Ne vous moquez pas trop du concept de «provocation objective».
Qui sait ! Ça peut revenir...
«Marinus, qui vient de la mer. Tel était le prénom de van der Lubbe, ce jeune hollandais accusé en 1933 d'avoir mis le feu au Reichstag, date essentielle aux historiens pour l'instauration du régime nazi.
Étrange Marinus. Poupée ballotée entre des intérêts contradictoires qui le dépassent : provocateur nazi, disent les communistes, provocateur communiste, affirmèrent alors les nazis. Encore aujourd'hui, le beau Marinus est la figure même du louche provocateur, qui a permis le démarrage de la chasse anticommuniste en Allemagne.
Or, van der Lubbe est homosexuel. Il est le lieu de toutes les contradictions d'une époque, qu'on le prenne comme un solitaire couvert d'insultes ou comme un gigolo vendu au diable.
Avec van der Lubbe et sa tête de Radiguet rêveur, toutes les contradictions se nouent. Trop beau, ange prolétarien pour les anarchistes, balle folle des échanges entre communistes et nazis, van der Lubbe est un personnage ambigu. Pris dans la surenchère entre démocraties et totalitarismes nazi et soviétique.
Son geste fut d'abord celui d'un antiparlementaire radical. Il met le feu au Parlement allemand (d'ailleurs déjà soumis corps et âme à Hitler) en faisant une mèche de ses propres vêtements imbibés d'essence. Étonnante symbolique du sacrifice, torche humaine dans la poudrière des totalitarismes en formation.
Accusé, sans preuves d'ailleurs, d'être à la solde des nazis, van der Lubbe n'a aucun droit sur son propre geste. Lui aussi, il subit la loi de l'échange entre les propagandes dont les homosexuels sont victimes à l'époque : agent du complot bolchévique dans la presse nazie, il est un trouble homosexuel, tenu par d'obscurs chantages, aux yeux des communistes et démocrates. Van der Lubbe est un provocateur "objectif", certainement pas volontaire, puisque la police nazie ne réussira jamais à lui soutirer la moindre déclaration compromettant une force politique opposée. Il est resté l'archétype du "manipulé", de l'irresponsable historique, de celui qui ne maîtrise pas le sens de ses actes».
(Guy Hocquenghem, Race d'Ep !)
Mon bon Père,
RépondreSupprimerQuoique vos courts sermons soient très souvent d'une pertinence indéniable, j'ai du mal, en bon névrosé des classifications et hiérarchies religieuses, à déterminer l'ordre dont vous relevez précisément ?
Par ailleurs, et même si je sais que, comme Rousseau, nous sommes tous traversés, en actes et en esprit, de paradoxes et contradictions diverses, pouvez-vous me dire comment vous arrivez à manier si adroitement humour et admiration pour les tristes et pesants docteurs de l'École de Francfort ?
Bien à vous
Colin de Cayeux
Vous dites ça car vous n'avez jamais couché avec Max Horkheimer.
SupprimerNous, oui.
C’est fort juste. Pour tout dire, j’avais essayé avec Adorno mais j’ai du prendre du prozac en guise d’aphrodisiaque... Une déconfiture.
SupprimerColin de cayeux
Il devait pas être en forme. Ca arrive. C'était en 69 ?
SupprimerOui, très exactement. Il sortait d’une expérience traumatique. La vue d’une poitrine dénudée d’une de ses étudiante lui faisait envisager le retour des nazis. Il cherchait du réconfort...
SupprimerColin de cayeux
Vous auriez dû vous rabattre sur Herbert Marcuse : il ne manquait pas d'imagination (dialectique).
SupprimerPour tout vous dire, autant en imaginaire qu’en galipettes, la dialectique a été tellement démonétisée que, comme le dirais Rabelais’ elle ne branlecouille plus que chez les Sorbonnagres, et, pire encore, sans qu’ils n’aient descendus une seule bouteille... Me voilà donc contraint de chercher de nouvelles perversions. Mais vous avez raison, Marcuse est très sexy...
RépondreSupprimerColin de Cayeux
Vous avez raison sur un point : la dialectique est, en effet, tellement démonétisée qu'elle ne survit plus, de nos jours, que chez les ennemis de l'argent. Très loin des Sorbonnagres, donc (avinés ou pas). En vous souhaitant une bonne nuit.
SupprimerS'il est vrai que Rabelais visait centralement la puissance faculté de théologie de Paris, je prêtais au terme de "Sorbonnagres" une acception bien plus moderne et "démocratique"... Que voulez-vous, les ennemis de l'argent -et ils ont été et restent nombreux-, sont loin d'être tous d'accords entre eux. Historiquement, la démonétisation de la dialectique doit autant à certains de ses partisans tout confits en dévotion qu'à ses ennemis déclarés. C'est ainsi que, dans le vaste cirque hégélien, puis marxiste, de galipettes en galipettes, de triple salto en triple salto, de dépassement en dépassement, on a pu voir la vérité littéralement s'écraser sur la piste quand elle prétendait nous faire monter au ciel... L'Histoire, certes, est cruelle. Mais, cela, quelques clowns de ce même cirque nous l'avaient bien enseigné.
RépondreSupprimerBien à vous
Colin de Cayeux