vendredi 30 octobre 2015

Joyeux bouchers


« Le président Traufe hausse les épaules.
- Bref, le boucher charcutier qui abat les cochons n'a pas de haine envers ces cochons. Car les cochons ne méritent pas même qu'on les haïsse. Et le boucher charcutier non plus n'a pas besoin de les haïr. N'est peut-être pas même capable encore de les haïr. Et ne désire aucunement non plus les haïr.
Pyrrhon ne s'exprima pas sur ce point.
- Les bouchers charcutiers ont par conséquent le droit d'être inhumains.
- Et alors ?
- Mes gens feraient-ils peut-être partie de ces bouchers charcutiers inhumains ?
À cela non plus Pyrrhon, naturellement, ne répondit rien.
- Non ! Pas vis-à-vis des humains.
- Chapeau bas devant votre humanité, Monsieur le Président !
- C'est pourquoi ils ont besoin de haïr. C'est pourquoi je leur accorde de haïr. C'est pourquoi je leur ordonne de haïr.
- Il ne manque plus alors, compléta Pyrrhon, que vous déclariez voir dans la haine une émotion humaniste et que vous me la refiliez comme telle !
- Pourquoi pas ? L'assassinat froid, sans émotion, ne contredirait-il pas à toutes nos représentations de valeur occidentales ? »

(Günther Anders, La haine à l'état d'antiquité)

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