jeudi 31 décembre 2020

« ...mais également de l'enthousiasme ! »

«Il faut certainement leur apporter la vérité et la transparence, mais également de l'enthousiasme ! »

(Le généticien Axel Kahn, évoquant la résistance de masse aux nouveaux vaccins biotechnologiques anti-covid 19, Europe 1, 30 décembre 2020) 

Rocco très contento

«La préfecture des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté interdisant la vente d'alcool à emporter du 30 décembre 2020 à 20h au 1er janvier 2021 à 8h. Des interdictions similaires seront aussi en vigueur à partir du 31 décembre dans le Gard (dès 6h), l'Ille-et-Vilaine (16h) le Cher, la Loire, le Rhône (17h), les Côtes-d'Armor et la Mayenne (18h). Pour les fêtards, la principale difficulté sera néanmoins de passer outre le couvre-feu (...) "On ne sera informés que s'il y a de la délation, si des gens appellent le commissariat pour signaler que leurs voisins font la fête à plus de 20 personnes" a raconté à France Bleu Paris Rocco Contento, porte-parole du syndicat Unité SGP Police en Île-de-France.»

(Source : 6 Media, 30 décembre 2020)

mercredi 30 décembre 2020

De l'obscénité

«L'obscénité n'apparaît que si l'esprit méprise et craint le corps, si le corps hait l'esprit et lui résiste.» 

(D.H.Lawrence, préface à L'amant de Lady Chatterley,1929)

lundi 28 décembre 2020

Ode à l'ARN messager (par MM. Darmanin et Véran)

Vacciné !


«La science n'est certes pas une illusion. Ce qui serait illusoire, en revanche, c'est de croire que nous puissions trouver ailleurs ce que la science ne peut pas nous donner».

(Freud, L'avenir d'une illusion)


mercredi 23 décembre 2020

lundi 21 décembre 2020

Out of Wakanda (2) «Impossible de respirer»


«Je suis un homme, et c'est tout le passé du monde que j'ai à reprendre. Je ne suis pas seulement responsable de la révolte de Saint-Domingue.
Chaque fois qu'un homme a fait triompher la dignité de l'esprit, chaque fois qu'un homme a dit non à une tentative d'asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte.
En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle.
En aucune façon je ne dois m'attacher à faire revivre une civilisation nègre injustement méconnue. Je ne me fais l'homme d'aucun passé. Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir.
Ce n'est pas parce que l'Indochinois a découvert une culture propre qu'il s'est révolté. C'est parce que "tout simplement" il lui devenait, à plus d'un titre, impossible de respirer».

(Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs)

Out of Wakanda (1) «Au détriment de la cristallisation culturelle»

«Qu'est-ce que cette histoire de peuple noir, de nationalité nègre ? Je suis Français. Je suis intéressé à la culture française, à la civilisation française, au peuple français. Nous refusons de nous considérer comme "à-côté", nous sommes en plein dans le drame français. Quand des hommes, non pas fondamentalement mauvais, mais mystifiés, ont envahi la France pour l'asservir, mon métier de Français m'indiqua que ma place n'était pas à côté, mais au cœur du problème. Je suis intéressé personnellement au destin français, aux valeurs françaises, à la nation française. Qu'ai-je à faire, moi, d'un Empire noir ? Georges Mounin, Dermenghem, Howlett, Salomon ont bien voulu répondre à l'enquête sur la genèse du mythe du nègre. Tous nous ont convaincu d'une chose. C'est qu'une authentique saisie de la réalité du nègre devait se faire au détriment de la cristallisation culturelle.»

(Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs)

vendredi 18 décembre 2020

Mon beau Sapin («Où est ton aiguillon ?»)


«Aussi n'est-ce pas à la toxicologie mais bien à la physiologie et à l'anatomie qu'il faut s'adresser pour saisir la cause d'un anéantissement si foudroyant ; ce n'est pas tant la haute énergie du venin inoculé que l'importance de l'organe lésé qu'il faut considérer pour se rendre compte de ces merveilleux faits. Qu'y a-t-il donc au point où pénètre le dard ?»

(Jean-Henri Fabre, Promenades entomologiques)

samedi 12 décembre 2020

Scary Movie

vendredi 11 décembre 2020

En attendant que les troquets rouvrent

Dirigé par Laurence Le Bras. 
Postface d'Anselm Jappe (Marx) et de Bertrand Cochard (Hegel) 


Présentation de l'éditeur  

«La lecture de Marx et de Hegel fut déterminante dans le processus de réflexion ayant mené à l’écriture de La Société du spectacle. Guy Debord, s’il s’inscrivait dans la tradition de la pensée marxienne, n’était pourtant ni marxiste ni hégélien. Mais il a trouvé chez ces philosophes deux formes de pensée radicales qui répondaient pleinement à ses préoccupations. À l’instar du système théorique de Hegel, capable d’appréhender dans un seul mouvement tout ce qui gouverne l’existence humaine, il s’est attaché à produire une analyse de la société marchande qui s’applique à l’ensemble de son mode de fonctionnement. Quant à Marx et à son entourage, leur parcours et leurs idées constituent pour lui un modèle pour l’organisation de l’activité politique et révolutionnaire de l’Internationale situationniste. Néanmoins, les spécificités de chaque auteur, et l’existence de deux dossiers de fiches de lecture bien distincts dans les archives de Guy Debord, ont été respectées dans ce volume constitué de deux parties : la première consacrée à Marx, la seconde à Hegel, l’une et l’autre faisant l’objet d’une postface revenant sur les apports précis de chacun à son œuvre». 

Parution prévue le vendredi 19 février 2021

jeudi 10 décembre 2020

Séparatisme

 (source : Sud-Ouest, 9-12-2020)

Élémentaire

«Empédocle suppose, avant les quatre éléments, l'existence de certains fragments infimes (des éléments encore premiers, en somme, par rapport aux éléments) qu'il appelle homéomères, c'est-à-dire ronds. Héraclite, lui, introduit des raclures minuscules et indivisibles».

(Pseudo-Plutarque, Opinion des philosophes, I)

dimanche 6 décembre 2020

vendredi 4 décembre 2020

Sur le front du Giscardisme

Avenue La Boétie

«Le propre de ce vice innommable, à suivre les descriptions du Discours de la servitude volontaire est son illimitation : une fois enclenché, le mouvement de la servitude ne connaît pas de bornes. Ajoutons qu'il ne s'agit nullement de stupidité comme semble le penser Hegel, mais de l'action d'un affect spécifique ― le charme et l'enchantement du nom d'Un  ― qui produit une forme de servitude humaine. C'est cet affect qui fait sauter le cran d'arrêt de la conservation de soi.»

(Miguel Abensour, La Boétie prophète de la liberté)

jeudi 3 décembre 2020

Les grands récits, c'est au fond à droite !

«C'est seulement dans la perspective de grands récits de légitimation, vie de l'esprit et/ou émancipation de l'humanité, que le remplacement partiel des enseignants par des machines peut paraître déficient, voire intolérable. Mais il est probable que ces récits ne constituent déjà plus le ressort principal de l'intérêt pour le savoir. Si ce ressort est la puissance, cet aspect de la didactique classique cesse d'être pertinent. La question, explicite ou non, posée par l'étudiant professionnaliste, par l'État ou par l'institution d'enseignement supérieur n'est plus : est-ce vrai ? mais : à quoi ça sert ?»

(Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, 1979, année de la Chèvre)

dimanche 29 novembre 2020

Intimissime ! (shops just re-opened !)

(Somewhere in Macronland, 28 novembre 2020)
It was fun and will be, more and more...

samedi 28 novembre 2020

Flambée des prix (Paris, 28 novembre 2020)

Le concept de sécurité globale expliqué aux enfants, aux structuralistes et aux psychologues

(Made in France des Lumières éteintes, 2020)

«La police est la névrose sociale d'ordre et d'agression poussée à un tel degré d'accumulation qu'elle devient image interdiction de diffuser des images».

(Guy-Ernest-Lallement, La société de la résilience, 2020)

vendredi 27 novembre 2020

Souffrances du Monde

«Car après tout, Schopenhauer a toujours été le philosophe le plus distingué».

(Ernst Bloch)

De la vérité comme «effet de pouvoir»

Clôture du Séminaire LBD et ParrêsiaUniversité Paris-VIII, 
amphi B112 (en distanciel) !

***
«Par définition (sic), par construction (re-sic), la parole des policiers vaut plus que la parole de celui qui ne l'est pas. »
(Gérald Darmanin, Ministre de l'Intérieur, 
au congrès du syndicat Unsa-Police10 septembre 2020)

jeudi 26 novembre 2020

mercredi 25 novembre 2020

Football, désir et téléologie

«Raquel Welch est une merveille, 
mais ce n'est pas un but.» 

(Diego Maradona, 1986)

lundi 23 novembre 2020

Dialogue, co-construction, exigence et partage !

«En haute mer la navigation dépend d'son pilote,  
  Sur l'périph de l'illicite, sors à la première porte !»

dimanche 22 novembre 2020

Le Protocole des Trash du Fion

(Covidostein, à l'origine.
Faut l'savoir, hein !)

samedi 21 novembre 2020

mardi 17 novembre 2020

C'est bien la peine d'avoir été situ (pour finir con comme un foucaldien)

Compris, les fiottes ? Le premier qui bouge, on lui envoie l'assistante sociale...

«Sur quoi s'érigeait le pouvoir patriarcal, la tyrannie du père, la puissance du mâle ? Sur une structure hiérarchique, le culte du chef, le mépris de la femme, la dévastation de la nature, le viol et la violence oppressive. Ce pouvoir, l'histoire l'abandonne désormais dans un état avancé de délabrement : dans la communauté européenne, les régimes dictatoriaux ont disparu, l'armée et la police virent à l'assistance sociale, l'État se dissout dans l'eau trouble des affaires et l'absolutisme paternel n'est plus qu'un souvenir de Guignol.»

(Raoul Vaneigem, Avertissement aux écoliers et lycéens)

samedi 14 novembre 2020

Toute ressemblance, etc

«Hegel décrit [ici] trois types de régime donc chacun représente un progrès [...]. Ils sont chacun liés de manière intrinsèque à la structure de la société qu'ils régissent. L'image générale de la société est telle que le "système des besoins" est un "système de mutuelle dépendance physique". Le travail de l'individu ne garantit pas l'assouvissement de ses besoins : "Une force étrangère à l'individu et sur laquelle il reste sans pouvoir" décide de leur satisfaction. La valeur du produit du travail est "indépendante de l'individu et sujette à un constant changement".

[Stade 1]

Le système de gouvernement lui-même participe de cette anarchie : le principe qui gouverne n'est rien d'autre que "la totalité aveugle, non consciente, des besoins et de leurs modes de satisfaction". La société est certes obligée de contrôler son "destin aveugle et inconscient". Le contrôle, cependant, demeure incomplet tant que prévaut l'anarchie générale des intérêts. Une richesse excessive va de pair avec une excessive pauvreté, et le travail purement quantitatif jette les hommes "dans un état d'extrême barbarie", en particulier la partie de la population "soumise au travail mécanique des fabriques" ("bewusstloses, blindes Schicksaal" ; "höchste Roheit" ; "mekanische und Fabrikarbeit").

[Stade 2]

L'étape suivante du gouvernement, présenté comme "système de la justice", équilibre les antagonismes existants, mais seulement dans le cadre des rapports de propriété donnés. Le gouvernement repose alors sur l'administration de la justice, mais il administre la loi "dans une parfaite indifférence envers la relation d'une chose aux besoins d'un individu déterminé". Le principe de la liberté, à savoir que "les gouvernés sont identiques aux gouvernants", ne peut être pleinement réalisé, puisque le gouvernement ne peut éliminer les conflits entre intérêts particuliers. Aussi la liberté n'apparaît-elle que "dans l'organisation des tribunaux, dans l'examen des litiges et leur règlement".

[Stade 3]

Hegel esquisse à peine ici le troisième système de gouvernement. Il n'en est pas moins significatif que le concept central de son analyse soit le concept de "discipline" (Zucht) : "La grande discipline est représentée dans la moralité générale et dans l'entraînement de l'individu à la guerre, et dans l'épreuve de sa valeur militaire."

[Conclusion]

La quête d'une communauté véritable débouche ainsi sur une société régie par une extrême discipline et par l'éducation militaire. L'unité véritable entre l'individu et l'intérêt commun, en laquelle Hegel voyait tout d'abord l'unique fin de l'État, a abouti à un État autoritaire chargé de mater les antagonismes croissants de la société individualiste. La discussion des divers niveaux de gouvernement est ainsi une description concrète de l'évolution conduisant d'un système politique libéral à un système autoritaire. La critique de la société libérale est inhérente à cette description : l'essentiel en est la démonstration que la société libérale engendre nécessairement un État autoritaire.»

(Herbert Marcuse, Raison et Révolution, 1939)

mardi 10 novembre 2020

Du bon usage impérial de l'islamisme (2)

Ci-dessus : une icône gaie (à l'extrême-droite)

Mauvaise passe pour les fascistes français. Trump a perdu, et les Arméniens viennent, au Nagorny-Karabakh, d'entériner une débâcle épouvantable. Les Azéris, à coups de milliers de mercenaires djihadistes pro-turcs et de drones israéliens, emportent la décision par KO et capitulation honteuse. Ce dernier fait est important : le coup de grâce à l'Orient Chrétien se trouve ici en effet porté par M. Poutine en personne, lequel, jusqu'alors, incarnait plutôt l'ultime espoir d'une virilité blanche enfin désireuse, et enfin capable (semblait-il), de se substituer au renoncement, à la trahison et à la décadence pédophiles et transexuelles de l'Ouest démocratique pour affronter l'Islam conquérant. Les fascistes et tous les machos souverainisto-crétins voyant en la Russie actuelle autre chose qu'un État mafieux libéral de plus, laboratoire du despotisme 5g sous-développé (voir, ces jours-ci, histoire d'enfoncer le clou, le pitoyable appel à l'aide de Poutine à Macron, pour «travailler de concert» à un pseudo-vaccin anti-covid) voient donc ainsi lourdement humiliée leur bêtise politique insondable, ce pour la deuxième fois de la semaine. Ce qui fait que nous, on va reprendre des nouilles, tiens ! c'est trop drôle. Pendant que M. Erdogan, il a bien raison, sabre le champagne Champony à Istanbul. Entre deux coups de fil de remerciements à Vladimir.

Dans mes bras, ma petite Pussy riot...

lundi 9 novembre 2020

La véritable mesure

«Combien de vérité supporte, combien de vérité ose un esprit ? C'est ce qui est devenu pour moi, de plus en plus, la véritable mesure des valeurs».

(Nietzsche)

samedi 7 novembre 2020

Hard Times (anyway)

vendredi 6 novembre 2020

Du bon usage impérial de l'islamisme

On sent ici (nous sommes en octobre 2018) chez Poutine comme une légère pointe de stress, inhabituelle chez lui. L'importance de l'enjeu, sans doute : dépassant de très loin la simple valeur singulière (d'ailleurs exceptionnelle) du combattant d'arts martiaux mixtes se tenant à sa droite. Rappelons, tout de même, la mise en place récente en Tchétchénie, par le supplétif poutinien Kadyrov d'un véritable «État MMA», résurgence softpowerisée d'un sportisme industriel de type soviétique, dont Khabib Nurmagomedov constituerait la vitrine ou le produit d'appel. Cela n'est évidemment pas anodin. Le MMA, ce n'est pas comme la natation ou le lancer de marteau. Le MMA, dans sa version capitaliste, marchande et mondialisée (UFC, Cage Rage, etc) incarne adéquatement l'accord profond nivelant désormais presque totalement la psychologie des foules contemporaines, relativement à l'abandon prochain, inéluctable, nécessaire, de toute liberté réelle à la tyrannie patriarcale, quelque nom que celle-ci puisse se donner. Le MMA capitaliste, avec ses étalages pornographiques de chair sanglante livrée au spectacle de la cruauté, apparaît comme le pendant libéral parfait de la séquence chaotique (ou plutôt : de déchaînement chaotique des pulsions) explicitement visée par le fameux «Management de la sauvagerie» djihadiste (pour reprendre le titre de cet ouvrage de combat disponible partout mais dont la pertinence, sinon le génie machiavéliens demeurent à ce jour largement inconnus des intellectuels libéraux, lesquels paieront bientôt le prix de cette ignorance et de leur aveuglement). La puissance dévastatrice de cette pulsion de mort, il s'agit de ne pas en perdre le contrôle. De ne pas la laisser exploiter par la concurrence. Voilà à quoi pense Poutine, là, à cet instant précis. Et voilà ce qui l'inquiète (un peu).

La mise en spectacle public, l'appel public à jouir d'une cruauté totale manifeste, exercée sur le corps, dont on raille ainsi la misère humaine, bref : toute cette ironie sanglante exercée sur le corps au bénéfice de Dieu, du Maître absolu, aura trouvé son sens pleinement stratégique (démoralisant) chez Daesh. Dans les fameuses cages de Daesh, où l'on expose, pour les humilier, les brûler au lance-flammes ou les noyer, les opposants et êtres humains de mauvaise vie. On se souvient aussi, avant cela, dans les années 1990, des djihadistes de Bosnie (dont des membres du fameux gang de Roubaix) jouant au football, hilares, avec la tête de leurs ennemis. Décapiter un être humain revient à moquer une fois pour toutes la Raison, à l'humilier, comme on ricane d'un poulet sans tête courant en tous sens, et conservant ainsi quelques secondes ces petits spasmes, ces petits restes désespérés de vouloir-vivre que le nihilisme a toujours raillés. Tu voulais jouer au malin avec ta tête, ton cerveau, ta pensée. Mais la Raison, ça n'est que du corps. Et le corps, c'est irrémédiablement faible, ridicule et coupable (à tous les sens du mot). Le but visé est, de fait, un but stratégique car il s'agit là d'épuiser la foi en la liberté rationnelle du corps, dans son autonomie accessible à la raison, ce qui définit l'espérance. Il s'agit, en somme, de vider l'humain de tout espoir en lui-même, de hâter la victoire, en chacun, de ce goût, jusqu'ici contenu, du calme océanique que seule la loi du tyran rendra enfin possible, après le chaos des pulsions, après le spectacle du déferlement de la pire violence, de la sauvagerie sans règles

«[Sous le règne de Daesh] L'atrocité exposée en permanence signifie la volonté d'un Dieu qui fait ce qu'il veut quand il veut de ses créatures. C'est la souveraineté absolue qui se met en scène par une jouissance cruelle illimitée, contre laquelle il n'y a aucun recours» (Fethi Benslama, Un furieux désir de sacrifice, Le surmusulman, 2016).   

Le spectacle permanent dont les foules se trouvent universellement bombardées, spectacle alterné de terrorisme, de pulsions capitalistes imposant partout (on le voit encore pendant cette pandémie) distinction de forts et de faibles, de violence et de soumission légitimées, touche enfin au but. La terreur qu'il génère ne nourrit plus de contre-espoir, plus d'énergie contraire. La terreur des masses appelle immanquablement, progressivement, suivant des stades de renoncement croissant bien déterminés, leur soumission finale «choisie» envers une autorité protectrice, légaliste quoique totalitaire, seule capable de les protéger. C'est ce que les intellectuels médiatiques nomment avec une volupté humiliante (malheur aux vaincus !) «la faillite des démocraties». Poutine, Erdogan, Xi Jinping tout autant que la Charia représentent ce type victorieux d'autorités communiant dans la virilité obsessionnelle et le respect de la pure force brute. Les unit absolument,  en conséquence, la haine de tout ce qui fragiliserait un tant soit peu l'adhésion complète des foules à ces dernières, soit : les libertés de comportement sexuel (et singulièrement, l'homosexualité) ; les libertés intellectuelles et d'expression individuelles garanties par le droit ; la liberté religieuse, qui annonce et facilite toujours l'émergence des autres. Les attaques et menaces méprisantes portées ces jours-ci des quatre coins du monde contre le libéral Macron l'attestent. C'est, bien entendu, à travers lui, la démocratie bourgeoise occidentale finissante qui est visée, mais c'est aussi toute civilisation du Droit, toute rationalité politique prétendant à s'appliquer effectivement qui se trouve dénoncée, pêle-mêle, par ses ennemis conglomérés, comme sourdement pédophile, décadente, juive, islamophobe, «blanche», voire «biopolitique». Partout, sur des tons diversement scandalisés et «sensibles», c'est à un réveil purement vitaliste des corps qu'on appelle : des corps opprimés par la domination d'une rationalité pourrie et mensongère. Un réveil, précisons-le, du corps irrationnel des hommesLe masculinisme sans questions dont le MMA est l'emblème caricatural, se cabre en effet partout contre la liberté et sa sensibilité (ou sensualité) «féminine» d'investigation, de curiosité et de transgression («la raison, cette putain du diable», disait Luther). C'est aussi, donc, indirectement contre cet adversaire-là, souvent par étranglement et, de manière générale, par soumission, que Khabib Nurmagomedov gagne la plupart de ses combats.  

Voilà pourquoi, en France, les fascistes et catholiques de Valeurs Actuelles, l'essentiel des rappeurs mainstream et autre youtubeurs body builders du moment, les indigénistes et racialistes de gauche, les salafistes, les Frères Musulmans et leurs suppôts, les soraliens dont l'influence désastreuse sur la jeunesse renforce encore le prestige des précédents, tous ces gens ne représentent, pour qui sait lire le réel (et tient encore un petit peu à la liberté) qu'un seul ennemi, dont l'heure du triomphe précède potentiellement de très peu celle du déclenchement d'une sauvagerie ouverte (une guerre civile, pour parler clairement) dont certains Managers avisés entendent bien tirer tout le profit positif. Et durable. 

Le petit père Poutine sera-t-il celui-là capable de mettre les autres d'accord ? À Dijon, lors des affrontements ayant opposé, il y a quelques semaines, Tchétchènes et Maghrébins dans le quartier des Grésilles, nous avions observé, sidérés, les images montrant partout les graffiti pro-russes et pro-poutine apposés sur les murs de la cité. Simple provocation, de type sportif ? Mais, à ce compte, nous l'avons dit : le sport fait sens. Nous avions ensuite constaté, en réplique, sur des réseaux sociaux extrêmement suivis (comme l'on dit : nous parlons là de plusieurs centaines de milliers, voire de millions de visiteurs par mois) de vibrants appels à «l'unité arabo-tchétchène», au nom d'une solidarité, tant militaire que religieuse, forgée dans le passé contre les interventions militaires impériales russes en Tchétchénie

Alors qui jouira in fine des fruits de ce «Management de la sauvagerie» autour des principes et de la légitimité duquel tout ce petit monde s'accorde ? Nous pensons qu'en Russie, M. Poutine se soucie grandement de ce genre de choses, dont il a la même connaissance intuitive que du prestige symbolique immense dont bénéficie aujourd'hui celui à qui il cause dans la vidéo ci-dessus. D'où ce qui nous apparaissait, au début de ce billet, comme un petit coup de stress, éludé entre deux raclements de gorge. Rappelons que la page Instagram de Khabib Nurmagomedov est quotidiennement suivie par des dizaines de millions de personnes à travers le monde. Qu'on ajoute à cela, pour ce qui concerne la France, les témoignages de soutien numériques régulièrement et bruyamment portés aux déclarations  de ce monsieur par ces autres influenceurs juvéniles de masse que sont les rappeurs à succès, ou les joueurs de football, ceux du PSG, par exemple, dont certains ont récemment relayé (liké) son appel à «défigurer Macron» et tout mécréant, prof d'histoire ou non,  se risquant à manquer de respect au Prophète de l'Islam. On aura alors une bonne idée des joyeusetés que la démocratie libérale se prépare, d'ici maintenant très peu d'années.

Qu'on écoute attentivement, à la fin de l'interview ci-dessus, le rappel aux règles du jeu qu'effectue Poutine comme une leçon vaguement menaçante, à la mafieuse, donnée à Nurmagomedov suite à la bagarre générale occasionnée par ses soins, et ceux de son équipe, après sa dernière victoire à Las Vegas contre MacGregor. «Si on nous attaque, ricane nerveusement Poutine (sous-entendu : Nous, les Russes), nous aussi pourrions sortir de la cage». Notre cage de MMA. Autrement dit : c'est nous qui nous réservons le droit de mettre réellement en cage nos propres sous-hommes démocrates efféminés et libre-penseurs. C'est nous qui devons conserver l'exclusivité, sur ce créneau de terreur et sur la gestion de ce cheptel populaire, et laborieux. Si l'islamisme marche droit, c'est à dire pour nous, et se cantonne à son rôle d'exécutant terrorisant, alors il y aura de la place pour tout le monde au paradis de la vie quotidienne autoritaire. Dans le cas contraire, ce sera, contre l'islamisme, des Idlib, des Homs ou des Grozny (Xi Jinping disposant, lui, de ses camps de concentration pour Ouighours ou Hongkongais : reconnaissons là à chaque peuple, décidément, son génie, ses traditions et droits spécifiques à disposer de lui-même, sous peine d'odieuse ingérence impérialiste). Bref, Poutine et ses jumeaux innombrables disposent, pour faire prospérer leurs intérêts, de toutes solutions musclées, selon le terme en vigueur chez les journalistes immondes, blasés d'inhumanité. Ces solutions finales réjouissent à des degrés divers tous les Soral, Le Pen, Valls ou Valeurs Actuelles de la place de Paris, tous chérissant, comme sauveur suprême de l'occident monothéiste, notre viril despote kagébiste amateur de Novitchok et de MMA. 

Allez, maintenant, expliquer tout cela au malheureux M. Macron. Il faudrait, auprès de lui, à tout le moins, un Alexandre Benalla pour lui faire entendre l'urgence de tels enjeux culturels et politiques. Hélas ! ce dernier semble aujourd'hui indisponible, notamment pour raison de Covid-19 (cette grippette de fiotte). Dans le camp d'en face, comme l'on dit, MM. Mélenchon, Besancenot, voire Mme Clémentine Autain elle-même, pourtant l'étoile montante et grandement prometteuse de la gauche anti-islamophobe (ne perdant jamais ni tête ni pied) rencontrent sans aucun doute les mêmes difficultés d'ordre conceptuel et stratégique. Il est vrai que penser cette prédominance de désir, dans l'imaginaire contemporain, pour le patriarcat et la domination absolus, n'est pas sans requérir une certaine insoumission d'esprit. Ce qui n'est pas donné au premier politicien professionnel venu. Sans doute ignore-t-on souvent chez nous, par ailleurs, combien, du point de vue des empires autoritaire, l'Histoire se répète ou bégaie. Voici en effet comment jadis certain conducteur de nation s'y prit, afin de s'attacher les faveurs de l'islamisme, pour la poursuite optimale de ses affaires : 

«Au nom de Dieu le Bienfaiteur, Miséricordieux, il n'y a de Dieu que Dieu, il n'a pas de fils, ni d'associé dans son règne (...). Peuple de l'Égypte, on vous dira que je viens pour détruire votre religion, ne le croyez pas : répondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte Dieu, son prophète et le Coran plus que les Mamelouks (...). 

Juges, cheiks, imams, thcorbâdjys, dites au peuple que nous sommes aussi de vrais musulmans. N'est-ce pas nous qui avons détruit le pape qui disait qu'il fallait faire la guerre aux musulmans ? N'est-ce pas nous qui avons détruit les chevaliers de Malte, parce que ces insensés croyaient que Dieu voulait qu'ils fissent la guerre aux musulmans ?»

(Proclamation de Napoléon à Alexandrie, le 1er juillet 1798, Œuvres complètes, t. 2)

L'opération marcha jusqu'à un certain point. Mais elle finit par déclencher ce genre de réactions, parfaitement avisées, des principaux intéressés (le savant Al-Jabarti, du Caire, analyse ainsi, à l'époque, la proposition impériale)  : 

«(...) on dit ici que les Français sont d'accord avec les trois religions, mais qu'en même temps ils ne sont pas d'accord avec chacune d'entre elles. Ils suivent les musulmans en disant la formule "Au nom de Dieu", en refusant l'existence d'un Dieu ou d'un associé. Ils ne suivent pas les musulmans en ne mentionnant pas les deux articles de foi, en rejetant la mission de Muhammad, les paroles et actes légaux qui ont été reconnus nécessairement par la religion. Ils suivent les chrétiens pour la plupart de leurs expressions et actes, mais ils ne les suivent pas en ne mentionnant pas la Trinité et en en refusant la mission, bien plus encore en en rejetant les croyances, en tuant les prêtres, en détruisant les églises (...). Aussi, ces gens sont opposés à la fois aux chrétiens et aux musulmans, et ne tiennent solidement à aucune religion. Vous voyez là qu'il s'agit de matérialistes, qui nient tous les attributs de Dieu, la vie après la résurrection, et qui rejettent la prophétie et le message (...). Les Français, malgré toutes leurs objections, sont bel et bien des mécréants. Ils disent respecter le Coran, mais n'hésitent pas à le toucher après avoir uriné. En tout, il s'agit d'un peuple malpoli dont les hommes se rasent (la barbe) et marchent sur des tapis précieux en chaussures... Leurs femmes ne se couvrent pas et n'ont pas de pudeur. Chaque fois qu'un Français désire faire ses besoins naturels, il le fait là où il se trouve, même si c'est devant les gens (...). Ils boivent de l'alcool en public et incitent les femmes à sortir non voilées.»

(Abderrahmane al-Jabarti, Journal d'un notable du Caire durant l'expédition française de 1798-1801, Albin Michel, 1979)

Alors, M. Poutine se sortira-t-il mieux de cette affaire ? Sera-ce lui, en définitive, le triomphateur totalitaire final plutôt que la Charia ou M. Xi Jinping ? Nous avons notre petite idée sur la question. Il serait sans doute bien imprudent de l'exposer ici. Quoi qu'il en soit, tout cela a désormais très peu d'importance. L'essentiel est acquis. L'essentiel est écrit. En dernier lieu, ce sont les gens comme nous, et comme ceux que nous aimons de par le monde, qui finiront dans la cage. La non-sublimée. La vraie.

jeudi 5 novembre 2020

La bien-pensance, ça suffit !

- Bientôt Noël ! 
- Finis, les sanglots longs des violons de l'automne !

mercredi 4 novembre 2020

dimanche 1 novembre 2020

Ce pays-là

 
«Mais qu'est-ce que c'est que 
ce pays qui a perdu la tête ?»

(Clémentine Autain, députée, 
22 octobre 2020)

samedi 31 octobre 2020

Ce monde-là

«Lutter contre la religion, c'est donc, indirectement,  lutter contre ce monde-là...»

(Karl Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel)

vendredi 16 octobre 2020

La matière, cette infidèle...


«Tous les corps qui naissent et périssent ne sont sujets à la corruption que du côté de leur matière. Du côté de la forme et en considérant la forme en elle-même, ils ne sont point sujets à la corruption, mais sont permanents (…). Il est dans la véritable nature de la matière que celle-ci ne cesse jamais d’être associée à la privation ; c’est pourquoi elle ne conserve aucune forme [individuelle] et elle ne discontinue pas de se dépouiller d’une forme pour en revêtir une autre. Salomon, donc, dans sa sagesse, s’est exprimé d’une manière bien remarquable en comparant la matière à une femme adultère ; car la matière, ne pouvant, en aucune façon, exister sans forme, est toujours comme une femme mariée, qui n’est jamais dégagée des liens du mari et qui ne se trouve jamais libre. Mais la femme infidèle, quoique mariée, cherche sans cesse un autre homme pour le prendre à la place de son mari, et elle emploie toutes sortes de ruses pour l’attirer, jusqu’à ce qu’il obtienne d’elle ce qu’obtenait son mari. Et c’est là aussi la condition de la matière ; car, quelle que soit la forme qu’elle possède, celle-ci ne fait que la préparer pour la réception d’une autre forme, elle [la matière] ne cesse de se mouvoir pour se dépouiller de la forme qu’elle possède et pour en obtenir une autre. Quand elle l’a obtenue, c’est encore la même chose.»
 
(Maïmonide, Le guide des égarés)

vendredi 18 septembre 2020

dimanche 13 septembre 2020

Les aventures de la post-vérité au pays du matérialisme



«Certes, il ne peut s'agir, comme chez Foucault, d'admettre in extremis et du bout des lèvres que la matérialité des corps n'est pas une fiction, comme s'il s'agissait d'une concession à offrir à un sens commun en alerte. La stratégie butlérienne consiste plutôt à affirmer que cette expérience réelle est aussi une extériorité posée, produite, requise, dans le geste intra-culturel de désigner un pôle de référence stable et sûr. D'une certaine façon, c'est même la dialectique du genre (social) et du sexe (anatomique) qui constitue le paradigme du mouvement par lequel émerge en général le référent au sein de nos pratiques langagières ― une émergence en deçà de laquelle nous ne pouvons pas revenir.

Ce que je proposerais [écrit J.Butler] à la place de ces conceptions [ordinaires, vulgaires] du constructivisme, c'est un retour à la notion de matière, non pas conçue comme un site ou une surface, mais comme un processus de matérialisation qui se stabilise à travers le temps pour produire des effets de délimitation, de fixité et de surface que nous appelons matière. Le fait que la matière se soit toujours matérialisée doit, je pense, être pensé en relation avec les effets productifs et, à vrai dire, matérialisants du pouvoir régulateur dans le sens foucaldien du terme. Ainsi, la question n'est plus Comment le genre est-il constitué comme et à travers une certaine interprétation du sexe ?, mais plutôt : À travers quelles normes régulatrices le sexe est-il lui même matérialisé ? Et encore : Comment se fait-il que le fait de traiter la matérialité du sexe comme un donné présuppose et consolide les conditions normatives de sa propre émergence ? [sic]

Butler peut donc affirmer, sans aucunement chercher le paradoxe, que le bon sens qui insisterait pour partir de la préexistence du corps et de la matière (de la Nature, si l'on préfère) n'est pas du tout menacé par sa théorie. De son point de vue, le fait de compléter l'affirmation décidée de cette préexistence par la petite clause selon laquelle il s'agit d'une préexistence qui est toujours "posée ou signifiée en tant que première" ne devrait pas choquer le plus sourcilleux des matérialistes. Une position délicate, on le devine, et qui d'ailleurs au fil des pages de Bodies that matter [Ces corps qui comptent] finit par céder la place à un certain agacement devant la facilité qui consiste à invoquer de façon "matérialiste" le primat du corps et de l'anatomie dans les débats autour de la féminité et du féminisme. Dans un moment qui sonne foucaldien par son intention de dévoiler la complicité des adversaires apparents, elle rappelle ainsi à son tour que, dans la pensée occidentale, la notion de matière a tiré l'essentiel de sa crédibilité des connotations androcentriques qui lui étaient associées (la passivité opposée à l'activité, etc) ― ce qui rend en fin de compte hautement suspecte son utilisation dans l'argumentation philosophique ou sociologique. 

Dans quelle mesure [écrit J. Butler] lorsque nous invoquons la notion conventionnelle de matérialité, et même lorsque nous insistons sur le fait que cette notion fonctionne en tant qu'"élément irréductible", ne consolidons-nous pas et ne perpétuons-nous pas une violence constitutive faite au féminin ? Si nous prenons garde au fait que le concept même de matière préserve et réarticule une violence [...], nous courons le risque [en l'utilisant] de reproduire la violence que nous cherchons justement à dépasser».

(Stéphane Haber, Critique de l'antinaturalisme  

Aucune espèce d'importance

(source : Libération, 10-09-2020)

samedi 12 septembre 2020

Lutte libre

Navid Afkari نوید افکاری‎ 
(1993-2020)

Anti-monde vaincra !

vendredi 11 septembre 2020

Culture


«Une jeune femme a adressé une lettre ouverte au musée d'Orsay dans laquelle elle explique qu'on lui a refusé l'entrée, mardi après-midi, à cause de sa robe. Le motif avancé par les agents du musée parisien ? Un décolleté trop plongeant. Selon son témoignage, un agent de sécurité lui explique que "les règles sont les règles"». 

(La Dépêche, 10 septembre 2020 après leur origine du monde)

jeudi 10 septembre 2020

Mulan by Disney

mardi 8 septembre 2020

Beau comme du Virginie Despentes


«Les terroristes sont arrivés au moment où on sortait de l'immeuble." Chérif Kouachi l'attrape par le bras et la pousse dans la cage d'escalier, suivi par Saïd Kouachi. Ils referment la porte sur Angélique Le Corre, qui reste bouche bée. "J'ai pu sentir une force et une détermination qui émanaient d'eux. L'un s'est mis derrière moi avec son arme. Charb dessinait tellement bien les armes que je savais que c'était une kalachnikov"
Commence l'ascension de l'escalier. La cour d'assises monte dans les pas de Coco, dont la voix se brise. "Ils m'ont dit 'on veut Charlie Hebdo, on veut Charb'." Dans une "détresse absolue", la dessinatrice se trompe d'étage. "J'étais en incapacité de réfléchir. Pensant que cela me serait fatal, je me suis mise comme ça." Elle s'accroupit dans la salle d'audience, les mains sur la tête. "Je disais 'pardon, pardon'. J'ai pensé mourir exécutée ici au premier étage quand soudain ils ont dit 'pas de blague sinon on te descend'." Longue pause. "C'était l'effroi en moi." 
Coco finit par trouver le bon étage et compose le code permettant l'accès à la salle de rédaction. "Je sentais que les terroristes approchaient de leur but, je sentais une excitation à côté de moi, poursuit-elle, le souffle court. J'ai avancé comme un automate, un fantôme." 
J'ai entendu un tir, je me suis retournée, j'ai vu Simon [Fieschi] tomber de son siège. Ma première pensée absurde a été de me dire 'c'est nul le bruit d'une arme, ça m'avait l'air sec, tac tac'
La dessinatrice court se réfugier sous un bureau. La suite n'est que "bruit de chaises", éclats de voix, "tirs saccadés" ponctués d'"Allahou Akbar". Coco entend cette phrase lancée à sa collègue Sigolène Vinson : "Je ne te tue pas parce que t'es une femme et si tu lis pas le Coran…" Et puis plus rien. "Le silence, un silence violent." Coco se lève et découvre alors l'étendue du massacre. Le corps du correcteur Mustapha Ourrad, d'abord. Puis celui du garde du corps de Charb, Franck Brinsolaro. Dans la salle de rédaction, "j'ai vu les jambes de Cabu. Je les ai reconnues car des miettes sortaient de son manteau, il mangeait un morceau de pain." Le décompte macabre se poursuit. "J'ai vu Wolinski, j'ai vu Elsa [Cayat] et j'ai vu Charb. Le côté de son visage était d'une pâleur extrême." En tout, les frères Kouachi ont assassiné onze personnes dans les locaux du journal. Ils feront une douzième victime dans leur fuite, le policier Ahmed Merabet. 
Des blessés se manifestent. Il y a Riss. Coco, qui a pris des cours de secourisme, ne sait plus comment faire des points de compression. "Tout était blanc dans ma tête." Puis Philippe Lançon, assis au fond de la salle. "J'ai pensé 'il n'a plus de visage', mais je savais que ce n'était pas un point vital et j'ai pu garder un peu mon sang-froid. Il a essayé de m'écrire des choses pour que j'appelle sa mère, son frère."  
Coco voit arriver l'urgentiste Patrick Pelloux. L'entend crier "Charb ! Charb mon frère". Elle prévient la crèche et son conjoint. Elle ne pourra pas venir chercher sa fille. "Après ça, nous sommes allés au théâtre [où étaient accueillies les victimes]. Et puis voilà. C'est le talent qu'on a assassiné ce jour-là, c'étaient des modèles pour moi, des gens d'une extrême gentillesse, qui avaient un vrai regard sur le monde". 
Coco explique qu'après les attentats, elle a continué à dessiner pour Charlie afin de "s'occuper l'esprit" et parce que ce journal était "ce qui restait de plus précieux". "Quant à la vie privée, ça a été difficile, j'avais l'impression de ramener un monstre à la maison." Elle résume le tourment de nombreux survivants entendus avant et après elle mardi et mercredi : "Je ne suis pas blessée, je n'ai pas été tuée, mais cette chose qui m'a traversée est absolument effroyable et je vivrai avec jusqu'à la fin de mes jours." Le sentiment d'"impuissance" la hante encore, cinq ans après. Malgré tout, "j'ai mis du temps à le comprendre, ce n'est pas moi la coupable là-dedans. Les seuls coupables, ce sont les terroristes islamistes, les Kouachi, et leurs complices." "Plus largement, il y a des complices dans la société qui ferment les yeux devant l'islamisme et qui baissent leur froc devant l'idéologie, lance-t-elle. Si j'ai voulu parler à ce procès, c'est aussi parce qu'il y a un problème de société».

(Témoignage de «Coco», au procès du massacre de Charlie-Hebdo, France-Info, 8-9-2020)