« C’est la brusquerie du contraste qui fait naître le rire. Vous voyez un dimanche, autour du kiosque à musique de Brignoles ou de Romorantin, tel vieux monsieur vêtu d’une jaquette d’alpaga et d’un pantalon damier, coiffé d’un chapeau de paille, vous n’en ressentez nul émoi. Transportez-le, après un dernier coup de brosse, au milieu des ruines de Shanghai, le pauvre type vous paraîtra grotesque ou sinistre – selon votre humeur. Les Ligues patriotes sont ainsi encombrées de fonctionnaires militaires ou civils, auxquels des journalistes roublards proposent chaque matin de sauver la France. Jadis ces innocents s’excitaient contre les Boches. L’ouvrier syndiqué a pris la place du Boche. Que diable voulez-vous que pensent des réformes sociales les plus légitimes des personnages inoffensifs qui ont toute leur vie tremblé devant leur chef de bureau, leur colonel ou leur inspecteur, et qui arborent à leur boutonnière avec une naïve fierté, pour prix de quarante ans de coliques, la même Légion d’honneur que le plus grand des hommes de guerre, au camp de Boulogne, tendait jadis à ses vieux soldats, dans le casque de François Ier ? S’ils ne sont pas sensibles à cette bouffonnerie colossale, comment espérer qu’ils aient, même au degré le plus bas, le sens de l’honneur, de la justice et de l’histoire ? Pour ces malheureux, l’ouvrier mécontent est « dans son tort » parce qu’il réclame. Quiconque risque de porter atteinte au prestige des commerçants et des propriétaires offense mortellement le bon Dieu. »
Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune.
Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune.
Vous avez le chic pour poser le doigt là où ça fait mal!
RépondreSupprimerQue faire??????????????
Max
A force de prôner certaines idées...certains capitalistes vont finir par déguster.
RépondreSupprimerJe pense que les prolétaires doivent manger AUSSI!et pas que... .
Comment, après s'étonner et pointer le doigt sur ce que sont les révolutionnaires?
Je vous accorde que ma fonction de fonctionnaire est du plus bas étage...
Max
Le temps des révolutions reviendra : il revient toujours.
RépondreSupprimerComme celui de la clarté qui se fait enfin, dans les têtes. Celui de l'intransigeance absolue s'installant enfin, quant à certains sujets décisifs, dans la conscience des "révolutionnaires".
Ce temps reviendra.
En attendant, il n'est pas le nôtre.
Vénéré Moine, selon moi la révolution consiste à participer le moins possible au fracas du monde et à ne pas se reproduire. L'intransigeance est la dissolution finale.
RépondreSupprimerLes chèvres de l'Orée sous les averses vous saluent, oreilles tendues vers un ciel encombré d'aéroplanes.
Cher Marquis, convenez qu'il y a fracas et fracas.
RépondreSupprimerComme quoi on peut être fervent catholique et du bon côté de la barricade...
RépondreSupprimerRien n'est moins sûr, hélas ! L'aversion du catholique Bernanos pour les Juifs était, par exemple, sans bornes, et les sinuosités de son esprit, en fonction, d'ailleurs, d'une multitude de paramètres plus ou moins conjoncturels (voir son étrange anticommunisme fanatique de la toute dernière période), sont particulièrement déroutantes : relisez donc ses Grands cimetières... pour vous en convaincre. Ce qui nous intéresse, chez Bernanos ou Bloy, c'est précisément la lutte violente, livrée en leur âme, entre le communiste - ou l'anarchiste, ces deux mots étant pour nous synonymes - et le chrétien. Partout où, chez eux, ce dernier l'emporte, nous retrouvons sous leur plume les mêmes poncifs désespérants. La sentence implacable de Marx pointant " qu'en tout capitaliste, l'homme et le capitaliste se combattent jusqu'à un certain point " vaut donc également à nos yeux pour les grenouilles de bénitier, de toute religion, que nous prétendons - à force d'apercevoir leur humanité contrariée - arracher in fine à leur dogme répugnant.
RépondreSupprimerJ'en conviens volontiers, mais le fracas est le son émis par l'homme depuis qu'il est sur terre.
RépondreSupprimerBien entendu, grâce à la technologie celui-ci s'amplifie, mais gageons que c'est également avec son concours qu'il sera effacé au profit du souffle du vent dans les quelques arbres qui auront résisté à son piètre passage.
Communiste synonyme d'anarchiste, dites-vous ? Il me semble plutôt que l'un est policier et l'autre danseur.
Mais nous en reparlerons lors de votre passage à l'Orée. Un petit chèvre frais aux capucines vous sera servi sous les grappes de tomates qui finissent de mûrir face au Godin Colonial, non loin des caténaires aux rivets rouillés.
Vos définitions, Marquis, relèvent plus certainement de Lénine, Trotski ou même Georges Marchais.
RépondreSupprimerÉcoutez donc celle-là, qui émane d'un certain personnage ayant toujours attaché à la DANSE une certaine importance :
« Il est dangereux À CAUSE DE LA POLICE d’employer ce mot : pourtant, il n’y en a pas d’autre qui désigne mieux et plus exactement le contraire parfait de l’égoïsme. Celui qui a honte, aujourd’hui, de passer pour égoïste – et personne, certes, ne le veut franchement et sans détour – est bien obligé d’accepter d’être qualifié de communiste ». (Richard Wagner, L’œuvre d’art de l’avenir).
Merci de votre invitation, forcément alléchante. Pensez : "des caténaires aux rivets rouillés"...
Votre main.
Une fois élus sur ce joli concept, les Représentants du Peuple s'empressent de former entre eux une Coopérative d'achats groupés et engagent, dans le meilleur des cas, des Agents de circulation pour éloigner ceux qui émettent des doutes. Tous les systèmes sont humainement foireux.
RépondreSupprimerLe Marsupilami, c'est La Voie.
Les chèvres de l'Orée vous envoient quelques feuilles sans sève tombées sur le gazon, Vénéré Moine.
Les alluvions obstruent avec ténacité, Echelon.
Il n'y a pourtant de vérité, Marquis, que le système de cette vérité. Le système, en l'occurrence, n'étant point la police, mais bien plutôt la liberté illimitée, arborée par votre conscience, d'embrasser puis de se séparer - à l'instant - de tout le monde extérieur, conçu comme illusion temporaire absolument réelle (ou ce passage, lui-même, étant la vérité). La catégorie de totalité - autrement dit : communiste - est ainsi la catégorie révolutionnaire en philosophie. Ce qui n'a bien entendu rien à voir avec l'inepte "totalitarisme" politique ayant opéré au siècle dernier.
RépondreSupprimerÀ vos caprins.
Votre main.