faire une idée.

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    3. Certes. Mais l'essentiel reste qu'il y ait eu retournement d'alliance (que le PKK, par exemple, structure purement stalinienne à l'origine, ait eu dès l'origine un tropisme pro-soviétique-russe, et donc aussi, localement, baassiste ne nous avait pas échappé). Le choix fait alors, était clairement le pire. Mais au sein de toute organisation de ce genre, les rapports de priorité entre le théorique et les urgences pratiques, ou l'idéologie de la base et celle des chefs évoluent aussi : imaginez les divergences qui apparaitraient (apparaîtront ?) désormais au Rojava à l'occasion d'un "retour" (décidé par le commandement) vers les Russes... alliés des Turcs. Le PKK-YPG évolue aujourd'hui dans la même sphère d'influence impériale (impérialisme occidental, pour aller vite) que naguère les insurgés syriens, par exemple, attendant encore l'intervention armée d'un Obama ou d'un Hollande suite au franchissement des fameuses "lignes rouges" (gazage par les Russes). En dépit des ces trahisons occidentales, valant bien avec le recul celles du PKK, sans doute avez-vous eu vent des récentes manifestations pro-ukrainiennes (donc, de fait, pro-OTAN) en Syrie, au moment de l'anniversaire de la Révolution de 2011 ("même ennemi, même combat : Poutine"). En sorte que les révolutionnaires syriens, les Kurdes et les Ukrainiens ont donc bien, au final, ce douloureux point commun : présentés par l'idéologie libérale, à différents moments de l'histoire, comme des "héros de la liberté", ils se font tous trahir de la même manière par les États suppôts de l'idéologie en question. Telle est leur identité "pro-occidentale" du moment. Mais que l'Occident leur mente et les trahisse au nom de ces valeurs n'implique pas que lesdites valeurs soient présentées comme équivalentes en fausseté à celles des barbares poutiniens et djihadistes. Les Rojavistes de base de 2013 ne sont pas les mêmes (en tout cas pas partout et tout le temps) que les cadres du PKK copinant avec Assad : ils émargent formellement, en tant que membres de la même structure, à des rackets opposés. C'est ainsi. Le monde se trouve désormais tellement enserré dans un rapport de forces opposant ce genre de concurrents peu fiables que c'est dans la catastrophe même, la catastrophe se déroulant, que de lointains échos à ce que pourrait être encore un individu libre, ou une juste cause, se font jour çà et là, sur tel ou tel champ de bataille, par accident. Le seul intérêt moral pouvant encore subsister dans l'examen stratégique d'un tel tas de boue géant consiste dès lors à repérer la présence différenciée (alliance après alliance, trahison après trahison) de ce ferment d'humanité au sein de l'un ou l'autre camp. Il est souhaitable que la Russie de Poutine perde en Ukraine, que la Turquie d'Erdogan soit défaite au Rojava, que Xi Jinping échoue devant Taïwan. Car ces défaites sont les conditions, ne serait-ce que symboliques, de toutes les autres défaites futures de l'autoritarisme, ici et ailleurs.

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