Quand on n'a que la haine... (OTH)
Le beauf intégral ne tourne jamais désespéré.
Telle est sa marque absolument distinctive.
C'est que l'individu en question - le beauf intégral - panse avec son estomac et avec sa tripaille, et que l'appel de ceux-ci : récurrent, inéluctable, toujours renaissant, le préserve de cette calamité qui n'épargne point, en revanche, les rebelles authentiques, marqués sans retard au front du pessimisme le plus sombre, de son sceau incomparé de souffrance amusée, ironique et moqueuse.
Il y avait, certes, beaucoup de beaufitude chez OTH, dans les invites régulières, en particulier, du sieur Poisson, lancées aux punks de l'Hexagone à visiter leur sud montpelliérain où les filles étaient, à l'en croire, aussi "chaudes" que "disponibles" : de véritables "chiennes en chaleur", en somme, que les désormais ex-rock'n'roll heroes d'OTH seraient, à cette heure (entre nous et soit dit en passant) sans doute bien en peine de contenter orgasmiquement, du bout de leur bout décomposé, de ce ticket obsolète misérable, non-valable (ainsi que le stigmatisait courageusement l'écrivain Romain Gary, qui, lui, ne fut jamais beauf) au-delà de telle limite rapidement impérieuse...
Il nous souvient, là-dessus, ce dessin issu d'un fanzine au titre oublié. Un gros punk à crête, viril, s'y adresse à l'élue de son coeur, une jeune fille en cuir noir qu'il entend vraisemblablement séduire, lors d'un concert propice, par l'exhibition du discours idéologique adéquat, en ces termes précis : Eh ben, moi, je te dis qu'un mec qu'est sexiste, c'est qu'un enculé de pédé de lopette !
Le gars semble fier de lui.
La punkette, elle, en son for intérieur, une goutte de sueur lui perlant au front : Y a du boulot...
Du boulot ? Diable. Qu'était-ce à dire ? Déjà, à l'époque, nous apparaissaient ces deux évidences redoutables que les filles bandaient souvent pour les machos, sans parler des demeurés, à mesure même, souvent, de leur bêtise crasse désinhibée (offrant moult avantages pratiques), et que les militant.e.s, secondement, usaient volontiers du sexe comme d'un praticable champ de bataille, par où faire progresser valablement leurs pions idéologiques crasseux. Remettre quelqu'un.e dans la ligne plutôt que le remettre tout court, et sans raison particulière autre que pulsionnelle, la chose, à force d'allure sacrificielle, vous prend illico un air des plus moraux et convenables, n'est-il pas vrai ?
Dans tout beauf, donc, l'homme véritable - l'homme à venir - et le bourgeois stomacal se combattent jusqu'à un certain point. C'était le cas, comme partout, chez les gens d'OTH, que nous écoutions attentivement. Mais ici - à force - la mélancolie, autrement dit la spiritualité, l'inquiétude et l'intelligence l'avaient finalement emporté. L'inquiétude se sentait d'abord à cette voix malhabile, haut perchée et tremblotante, tranchant comiquement sur des prétentions affranchies. L'adolescence, donc. Et de cette idée, de cet état d'adolescence qui était momentanément le nôtre, saillait évidemment la haine, uniquement la haine, en partage. Les Warrior Kids, de Marseille, ne disaient pas autre chose à l'époque, quoique avec un accent bizarre, du genre : Quand t'es eingh adolesceingh, t'as beaucoup de haineux dans ton âme... Bref. Précisons que nous n'avons rien contre Marseille et contre les marseillais, les gens à Marseille doivent être à peu près aussi cons qu'à Paris, où il existe également des années européennes de la culture et même des clubs de football professionnel, à ce qu'il paraît.
Le gars Poisson d'OTH (revenons à lui), tout prolo - et révolté du bloc B - qu'il disait être, avait eu des lectures, et même d'indéniables amours de lecture, de poésie notamment, lesquelles nous concernaient aussi. Celles-ci avaient nourri sa haine d'adolescent, l'avaient portée à un point d'incandescence tel qu'elle déferlait à présent sur nous, étonnait à leur tour nos pulsions disponibles. Bizarrerie, étrangeté, violence. Tiens donc. Et avec ce trio de phénomènes, cette découverte, en sus, qu'il était possible d'en extraire la beauté simple, élémentaire. Le titre à écouter ci-dessus (Quand on n'a que la haine...), repris, voire parfois carrément pillé - avec un bonheur selon nous inégalé - de Rimbaud et Lautréamont en témoigne. Il voisinait, dans nos préférences d'alors (ce tandis même que notre optimisme formel et militant d'adolescent (in)conscient atteignait son zénith) avec une chanson intitulée À mourir de rire (écouter ci-dessous), disant assez, quant à elle, la vanité de prétendre changer quoi que ce soit à ce gros tas de boue sanglant qu'on appelle (on ne l'appelle plus comme ça, d'ailleurs, ni d'aucun autre nom) la société bourgeoise.
Comment peut-on supporter (disait la chanson) cette inhumanité ?
Comment peut-on supprimer tant de laideur et d'hypocrisie... ?
Comment peut-on supprimer tant de laideur et d'hypocrisie... ?
Puis la chanson disait encore :
Du haut de chez moi, je vois les fuminées d'usine,
Là où tous les jours, les esclaves travaillent à la chaîne...
Avant d'expirer ainsi :
C'est à mourir de rire
C'est à mourir de rire
Et on s'en donne à coeur joie...
Les OTH morts de rire...
Ledit mélange de beauferie et de poésie ne constituerait-il pas une bonne définition du rock'n roll parmi tant d'autres ?
RépondreSupprimerCertes, OTH, comme LSD, que vous citez ensuite, ont été capables du meilleur et aussi parfois du pire.
Mais on leur pardonne volontiers, par exemple, cette adaptation calamiteuse de California sun en regard de ce que je nommerai leur éthique.
Tant pis si les grands mots sont lâchés.
Et puis nous avons tant aimé "Quelle sacrée revanche" !
Bien à vous
" Le Rock'roll est la dernière aventure du monde civilisé " (rappel de base sur le live d' " Hommes des cavernes modernes ")
RépondreSupprimerBien à vous itou.