vendredi 29 novembre 2013
jeudi 28 novembre 2013
L'oeuf et la poule
A ceux qui me disent : on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs, je répondrai : J'ai vu les oeufs cassés, à présent montrez-moi l'omelette...
(Panaït Istrati)
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
révolutionnaires
lundi 25 novembre 2013
Une affiche antifasciste
Affiche officielle de la République espagnole en guerre contre le fascisme,
traduite en français pour les besoins de la cause (1937) |
Vous comprenez, maintenant, qu’on pinaille un tantinet, à l’occasion, en matière d’« antifascisme » et d’« union à la base » avec toutes sortes de racailles démocratiques et staliniennes déterminées à mettre en échec « la bête immonde » ?
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Fascisme généralisé
samedi 23 novembre 2013
Diox en week-end (sauvage)
Notre ami Laurent Diox est l'invité du Festival des Éditions Libertaires de Lyon, qui se tient ce week-end, à l'initiative de la très pionnière et très respectable librairie La Gryffe. L'occasion pour nous, bien sûr, de le saluer très chaleureusement. Vous trouverez toutes les informations utiles quant à la chose ICI.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Diox,
Littérature contemporaine
vendredi 22 novembre 2013
jeudi 14 novembre 2013
Désirs et volupté dans tes rêves.
Pour ceux que mortifie l’idée de ne pas avoir encore visité l’exposition intitulée Désirs et volupté à l’époque victorienne, au Musée Jacquemart-André (jusqu’au 20 janvier 2013), nous avons une bonne nouvelle : vous pouvez rengainer vos onze euros. Le Moine bleu, qui voit tout, est allé la voir pour vous, et ladite exposition ne vaut pas tripette. Il vous sera donc possible, si vous y tenez absolument, de réinjecter prochainement la somme économisée dans l’engraissement de Fabrice Luchini, qui s’apprête (ô divine originalité !) à très bientôt lire du Louis-Ferdinand Céline, afin de s’acquitter de ses impôts auprès de l’implacable dictature socialo-métèque nous gouvernant sans égard (ainsi que l’eût noté le bon docteur Destouches dans une lettre à Minute). Précisons, avant de clore ce chapitre, que la performance feutrée de l’ex-garçon-coiffeur rohmérien, quelque visqueuse qu’elle soit, ne pourra de toute façon égaler en nullité l’ultime exécution en date (c’est bien le mot) du Voyage par Jean-François Balmer au Théâtre de l’Oeuvre, distant d’environ cent mètres du - lui - fort recommandable Café Wepler de la Place de Clichy. La douzaine d’huîtres, tellement plus savoureuse, y coûte peu ou prou le prix d’un billet d’entrée au théâtre de l’Oeuvre, sans compter que, suivant la formule célinienne consacrée, on se trouve là sur les lieux précis où cela « avait débuté comme ça. »
Bref. Revenons, si vous le voulez bien,
à nos « voluptés victoriennes » du huitième arrondissement de Paris.
Avec un titre pareil, vous comprendrez aisément que nous nous imaginions des choses. Nous verrions, pensions-nous, du Aubrey Beardsley, avec des queues et des seins portés, dans la même élégance indolente, par des cohortes d’hermaphrodites offusqués, pour l’occasion, de loups salaces (pas le canidé, le masque). On nous expliquerait, on nous rappellerait, on nous circonstancierait longuement, pédagogiquement, le cas Oscar Wilde, à nous pour qui la chose est entendue (les gauchistes de chez M. Hazan, les réactionnaires et autres indigènes de gnagnagna nous le serinant assez sur tous les tons, à longueur quotidienne de pamphlets « antiféministes blanches ») : les gouines et pédés, aujourd’hui, dominent le monde, disposent de tous les droits, forment un lobby impérialiste des plus puissants et scandaleux de l’Univers, imposent leurs vues ignoblement ethnocentriques (quoique parfois sévèrement burnées) aux dominé(e)s du tiers-monde, ici et ailleurs, etc. En clair, on nous instruirait de comment que c’était dur avant, pour les tafioles. Mais l’on nous ferait, aussi, nous esclaffer au souvenir du jeu de mots rigolo de notre cher Edward Burne-Jones, pour qui les initiales (PRB) de la « Fraternité Pré-Raphaélite » qu’il fonda avec ses potes au mitan du dix-neuvième siècle (soit en anglais : Pre-Raphaelite Brotherhood), renvoyaient surtout à l’expression éloquente : Penis Rather Big (« Quéquette plutôt maousse »). En sorte que les géniaux et subtils commissaires d’exposition du Musée Braquemart-l’Entré nous renseigneraient sur les diverses stratégies de contournement - et de pénétration - employées jadis par nos vicieux cousins britanniques, dans le but de tromper la terrible censure sexuelle d’une époque maudite, qui allait jusqu’à recouvrir, rappelons-le tout de même, d’un voile pudique les pieds des tables de salle à manger, afin que l’idée phallique évitât de venir perturber la fragile conscience des jeunes filles (sans parler des jeunes garçons, qu’ils fussent ou non pré-raphaélites).
Las ! Lectrices, Lecter, Hannibal, il nous fallut prestement reconnaître notre erreur d’appréciation. Le titre original de cette manifestation artistique eût plutôt dû approcher quelque chose du genre : L’époque victorienne, apologie d’une conception esthético-amoureuse, ou : Tribulat Bonhomet en Angleterre, such a cool stuff ! voire même, pourquoi pas : Splendeurs de la morale bourgeoise d’avant-garde…
Toujours est-il que nous nous ennuyâmes dans l’ensemble bigrement, à défiler ainsi entre une dizaine de pauvres salles regorgeant, en revanche, des hurlements d’admiration du public ordinaire du Musée Croquemort-Madré, et pour cause. L’argument, comme on disait naguère au théâtre ou à l’opéra, repose sur cette pure vue de l’esprit : l’époque victorienne aurait généré sa propre esthétique nous parlant encore aujourd’hui, car tissée d’onirisme à visée antique, ou médiévale, visant à sublimer la Femme. Quelle femme ? nous demanderez-vous. Voyons ! Mais la femme éthérée, bien sûr, la femme fatale. La femme décorative, spirituelle et mystérieuse. En un mot : la femme d’intérieur.
Il est bien évident que pour défendre la beauté intrinsèque de la société bourgeoise, il conviendrait de se lever de bonne heure, longtemps (tel un Proust inversé). Pour vanter tout le « charme » valéryste d’un vendeur de papier-cul ou d’acier galvanisé (le cas douloureux du papier cul d’acier galvanisé sera évoqué dans un prochain billet), l’imagination de Schéhérazade elle-même se verrait obligée de rapidement déclarer forfait. Notre exposition accorde donc, contrainte et forcée, qu’une volonté (inoffensive) « d’évasion » hors des réalités économiques prosaïques anglaises fut sans doute ici agissante. Découverte fameuse ! mais ne s’étendant pas, rassurez-vous, dans la foulée, sur les laideurs ignoblement précises du monde moderne en question, ni sur son grand secret plus-valuesque industriel, encore moins sur la répression de l’imaginaire dont ce monde procèderait éventuellement à tous niveaux, particulièrement au plan sexuel.
De même qu’on réalise aujourd’hui des films laissant accroire, sur fond d’insupportable brit-pop translucide, que Marie-Antoinette ne fut en réalité qu’une espèce de bolosse lou doillonesque abandonnée à la merci des mains calleuses, rouges de rage et de sang, de la populace parisienne, que Pete Doherty (alias « yeux de bœufs ») interprète, en compagnie de la demi-sœur Doillon (encore une) les héros torturés, mais tellement hype ! d’Alfred de Musset, tandis que l’inusable Stéphane Bern nous conte tous les deux jours, à la télévision, la tragique et émouvante saga du gentil Romanov et de sa famille en bout de course, de même, donc, cette époque « victorienne », monarchiste, impériale, ruisselante d’argent décomplexé, et où l’on savait traiter comme ils le méritent les syndicalistes, les anarchistes, Indiens et autres nègres (mais, attention ! dans le cosmopolitisme européen le plus idéal, le plus fashion qui soit : demandez donc à MM. Thierry Ardisson et Lorant Deutsch qu’ils vous racontent toute l’affaire) se trouve, au Musée Tocard-Lettré, discrètement célébrée par une bourgeoisie nostalgique, que nous qualifierons sobrement, pour notre part, de vermine puante.
Sur
dix salles, et quelque cinquante œuvres visibles, seule la salle numéro sept,
pourvue de sa thématique aguicheuse dite La volupté du nu, présente en vérité un
intérêt notable. Celui-ci tient à quatre tableaux admirables qu’elle
accueille à notre grande excitation. Une Andromède, d’abord, de sir Edgar J.
Poynter, rousse, pâmée, les yeux clos, en souffrance ou jouissance, livrée aux
éléments et à l’angoisse, survolée de loin en loin par de sombres corbeaux aux
plumes métallifères. Puis une autre rousse, diabolique, la nymphe de la rivière
Dargle : Grenaia, de Lord Leighton. Ce
dernier s’est là inspiré de sa dernière muse, une chipie nommée Dorothy Dene.
Notons, si vous le voulez bien (et dans le cas contraire également) la
référence à Ingres quant au lissage du trait et au velouté de l’ensemble, ainsi
que la chute d’eau suscitant autour de la nymphe, sur son côté gauche, l’amorce
troublante d’une aile duveteuse, comme si Carlos Schwabe et sa Mort du fossoyeur s’étaient ici invités en
douce. La pose, l’attitude, la moue de Grenaia sont incontestablement, oui !
voluptueuses et titillantes. Nous n’en dirons pas autant de tout le reste, nous
étonnant d’ailleurs au passage que
cette œuvre précise, tellement peu représentative, ait été choisie comme
enseigne, par les commissaires d’exposition, afin d’allécher le chaland. Outre
le fait qu’il n’y a aucune contrepèterie à relever dans cette dernière phrase,
précisons immédiatement que nous ne nous étonnons, en réalité, de rien : nous
ne sommes pas si stupides, ce serait fort mal nous connaître, nous qui avons eu
de bonnes notes au bac littéraire, voilà quelques années. Rien d’étonnant, non.
Les tenanciers du Musée Trouillard-l’Abbé sont of course ! à l’image parfaite, en tant
qu’escrocs vulgaires, de cette prétendue « beauté victorienne »
qu’ils ont la charge de te fourguer durant encore quelques semaines, ô public
abusé. Mais tiens ! voilà un pastel : une Vénus Verticordia, de Dante Rossetti, stricte
jumelle de l’huile sur toile conservé au Musée de Bournemouth, et elle aussi fort appréciable dans cette maudite salle numéro 7. La Vénus est loin d’égaler en
beauté, du même artiste, l’Astarté Syriaca, par exemple, mais ne boudons pas notre
plaisir, tant le plaisir demeure, dans le coin, rare. Jane Burden,
l’ex-compagne de William Morris (dont le socialisme révolutionnaire utopique
n’est pas mentionné ici : sans doute un oubli malheureux), et devenue le grand
amour de Rossetti après le décès tragique (suicide au laudanum) d’Elizabeth
Siddal, lui prête une fois de plus son visage, au regard pénétrant et au menton
massif, androgyne, évoquant celui de certaines héroïnes de Khnoppf (sa sœur, en
particulier). Une sanguine, orgasmique et mortuaire, de Simeon Solomon, Le sommeil, retient aussi notre
attention. Elle rappelle une autre célèbre sanguine sur papier : cette Étude de femmes réalisée par Khnopff en
1887, à ceci près que chez ce dernier, une femme aux yeux surlignés et au
regard autant farouche qu’halluciné y embrasse une autre, son reflet,
peut-être, ou son double, lequel se trouve seul alors en situation d’orgasme,
les yeux clos.
Le chant du printemps de John Waterhouse, quant à lui, est charmant, mais que l’on songe, en termes d’étrangeté, à ce que Karel Masek (Le printemps), Arthur Hughes (Amour d’avril), Waterhouse lui-même (Ophélia) et tant d’autres ont pu réaliser de meilleur sur des thèmes approchants. Le dessin, très souvent, est beau, mais vain. L’esthète officiel « exotisant » de l’ère victorienne, dignement représenté céans : Lawrence Alma-Tadema, en est une parfaite illustration. L’évocation, dans ses hellénismes irréprochables, fait gravement défaut. Le regard des femmes y est vide. Et celui des hommes, donc ! Les roses d’Héliogabale ont beau, en remplacement de violettes, recouvrir, nous dit-on, jusqu’à l’étouffement, les participants d’un banquet orgiaque, quelle inexpressivité, quelle neutralité stupéfiante de chef de PME innovante baignent ces yeux pourtant destinés à bientôt s’éteindre, et qui devraient donc plutôt tressaillir des mille reflets, alternés ou combinés, de la terreur et de la jouissance. Imaginez ce qu’un autre grand bourgeois, traître à sa classe, lui, Félicien Rops, faisait de semblables sujets. La mer enchantée, de Henry A. Payne, nourrirait-elle l’ambition de nous plonger dans quelque épouvantable et fantastique Nef des fous ? Ce que nous observons là d’un œil sec, et au mieux nauséeux, consiste en la figuration fort ordinairement laide d’un marigot saturé de cadavres, avec, trônant à sa surface, une rescapée du Titanic, cela va de soi, plutôt que d’un esquif dérivant au large de Lampedusa. Tu parles que le public local se retrouve en elle, du coup ! et dans ces manières de mijaurée de première classe, sub-claquante. Mais le pompon reste cet incroyable Un nuage passe, d’Arthur Hugues, mettant en scène la trentenaire dépressive de rigueur, accoudée à sa cheminée de marbre, un chien de race jappant à ses pieds, qu’on devine outrancier (le chien). Est-ce l’intériorité, cela ? En un sens bien précis, oui (voir plus haut : la femme d’intérieur). Une Lady Chatterley quelconque, s’emmerdant simplement chez elle en attendant que son patron de mari rentre (d’avoir maté à coups de pétoire le dernier conflit minier), se rattachant à l’unique espoir du passage providentiel de quelque garde-chasse de proximité. Ce serait, ainsi, cela, « le culte de la beauté » ? (nom donné à la salle où ledit Nuage passe est exposé). Le Figaro dit que oui. Et puis Le Parisien aussi, entre autres sponsors mirifiques dont le blaze trône, royal, à l’entrée. Voilà qui en eût prévenu d’autres. Pas nous, hélas ! Bien naïfs que nous sommes. Le culte du beau. Dans tes rêves, oui. Foutaises. Et nous voilà dehors, à l’air libre. Un nuage passe. Passe encore. Pour l’ange, en revanche, on l’attend toujours. Il faut dire que l’ange qui se respecte, Satan l’habite.
Avec un titre pareil, vous comprendrez aisément que nous nous imaginions des choses. Nous verrions, pensions-nous, du Aubrey Beardsley, avec des queues et des seins portés, dans la même élégance indolente, par des cohortes d’hermaphrodites offusqués, pour l’occasion, de loups salaces (pas le canidé, le masque). On nous expliquerait, on nous rappellerait, on nous circonstancierait longuement, pédagogiquement, le cas Oscar Wilde, à nous pour qui la chose est entendue (les gauchistes de chez M. Hazan, les réactionnaires et autres indigènes de gnagnagna nous le serinant assez sur tous les tons, à longueur quotidienne de pamphlets « antiféministes blanches ») : les gouines et pédés, aujourd’hui, dominent le monde, disposent de tous les droits, forment un lobby impérialiste des plus puissants et scandaleux de l’Univers, imposent leurs vues ignoblement ethnocentriques (quoique parfois sévèrement burnées) aux dominé(e)s du tiers-monde, ici et ailleurs, etc. En clair, on nous instruirait de comment que c’était dur avant, pour les tafioles. Mais l’on nous ferait, aussi, nous esclaffer au souvenir du jeu de mots rigolo de notre cher Edward Burne-Jones, pour qui les initiales (PRB) de la « Fraternité Pré-Raphaélite » qu’il fonda avec ses potes au mitan du dix-neuvième siècle (soit en anglais : Pre-Raphaelite Brotherhood), renvoyaient surtout à l’expression éloquente : Penis Rather Big (« Quéquette plutôt maousse »). En sorte que les géniaux et subtils commissaires d’exposition du Musée Braquemart-l’Entré nous renseigneraient sur les diverses stratégies de contournement - et de pénétration - employées jadis par nos vicieux cousins britanniques, dans le but de tromper la terrible censure sexuelle d’une époque maudite, qui allait jusqu’à recouvrir, rappelons-le tout de même, d’un voile pudique les pieds des tables de salle à manger, afin que l’idée phallique évitât de venir perturber la fragile conscience des jeunes filles (sans parler des jeunes garçons, qu’ils fussent ou non pré-raphaélites).
Las ! Lectrices, Lecter, Hannibal, il nous fallut prestement reconnaître notre erreur d’appréciation. Le titre original de cette manifestation artistique eût plutôt dû approcher quelque chose du genre : L’époque victorienne, apologie d’une conception esthético-amoureuse, ou : Tribulat Bonhomet en Angleterre, such a cool stuff ! voire même, pourquoi pas : Splendeurs de la morale bourgeoise d’avant-garde…
Toujours est-il que nous nous ennuyâmes dans l’ensemble bigrement, à défiler ainsi entre une dizaine de pauvres salles regorgeant, en revanche, des hurlements d’admiration du public ordinaire du Musée Croquemort-Madré, et pour cause. L’argument, comme on disait naguère au théâtre ou à l’opéra, repose sur cette pure vue de l’esprit : l’époque victorienne aurait généré sa propre esthétique nous parlant encore aujourd’hui, car tissée d’onirisme à visée antique, ou médiévale, visant à sublimer la Femme. Quelle femme ? nous demanderez-vous. Voyons ! Mais la femme éthérée, bien sûr, la femme fatale. La femme décorative, spirituelle et mystérieuse. En un mot : la femme d’intérieur.
Il est bien évident que pour défendre la beauté intrinsèque de la société bourgeoise, il conviendrait de se lever de bonne heure, longtemps (tel un Proust inversé). Pour vanter tout le « charme » valéryste d’un vendeur de papier-cul ou d’acier galvanisé (le cas douloureux du papier cul d’acier galvanisé sera évoqué dans un prochain billet), l’imagination de Schéhérazade elle-même se verrait obligée de rapidement déclarer forfait. Notre exposition accorde donc, contrainte et forcée, qu’une volonté (inoffensive) « d’évasion » hors des réalités économiques prosaïques anglaises fut sans doute ici agissante. Découverte fameuse ! mais ne s’étendant pas, rassurez-vous, dans la foulée, sur les laideurs ignoblement précises du monde moderne en question, ni sur son grand secret plus-valuesque industriel, encore moins sur la répression de l’imaginaire dont ce monde procèderait éventuellement à tous niveaux, particulièrement au plan sexuel.
De même qu’on réalise aujourd’hui des films laissant accroire, sur fond d’insupportable brit-pop translucide, que Marie-Antoinette ne fut en réalité qu’une espèce de bolosse lou doillonesque abandonnée à la merci des mains calleuses, rouges de rage et de sang, de la populace parisienne, que Pete Doherty (alias « yeux de bœufs ») interprète, en compagnie de la demi-sœur Doillon (encore une) les héros torturés, mais tellement hype ! d’Alfred de Musset, tandis que l’inusable Stéphane Bern nous conte tous les deux jours, à la télévision, la tragique et émouvante saga du gentil Romanov et de sa famille en bout de course, de même, donc, cette époque « victorienne », monarchiste, impériale, ruisselante d’argent décomplexé, et où l’on savait traiter comme ils le méritent les syndicalistes, les anarchistes, Indiens et autres nègres (mais, attention ! dans le cosmopolitisme européen le plus idéal, le plus fashion qui soit : demandez donc à MM. Thierry Ardisson et Lorant Deutsch qu’ils vous racontent toute l’affaire) se trouve, au Musée Tocard-Lettré, discrètement célébrée par une bourgeoisie nostalgique, que nous qualifierons sobrement, pour notre part, de vermine puante.
Andromède |
Le chant du printemps de John Waterhouse, quant à lui, est charmant, mais que l’on songe, en termes d’étrangeté, à ce que Karel Masek (Le printemps), Arthur Hughes (Amour d’avril), Waterhouse lui-même (Ophélia) et tant d’autres ont pu réaliser de meilleur sur des thèmes approchants. Le dessin, très souvent, est beau, mais vain. L’esthète officiel « exotisant » de l’ère victorienne, dignement représenté céans : Lawrence Alma-Tadema, en est une parfaite illustration. L’évocation, dans ses hellénismes irréprochables, fait gravement défaut. Le regard des femmes y est vide. Et celui des hommes, donc ! Les roses d’Héliogabale ont beau, en remplacement de violettes, recouvrir, nous dit-on, jusqu’à l’étouffement, les participants d’un banquet orgiaque, quelle inexpressivité, quelle neutralité stupéfiante de chef de PME innovante baignent ces yeux pourtant destinés à bientôt s’éteindre, et qui devraient donc plutôt tressaillir des mille reflets, alternés ou combinés, de la terreur et de la jouissance. Imaginez ce qu’un autre grand bourgeois, traître à sa classe, lui, Félicien Rops, faisait de semblables sujets. La mer enchantée, de Henry A. Payne, nourrirait-elle l’ambition de nous plonger dans quelque épouvantable et fantastique Nef des fous ? Ce que nous observons là d’un œil sec, et au mieux nauséeux, consiste en la figuration fort ordinairement laide d’un marigot saturé de cadavres, avec, trônant à sa surface, une rescapée du Titanic, cela va de soi, plutôt que d’un esquif dérivant au large de Lampedusa. Tu parles que le public local se retrouve en elle, du coup ! et dans ces manières de mijaurée de première classe, sub-claquante. Mais le pompon reste cet incroyable Un nuage passe, d’Arthur Hugues, mettant en scène la trentenaire dépressive de rigueur, accoudée à sa cheminée de marbre, un chien de race jappant à ses pieds, qu’on devine outrancier (le chien). Est-ce l’intériorité, cela ? En un sens bien précis, oui (voir plus haut : la femme d’intérieur). Une Lady Chatterley quelconque, s’emmerdant simplement chez elle en attendant que son patron de mari rentre (d’avoir maté à coups de pétoire le dernier conflit minier), se rattachant à l’unique espoir du passage providentiel de quelque garde-chasse de proximité. Ce serait, ainsi, cela, « le culte de la beauté » ? (nom donné à la salle où ledit Nuage passe est exposé). Le Figaro dit que oui. Et puis Le Parisien aussi, entre autres sponsors mirifiques dont le blaze trône, royal, à l’entrée. Voilà qui en eût prévenu d’autres. Pas nous, hélas ! Bien naïfs que nous sommes. Le culte du beau. Dans tes rêves, oui. Foutaises. Et nous voilà dehors, à l’air libre. Un nuage passe. Passe encore. Pour l’ange, en revanche, on l’attend toujours. Il faut dire que l’ange qui se respecte, Satan l’habite.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Décadence symboliste,
Expositions à commissaires
dimanche 10 novembre 2013
L'abolitionnisme, par les putes mêmes !
Grand concours de bêtise, de lâchetés, et de tartufferies éditoriales en tout genre, ces derniers temps, autour de la soi-disant "abolition" programmée de la prostitution en France. Le féminisme traverse assurément une jolie période de misère - la plus critique, peut-être, de son histoire - lorsqu'on ne trouve plus guère pour défendre les putes, défendre leur sécurité et leur vie (qui sera évidemment, quoi qu'on puisse déblatérer, dramatiquement bien plus menacée après le triomphe prévu de la loi socialisto-UMP) que les imbéciles réactionnaires et branchés du torchon Causeur, cependant que se coalisent pour les enfoncer, les réformer, les redresser orthopédiquement, avec un amour et une sollicitude dignes des pires infirmières de bagnes psychiatriques milosformaniens, une coalition effrayante regroupant les rivaux imbéciles de Causeur (les imbéciles du journal Causette), la gauche institutionnelle et comptable, épaulée de toute la canaille gauchisto-religieuse (NPA et consorts) attachée, selon ses termes hypocrites, à la dignité éternelle des femmes. Et que dire du traitement reçu, sur Indymédia, par le droit de réponse de Morgane Merteuil à l'odieux article intitulé Contre le STRASS et son monde ?
La société civile, elle, comme disent les cons, se cache, se planque, fait la maligne, philosophe avec ou sans qualités. On n'en attendait pas moins de sa part. Elle continuera à aller aux putes, sans se faire gauler, tout cela n'étant point son souci, elle qui daignera nous expliquer, à la rigueur, cyniquement, sans énervement ni courage, que la défense des putes ne saurait être un combat valable. Les intellectuels, en cette affaire, à quelques exceptions près, sont des merdes. Pour la crétine Dominique Simonet, ayant signé récemment une tribune ridicule dans Le Monde (de laquelle il ressort que ses propres fantasmes - élevés - pourraient en somme servir d'exemple massif, d'étalon, à la pratique sexuelle modérée, citoyenne et idéale de demain), son ineptie ne saurait trouver d'équivalence que dans les incroyables propos dont la rapporteuse (cela ne s'invente pas) socialiste du prochain projet abolitionniste (une certaine Maud Ollivier) se rend coupable tous les jours, ou presque. Voilà des féministes qui chient, sans la connaître, bien entendu, le moins du monde, sur la psychanalyse, qui remettent en cause le primat des pulsions, et rêvent d'une bienséance sexuelle imposée à tous par cette société future dont ils/elles indiquent la direction glorieuse. Le féminisme dominant d'aujourd'hui est anti-pute, anti-sexe, normatif jusqu'à la fureur. Il est froussard, ignorant, en un horrible mot : bourgeois. La vile marchandisation des corps qu'il flétrit depuis ses chaires idéologiques pitoyables, croyez-vous donc qu'il l'attaquerait avec la même sainte colère lorsque ses amis gouvernementaux rivent, en un tournemain parlementaire, quelques années de plus les ouvrières de ce pays aux chaînes de leurs métiers puants, leur abîmant les mains, le dos, tout le corps et l'âme ?
Non, évidemment.
Les putes, ici, ne pourront compter, comme tous les prolétaires, que sur leurs propres forces.
Et sur notre affection profonde.
Ce qui leur fera une belle jambe.
" A force de nous entendre dire sans arrêt que nous ne sommes que des marchandises, des corps qui se vendent, que nous ne nous respectons pas, que, naturellement, nous aurions été violées dans notre enfance, qu'il faut nous réinsérer, que nous portons atteinte à notre dignité, à notre santé psychique, les personnes abolitionnistes ont fini, par excès de systématisme, par briser des vies. L'abolitionnisme est une forme de maltraitance théorique.
Nous ne serions donc acceptables que malheureuses afin de confirmer l'image que l'on veut donner de nous.
Mais que l'une d'entre nous se rebelle et revendique la liberté de se prostituer, de disposer librement de son corps, suivant pourtant en ceci une démarche féministe, elle sera de suite étiquetée : non représentative, égoïste, salope nymphomane forcément perturbée, en passe de légitimer les viols et qu'il faut donc punir. Tu n'es pas malheureuse ? Tu ne veux pas te réinsérer ? Contrôle fiscal, retrait de la garde des enfants, amendes et PV, humiliations, harcèlement policier, expulsions. Ni retraite, ni sécu, aucun droit.
Comme si cela ne suffisait pas, les abolitionnistes veulent maintenant la pénalisation de nos clients. Ou comment entraver la liberté sexuelle. Comment faire chier des adultes consentants. Comment décréter à tout prix comme violence ce qui ne l'est pas. Ils devraient pourtant savoir que réprimer les clients revient à pénaliser les prostituées, qui pour protéger une clientèle qu'on n'abolira pas d'un trait de plume seront obligées de se cacher.
Personne n'oblige pourtant les abolitionnistes à nous imiter, si elles ne veulent pas se prostituer. Et ce n'est pas parce qu'elles ne parviennent pas à baiser en dehors du couple, avec des inconnus, nombreux, sans désir, et parfois sans plaisir, juste par intérêt, que nous devrions subir la même vie sexuelle qu'eux."
Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser, Fières d'être putes (L'Altiplano).
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Prostitution,
Socialistes immondes
vendredi 8 novembre 2013
Gangsters, malfrats et révolutionnaires (2) : von Salomon au chtar
Le parcours chaotique d’Ernst von Salomon a ici même déjà été évoqué, dans un article consacré au fascisme qui vient, ou plutôt dont la victoire ne se connaît pas encore, unique raison pour laquelle nous fêtâmes récemment notre dernier anniversaire ici, et non dans un camp de travail à régime sévère, ainsi que la malheureuse Nadejda, héroïque Pussy russe. Dans le chaos de l’après 1914-18, von Salomon fit partie des « Corps Francs », ces groupes montés et financés par la bourgeoisie socialiste pour exterminer les révolutionnaires rouges et noirs. Le fascisme maquerautant volontiers les élans confus de la jeunesse pour les changer ensuite en leur contraire direct, c’est-à-dire le triomphe du conformisme chimiquement pur – la fusion dans l’État – l’originalité de von Salomon aura été de percevoir (après coup, certes, hélas !) toute l’ampleur de l’arnaque, et d’avoir admis, magnifiquement, s’être fait rouler, par ses chefs, dans les grandes largeurs. « Grande largeur » ne serait, d’ailleurs, sans doute pas l’expression adéquate, au moment d’aborder la période carcérale du bonhomme, qui croupit quelques années en taule de haute sécurité pour son implication dans l’assassinat, à l’été 1922, du ministre Walter Rathenau. Cinquante ans avant que la torture blanche moderne ne se trouve appliquée aux insurgés de la RAF, Les Réprouvés – qui constitue certainement à ce titre l’un des plus grands textes anti-prison qui soient – en dénonce les prémices ignobles. Au chtar, von Salomon se lie avec un détenu communiste, lui aussi poursuivi pour des faits d’insurrection et de terrorisme, s’étant opposé, avec les misérables moyens du bord, à l’occupation militaire française. En ce communiste, von Salomon reconnaît un frère, et le dit. Puis vient, par contraste, le moment de définir son rapport avec les « droits communs », et ce qui le distingue (juge-t-il) radicalement de ces derniers, ce qui le distingue d’eux précisément comme criminel.
Tel est l’objet de l’extrait suivant :
« Il n’y avait pas une seule de mes idées qui ne fût une attaque contre les mœurs et la morale actuelles, qui seules justifiaient cette maison et son règlement. Il n’y avait chez moi aucune résolution qui, tout au fond, ne renfermât déjà l’embryon de la révolte. Mais la masse des prisonniers s’était soumise. Elle vivait dans une léthargie sourde et animale. Même ceux qui parfois s’élançaient pleins d’une haine féroce, qui répondaient à un mot humiliant en brisant tout ce qui se trouvait à leur portée, étaient cependant liés à cette masse, soit qu’elle les soutînt dans un bref sursaut de rage, soit qu’elle les trahît et les vendît avec une humilité rampante de chiens, en échange de menus et honteux avantages. Ceux qui végétaient autour de moi dans les cellules de travail, n’étaient pas tellement la lie d’un monde bourgeois bien ordonné, mais plutôt eux-mêmes des bourgeois jusqu’aux dernières conséquences ; ils aimaient leur confort, ils étaient attachés à l’ordre, ils avaient une crainte mesquine devant chaque décision à prendre, ils étaient bien trop semblables à la société d’où était sortie cette race de criminels et qui maintenant les broyait entre la pierre et le fer, oui ils lui étaient bien trop semblables pour oser l’attaquer de front. Dans ces êtres, il n’y avait pas la moindre étincelle d’une force révolutionnaire, aucune idée ne possédait leur cerveau, ni l’obstination, ni l’orgueil des réprouvés ne les animait. Pourtant il me semblait que la marque même du crime consiste en ce qu’il vise la destruction de l’ordre existant, et non pas en ce qu’il est un essai de s’y faire une place par des moyens illicites. »
Ernst von Salomon, Les Réprouvés.
Du coup, je reprendrais bien une tranche de
Gangsters,
Littérature du temps que ça existait,
malfrats,
révolutionnaires
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