« Comment tuer ce qui n'est pas vivant ? »
(trailer français du film Christine, de John Carpenter)
Pas vivant, ou du moins : pas encore...
Suite et fin de notre réflexion sur les conceptions démocratistes-radicales de Axel Honneth, en lien avec sa perception singulière de l'oeuvre de John Dewey, telle qu'exposée dans son article canonique "La démocratie comme coopération réflexive", ici par nous commenté. Promis, on enchaîne très vite sur d'autres trucs plus sexys. Mais il fallait régler ça.
Rappel : Le texte original allemand (Demokratie als reflexive Kooperation. John Dewey und die Demokratietheorie der Gegenwart) est disponible, notamment, dans le recueil intitulé Das Recht der Republik (Frankfurt, Suhrkamp, 37–65.) Une traduction française en a été proposée par la revue Mouvements n°6 (aux éditions de la Découverte). Cette traduction est ardue à dénicher. Nous nous en tiendrons, nous, pour nos notes et indications de pages, à la version anglaise (revisitée le cas échéant par nos soins), parue dans Political Theory (volume 26, n°6, décembre 1998, p. 763-783). Cette version est la plus facilement et gratuitement trouvable sur le net, d'où notre choix démocratique.
***
La
démocratie comme rupture et condition épistémologique.
Sitôt les “faiblesses” téléologiques du jeune Dewey écartées, à compter de la
seconde partie du deuxième chapitre de son étude, Honneth définit son apport
potentiellement essentiel à la théorie démocratique contemporaine, au moyen
d'un rappel des instruments épistémologiques dont il se sera servi pour établir
ses propres convictions. Dewey considère que la démocratie ne saurait être à
proprement l'objet d'une science politique positive dont les limites se
trouveraient fixées une fois pour toutes, mais dépend plutôt d'une certaine
capacité scientifique pratique liée à
la nature humaine elle-même, entendue comme comportement (Human nature and conduct)
mobilisant sans discontinuité chez l'homme, du biologique au politique en
passant par le psychologique, un complexe de dispositions plastiques et
d'instincts plus éprouvés (à l'efficacité sensori-motrice établie), alors
cristallisés en habitudes. Honneth
repère dans cette théorie toute l'importance accordée à la notion de “reconnaissance”, de “lutte pour la reconnaissance”
si capitale dans sa propre théorie. Chez l'homme, depuis une masse informe
d'instincts disponibles dès le départ existentiel de l'individu, seuls se
hisseront au statut d'habitudes opératoires, d'habitudes d'action, ceux de ces instincts dont l'utilité aura été sanctionnée par un groupe d'appartenance, lequel
développe donc, vis-à-vis de l'individu, certaines attentes auxquelles ce dernier s'efforcera de satisfaire, la
qualité de son épanouissement – par la reconnaissance – étant ainsi inséparable de l'enrichissement scientifique
de la collectivité L'intelligence de chacun augmentant en proportion exacte de l'intelligence de
tous à régler des problèmes, et d'établir à cette fin des protocoles de coopération efficaces, l'extension d'une
telle capacité démocratique est donc virtuellement infinie, autant que
l'exhaussement de l'intelligence rationnelle (individuelle donc collective), par le biais de méthodes de recherche
fonctionnant sur de tels principes démocratiques. Honneth rappelle l'intérêt de
Dewey pour les sciences naturelles, surtout la modalité expérimentale dont, de
son point de vue pragmatiste, celles-ci progressent toujours, par delà vrai et
faux essentialisés (le pragmatisme deweyen incluant de fait une bonne part de
faillibilisme, ce dont le texte de Honneth ne rend pas suffisamment compte en
son souci très socio-politique). En témoignent sa pratique de la “psychologie” – surtout entendue comme
psychologie du développement (pp.
771-772) – et, de manière générale, l'estime dans lequel il tient la “logique de recherche scientifique” :
la démocratie, estime Dewey, donne déjà,
dans le domaine des sciences, d'excellents résultats. Le niveau intellectuel et
cognitif s'y élève dès lors qu'un groupe humain (politique ou pré-politique) se
voyant confronté à un problème donné, la liberté la plus ample reste offerte au
maximum d'intervenants possibles, issus de ce groupe, d'intervenir sur lui
selon les modalités de formulation d'hypothèses les plus variées, dont aucune
attitude de domination hiérarchique
au plan social, ni essentialiste au
plan scientifique, ne doit venir entraver le surgissement continu. Les
intervenants, réunis par la résistance particulière que tel problème leur
oppose encore se trouvent ainsi liés
les uns aux autres par telle conséquence
dommageable unique (et directement pratique) les fondant tous comme Public intéressé à la résolution de ce
problème : “ Guidé, note Honneth, par l'exemple des recherches
expérimentales dans les sciences naturelles, Dewey put rapidement se rendre
compte que les chances d'y déboucher sur une solution intelligente des
problèmes augmentaient avec la qualité de la coopération entre les chercheurs
concernés : plus les participants scientifiques étaient libres d'introduire
sans restriction leurs propres hypothèses, croyances ou intuitions, plus
l'hypothèse finale s'en trouvait équilibrée, ample et donc intelligente” .
Telle est la logique de Dewey, une logique de soumission efficace des fins à
leurs meilleurs moyens, leurs moyens les plus adéquats. Que cette logique soit
directement celle de la démocratie, et donc clairement la fin de celle-ci, c'est, comme le note Honneth, ce qui distingue
Dewey, par exemple, de l'éthicisation - ou l'essentialisation de valeurs - républicaniste
d'Arendt. Ce pragmatisme rigoureux de Dewey n'est, cependant, jamais
politiquement interrogé en lui-même par Honneth, comme par Horkheimer, et
surtout par un Marcuse soumettant - de manière extrêmement polémique - Dewey à
cette redoutable difficulté historique, par exemple, d'un fascisme allemand droit émergé de la démocratie parlementaire et susceptible,
à s'en tenir au point de vue deweyen pragmatiste (ou "positiviste"
comme le dit, d'ailleurs de manière contestable, Marcuse) d'avoir d'une
certaine terrible manière, lui aussi, représenté cette adéquation des moyens et des fins, cette capacité à l'appréhension adéquate de conséquences, au règlement
de problèmes proprement nouveaux (par
- et pour - un certain public) fondant seule la valeur normative d'une
institution politique
Quoique la lecture marcusienne puisse apparaître excessive, il n'en reste pas moins
que la pure reprise par Honneth de cette thèse deweyenne d'un "choix
institutionnel" librement, démocratiquement et constamment renouvelé par
le public, pose question. Qui est par exemple ce "nous" en quelque sorte "continu" (comme il y a
une continuité de l'État redoutable d'une séquence historique à une autre) évoqué par Honneth
dans la phrase suivante : "Suivant
le critère de rationalité des décisions passées, nous décidons continuellement,
et de nouveau, de comment les institutions d'État doivent être spécifiquement
organisées et de comment elles doivent se trouver liées l'une à l'autre suivant
leurs juridictions"
? Ici encore, la difficulté vient, selon nous, d'une surpolitisation relative
de la pensée de Dewey. C'est seulement, en effet, via son approche proprement
expérimentaliste de la démocratie que cette dernière se trouve ensuite (dans un second temps logique, serions nous-tenté de dire)
mobilisée par Dewey au service de la résolution de problèmes politiques
(parfois, d’ailleurs, impliqués, comme nous le verrons plus loin, par la structure potentiellement anti-démocratique
de la modernité même, de cette Great
Society industrielle dont la critique par Dewey prendra ainsi souvent une
forte coloration pessimiste, kulturkritisch),
au point de s'incarner, de manière contingente, dans telle ou telle forme gouvernementale.
L'important tient, cependant, pour Honneth et d'autres interprètes (comme
Hilary Putnam, par exemple)
à cette avance épistémologique
conservée par le principe démocratique sur tous les autres : “Dewey aura développé un argument
épistémologique proposant de considérer la démocratie comme condition
d'amélioration rationnelle des solutions à apporter aux problèmes sociaux”, étant rappelé, donc, une fois encore,
qu'au-delà de toute institutionnalisation, ce mécanisme démocratique doit
demeurer un projet, une perspective, celle d'un épanouissement indéfini des
facultés de l’homme. Le statut du Public
et ses problèmes – autour duquel Honneth développe la seconde partie de son
deuxième chapitre – est donc paradoxal puisque ce livre, qui ne cesse
d'insister sur ce dernier point, en bataillant contre les partisans d'une
doctrine contractualiste, essentialiste, téléologique (“causale”, dit Dewey) de
l'État démocratique, au lieu de
considérer celui-ci comme la simple conséquence matérielle - ou efficiente -
d'un problème posé à la coopération humaine, est cependant, malgré tout aussi,
une réponse de circonstance aux adversaires de la démocratie politique (en la personne de Walter
Lippmann, auteur du Public fantôme,
l’ouvrage précis ayant provoqué la réplique de Dewey), pour qui ladite
démocratie politique promouvrait une très fictive “omnipotence du citoyen”, capacité illusoire d'intervention
permanente de tout un chacun sur tous les sujets, face aux experts spécialisés.
Or, le problème de la démocratie, pour Dewey répondant à Lippmann, ne saurait
justement être la démocratie elle-même : le problème est que le besoin
démocratique excédant toujours en quelque
sorte sa forme politique, il n'y aura jamais assez de démocratie dans l'État politique. Un décalage subsiste
toujours entre le pré-politique, le social et les institutions, mais un
décalage ne pouvant entraîner le renvoi a
priori d’un Public démocratique nécessairement ignorant (ou la
considération froide de son inévitable “éclipse”,
selon le terme de Lippmann) au bénéfice d’experts figés, vis-à-vis de lui, dans
leur supériorité intellectuelle inamovible. Honneth, qui reviendra là-dessus
dans son chapitre final, au moment de confronter Dewey au procéduralisme
habermassien, nous paraît ici manquer, dans son ampleur, toute l’influence
paradoxale de la critique lippmanienne “de droite” sur la pensée de Dewey, notamment, justement,
en termes de pessimisme culturel et
politique. La “négligence” (Wilkinson) ou la “faiblesse” politique
originelle (Honneth) de Dewey ne trouverait-elle pas là un point de
renforcement ? Pour cette pensée extrêmement perméable aux apports de la
psychologie du développement, la forme politique de la démocratie ne
serait-elle pas assimilable, en termes freudiens,
à un processus secondaire, la pensée
de Dewey maintenant un lien indéfectible entre l'organique et le psychique, et
la coopération humaine procédant d'une foultitude de désirs, liées seulement ensuite par
l'association politique ?De sorte que l'État deweyen - tel serait son procéduralisme concret, bien
éloigné de la puissance discurso-légitimante habermassienne – protègerait secondairement les libres désirs articulés de l'organisme citoyen, désirs
dont la définition première,
fondamentale, reposerait sur la reconnaissance sociale du groupe. Ce paradoxe
ou cette incertitude deweyenne (entre politique et biologico-social), Honneth
semble la transmuer en force (relative) à compter du Public et ses problèmes, livre dans lequel le Dewey de la maturité
paraît, en dernière analyse, “affirmer
(...) que la démocratie représente la forme politique d'association dans
laquelle l'intelligence humaine achève son développement”Honneth reconnaît, en même temps, explicitement, que la notion de “Public”
introduite dans ce dernier ouvrage ne constitue qu’une “première réponse, hésitante”
à la question d’une jonction possible entre les deux premiers aspects de la
pensée démocratique deweyenne : la réalisation individuelle dans le Tout social
“organique”, d’une part, et la condition épistémologique de l’échange
démocratique, d’autre part. Au moment de confronter Dewey, une fois encore,
dans la dernière partie de son texte, au républicanisme et au procéduralisme
abstrait, Honneth en souligne, presque paradoxalement, les forces autant que
les faiblesses. Cette difficulté, cette indécision, assez nettement perceptible
dans son texte, est peut-être due au fait qu’un certain pessimisme critique de
Dewey (pessimisme diffus, certes, voire inconscient au regard de son optimisme
pratique formel), structure plus fondamentalement son rapport à la démocratie
qu’Honneth ne veut bien l’admettre.
Dewey
critique de la culture.
Honneth
insiste, tout au long de son étude, sur le cadre socio-économique moderne où
s’épanouissent les conceptions politiques de Dewey. Ce cadre, c’est pour
Honneth la division du travail, au
sens durkheimienL’avantage de Dewey sur Arendt ou Habermas consiste en ce que, relativement à
la position éthique de la première, Dewey ne peut plus croire à l’unicité de
valeur civique qu’elle promeut. Et quant à la seconde, la reconnaissance
sociale posée par Dewey au fondement de la légitimité démocratique
institutionnelle ne peut non plus s’accommoder d’une inter-subjectivité
uniquement validée par la forme
démocratico-légale. Le procéduralisme habermassien s’en tient, et se borne,
pour reprendre la typologie classique de la reconnaissance établie par Honneth,
au deuxième moment de la reconnaissance : la reconnaissance juridique. La démocratie, pour Habermas,
se confond avec le Droit. Honneth sait alors gré à Dewey de voir dans la
reconnaissance sociale, celle de l’homme au travail,
le véritable fondement concret de la légitimité démocratique. La division du travail industriel fondant
la modernité entraîne, pour Dewey, l’impuissance du républicanisme éthique en
ce que cette modernité promeut désormais une multiplicité, une prolifération de
cultures et de valeurs obérant le re-surgissement,
le retour d’une telle éthique classique. Mais cette division du travail ruine
tout autant, par les conflits qu’elle suscite de toute nécessité, l’espoir
d’une assise incontestable d’institutions politiques dont le seul formalisme
démocratique discursif – coupé des rapports sociaux réels – néglige l’opération
continue dont la société procède : “L’idée,
écrit Honneth, d’une sphère publique
démocratique repose entièrement sur des présuppositions sociales ne pouvant
être elles-mêmes fondées qu’en-dehors de cette idée”.
C’est l’établissement d’une démocratie
sociale du travail, seule, qui fondera pour Dewey l’adhésion générale aux
valeurs de légitimité procédurale démocratique.
On retrouve ici cette intuition d’une constitution primordiale du pré-politique, réduit chez Habermas au statut d’incubateur discursif de la démocratie Il semble, là-dessus, que la nouvelle supériorité reconnue plus tard par
Honneth (en 2011, dans Le Droit de la
liberté) à Habermas sur Dewey procédera moins d'un revirement pur et simple vis-à-vis de cette thèse que d'une plus
grande pertinence historique et concrète
clairement accordée à Habermas
Peut-être faut-il y voir la persistance inébranlable dans l'esprit d'Honneth d'une
tendance (d'une "faiblesse") métaphysique obérant chez Dewey la
précision et la rigueur contextualisante, ou plutôt institutionnalisante. Chez Dewey, le groupe démocratique précède en
effet toujours, en importance substantielle et chronologiquement,
l’institution. L’état ou les états (Stände)
priment invariablement l’État. C’est la participation démocratique
pré-politique à des groupes, l’investissement individuel dans des processus
pré-politiques collectifs qui donneront, seuls, l’envie, l’exemple et le besoin
de la pratique démocratique institutionnelle, la démocratie se nourrissant
toujours d’elle-même. Dewey, le pédagogue “organiciste”, sanctifie ainsi le désir et la
pulsion démocratiques (la force qui pousse,
matériellement, à la résolution de problèmes auxquels on est intéressé). Honneth voit parfaitement cette
importance sociale du désir,
de même qu’il distingue bien ce qui oppose Dewey au républicanisme sur-éthicisé
: chez lui, l’alliance des groupes, le groupe des groupes respectés dans leur première intégrité “publique”, constitue l’état
politique quand l’idéal républicain intègre
plutôt les groupes divers à la (re)construction un projet éthique dont le
caractère massif, extérieur et unique implique forcément leur désaisissement et
leur déchéance politique, en tant que la Loi républicaine ne reconnaît plus –
c’est là l’origine, selon elle, de sa légitimité – d’états et d’individus
concrets Ce fédéralisme deweyen est explicitement lié – dans Le Public et ses problèmes, par exemple – à l’histoire
nord-américaine, à cette civilisation pionnière dont la division du travail
contemporaine aura sonné le glas. Telle est l’ambivalence de Dewey relativement
au “progrès”, quelque peu négligée par un Honneth tout à son idée d’installer
Dewey dans une revendication procédurale moderniste, socialement égalitaire, en
face d’Habermas. Or, l’exercice de la démocratie, à l’heure de la Great Society capitaliste, est rendue
pour Dewey aussi nécessaire que difficile, pour ne pas dire, par certains
côtés, impossible. On pense à la nostalgie du jeune Hegel pour la vie éthique
unitaire de l’antiquité grecque. On pense aussi à la division du travail chez
Marx, pour qui chacun de ses progrès s’accompagne aussi d’une somme de
calamités nouvelles, position dont Dewey ne paraît pas plus éloigné que de la
position “neutralement” durkheimienne à laquelle Honneth semble vouloir le
riverEt si ce dernier note bien la pertinence de sa critique impitoyable du
consumérisme, du caractère spectaculaire de la société marchande hypertrophiée,
il la rapproche uniquement de celle d’Hannah Arendt,
alors que la radicalité de Dewey, en l’espèce, l’apparenterait davantage, de
notre point de vue, au pessimisme d’un Marcuse, voire d’un Adorno jugeant
toujours plus verrouillées les possibilités d’émergence démocratique au sein de
la nouvelle société de contrôle de l’industrie culturelle. La critique
lippmannienne, on l’a dit déjà, aura ici incontestablement porté. "La condition principale, écrit Dewey, pour qu'émerge un public démocratiquement
organisé est un type de connaissance et de perspicacité qui n'existe pas
encore [souligné par nous]." Pas encore, ou plus ? Le capitalisme moderne exerce universellement une telle puissance
d’éloignement et de dissolution sur les acquis de l’ancien commun, que cette
puissance complique la naissance nouvelle d’un public simplement désireux de prendre
conscience de lui-même comme les publics l’ayant précédé, et de traiter, encore
et toujours, comme eux, les conséquences fâcheuses de processus complexes (désormais
enclenchés, cependant, tellement au-dessus de sa tête, et sur le cours desquels
ce nouveau public conserve une maîtrise toujours amoindrie). Si la démocratie,
c’est avant tout, pour Dewey, l’autonomie, et surtout l’autonomie
pré-politique, l’intelligence théorique-pratique supposée par celle-ci en vient
forcément là à se heurter, dans ses prétentions de croissance, au lourd
blizzard crétinisant du capitalisme impersonnel. Honneth, qui clôt son étude
sur un retour à notre propre situation contemporaine, examinant les
opportunités d’analyse théorique que Dewey pourrait y permettre d’appliquer, a
ainsi la clairvoyance de noter que dans le cadre contemporain d’une société de
chômage de masse, une “simple restructuration du marché capitaliste” ne saurait
remplacer la perspective, plus lointaine, d’un nouveau modèle de “contribution
coopérative”. Ce modèle, néanmoins, Honneth se garde bien d’en spécifier les
contours et les modalités inter-subjectives précises,
quoique il en évoque la nécessité d’une “redéfinition radicale” à l’aide même,
et à l’aune, des travaux – précieux – de John Dewey. Façon d’admettre implicitement,
peut-être, que c'est, en somme et avant toute chose, l’espoir irréductible, touchant au règlement nécessaire, objectif, “automatique” de ses propres problèmes
“insolubles” (ou : chaque fois inintelligibles suivant nos propres grilles de
lecture anciennes et dépassées) par chaque société successive, que Dewey nous,
en sa qualité d’“organiciste hégélien” (toujours “ jeune ”) nous aura légué ?