Lettre d’un combattant internationaliste
se rendant à Afrin pour participer à la résistance
Après 13 mois au Rojava, alors que je pensais rentrer en Mars ou Avril et ne plus retourner au front d’ici là, la situation me conduit de fait à changer de décision.
Demain je pars pour Efrin, qui comme vous le savez est attaquée par l’État turc. L’invasion du canton d’Efrin par la Turquie et la résistance kurde qui s’y déploie symbolisent une nouvelle bataille contre le fascisme.
Tous nos camarades des YPG/YPJ, du PKK et des partis révolutionnaires turcs s’accordent à dire que ce sera le front le plus difficile qu’on ait jamais vu au Rojava, mais qu’il s’agira également du plus politique. Une guerre de haute intensité militaire et politique, voilà ce qu’est Efrin.
Combattre la deuxième plus grande armée de l’OTAN implique également une nouvelle forme de guerre, une forme de guérilla semi-rurale et semi-urbaine, bien différente du conflit contre DAESH.
Mais il va nous falloir aussi affronter les groupes islamistes du Nord syrien type Al-Nosra/Al-Sham, et la fraction pro-turque de la FSA (Armée Syrienne Libre) qui n’est rien d’autre qu’un gang armé réactionnaire.
Nous sommes plusieurs dizaines d’internationaux (comprendre occidentaux, les kurdes ne considérant pas leurs camarades turcs comme internationaux) à partir là-bas, et c’est sans surprise que nous ne soyons presque que des “politiques” (révolutionnaires).
Cette fois nous partirons en tant que membres des partis turcs, principalement DKP/BÖG et TKPML/TIKKO, et viennent également avec nous le MLSPB, le MKP, le TKPL. Le MLKP ne se joindra pas à nous, pas dans l’immédiat en tous cas (et l’on ne s’en plaindra pas).
L’International Freedom Battalion demeure pour l’instant à Rakka, où l’État Islamique continue de mener quelques attaques éclairs, se cachant parmi les civils qui tentent de reconstruire leur ville. Au Sud, vers Deir-Ez-Zor, les YPG/YPJ/SDF continuent de prendre des villages à l’EI.
Le Rojava, et surtout les rojavi, sont sous le coup d’une attaque massive, et doivent se battre sur plusieurs fronts. L’extrême-gauche européenne, dans sa couardise habituelle, apporte un soutien de forme plus que de fond.
Notre départ est donc aussi un appel à la solidarité.
Nous attendons de nos camarades à travers le monde qu’ils et qu’elles partagent des nouvelles sur la situation au Kurdistan. Qu’ils et qu’elles trouvent des fonds pour les organisations investies au Rojava.
Sans argent nous ne pourrons pas nous battre efficacement.
La guerre nous épuise tous, nous vide d’une certaine substance vitale qui pourrait bien être l’innocence, mais la guerre est aussi l’affirmation d’une irrémédiable confrontation politique, elle est l’irréversibilité d’une situation qui fut et qui ne sera plus.
C’est pourquoi il faut ici y voir une possibilité. Celle d’arrêter l’ennemi fasciste d’abord, de l’affronter ensuite, et de le repousser après; d’écarter la confusion pour pousser les gens à prendre parti.
Parce qu’il faut à présent prendre parti, faire un choix simple entre liberté et barbarie, fascisme ou révolution.
La neutralité n’est pas permise, et l’indifférence est un crime.
Dans les collines et les oliveraies d’Efrin, des gens se battent. Ils sont apoistes, communistes, anarchistes, démocrates radicaux ou simplement antifascistes. Ils sont des nôtres. Ne les oubliez pas.