mercredi 15 janvier 2014

Un chant de haine

Trouvée, sur l'excellent site Raum gegen Zement (véritable mine de raretés et pépites esthétiques en tout genre), cette saillie magnifique de celui qui fut probablement l'écrivain allemand le plus radical, en tout cas à l'époque de Wagner et Marx, lesquels comptèrent également l'un et l'autre parmi ses plus fidèles amis. On suppose (Eliza Wille, en particulier) que c'est Herwegh qui fit connaître Schopenhauer à Wagner en 1852 (au moment même, donc, où Wagner écrivait le Ring). Ce qui tend à prouver, s'il en était besoin, que pessimisme et subversion peuvent faire bon ménage, n'en déplaise à certains militants invétérés.


Bonne chan­ce, bonne chan­ce, et fran­chis­sez mon­ta­g­nes et fleu­ves en vous di­ri­ge­ant vers l’au­ro­re! Un der­nier bai­ser à votre femme fidèle, puis sai­sis­sez votre fidèle épée ! Aussi long­temps que notre main ne tom­be­ra pas en pous­sière, il faut qu’elle étreig­ne fer­mement le glai­ve ; nous avons aimé assez long­temps ; nous vou­lons enfin haïr!
Ce n’est pas l’amour qui peut nous aider ; ce n’est pas l’amour qui nous déliv­re­ra. Ô haine! hâte-​toi de rend­re ton der­nier ju­ge­ment ; ô haine ! Hâte-​toi de bri­ser nos chaînes ! Et par­tout où des tyrans respi­rent en­core, fais que nous les sai­sis­si­ons avec au­dace. Nous avons aimé assez long­temps ; nous vou­lons enfin haïr !
Que celui qui possède en­core un cœur, ne le laisse batt­re que de haine ; en tous lieux abonde le bois sec qui doit nourr­ir et gros­sir notre feu. Vous tous qui n‘avez pas déserté la cause de la li­berté, chan­tez à tra­vers les rues de l’Al­le­ma­gne : vous avez aimé assez long­temps ; oh ! app­re­nez enfin à haïr!
Com­bat­tez sans relâche la ty­ran­nie sur la terre, et notre haine fi­ni­ra par être plus sain­te que notre amour. Aussi long­temps que notre main ne tom­be­ra pas en pous­sière, il faut qu’elle étreig­ne fermement le glai­ve : nous avons aimé assez long­temps; nous vou­lons enfin haïr !

Georg Her­wegh, Le chant de la haine.

9 commentaires:

  1. "Pessimisme et subversion peuvent faire bon ménage", oui mon cher Moine, et en ménage il arrive même quelquefois qu'y naissent de beaux enfants, des enfants du péché, bien sûr...

    Abbé Lecornu (dit le cocu)

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  2. Les filles de prêtre, Monsieur l'Abbé, ont toujours été nos préférées. A condition, bien entendu, que le prêtre en question soit marié. Sans en avoir le droit.

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  3. Se marier !? Mais vous n'y pensez pas ! Et pourquoi pas se revendiquer gay, pendant que vous y êtes ! Mes confrères pédés du séminaire ne le comprendraient pas. Il y a quand même des traditions à respecter dans le péché, mon cher Moine ! Alors, cocu, oui, mais hors mariage, il va de soit.

    Abbé Lecornu (dit le cocu)

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  4. Les voies du péché, M. l'abbé, sont impénétrables. De même, celles du cocu.

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  5. La haine est parfois bien fatigante et requiert une belle énergie. Pour ma part, je me contente souvent d'une bonne vieille détestation de derrière les fagots, contre le genre humain et ses turpitudes, et contre moi-même il va de soi. C'est quand même moins détestable, et parfois bien salutaire.
    Le tout sans faire de mal à une mouche, bien évidemment, sauf en cas d'absolue nécessité.
    Bien à vous,
    Catherine

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  6. Chère Catherine, comme disait quelqu'un, c'est parce que nous aimons sans limites que nous haïssons infiniment. Et vice versa.

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  7. Pour parodier Marguerite Duras***, on pourrait dire "Il faut beaucoup aimer les gens, pour les aimer. Beaucoup, beaucoup. Sans cela, ce n'est pas possible, on ne peut pas les supporter".
    Catherine

    (*** que j'aime beaucoup, pour l'aimer, sans cela, etc.)

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  8. Tout de même, hélas ! (souvent), Marguerite déraille.
    Putain de camion.

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  9. c'est pour cela qu'il faut beaucoup l'aimer, pour l'aimer. Beaucoup. Sans cela ce n'est pas possible, on ne peut pas la supporter.
    catherine

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