Bruno C.
à jamais
dans les nuages
(? - 2014)
On trouvera une évocation du personnage
« L’Histoire m’offrait le modèle et le type des relations idéales du théâtre et de la vie publique telles que je les concevais. Je trouvais ce modèle dans le théâtre de l’ancienne Athènes. Là, le théâtre n’ouvrait son enceinte qu’à certaines solennités, où s’accomplissait une fête religieuse qu’accompagnaient les jouissances de l’Art ; les hommes les plus distingués de l’État prenaient à ces solennités une part directe, comme poètes ou acteurs ; ils paraissaient, comme les prêtres, aux yeux de la population assemblée de la cité et du pays ; et cette population était remplie d’une si haute attente de la sublimité des œuvres qui allaient être représentées devant elle, que les poèmes d’un Eschyle ou d’un Sophocle pouvaient être proposés au peuple et assurés d’être parfaitement entendus. Alors s’offrirent à moi les raisons, douloureusement cherchées, de la chute de cet art incomparable ; mon attention s’arrêta, premièrement, sur les causes sociales de cette chute, que je crus trouver dans les raisons ayant amené celle de l’état antique lui-même. Puis, je cherchai à déduire de cet examen les principes d’une organisation politique de l’humanité qui, en corrigeant les imperfections de l’état antique, pût fonder un ordre de choses où les relations de l’art et de la vie publique, telles qu’elles existaient à Athènes, renaîtraient, mais plus nobles, si cela est possible, en tout cas plus durables. Je déposai les pensées qui se présentèrent à moi sur ce sujet dans un petit écrit intitulé l’Art et la Révolution.»
« Et en effet, aujourd’hui encore, nous sommes esclaves, mais avec la consolation de savoir que nous sommes tous également esclaves : esclaves auxquels autrefois des apôtres chrétiens et l’empereur Constantin conseillaient de sacrifier patiemment un misérable ici-bas à un au-delà meilleur ; esclaves auxquels aujourd’hui des banquiers et des propriétaires d’usines enseignent à chercher le but de l’existence dans le métier exercé pour gagner le pain quotidien. Seul, à son époque, se sentait libre de cet esclavage l’empereur Constantin, qui disposait, en sensuel despote païen, de la vie terrestre de ses sujets crédules, représentée à ceux-ci comme inutile ; seul libre, du moins au point de vue de l’esclavage public, se sent aujourd’hui celui qui a de l’argent, car il peut à son gré passer sa vie à faire autre chose que gagner sa vie. »
« Non, nous ne voulons pas redevenir Grecs ; car, ce que les Grecs ne savaient pas, ce pourquoi ils devaient périr [nous] le savons, nous. Leur chute même dont, après une longue misère, nous découvrons la cause au plus profond de la souffrance universelle, nous montre avec précision ce que nous devons devenir : elle nous montre que nous devons aimer tous les hommes, afin de pouvoir nous aimer nous-mêmes de nouveau et retrouver pour nous la joie de vivre. Nous voulons nous délivrer du joug déshonorant de servage du machinisme universel, dont l’âme est blême comme l’argent, et nous élever à la libre humanité artistique dont l’âme rayonnera sur le monde ; de journaliers de l’industrie, accablés de travail, nous voulons tous devenir des hommes beaux, forts, auxquels le monde appartienne, comme une source éternellement inépuisable des plus hautes jouissances artistiques.
Dans ce but, nous avons besoin de la force toute-puissante de la Révolution ; car, seule est nôtre la force de la Révolution poussant droit à ce but, dont elle peut justifier la réalisation uniquement parce qu’elle exerça en premier lieu son activité à disloquer la tragédie grecque, à dissoudre l’État athénien.
D’où devons-nous donc tirer cette force dans notre état de débilité profonde ? D’où [tirer] la force humaine contre la pression paralysante d’une civilisation qui dénie tout à l’homme ? Contre l’outrecuidance d’une civilisation qui ne se sert de l’esprit humain que comme de la force de la vapeur dans une machine ? D’où [tirer] la lumière capable de dissiper cette barbare superstition régnante voulant que cette civilisation, cette culture aient en soi une valeur plus grande que le véritable homme vivant ? Voulant que l’homme n’ait que la valeur et l’importance d’un instrument aux mains de ces abstraites puissances dominatrices, et non par soi-même : comme homme ? »
Asphyxie pour une bouffée de liberté
J’ai passé les examens nationaux [d’entrée à l’université] l’été dernier en prison et j’ai été accepté dans une faculté d’Athènes. Sur la base de leurs lois, j’ai donc le droit de commencer à prendre des permissions depuis septembre pour des raisons éducatives afin de suivre le programme de l’université. Bien entendu, les demandes de permissions que j’ai remplies ont terminé au fond d’un tiroir, fait qui me conduit à exiger ce droit avec pour arme mon corps. Il est nécessaire que je clarifie ici mes motifs politiques afin de donner un cadre autour du choix que je fais. Les lois, en-dehors d’être des outils de contrôle et de répression, sont en même temps utilisées pour maintenir des équilibres, ce que l’on appelle aussi le contrat social, qui reflètent des rapports socio-politiques et forment en partie certaines positions dans le cours de la guerre sociale.
C’est pour cela que je veux que mon choix soit le plus clair possible : je ne défends pas leur légalité, au contraire, j’use un chantage politique pour gagner des bouffées de liberté à la condition dévastatrice de l’enfermement. S’ouvre ici une discussion quant à nos revendications dans la condition de captif. Il est acquis qu’il y a toujours eu des contradictions dans de telles conditions et qu’il en existera toujours. Par exemple, nous avons participé à la grande grève de la faim des détenus contre le nouveau projet de loi alors que nous sommes des ennemis fanatiques de toutes les lois. Nombre de compagnons ont respectivement négocié leurs conditions de détention avec pour armes leurs corps (mises en détention préventives "illégales", refus de se soumettre à la fouille corporelle, maintien en prison) et ils ont bien fait. La conclusion est donc que, dans la condition où nous nous trouvons, nous sommes obligés de nombreuses fois de rentrer dans une guerre stratégique de position, ce qui est un mal nécessaire dans notre situation. Avec le choix que je fais, et dont les caractéristiques politiques sont spécifiés dans le titre du texte, l’occasion est donnée d’ouvrir une lutte dans une conjoncture particulièrement cruciale pour nous tous.
« Précisément, la poésie est l’art du résiduel. Elle est l’insoumis quand l’ordre du diaphane a fait son compte de tous les discours. Quand chaque mot a été soigneusement désinfecté et apprêté comme une marquise de cour. Parce qu’ils échoueront sur la couche du prince, quoiqu’ils s’effarouchent, et, pudiques, se drapent de vertus que, depuis belle lurette, ils ont perdues ou bues jusqu’à la lie du compromis et de la putasserie. La poésie est incompatible ou elle n’est rien ! » (Jean-Marc Rouillan, Lettre à Jules, mercredi 14 janvier 2004).
Compagon-ne-s, ils nous enferment depuis maintenant un bout de temps. Des blocus de flics et des pogroms de l’antiterrorisme aux commissions d’économistes qui exterminent tous ceux qui ne rentrent pas dans leurs statistiques. Des grands industriels grec qui résistent aux offensives des multinationales géantes en soutenant le socialisme tardif de SYRIZA à l’état d’urgence où les politiciens s’essayent au costume de l’ultra-patriotisme toujours esclave du bien de la nation. Des flics et de l’armée qui s’équipent d’armes dernier cri pour la répression des insurgés aux prisons de haute sécurité.
Appelons les choses par leur nom : ce que l’Etat exploite n’est rien d’autre que l’inaction qui s’est désormais établie comme solution naturelle. Il sera bientôt trop tard, et le pouvoir avec son bâton magique ne montrera de la pitié seulement à ceux qui se mettront à genoux docilement devant sa toute-puissance. Le système prévoit un futur où les révolutionnaires seront enterrés vivants dans des "centres de détention de correction intensive" et où sera mené leur destruction physique, mentale et morale. Un musée innovant de l’horreur humaine où les pièces exposées vivantes auront écrit au-dessus d’eux "exemple à éviter", cobayes humains sur lesquels seront testées toutes les intentions sadiques du pouvoir. Chaque personne répond aux dilemmes et fait ses choix. Ou bien spectateurs assis dans des chaises isolées à la vie castrée, ou bien acteurs des événements qui font le cours de l’histoire. Les yeux fixés sur l’horizon, nous avons vu ce soir-là de nombreuses étoiles tomber en traçant leurs propres chemins chaotiques. Et nous les avons comptées, encore et encore, fait des vœux, calculé les chances. Nous savions que notre désir pour une vie libre devait passer sur tout ce qui nous opprime, assassine, détruit, et c’est pourquoi nous avons sauté dans le vide, exactement comme les étoiles que nous voyons tomber. D’innombrables étoiles sont tombées depuis, l’heure est peut-être venue pour la nôtre, qui sait ? Si nous avions réponse à tout nous ne serions pas devenus ce que nous sommes, mais des salopards égoïstes qui apprendraient aux gens des manières de devenir des rongeurs qui s’entre-dévorent ainsi qu’ils le font aujourd’hui. Au moins, nous restons encore fermes et obstinés tels ceux de notre genre. Et tous ceux d’entre-nous qui, de douleur, ont fermé leurs yeux et voyagé loin, restent avec le regard fixé sur ce ciel nocturne que nous avons nous aussi regardé. Et ils nous voient tomber, étoiles belles et brillantes. Notre tour est venu. Nous tombons maintenant sans hésiter.
Je commence une grève de la faim le 10 novembre sans faire un pas en arrière, avec l’anarchie toujours en mon cœur.
Le responsable pour chaque jour de grève de la faim et de tout ce qui peut se passer d’ici-là est le conseil de la prison constitué du procureur Nikolaos Poimenidis, de la directrice Charalambia Koutsomichali ainsi que l’assistante sociale.
La solidarité c’est l’attaque
P.S. : À tous les "militants" de salons, les humanistes professionnels, les personnages "sensibles" de l’intellect et de l’esprit : allez voir ailleurs d’avance.
Nikos Romanos (Prison de Korydallos).
J’essaie de saisir sur papier la dernière pensée cohérente à l’occasion des évolutions récentes et du deuxième rejet de la demande de congé sabbatique.
Dès les premiers jours de la grève, je l’ai dit dans mon discours à la réunion de solidarité qui a eu lieu à Athènes, que le rejet du juge Nikopoulos qui depuis longtemps se déclarait incompétent est le début d’une stratégie étatique dans le but de m’éliminer. Cette évaluation politique a été absolument confirmée.
Dans un premier temps, à travers le mandat du procureur de la prison de Korydallos, Evangelia Marsioni, pour l’alimentation forcée, acte de véritable viol ayant conduit à la mort, entre autres, de Holger Meins en Allemagne et des membres du GRAPO en Espagne . Les médecins de l’hôpital ont jeté à la poubelle l’ordonnance du tribunal et refusé de commettre un tel crime étatique, ce qui est à leur honneur.
Mon appel à un conseil juridique hors de la prison, (un acte légal auquel de nombreux prisonniers font recours, lorsque le conseil de la prison rejette leurs demandes) a été rejeté au motif que la décision engage Nikopoulos, la même décision sur laquelle l’appel avait été déposé.
Pour ceux qui ont une compréhension de base en politique, l’intervention du ministère de la Justice la veille de la réunion du conseil était un mandat clair pour le rejet de la demande et je vais expliquer pourquoi. L’avis émis par le ministère de la Justice affirme qu’Athanassiou n’est pas responsable de ce qui suit : « Les congés sabbatiques sont accordés exclusivement par le conseil approprié (de la prison), qui est dirigé par le procureur, tandis que pour les détenus l’avis d’accord de l’organe judiciaire qui a ordonné la détention est nécessaire. »
En bref, la validité de l’appel est annulée directement par le ministre. Tout cela habilement couvert par la proposition pleine de non-sens pour des leçons par vidéoconférence au lieu de congés, ce qui est illogique parce que les cours exigent une présence obligatoire.
D’ailleurs, cela ouvre la voie, pour les conseils de prison, d’abolir complètement les congés, connus pour leur peur de responsabilité et la solution de téléconférence s’appliquera à tous les prisonniers. Dans la même logique, les visites avec nos familles auront lieu à travers les écrans pour des raisons de sécurité tout comme dans nos tribunaux. La technologie au service de la « correction » et de la justice. Du progrès humain ou du fascisme... l’histoire jugera.
À ce stade, il convient de mentionner le rôle du magistrat d’appel spécial, Eytychiou Nikopoulos, qui, dès le début de la grève de la faim, avait pris des mandats politiques clairs de ses supérieurs politiques du ministère de la Justice, c’est pourquoi tout le monde le considère comme responsable. En échange, il recevra sa promotion à la Cour suprême, comme c’était le cas avec son prédécesseur Dimitris Mokas, leader des dizaines de campagnes anti-anarchistes et répressives. Depuis, ce dernier profite du gros salaire de l’élite judiciaire payé par la Cour suprême. Aléatoire ? Je ne pense pas. Pour ma part, je continue, en surpassant toute chance de prendre du recul et je réponds avec lutte jusqu’à la victoire ou lutte jusqu’à la mort.
En tout cas, si l’État m’assassine avec son attitude, M. Athanasios et sa bande resteront dans l’histoire comme une bande d’assassins, instigateurs de torture et assassins de prisonnier politique. Espérons seulement trouver ces esprits libres qui jugeront la loi de la justice à leur manière.
En terminant, je veux envoyer ma complicité et mon amitié à ceux qui sont à mes côtés par tous les moyens. Enfin, quelques mots sur mes frères, Giannis qui se trouve aussi à l’hôpital, Andreas, Dimitris et d’autres. La lutte est porte aussi des pertes puisqu’aux chemins pour une vie décente, on doit prendre la mort par la main, au risque de tout perdre pour tout gagner. La lutte se poursuit avec le couteau au poing, encore et encore.
Tout pour tous !
Tant qu’on vivra et qu’on respirera, vive l’anarchie !
6 décembre rendez-vous dans les rues de la rage
ma pensée trainera dans les rues habituelles
parce qu’il vaut de vivre pour un rêve, même si son feu nous brûle
et comme on dit, force.
NB : Il est évident que je ne peux pas contrôler les automatismes sociaux. Cependant, les membres de Syriza et tous les commerçants d’espoir (parus à l’hôpital) ont pris la porte sur la gueule SANS DIALOGUE. Je souligne que j’ai officiellement signé mon refus pour toute alimentation forcée.
Nikos Romanos
3 décembre 2014
En février 2011, les autorités de police du comté de Halland ont décidé d’expulser une femme roumaine [...] Les autorités de police ont dit que la femme, qui gagnait sa vie par la prostitution, constituait une menace à l’ordre public et à la sécurité. La femme a fait appel au Bureau suédois de la Migration qui a rendu la même évaluation que l’autorité de police de Halland : nommément que la prostitution est en effet illégale en Suède, puisque l’achat de services sexuels est un délit. Cela signifie en pratique qu’un crime doit être commis selon la loi suédoise pour permettre à une personne engagée dans la prostitution de subvenir à ses besoins (2).
[...] la prostitution doit être vue comme un moyen malhonnête de subvenir à ses besoins selon la loi. La prostitution – qui ne peut pas avoir lieu sans qu’un crime soit commis – peut aussi être considérée comme une occurrence interdite d’un élément principal. Contrairement à un jugement précédent par le Ombudsman de la Justice, qui avait un lien avec la mendicité, l’expulsion dans cette affaire est considérée comme compatible avec la loi sur les étrangers (3).