James est mort.
Sa famille proche l'a enterré aujourd'hui, Mardi 12 juillet, dans un petit cimetière dominant la Mer d'Irlande, conformément à ses vœux. Notre tristesse est grande. Elle tient, bien entendu, à l'affection que nous éprouvions pour un ami disparu, évoquant notre propre histoire, qui s'étiole. Elle se nourrit, plus précisément, de cette certitude que, désormais, les séquences de souffrance similaires ne cesseront plus guère de s'enchaîner, jusqu'à la fin. Nos amis, nos amours ont tous les âges. Ils sont de ce monde, de ce temps, de cette vie, et puis ne le sont pas. Mais quand ils n'existent plus, ils sont toujours là. Tel est le privilège terrible de la mémoire infiniment précise. Il gît dans le souvenir de chagrins anciens, l'attente douloureuse de douleurs nouvelles, l'absence d'espoir en ce monde perdu s'écroulant chaque jour davantage, devenant chaque jour plus irrespirable. Il reste cette fierté ultime, elle-même bien pathétique, d'avoir du moins identifié le mal, identifié le problème. La souffrance : ≪la seule chose qui soit réelle≫, indéniablement, définitivement. C'est ainsi que la chante Johnny Cash, dans cette reprise qu'il interpréta peu de temps avant de mourir, l'une des plus belles et déchirantes et exactes chansons qui soient.
Nous embrassons James une dernière fois. Nous pensons à ses beaux yeux rieurs. Nous pensons à son grand amour, Sophie, qui l'accompagna et le défendit, toutes ces années que la maladie le frappait, le torturait lentement, sans répit ni pitié. Le voilà désormais libre. Bon vent, camarade !