lundi 13 janvier 2014

Romantisme

« Il y a les romantiques et les imbéciles.»
(Villiers de l'Isle-Adam)

                              

6 commentaires:

  1. Je viens de lire des propos sur les romantiques allemands (Novalis, Brentano..., et autres poètes de l'amour sublime), qui font partie des auteurs de ma bibliothèque idéale, même si je n'ai lu qu'une infime partie de leurs oeuvres, qui m'ont choqué (les propos), par Hanna Arendt, dans l'Impérialisme. Ils auraient (certes à leur insu, j'imagine) contribué au développement de la pensée raciale en Allemagne, notamment par la promotion de la Personnalité innée, qui permettait à ces jeunes intellectuels issus des classes moyennes de se parer des vertus aristocratiques, tout en rejetant sur les français à l'occasion, les anglais de temps en temps et en tout temps, les juifs, les vilaines tares bourgeoises que les aristocrates leur attribuaient (usure, affaires, commerces, médiocrité...). Je résume...
    Mais certainement, dans chaque romantique, deux hommes : "se combattent jusqu'à un certain point", comme vous disiez en citant Marx à propos de Bernanos. C'est ce qui me console.
    Amicalement.

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  2. Disons que le romantisme, comme mouvement historique, est essentiellement ambigu. Il est révolte contre l'esprit nouveau du capitalisme et ses infamies industrielles, nostalgie d'un âge d'or (largement imaginaire) d'unité, d'intuition, d'indivision mythique. L'analyse, la raison et le calcul, bref les socles ordinaires de la pensée bourgeoise le scandalisent. Au point de le jeter çà et là dans les bras des curés, et d'un obscurantisme d'ailleurs assumé. Pour ce qui est du racialisme, nous ne vous suivrons cependant pas complètement ici. Il faudra attendre un peu. Des crapules telles que Chamberlain, par exemple, ne sauraient être qualifiées de romantiques. Michael Lowy a en tout cas parfaitement montré, dans son intéressant "Révolte et mélancolie" les différentes tendances romantiques s'étant en quelque sorte partagé le marché de la souffrance et du mal-être de l'époque : romantisme anarchiste, réactionnaire, marxiste, chrétien, pré-fasciste, etc. Il est bien évident que cette révolte, aujourd'hui comme hier, peut susciter le meilleur et le pire. Une bonne raison pour le considérer comme notre champ de bataille principal. Le romantique - conscient ou non - a de toute façon raison lorsqu' il juge notre monde intégralement immonde, intégralement perdu, gâté. Sa nostalgie et son mécontentement absolus sont le signe de son intelligence. Reste parfois, à celle-ci, à se découvrir, certes : à se connaître comme telle.

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  3. Merci pour cette réponse limpide. Pour le racialisme des romantiques allemands, je trouve, moi aussi qu'Hannah Arendt exagère. Mais elle concède ensuite que la première idéologie raciste structurée, systématique, est née en France, avec Arthur de Gobineau (dont les thèses me rappellent beaucoup un célébrissime charlatan quoique très doué écrivain du siècle suivant, dont il a beaucoup été question ici...).
    Il faudra que je lise ce "Révolte et mélancolie".
    En fait ce qui se joue à l'intérieur du romantisme est un peu ce qui se jouait (et qui se joue certainement toujours) dans la bataille à l'intérieure de la révolte brute entre révolution et fascisme au début du XXème siècle, sujet d'un texte lu ici également...

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  4. En effet. Nous pensons, nous, que la période historique décisive à laquelle s'intéresser en priorité, dans le but de se confronter (avec un minimum d'espoir de succès) aux séductions fascistes n'est pas la décennie 1930, sempiternellement rabâchée (par l'antifascisme stalino-démocrate, surtout) mais concerne plutôt les années suivant immédiatement la grande guerre (1918-20) : en Russie, Italie, Allemagne, etc. C'est alors que le romantisme généralisé (si tant est que le futurisme puisse se rattacher à cette tendance, ce qui pose d'autres soucis techniques) est susceptible d'évoluer dans deux directions opposées. Von Salomon, pour nous si important, en est une parfaite illustration. Une anecdote sur Gobineau, pour finir : quand Wagner, qui se mit à le fréquenter vers 1880, entendit émettre de sa bouche le premier déluge de thèses authentiquement racialistes, il commença à y adhérer vaguement, confusément, par curiosité, puis les rejeta, au nom de son christianisme de dernière minute (cas de "Parsifal", l'opéra détesté par les nazis). En sorte que nous avons là affaire à un affrontement au sein même du camp antisémite, entre une position antijuive romantiquement motivée et une autre, nouvelle, moderniste, scientifique, bref : antiromantique.

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  5. Qui aurait pu songer qu'un billet aussi laconique allait donner lieu à d'aussi passionnants aperçus ?
    Merci, les amis !

    Au fait, cher Moine, la pénétrante "pièce détachée" a discrètement fait votre éloge ici.

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  6. Un éloge discret suivi, cher Georges, d'une mise au point tout aussi discrète de M. Quadruppani, nous prêtant à la fois du talent et la plus parfaite mauvaise foi, ce qui ne fut évidemment point pour nous déplaire, comme vous l'imaginez. Quant à M. Haenel, le principal intéressé, il semble qu'il n'ait à cette heure toujours pas daigné réagir à notre agression mesquine. Il doit avoir, faut dire ! d'autres Sollers à fouetter. La carrière n'attend pas. Bien à vous.

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