vendredi 1 décembre 2017

Se non è vero... (TC par TC)

Trouvé sur le blog Temps critiques

 Quand des communisateurs colmatent leur barque 

avec du racialisme

Aujourd’hui, pour nombre de communisateurs, les points de vue partiels ou particularistes de genre et de race viennent relayer et se substituer au point de vue ouvrier partiel qui le précédait jusqu’au début des années 70 dans le cadre de la théorie du prolétariat ; théorie de classe, « point de vue ouvrier » pour les opéraïstes. Là où il y avait hiatus entre prolétariat et communisme les « communisateurs » ont mis en place un concept qui, pour eux, leur permet de combler ce hiatus, mais en renvoyant tout à la structure impersonnelle du capital. Devant cette abstraction puissance élevée à la puissance dix mais laminée par le courant dominant des particularismes, la théorie communiste se mue en opportunisme par rapport aux différents points de vue partiels dont les vagues font peu à peu céder tout point de vue universaliste et « à titre humain ». Mais alors que la communisation, emplie d’althussérisme implicite — tout en étant un concept et un mouvement critiquable — restait encore dans le cadre de la critique du rapport social capitaliste, on ne voit pas ce qui pourrait relier les intersectionnalités désormais intégrées par Théorie communiste, avec la communisation, justement. Plus, il n’y a aucun rapport. Sauf à penser que les « racialisés » et les « genrisés » soient les nouveaux agents actifs de la communisation dont, pour la plupart, ils n’ont même pas l’idée parce qu’ils ne produisent aucune critique de ces mêmes rapports sociaux capitalistes ; sauf à croire que ce que TC nomme le « dépassement à produire » est déjà à l’œuvre dans les pratiques qui cherchent à rendre visibles les « discriminations » de genre, de race ou vis-à-vis des religions.

On savait depuis longtemps que la barque de Théorie communiste prenait l’eau et que Roland Simon se dépensait de tout côté pour colmater les brèches. Depuis quelques années maintenant, il avait intégré les théories genristes à son corpus faisant de l’abolition des différences « de genre » une des premières déterminations de sa révolution communisatrice. En 2014 j’avais analysé ce calfatage de la barque TC dans un des chapitres de « Le capital ne réalise pas la philosophie de Hegel » et dans une note de bas de page à la fin du chapitre, j’écrivais :  » Mais comme les luttes de classe de la période qui a suivi les restructurations des années 1970-80 n’ont pas « produit » la révolution communisatrice annoncée, Théorie communiste a récemment révisé sa définition du prolétariat en y ajoutant une composante genriste. Désormais, la communisation supprimera la détermination genrée du prolétaire (comme celle des autres individus) et donc, en attendant, les luttes de genre sont des luttes de classe, qu’on se le dise ! À quand l’autre révision nécessaire au mouvement du « dépassement produit », par la révolution des « racisés » ?

Et bien, aujourd’hui, nous y sommes.

Dans sa critique du livre « La fabrique du musulman » ainsi que dans d’autre recensions d’articles, Roland Simon tente d’éviter le naufrage de sa théorie classiste en intégrant les thèses racialistes et celles sur l’intersectionnalité. Bien sûr, il prend soin de se démarquer de la position des Indigènes de la République mais il ne la rejette pas, il avance seulement qu’elle est « à interroger ». Il n’hésite pas non plus à reprendre à son compte la notion inconsistante de « majorité communautariste » d’Irène Théry ; notion inconsistante aujourd’hui car lorsqu’elle a émergé elle était déjà dépendante des courants US sur les droits civiques qui concevaient alors les luttes citoyennes en terme de majorité et de minorité : les minorités de couleur opprimées contre les majorités blanches dominantes sans que les déterminants de ces deux catégories soient davantage explicités.

Le seul accord de Simon au livre « La fabrique du musulman », c’est…son titre. Détermination du rapport de production des divisions sociales oblige ! Théorie communiste reste structuraliste : tout est produit socialement, a été produit et doit être produit dans le futur. Ainsi, dans d’autres écrits de Simon, on apprend que le dépassement des divisions « culturelles » du prolétariat (la religion est assimilée à la culture) sera « un dépassement à produire » dans… la communisation.

À part son titre, Simon réfute l’essentiel du livre de Nedjib Sidi Moussa car il relève pour lui d’une conception unitariste et puriste de la classe ouvrière ; conception du passé qui a toujours sous-estimé, voire nié, les divisions nationalistes et racistes qui traversaient (et traversent encore) le prolétariat. Il cite plusieurs fois les massacres d’ouvriers italiens à Aigues-Mortes par les ouvriers français en 1893. Le racisme dans la classe ouvrière est donc socialement produit par les rapports capitalistes de production et de reproduction. Il est consubstantiel au MPC, mais, ajoute Simon (toujours pour se démarquer des Indigènes)… il n’est pas à l’origine du capitalisme ! Plus que jamais acharné à trouver dans le moment politique présent des contenus qui vont permettre à la forme du prolétariat-sujet-révolutionnaire de se nier dans la communisation à venir, Simon prêche le soulèvement de l’infrastructure. Son zèle communisateur tend à sous-estimer les déterminations majeures qui opèrent dans le capital aujourd’hui : l’individu (totalement absent ou bien négligeable car relevant de « la subjectivité »), l’État-réseau (pour Simon l’État c’est toujours l’État-nation bourgeois mais « dénationalisé »), les technologies (totalement absentes aussi), l’Islam (la religion c’est « culturel », donc c’est de la superstructure…), les réseaux, etc.

Tant la barque prend l’eau qu’à la fin elle coule…

JG

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