mercredi 9 mai 2018

Du bled


Le blédard, en tous temps et lieux de l'humanité, c'est le mec du bled, le nhà quê : le paysan ayant dû (et pu, le cas échéant) faire mouvement pour sauver sa peau, et celle des siens, en direction de la Marchandise Urbaine Opulente, de la métropole trans-nationale, dès que l'occasion s'en sera présentée. Bref, c'est le prolétaire. Tous les prolétaires sont au départ des blédards, plus ou moins conscients de cette origine historique, le plus souvent, certes, niée et refoulée par l'ultra-contemporanéité du prolétaire des villes, pendant aliéné du présent éternel capitaliste, en un mixte moderniste complexe de mépris et de tendresse (voir le clip ci-dessus). De fait, le blédard amène avec lui dans la jungle des villes cette origine paysanne qui ne le quitte pas : sa bléditude. Il la trimballe, semble-t-il, sans rémission. Et avec elle, l'ambivalence de cette chose qui nous intéresse, nous, communistes, et nous répugne en même temps. Ce qui nous intéresse, dans le blédard, c'est son rapport forcément plus sain aux ressources, à la vie qualifiée, à la célébration culturelle, rationnelle, de celle-ci. En d'autres termes : son retard indécrottable sur le mouvement général de l'univers marchand. Tout cela est hostile au capital indifférent et mortifère, mettant avant toute autre considération le monde en coupe réglée équivalente. Ce qui nous répugne, dans le blédard, c'est son conservatisme hérité indépassable, ses traditions inquestionnables et contre-révolutionnaires (les transcendances de sa religion, la violence stupide de son patriarcat, entre autres absurdités fondamentales). Désirez-vous apercevoir le blédard universel ? Vous le trouverez à la fois dans la Révolution française et chez les Chouans de Vendée, au fond commun de la commune russe originelle (mir) et des bourreaux Versaillais de 1871, parmi les Khmers Rouges de base autant que chez tous les immigrés de Paris à travers les siècles. Se dessine, en somme, dans cette figure transcendantale du blédard, tout ce qui aurait pu, chaque fois, tellement promettre de régénération mais qui, souvent, hélas ! sur le fil, aura immanquablement tourné à la catastrophe humaine désespérante. Le chant du bled, pour nous, est ce chant romantique, et mélancolique, du grand désastre annoncé, sans cesse recommencé, entonné vaille que vaille sur une note d'espoir. 

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