mardi 26 février 2013

Bal tragique sur le périphérique. Trois morts.


Il fallait oser, en 1961, devant la racaille d'argent tout juste dénazifiée de Bayreuth, choisir une négro-américaine pour incarner la déesse allemande de la luxure généreuse, puis installer ladite négresse - sublime Grace Bumbry - au coeur de la montagne du Venusberg, histoire qu'elle y cajole, dans la foulée, un obscur trouvère boche.
Cela, ils l'osèrent. 
Trois hommes. 
Le petit-fils (sans doute le plus intéressant d'entre eux) de Richard Wagner : Wieland, le créateur de ce Tannhäuser 1961, et puis Maurice Béjart qui en chorégraphia notamment la sublime bacchanale inaugurale (à laquelle, en d'autres temps, Cosima Wagner avait songé d'intéresser Isadora Duncan) et enfin Wolfgang Sawallisch, qui en dirigea l'exécution. 
La racaille bayreuthienne ne s'y trompa pas. Elle détesta, bruyamment, comme plus tard elle détesterait le Ring de Boulez, en traitant par exemple de putes les filles du Rhin de Patrice Chéreau avant de rentrer chez elle en Rolls, pleurer la mort de tous les Martin Schleyer du monde.  
Cette version de 1961 compte donc, en toute logique, parmi les meilleures. Et quoique le « nouveau Bayreuth » d'après-guerre, sous la pression idéologique anglo-américaine proscrivant tout rappel concret à la mythologie germanique (un rappel suspecté -  à raison, d'ailleurs - d'avoir servi la soupe à l'entreprise de masse hitlérienne) ait trop souvent cédé - du coup - aux exigences de distanciation, à la pure abstraction, à la sécheresse de composition, à la pénible nudité de décors (parfaitement accordées à ce misérable air du temps camuso-absurdiste, sartro-geworfenhien voire franchement ionesquo-beckettien existentialo-gratuitiste dont nous ne sommes jamais hélas ! vraiment sortis : la condition humaine, vous comprenez ?), nous souhaitions ici - du fond de notre pauvre grotte à nous - saluer à notre manière dérisoire ces trois grands artistes. 
Trois morts, désormais. 
Car Sawallisch nous a quittés le 22 février dernier. 
Un bon voyage, maestro.
 

 

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