(Tout ça manque de rigueur, quand même...)
Un chérubin rustique, musclé, pourvu de lunettes de soleil de marque et d'une oreillette presque invisible qu'il rajustait régulièrement avec ostentation, la pria ainsi sans plus de cérémonie de se mettre sur le côté, dans l'attente de vérifications complémentaires. L'âme de M. Schäuble n'apparaissait pas, semble-t-il, sur la liste. «Quelle liste ?», s'impatienta l'âme de M. Schäuble avec l'autorité qu'on lui connaissait voilà si peu de temps encore, à tous les étages du Ministère des finances de la République fédérale d'Allemagne et du Palais de l'Élysée, en France. «J'ai fait, trépigna-t-elle, ce qu'on attendait de moi. J'ai appelé au Métier, au Beruf, au sacrifice tous azimuts pour la Vocation. Faites un métier de merde à vie, que je leur ai répété, toutes ces années, à tous ces cons, et croyez-moi que j'y ai joint le geste à la parole ! Vous prouverez votre amour de Dieu en leur léchant le cul, à vos patrons et à vos syndicalistes constructifs, et en vous tuant à la tâche sans y perdre une minute, que je leur disais comme ça entre deux coups de schlague dans leur sale gueule de feignasse. Et voilà qu'on me fait poireauter comme ça, devant les autres cons qui rentrent pépères en soirée, comme un pauvre enculé de clochard grec ou espagnol ? T'es sérieux ou quoi, espèce de fils de pute ?». Le chérubin ne l'écoutait pas, il était occupé. Et les incivilités, à cet endroit précis, étaient légion. Autant ne pas les remarquer. Car en définitive, les gens passaient, signaient un formulaire, partaient d'un côté ou de l'autre, et voilà tout. Ça roulait. Les choses fonctionnaient, que les râleurs se manifestent ou pas. Comme du temps, de M. Schäuble, en bas, finalement. Les choses n'étaient pas si différentes, au fond, de ce point de vue-là. De temps en temps, néanmoins, il semblait se rappeler la présence de l'âme de M. Schäuble, toujours aussi excitée et scandalisée, dans son coin, et levait à nouveau les yeux sur elle. Au bout d'un certain moment (que nous aurions du mal à estimer précisément), le flot des aspirants se tarit. Le chérubin se dirigea tranquillement vers l'âme de M. Schäuble, la main rivée sur son oreillette. Pendant toute sa courte progression, et tandis que, visiblement, des informations et instructions précises lui parvenaient, il ne quitta pas des yeux cette substance apeurée ayant animé jadis le bouclier très physique de l'orthodoxie budgétaire européenne, mais désormais réduite à sa merci, aux quelques mots, irrévocables, qui sortiraient bientôt de sa bouche, pour l'expédier Dieu sait où. Le chérubin dit okay ! je vois ! à son oreillette, puis eut un sourire, très mauvais, qu'il s'efforça aussitôt de dissimuler. L'âme de M. Schäuble perçut distinctement, dans cet ordre, cette série d'événements. «Toutes mes excuses, Monsieur, reprit le chérubin. On m'informe que votre baignoire est prête. Austère et froid, comme vous aimez. Vous pouvez descendre. Ce sera sur la gauche.»
Il est con aussi Wolfgang, on ne se présente pas en tsarouchia à l'entrée d'une boîte de nuit.
RépondreSupprimerVous économisiez, et faisiez chanter ?
Supprimerj'en suis fort aise.
Et bien dansez le sirtaki maintenant !
C'est malin : va falloir partager la baignoire de Thatcher maintenant. Bonjour la vieille odeur de pied !
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