À la lueur d'une bougie...
samedi 28 septembre 2013
vendredi 27 septembre 2013
jeudi 26 septembre 2013
Pratique à risque et partenaires multiples
Étrangle-toi d'amour,
dégorge, et fais ta moue.
Adore à deux genoux,
comme un poteau
dégorge, et fais ta moue.
Adore à deux genoux,
comme un poteau
sacré,
mon torse
mon torse
tatoué.
(Jean Genet, Rocher de granit noir in Le condamné à mort)
mardi 24 septembre 2013
Riche Belgique (5) : Bruxelles et Gomorrhe
Petite finition à la vaticane (1960). |
Nous vous parlions hier de Marcel Mariën à Ostende. Sachez qu'à l'instar de Dieu, le bonhomme présente ces deux qualités d'être à la fois mort et partout, puisque son film L'imitation du Cinéma, ayant causé un certain scandale international autour de 1960, est actuellement visible à Bruxelles, jusqu'au 6 octobre 2013, au Centre d'Art Contemporain installé place Sainte-Catherine. Entre deux productions en série de faux billets de cent francs belges, Marcel Mariën, auteur de la phrase immortelle Dieu a aussi inventé la merde ! avait à l'époque investi, dans la réalisation de son court-métrage, le produit financier d'une de ses ultimes escroqueries. L'histoire du film est assez obscure. Disons qu'elle tourne autour de l'expérience mystique d'un type en recherche sexuelle bien décidé à connaître, dedans sa chair, l'antique expérience de notre sauveur Jésus-Christ sur la Croix. Le type se rend donc, comme tout un chacun, jusqu'au magasin de bricolage le plus proche afin de s'y faire prendre les mesures (des bras et jambes) et commander l'instrument de contreplaqué adéquat, auprès d'une vendeuse qui se touche négligemment la chatte en recevant ses instructions. Tout cela, bien entendu, sur fond de prélude de Parsifal, ce qui ne gâte rien. Il arrivera d'autres aventures du même tonneau - loufoque - à notre sympathique héros (Tom Gutt, qui ressemble ici à s'y méprendre à l'Anthony Perkins de Psychose).
Il en fallait, justement, des Gutts, en 1960, pour montrer ce genre de choses. Il en faudrait davantage aujourd'hui que la police de la pensée religieuse se voit désormais sous-traitée, par des crapauds de bénitier monothéistes par ailleurs toujours actifs, auprès des flics gauchistes du NPA et autres soi-disant Indigènes de la République pourfendeurs d'athéisme.
Bien sûr, il est possible de voir l'Imitation du Cinéma ailleurs, de le visionner, par exemple, tout seul comme un con sur Youtioube. Mais pourquoi ne pas se rendre, en compagnie d'autres cons, jusqu'à notre Centre d'Art bruxellois, où vous pourrez admirer, pauvres hères et héresses, en sus de Gutt et Mariën, moult phénomènes annexes (100, pour être précis) ici rassemblés - à l'instigation de quelque vedette culturelle dont nous nous fichons bien - comme expression parfaite (dixit, en substance, le prospectus) de l'âme belge contemporaine ? Pourquoi se refuser de revoir ainsi quelques jolis crimes pâtissiers perpétrés par Noël Godin, diverses oeuvres et contributions de Christian Dotremont, Rops, Spilliaert, Masereel, Charlier, Hugo Claus, Michaux, Horta, Maeterlinck ou Patrick van Caeckenbergh ?
Ne laissez point passer l'occase.
On est peu de chose, vous savez !
Même si, selon l'expression, ici opportunément rappelée, de l'étonnant faussaire Geert Van Bruaene : certes, nous ne sommes pas assez rien du tout.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Curetons,
Gauchistes ridicules,
Riche Belgique !
lundi 23 septembre 2013
Riche Belgique (4) : Comme à Ostende
Brise d'Ostende (1900). |
Ostende
est une métropole regorgeant littéralement de curiosités, à caractère
esthétique autant que géostratégique, parmi lesquelles il convient de
citer : 1°) un centre-ville traditionnel d’où jaillit,
comme partout en Flandre, l’inquiétant beffroi de rigueur, surplombant sa
grand-place de demeures bourgeoises finement ouvragées, 2°) un parc Léopold, poumon vert
d’une cité certes tournée, avant tout, vers les nuances grisâtres
enluminées de cette mer du Nord dépressive que nous chérissons tant, sans
oublier, bien entendu (faisant exactement face au bassin du mythique Mercator ayant jadis ramené du bout de l'océan, entre autres trésors, la dépouille du père Damien, béatifié par Jean-Paul II en 1995), 3°) la
clandestine et mondialement célèbre base
sous-marine d’attaque qu’entretient ici à
grand frais depuis près de deux siècles le marquis de l’Orée, à laquelle
les touristes émerveillés pourront accéder tous les jours (sauf le jeudi) de 15
heures à 15 heures 17, via une crypte éminemment profonde de la basilique
Pierre-et-Paul.
Les
jours de fin de semaine, quand le temps est clément, on se baguenaude en foule
le long d'immenses plages bordant la ville, on y joue dans le sable, crie,
nage, s’amuse, et circule, pourquoi pas ! en voitures collectives (à
pédales) sur un front de mer longeant d'étranges Galeries royales, l’esprit imbibé de
nostalgie et de vapeurs de bière tripel. Les villas 1900, il est vrai ! ne sont désormais
qu'un lointain souvenir, emportées au plus noir du temps par les mânes
d'obscurs philistins qui les habitèrent et, tout cochons simples qu'ils
aient été à leur époque bénie, riants et paillards ou catholiques tordus,
n'eussent également pu se représenter combien il serait possible après eux de vivre encore plus mal, tellement plus vulgairement et laidement.
Les promoteurs immobiliers ayant ici balafré Ostende l'auront assez démontré universellement. Mais nous voilà devant le grand Casino de la ville, imposant et sinistre
café-restaurant-discothèque chic, jouissant d’une vue exceptionnelle sur le
large, et recevant exclusivement, au plan artistique, des chanteurs morts, ou
bien, à la rigueur, francophones (Carla Bruni y est attendue au mois de
novembre). Ce nid de rupins mis à part et la Villa Maritza, l'autre rendez-vous de la Haute (pour lui purement
gastronomique) n'ayant toujours pas réouvert, bien que sa splendide façade Art
Nouveau (l'une des dernières de la promenade) soit toujours visible et
admirable par tous, l’ambiance à Oostende aan Zee, le week-end, est souvent nettement
populaire, voire prolétarienne. Les prolétaires, en l'occurrence, sont belges
(parfois même carrément liégeois) ou français. Les Allemands, et surtout les
Anglais, autrefois hools avinés en goguette
scandaleuse, depuis les ports consanguins de leurs contrées chômeuses, échouent
désormais davantage céans depuis les bourgs luxueux (De Haan, notamment, et ses
merveilleuses langues de dunes) situés plus au nord de la Côte, le long de la
ligne de tramway reliant La
Panne à Knocke-Le-Zout (l'horrible). C'est ainsi
qu'entre la gare d'Ostende et les premières vastes étendues de sable de la Zeeheldenplein, flanquée de sa fameuse
statue cambrée à la Querelle
de Brest, on
remonte souvent le Visserkaai - son marché aux
poissons, ses échoppes de crevettes et de roll-mops - parmi l'environnement
enthousiaste de familles lilloises sans le sou, fraîchement débarquées en
train par Courtrai (quinze euros le ticket), et dont le contentement pour
ainsi dire familièrement
dépaysé, déjà
réel quoique empressé de grandir toujours plus (là-bas ! sur les plages ! au
commencement bientôt entre-aperçu de la grande promenade Albert 1er) rencontre
aussi le nôtre, à moins qu'il ne le suscite purement et simplement. C'est ici,
en tout cas, que fond sur nous, immanquablement au gré des années, la même
combinaison sentimentale d'euphorie et de mélancolie sévère requise pour
apprécier les lieux.
Les
choses, au fond, n'ont guère changé depuis qu'Ensor peignait, voilà un siècle,
ses gigantesques orgies balnéaires de masse, éclatantes, cependant que
Spilliaert, son compatriote, choisissait, lui, d'enfermer cette même atmosphère
dans un chromatisme de gris et noirs de fin du monde, de suspension du temps
désignant la ville. Ensor puisait, dans Ostende, de la force et de la révolte,
trouvant, dans les physionomies trognesques peuplant l'endroit, l'incarnation
idéale du mensonge social (du masque) autant que la vigueur matérielle - coloriste - susceptible de le
moquer et de le congédier, comme Rabelais, au terme de quelque énorme farce,
sanctionnée par un rire dément, anarchisant, communicatif. Ensor, tout
individualiste et désespéré qu'il fût, lia toujours son sort personnel à celui
d'une certaine cohérence, d'un certain mouvement esthétique collectif (Les XX, La Libre
Esthétique...).
Chez Spilliaert, c'est avant tout le sentiment d'échec solitaire, d'impossibilité subjective de réussir qui importe et domine. De
fait, malgré sa participation formelle à divers groupes en vue (et quelques
succès d'exposition), malgré le soutien d'Edmond Deman, libraire bruxellois
influent qui remua ciel et terre pour le faire connaître, ou l'amitié de
Verhaeren, dont il se rapprocha en France grâce au précédent, rien pour lui ne bougea jamais. Jamais l'écho, favorable
pourtant, que sa manière stupéfiante rencontre encore de nos jours n'installa
autre chose, en sa faveur, qu'une sorte de gêne inquiète, d'ennui coupable, de
crainte diffuse. Spilliaert, invariablement, aura rebuté l'acheteur, comme tout ce qui dégage une
trop insistante et envahissante odeur de mort. De sorte que le sentiment
d'étrangeté, irréductible, tourna vite chez notre malheureux artiste à
l'angoisse de ne pouvoir exister, de ne pouvoir rien devenir, de ne pouvoir
même physiquement fuir cet état
d'impuissance radicale, lequel finit par se confondre à ses yeux avec Ostende
elle-même. Toutes les tentatives, tous les projets caressés par Spilliaert en
vue de s'évader de cette ville, d'une manière ou d'une autre : en devenant
marin, explorateur colonial ou artiste à Paris se brisèrent ainsi sur la
réalité triviale de sa mauvaise santé, de son repliement sur soi mutique, de sa
faiblesse congénitale. Fils d'un parfumeur
boute-en-train et d'une mère bigote renfermée, Spilliaert aura en effet hérité
- de cette monstrueuse alliance - la sensibilité fine de qui se sait toujours
parfaitement condamné par la tyrannique médiocrité
ambiante. Ensor, qu'il poursuivait de son admiration assidue (au point,
paraît-il, de faire le siège régulier de son logement, distant du sien de
quelques rues, après les nuits d'errance dont Spilliaert était coutumier le
long des boulevards glacés, et sur la digue, face à la mer) ne l'aimait point.
Permeke non plus, à ce qu'il paraît, dont une légende raconte qu'il aurait même
mis en pièces, avec rage, son propre portrait que l'autre lui aurait offert.
Sans doute Spilliaert l'énervait-il, à force de lui coller le bourdon. Pensez !
Un bourgeois comme lui, et qui plus est même pas mystique. Athée. Livresque.
Nietzschéen. Un pauvre petit-bourgeois se campant devant lui, et puis devant
eux tous, les artistes, comme une sorte d'infini reproche qu'on leur aurait
lancé, gémissant et incompréhensible. Ne crevant point de faim, ce type, et
pourtant tellement malheureux de s'estimer, comme cela, coincé et emprisonné.
Tourné et retourné sans repos, dans le vent houspilleur d'Ostende. Et Spilliaert,
toute sa vie, resta seul. Il offrit, au cours de son existence, ce spectacle
pénible de l'homme incarcéré au fond d'un sort social. Le bouquet, si l'on
osait ce terme, c'est qu'à la longue, cet homme, cet artiste nécessaire autant
qu'impossible
se trouva peu à peu touché et gagné, les années passant - très lentement - par
une vague forme de contentement, et même, tenez-vous bien ! de bonheur proprement
conjugal. Il
s'éloigna résolument, alors, de tous ses noirs, et de ses gris, et de ses
sombres paysages de Mer du Nord noyée dans l'attente mystérieuse, qui font son
premier intérêt sordide. Il choisit la couleur, l'espoir. Il choisit la vie. Et
dans ce choix ultime-là, enfin, il perdit absolument tout. Fin de la belle histoire de Léon Spilliaert
(1881-1946).
La Rafale (1904). |
« Quant au jeune dessinateur Spilliaert, il expose des choses impressionnantes et
comme hallucinées : femmes de plaisir aux mines hagardes, intoxiquées
d'absinthe et d'amour, rampe à peine éclairée donnant sur la mer infinie,
grands cierges se consumant dans un édifice mystérieux.»
(Emma Lambotte, Le Méphisto, journal anversois du 13/08/1908).
(Emma Lambotte, Le Méphisto, journal anversois du 13/08/1908).
Autoportrait au miroir (1908). |
«
Jusqu'à présent, ma vie s'est passée, seule et triste, avec un immense froid
autour de moi.»
(Lettre de Spilliaert à Jean De Mot, 6 février 1909).
(Lettre de Spilliaert à Jean De Mot, 6 février 1909).
***
Il
ne faut pas trop se fier à ce que vous lirez ces jours-ci sur le site internet
du Musée des Beaux-Arts d'Ostende (MuZEE) : du fonds Spilliaert dont
l'établissement est dépositaire, peu d'oeuvres sont en réalité actuellement
exposées. Reconnaissons néanmoins qu'elles comptent parmi les plus
saisissantes, telles le duo présenté ci-dessus, ainsi que le célèbre Vertige, La coupe bleue ou encore l'autre Autoportrait (sans miroir) de 1908.
Le
Musée des Beaux-Arts propose également, jusqu'au 17 novembre prochain, une rétrospective pas dénuée
d'intérêt intitulée L'alphabet
d'étoiles d'E.L.T Mesens (1903-1971), consacrée à cette cheville ouvrière relativement
méconnue du surréalisme en Belgique (et ailleurs), galeriste, collectionneur,
musicien, poète, collagiste, ami de Satie, Breton, Tzara et de tant d'autres.
Certes, la vie des galeristes et mécènes ne nous passionne guère en général. Et
il faut bien avouer que certains aspects un tantinet épiciers de l'existence de
ce Mesens ici développés en long, en large et en travers, n'échappent pas à la
règle. Une tendance, très actuelle, à la réécriture systématique de l'histoire
des avant-gardes européennes à l'aune du pouvoir de l'argent de bon goût, du choix judicieux de capitaines d'industrie éclairés, bref de l'établissement artistique aux commandes spirituelles, tend désormais à évacuer, à
Ostende et partout, ce qui, partout, fonda l'intérêt proprement
politique et subversif des mouvements en question (nous en parlions d'ailleurs
récemment ici même à propos de Tamara de Lempicka). Tout se trouve souvent
présenté comme si, au fond, sans l'intervention des riches sponsors en
question, à célébrer jusqu'à plus soif : véritables héros chevaleresques
pieusement désireux de promouvoir sans contrepartie la modernité de leur
époque, une telle modernité n'eût pu jaillir du néant, et se faire connaître de
l'Univers de par sa seule légitimité historique. Le catalogue de l'exposition
Mesens nous explique, par exemple, au sujet de la rencontre entre le dénommé
Mesens et Paul-Gustave Van Hecke, publiciste influent en compagnie duquel le
premier ouvrira bientôt une galerie, avant de se lancer dans une foultitude
d'activités industrieuses artistiques, que : « Mesens trouve en Van
Hecke - "Tatave" pour les intimes - un alter ego. Leurs points
communs : l'esprit d'entreprise, le cosmopolitisme, le dandysme, le rejet de la
discipline et le flair artistique. » Variante finale, dans les
couloirs du musée : «...
le dandysme, le rejet de la discipline et ont tous deux le nez fin en matière
d'art. »
Grand
bien leur fasse. Il s'agit donc toujours d'une question d'odeur.
Le
gentil commissaire d'exposition pédagogique évacue d'ailleurs là-dessus, un peu
plus loin, sans scrupules excessifs, le fait que Mesens ait choisi de publier
dans son London
Bulletin
(seule revue britannique alors consacrée au surréalisme), en 1938, le Manifeste pour un art
révolutionnaire indépendant, de Breton, Rivera et Trotski. Les sinuosités
entreprenariales suivies par tel ou tel, faut dire ! sont autrement motivantes,
et passionnantes, que les palabres théoriques susceptibles de plomber
l'ambiance.
Reste
que l'occasion nous est là offerte d'apprendre des choses (parfois)
intéressantes sur le surréalisme en Angleterre (Mesens ayant dirigé à Londres
la galerie-tête de pont de ce mouvement dans la perfide Albion, du mitan des
années 30 au début des années 50, la question restant, une fois de plus, de
comprendre pourquoi le surréalisme, hors le feu de paille de ce type de projet
commercial, n'y rencontra point davantage de succès) ou en Belgique (le
recensement érudit des rencontres, et des revues auxquelles collabora le
touche-à-tout Mesens pourra séduire les spécialistes-archéologues). Certaines
créations, disséminées, reconnaissons-le, valent franchement le détour : Le noeud, entre autres, oeuvre fort
étrange et charmante de Rachel Baes (figurant une petite fille aux prises avec
un gigantesque coquillage, derrière une grande fenêtre ouverte sur la mer, et
la nuit), le Pêle-Mêle de Louis Scutenaire, plaisant
amalgame (Freud, la bande à Bonnot, etc) des admirés de l'auteur, ou Court-Circuit, poème
isolateur, du
très précieux Marcel Mariën, mort il y a tout juste vingt ans. Le roi de la
fête n'est pas en reste : E.L.T Mesens étant l'homme qui aura révélé Magritte
(ma foi, il faut bien révéler quelque chose dans la vie), l'un de ses
compagnons les plus anciens, divers témoignages de leur longue collaboration
sont ici visibles. Tirés de la revue MaRiE, Journal bimensuel pour la belle jeunesse, organe dadaïsto-surréaliste
belge fondé notamment par les deux compères, et ayant eu deux
numéros, deux poings américains (1925) impressionnent, placés en vis-à-vis
: le premier (Comme
ils l'entendent)
plat et régulier, l'autre (Comme nous l'entendons) hérissé de piques offensives. Précisons que suite à
la faillite de la galerie bruxelloise Le Centaure, en 1932, Mesens racheta, pour un prix dérisoire,
plus d'une centaine de toiles de Magritte afin, officiellement, que celles-ci
ne se perdissent point. Elles ne se perdirent point,
rassurez-vous. À telle enseigne, tout de même, qu'une certaine inimitié naquit
entre eux de ce fait, Mesens étant devenu là le propriétaire d'un stock dont la
valeur marchande ne cesserait de grimper, Magritte en prenant ombrage. La
brouille irréparable n'interviendra cependant qu'à la fin des années 1950,
tandis que le very successful Mesens continuera d'organiser
au casino de Knocke ou à La
Réserve,
l'hôtel de luxe fondé par Van Hecke, une série de rétrospectives paraît-il
impressionnantes (Ernst, Picasso ou lui-même). Dernières pépites
appréciables, en tous les cas, à Ostende, de Mesens, encore : un étonnant Masque servant à injurier
les esthètes, un
très beau Fritz Van den Berghe pas vraiment dans la manière habituelle de
l'auteur : Idolen (1928-29), une scène de
bordel stimulante, par De Smet (Het goede huis, 1926) et, pour revenir au surréalisme - qui
plus est anglais - The
junction, de
Roland Penrose (co-organisateur de la triomphale International Surrealist Exhibition de juin 1936 à Londres et
gestionnaire, avec Mesens, de la très orthodoxe London Gallery), évoquant furieusement
certaine scène de La
petite boutique des horreurs. Mais c'est incontestablement le travail de Paul Nougé,
sa subversion des images, qui nous fit le plus d'effet. Il consiste en une
suite (photographiée) d'exercices imposés sur les objets les plus usuels, les
plus anodins du monde, afin de les rendre étrangers, et inquiétants,
précisément à force qu'on les fréquente. Une action déterminée est exercée sur
un objet, ou une certaine attention, exorbitante, se voit spectaculairement
concentrée sur lui, par des humains, et l'on photographie la scène. Puis, l'on
supprime l'objet, qu'on le remplace ou non par un autre, et l'on photographie à
nouveau, en observant l'effet psychologique du procédé : deux hommes trinquent
à présent sans verre ni bouteille, des individus semblent captivés, ensemble,
par un néant complet qui se trouvait être, voilà une minute, un mur, etc. On
peut aussi détourner de sa fonction inoffensive une simple ficelle, par
exemple, et la soumettre à une femme à qui cet objet inspire, en apparence, une
visible terreur, l'exercice consistant ici à étudier en nous la palette de
réactions possibles à la terreur de cette femme, depuis la sympathie
compréhensive jusqu'à la moquerie incrédule et impitoyable. Tout cela est
extrêmement classique, et néanmoins d'une irrésistible drôlerie.
Entre
deux hoquets, justement, ce jour-là, ayant jeté un coup d'oeil rapide à notre
montre, nous décidâmes que c'en était trop.
Trop
de joie, trop de gaieté. Il fallait faire quelque chose.
Il
nous restait dix minutes.
Nous
retournâmes donc voir une dernière fois, à l'autre étage, la poignée de toiles
de notre cher Léon Spilliaert, histoire de sortir triste, ainsi qu'il convînt,
du Musée des Beaux-Arts d'Ostende.
Sur
le chemin, dans l'escalier, nous parvinrent alors de l'extérieur, depuis la
longue artère Alfons
Pieterslaan,
toute proche, les premières rumeurs triviales - fonflonnantes - de
quelque harmonie municipale de concours. L'intensité des cris de la foule, des
zim-boum-bam de grosses caisses, la puissance des coups de sifflets et des
applaudissements grossirent, progressivement, jusqu'à atteindre leur plénitude
au moment même où nous fixions derechef - désormais complètement désemparés -
nos regards sur les douloureuses visions solitaires de l'inénarrable incompris
d'Ostende. Et ces créatures, ces objets abandonnés semblaient, eux aussi, du
même coup, nous prendre à témoin, une dernière fois. Ta-taratata-taratata-taratata
! fit soudain
la fanfare. Bravo
! hurla
quelqu'un.
Alors,
nous mîmes les voiles.
Mais
en partant, une dernière chose attira notre attention, une dernière série de
toiles, demeurées jusqu'ici inaperçues. Il était là. L'autoportrait au
chapeau fleuri. Dans un recoin, juste attenant au domaine - réduit - de ce
pauvre Léon.
Et
il ricanait, en ce jour de grande braderie, à Ostende, en face de son infortuné
concitoyen.
Une
dernière fois, sous nos yeux désolés, le baron Ensor choisit de se foutre bien
correctement de sa gueule.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Décadence symboliste,
Expositions à commissaires,
Riche Belgique !
jeudi 19 septembre 2013
Tendance
Cet automne 2013, halte à la morosité !
Le beau gosse du moment ne se prend pas la teuté.
Pourvu qu'il puisse juste se montrer en
voire même en
attraper vite fait son sac
et se parfumer d'un bon coup de
tout en enfilant ses lunettes
avant de remettre un peu de
dans le réservoir de son
pour filer au concert de
SEXION D'ASSAUT
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Fascisme généralisé
Boulicia klebs
« Et mes pensées, comme
toujours, font des bonds elliptiques. Je me surprends à penser : on n’a
pas le droit de faire ça à un chien… »
(Romain Gary).
***
On en place une pour
Jean-Luc A., qui nous a quittés le 14 septembre dernier, après un dur combat.
Rest in peace, tonton.
Et t’inquiète.
On arrive.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Citoyen-flic
dimanche 15 septembre 2013
Parti de la Jeunesse
« Ces personnes étaient si
belles, leurs traits si gracieux, et l’éclat de leur âme transparaissait si
vivement à travers leurs formes délicates, qu’elles inspiraient toutes une
sorte d’amour sans préférence et sans désir, résumant tous les enivrements des
passions vagues de la jeunesse. »
Gérard de Nerval, Aurélia.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Socialistes immondes
jeudi 12 septembre 2013
Lohengrin
« C’est au commencement une large
nappe dormante de mélodie, un
éther vaporeux qui s’étend, pour que le
tableau sacré s’y dessine à nos yeux profanes ; effet exclusivement convié
aux violons, divisés en huit pupitres différents, qui, après plusieurs mesures
de sons harmoniques, continuent dans les plus hautes notes de leurs registres.
Le motif est ensuite repris par les instruments à vent les plus doux ; les
cors et les bassons, en s’y joignant, préparent l’entrée des trompettes et des
trombones, qui répètent la mélodie pour la quatrième fois, avec un
éclat éblouissant de coloris, comme si dans
cet instant unique l’édifice saint avait brillé devant nos regards aveuglés, dans toute sa
magnificence lumineuse et radiante. Mais le
vif étincellement, amené par degrés à cette
intensité de rayonnement solaire, s’éteint
avec rapidité, comme une lueur céleste. La transparente vapeur
des nuées se referme, la vision disparaît peu à peu dans le même encens diapré au milieu duquel elle est apparue, et le morceau se
termine par les premières six mesures, devenues plus éthérées encore. »
Le texte ci-dessus, extrait d’un
commentaire de Franz Liszt au Prélude de Lohengrin fit sur Baudelaire une impression notable. Dans
son Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, le poète insiste, en le citant longuement (les
italiques étant par ailleurs de son fait) sur la jouissance particulière – synesthésique – dans laquelle ce morceau l’aura lui-même plongé. Et
après y avoir, de fait, reconnu une coïncidence parfaite avec ses propres
conceptions, en rappelant les deux premiers quatrains de ses Correspondances
(« Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »), Baudelaire évoque le surgissement primitif,
puis les aventures diverses causées en son âme par le fameux Prélude, parlant
là « de l’extraordinaire volupté qui circule dans les lieux
hauts », ici d’« un
immense horizon », ailleurs d’une « large
lumière diffuse », de la « sensation
d’une clarté plus vive, d’une intensité de lumière croissant avec une telle
rapidité, que les nuances fournies par le dictionnaire ne suffiraient pas à
exprimer ce surcroît toujours renaissant d’ardeur et de blancheur, etc »…
Pour nous, ce morceau fut toujours
celui du soleil qui s’avance, au matin, en quelque endroit calme et retiré,
infiniment tranquille, infiniment irisé, mais se renforçant peu à peu et finissant
par tout envelopper de sa gangue chaude, bientôt brûlante. Un orgasme de
soleil, en quelque sorte, montant par nappes épaisses, s’établissant par degrés
et volumes toujours reconquis, tout lointains et évanescents qu’ils soient, à force – paradoxale – de discrétion, c’est-à-dire de puissance
absolue. Autant reconnaître que cette colorisation psychologique wagnérienne
incontestable serait davantage à nos yeux celle du rouge, de l’orangé, du doré, en tous cas celle de la chaude brillance et de ses intensités conquérantes, impériales. Liszt n’emploie-t-il pas l’ expression de « rayonnement solaire » ? Pourtant, la tonalité de Lohengrin dans son ensemble, à en croire certains
spécialistes autorisés, devrait plutôt être associée, sans l’ombre d’un doute chromatique, au « bleu argent ». Telle était, par exemple, l’opinion de Thomas Mann que Martin Gregor-Dellin reprend à son
compte dans sa célèbre - et excellente - biographie (Wagner).
Bref, chacun son chant des
voyelles.
Voilà pourquoi, à vous lectrices,
Lecter, Hannibal, et tous les autres, Le Moine Bleu (acier), outre le Prélude de Lohengrin lui-même, offre céans, l’accompagnant, deux
illustrations d’absolument égales qualité et pertinence : le Soleil levant de Giuseppe Pellizza da Volpedo, d’abord, et puis ensuite
(ci-dessous) une sublime coquille bleu-argent de l’excellente maison Divshare, coquille au moyen de laquelle, lectrice, lecteur, etc, tu pourras à ton
tour jouir de cette œuvre immortelle.
En sorte que chacun, de cette façon, pourra
sereinement établir vers où tendent ses préférences profondes.
Et qui a dit
que nous étions de mauvaise foi ?
Note du 12 mai 2015 : La coquille ci-dessus ne fonctionnant guère, qu'à cela ne tienne. On se rabattra, pour écouter le Prélude suprême, sur la vidéo ci-dessous.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Baudelaire,
Franz Liszt,
Wagner
mardi 10 septembre 2013
L'Art martial du Futur (2) : Lien Social-jutsu
Les leçons de la fois dernière n’ayant pas été suivies comme nous l’entendions par la poignée la plus indisciplinée de nos jeunes disciples, nous réempoignons inlassablement notre bâton de pèlerin.
Répétons-le encore et encore : l’efficacité seule n’est rien. La perfection technique, sans conscience claire, ne serait que ruine de l'âme. Il s’agit en effet de changer l’homme
lui-même dans son rapport
quotidien aux autres, et à son environnement.
Voilà pourquoi nous vous
proposons aujourd’hui cette (trop) courte initiation, en images, au véritable
art martial de demain : le Lien Social-do (ou : « Lien Social-jutsu », pour les puristes par ailleurs en quête d’émotions
fortes).
Veuillez donc, s’il vous plaît, nous consacrer à présent toute votre attention.
TORI rencontre avec UKE des problèmes relationnels importants, contrariant le plein épanouissement citoyen de chacun. TORI décide pour cette raison, après accord de son analyste et du médiateur social le plus proche, d’entamer avec UKE un dialogue constructif, qui remettra tout à plat (fig. 1).
UKE ayant d’entrée de jeu refusé le débat participatif que lui proposait TORI, ce dernier choisit malgré tout - de manière volontaire - d’entamer le dialogue. Il expose à UKE les griefs nourris à son égard, liés notamment au non triage systématique de ses ordures ménagères que UKE accumule pourtant comme tout un chacun (soit, aujourd’hui, près d’un kilogramme deux cents par individu et par jour). TORI s’empresse, sitôt passée la phase aiguë des récriminations orales, d’expliquer à UKE les avantages pratiques du sac-poubelle hermétiquement fermé, ne laissant échapper ni déchets ni odeurs (fig. 2).
Fig. 2
Laisser chaque citoyen découvrir
par lui-même les vertus faisant la réussite du vivre-ensemble solidaire, voilà
ce qui meut TORI (qui a lu Rousseau, et pratiqué la pédagogie dans sa
jeunesse). C’est ainsi qu’une promenade collective bien menée, et rythmée par
une saine discussion à bâtons rompus (fig. 3), permet souvent de parfaitement vider
son sac (ce qui était, rappelons-le, l’objectif pragmatique initial de TORI concernant UKE : voir la
figure précédente).
Le contact et la communication se
trouvent à présent complètement rétablis. Le lien social est resserré. UKE et TORI sont
prêts pour un nouveau départ. Leurs relations futures s’annoncent placées sous
le signe de la stricte égalité des chances, et de la sécurité entendue comme premier des
droits de l’homme. La simple intervention
citoyenne de TORI aura ainsi suffi à mettre rapidement fin à une pénible
situation de relations purement verticales (fig. 4). Puisse cet exemple pratique et efficace
apaiser les tensions qui se développent chaque jour un peu plus au sein de nos
grandes cités déshumanisées. Souvenons-nous, qui plus est, qu’en période de crise et d’économie, un débat citoyen, c’est un procès de
moins !
Fig. 4
Fig. 4
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Art martial du futur
mercredi 4 septembre 2013
Une affaire qui roule (draguez utile !)
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Citoyen-flic,
Recréer du lien social
mardi 3 septembre 2013
Comment gagner la guerre froide avec élégance (première leçon)
NB - Le Moine Bleu rappelle ici à la fraction la moins éduquée - et conséquemment, hélas ! la moins bilingue - de son aimable lectorat qu’une excellente version française du texte ci-dessus se trouve disponible, en permanence, dans le moindre article émis chaque jour par toute la presse du pays des lumières (Libération, Le Point, L’Humanité, etc) dans une traduction - régulièrement réactualisée - de MM. Pierre Gattaz et Michel Sapin (toujours en pointe).
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Citoyen-flic,
L'économie
lundi 2 septembre 2013
Savane (pour homme)
« Les relations
hiérarchiques parmi les babouins sont, comme chez les chimpanzés, de type
linéaire. Les babouins savent à qui ils s’adressent ! Les moins forts
cèdent la place devant les chefs et exécutent certaines mimiques manifestant
leur soumission, comme présenter leur postérieur, tandis que les dominants font
des gestes de menace, comme relever les sourcils en regardant fixement l’inférieur.
Cela dit, il suffit que plusieurs subordonnés se regroupent contre un chef pour
que celui-ci soit à son tour amené momentanément à s’effacer. »
Gérard Vienne, Le peuple singe.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Socialistes immondes
Le banquier idéal
Notre grand concours s’ouvre désormais - avec euphorie - aux scientifiques de toutes disciplines !
Sur cette contribution de M. Tourgueunieffe (de Quimper), on distingue, en effet, le dernier détail capturé au microscope électronique et nucléaire d’une scène tout à fait pittoresque, quoique amibienne : le moment précis où notre sympathique trader national, M. Jérôme Kerviel, s’apprête à donner naissance, par scissiparité parthénogénétique, à quatre nouveaux membres de la Société de Conseil qu’il entend bientôt mettre sur pied. La définition est proprement prodigieuse, au point qu’on aperçoit parfaitement, dans la partie supérieure de l’image, grossi au 1/1000000ème, M. Jean-Luc Mélenchon, toujours à l’affût d’une bonne cause et prodiguant à M. Kerviel, comme en tant d’autres occasions, les trésors mirifiques de sa bienveillance éclairée.
Nos félicitations, Jérôme !
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Le banquier idéal
Big up à François Hollande (et à Serge Lama) !
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Socialistes immondes
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