Sur la droite de l'image : prieuré du grand foutage de gueule (XVème siècle)
« Les
méthodes de la démocratie spectaculaire sont d’une grande souplesse,
contrairement à la simple brutalité du diktat totalitaire. On peut garder
le nom quand la chose a été secrètement changée (de la bière, du bœuf, un
philosophe). On peut aussi bien changer le nom quand la chose a été secrètement
continuée : par exemple en Angleterre l’usine de retraitement des déchets
nucléaires de Windscale a été amenée à faire appeler sa localité Sellafield
afin de mieux égarer les soupçons, après un désastreux incendie en 1957, mais
ce retraitement toponymique n’a pas empêché l’augmentation de la mortalité par
cancer et leucémie dans ses alentours. Le gouvernement anglais, on l’apprend
démocratiquement trente ans plus tard, avait alors décidé de garder secret un rapport
sur la catastrophe qu’il jugeait, et non sans raison, de nature à ébranler la
confiance que le public accordait au nucléaire.
Les pratiques nucléaires, militaires ou civiles, nécessitent une dose de secret plus forte que partout ailleurs ; ou comme on sait il en faut déjà beaucoup. Pour faciliter la vie, c’est-à-dire les mensonges, des savants élus par les maîtres de ce système, on a découvert l’utilité de changer aussi les mesures, de les varier selon un plus grand nombre de points de vue, les raffiner, afin de pouvoir jongler, selon les cas, avec plusieurs de ces chiffres difficilement convertibles. C’est ainsi que l’on peut disposer, pour évaluer la radioactivité, des unités de mesure suivantes : le curie, le becquerel, le röntgen, le rad, alias centigray, le rem, sans oublier le facile millirad et le sivert, qui n’est autre qu’une pièce de 100 rems. Cela évoque le souvenir des subdivisions de la monnaie anglaise, dont les étrangers ne maîtrisaient pas vite la complexité, au temps où Sellafield s’appelait encore Windscale. »
Les pratiques nucléaires, militaires ou civiles, nécessitent une dose de secret plus forte que partout ailleurs ; ou comme on sait il en faut déjà beaucoup. Pour faciliter la vie, c’est-à-dire les mensonges, des savants élus par les maîtres de ce système, on a découvert l’utilité de changer aussi les mesures, de les varier selon un plus grand nombre de points de vue, les raffiner, afin de pouvoir jongler, selon les cas, avec plusieurs de ces chiffres difficilement convertibles. C’est ainsi que l’on peut disposer, pour évaluer la radioactivité, des unités de mesure suivantes : le curie, le becquerel, le röntgen, le rad, alias centigray, le rem, sans oublier le facile millirad et le sivert, qui n’est autre qu’une pièce de 100 rems. Cela évoque le souvenir des subdivisions de la monnaie anglaise, dont les étrangers ne maîtrisaient pas vite la complexité, au temps où Sellafield s’appelait encore Windscale. »
(Guy
Debord, Commentaires sur la société du spectacle).
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