vendredi 16 février 2018

Dans l'étau


Est-ce donc ainsi que le piège va finalement se refermer ? Le régime fasciste turc actuel, fort de son alliance tactique avec Poutine, avance partout, sur le plan diplomatique, sans rencontrer aucune résistance. L'Europe libérale (France, Allemagne) est littéralement tétanisée par la crainte d'une nouvelle arrivée massive de migrants, endurant de fait, de la part d'Erdogan, les dernières insultes et humiliations publiques. Les Yankees, quant à eux, obsédés (à juste titre de leur point de vue) par la montée en puissance conjointe dans la région des Russes et des Iraniens, craignent par-dessus tout une sortie turque de l'OTAN. Et il semble bien, à écouter, d'une part (ci-dessus) les déclarations de Rex Tillerson suite à sa très éprouvante visite à Ankara (au cours de laquelle les erdoganistes les plus officiels lui promirent notamment rien de moins qu'une "gifle ottomane" en bonne et due forme s'il s'obstinait à se mettre en travers de leur chemin) ; à lire, d'autre part, le communiqué final turco-américain quant à une éventuelle sortie de crise entre ces deux soi-disant alliés (voir ci-dessous), que l'on s'achemine vers un abandon des Kurdes de Syrie, non seulement à Afrin mais encore à Manbij, et généralement partout à l'ouest de l'Euphrate. Reste à voir les modalités concrètes de l'accord, qui devraient être formulées d'ici la mi-mars. Peut-on encore parier sérieusement sur la roublardise des ricains ? C'eût été faire trop de plaisir, pour rien, à Poutine et Assad que de risquer une attaque turque (suivie de ses représailles nécessaires) sur les bases US de Manbij. Nous posions voilà peu la question de savoir qui, dans cette affaire, mangerait in fine son chapeau. Cette question paraît avoir aujourd'hui trouvé sa réponse. Et ce chapeau risque bien d'être un Stetson. La dernière résistance opposée à la progression de l'islamo-fascisme turc est donc de type militaire : elle est le fait des combattantes et combattants kurdes et de leurs amis internationalistes, lesquels n'ont plus rien à perdre, ou plutôt : plus rien d'autre à tenter d'éviter qu'un gigantesque massacre, du type de celui perpétré jadis contre les Palestiniens à Sabra et Chatila, sous l'oeil complice d'Israël. Or, cette résistance militaire n'est ni vaine ni absurde : elle est effective, forte, et constitue à ce titre un paramètre essentiel de la crise. L'armée turque et ses supplétifs djihadistes (il est connu de tout l'univers que la soi-disant Armée Syrienne Libre d'Afrin se trouve composée, pour l'essentiel, d'anciens membres de Daesh soucieux de prendre leur revanche de Kobané, ou d'Al-Quaïda) n'ont en effet, en un mois, récupéré qu'environ sept pour cent de l'enclave kurde. C'est peu. Leurs adversaires se sont vraisemblablement préparé(e)s depuis des années à l'opération, en termes de logistique (armes légères, missiles anti-char, tranchées, tunnels). La guerre se déroule désormais au coeur de montagnes et de vallées encaissées, dont les Kurdes sont familiers. Le temps joue ainsi pour eux, qui peuvent espérer - outre l'enlisement coûteux, à tous points de vue, d'Erdogan - nouer des alliances formelles, extrêmement embarrassantes pour les blocs étatiques en présence, avec les troupes loyalistes du boucher Assad. Des divergences sont clairement apparues ces derniers temps (voir à ce sujet le shotdown mystérieux du SU 25 russe dans la zone d'Idlib, ou l'attaque d'artillerie menée plus tard dans le même coin contre les troupes turques qui s'y installaient), entre le boucher en question et son protecteur russe : elles ont pour conséquence de menacer la nouvelle alliance poutino-erdoganienne. Étant donné qu'en théorie, tout le monde respecte - la main sur le coeur - l'intégrité territoriale syrienne, un déboulement, fût-il symbolique, des baassistes légitimistes devant les frontières turques, accroîtrait sans aucun doute le désordre ambiant. C'est à établir ce type de désordre généralisé que les Kurdes vont à présent travailler. Tel est désormais pour eux - outre la valeur militaire de leur admirable héroïsme - l'unique espoir d'éviter la tuerie de masse qui s'annonce. 
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Joint Statement on Turkey-U.S. Strategic Partnership Share
Media Note
Office of the Spokesperson
Washington, DC
February 16, 2018

The Republic of Turkey and the United States, as allies and strategic partners, reaffirm their mutual and unequivocal commitment to each other’s security and defense.

As Allies within NATO and strategic partners for over 65 years, both nations consider their relations as vital to furthering their shared goals and interests, as well as to the promotion of democracy, rule of law and individual freedoms throughout the world.

The United States condemns the heinous coup attempt that took place in Turkey on July 15, 2016 and stands in full solidarity with the democratically elected Government of Turkey and the Turkish people.

In the spirit of our longstanding alliance, we reaffirm our commitment to resolving outstanding issues in the bilateral relationship. The two sides agreed to establish a results-oriented mechanism for this purpose. This mechanism will be activated no later than mid-March.

We reaffirm that our common agenda is a global one, which includes many critical issues ranging from the fight against terrorism, countering proliferation of weapons of mass destruction, bringing lasting peace and stability to the Middle East including in Syria and Iraq, ensuring energy security and combatting radicalism, violent extremism and Islamophobia.

The Republic of Turkey and the United States, as longstanding Allies, reaffirm their determination to jointly combat terrorism in all its forms and manifestations. Turkey and the United States reiterate their resolve to fight against DAESH, PKK, Al Qaeda, and all other terrorist organizations and their extensions. We recognize the right to self-defense of our countries against terrorist threats directly targeting our nations.

Turkey and the United States reaffirm their commitment to the preservation of the territorial integrity and national unity of Syria. To this end, we will decisively stand against all attempts to create faits accomplis and demographic changes within Syria, and are dedicated to coordination on transition and stabilization of Syria.


Recognizing the fact that there can only be a political solution to the Syrian crisis, and that it requires a viable political transition, Turkey and the United States agree to intensify their cooperation to bring about this result within the framework of established parameters, namely the UNSC Resolution 2254, and through the Geneva process.

9 commentaires:

  1. Salut Moine. Tu penses que le boucher va défendre ses frontières nord aux côtés de nos rebelles des montagnes contre l'attaque turque et que les bases US de Manbij vont se dissoudre ? Ou bien je n'ai pas compris ?

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  2. Non, le boucher ne défendra pas ses frontières, en tout cas pas tout de suite. Il attendra que ses adversaires se bouffent bien le nez. Les kurdes vont cependant l'appeler à la rescousse, pour foutre un peu le bordel dans un programme trop bien huilé de génocide programmé (contre eux). À la faveur de la confusion, ils ont une chance de faire un peu durer les choses, les turcs ayant - sous la forme d'Assassad, un nouvel intervenant à traiter, comme on dit chez les militaires. Pour ce qui est de Manbij, les US seront forcés d'accueillir dans le secteur des bases turques : les bases Us ne seront pas dissoutes, ce qui le sera (reste à voir à quel degré au juste), ce sera leurs liens avec les FDS arabe-kurdes. Ces derniers auront seulement quelque chose à dire là contre, et à monnayer en raison exacte de leur plus ou moins grande résistance à l'ouest de l'Euphrate. Une dernière chose : ce ne sont pas "nos rebelles des montagnes". Ce sont des rebelles dans leurs montagnes.

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    1. Merci d’avoir éclairci.

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    2. Félicitation cher Moine. Vous avez eu du nez ! Voici que l'intervention du boucher est officiellement annoncée. Ce qui nous occasionne ce rutilant roulement de mécanique du ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu : « Si le régime vient pour éliminer le PKK et le PYD, alors il n’y a aucun problème. Toutefois, s’il vient pour défendre les YPG, alors rien ni personne ne pourra nous arrêter, nous ou les soldats turcs »

      Article du "Monde" : http://www.lemonde.fr/syrie/article/2018/02/19/les-forces-progouvernementales-syriennes-pourraient-se-deployer-a-afrin_5259155_1618247.html

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  3. Dans le contexte tel que vous le décrivez, relayer l'appel du 13 février appelant les "révolutionnaires internationaux déterminés" à rejoindre le front d'Afrin, comme vous l'avez fait, est alors, une invitation à les envoyer au casse-pipe. Mais peut être n'ai-je pas bien compris.

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    1. C'est ça : vous n'avez pas compris.
      Ou disons que vous aurez trop vite lu :

      " Nous appelons à la solidarité internationale avec la lutte d’Afrin. Nous appelons les révolutionnaires internationaux déterminés à rejoindre notre lutte. Nous appelons également à des actions civiles larges contre l’État turc à travers le monde. " (APPEL DU 13 FEVRIER).
      Un appel à partir au casse-pipe ? Vraiment ?

      À ce compte, parce que la Commune de Paris errait aux plan théorique et pratique, partait complètement perdante au plan stratégique (entourée de prussiens et progressivement numériquement submergée de Versaillais), fallait-il pour autant ne pas la défendre, ne pas parler d'elle, ne pas la soutenir ni admirer son héroïsme ?
      Marx a fait un autre choix, entre autres.

      Petite ultime précision : ceux et celles qui nous connaissent un peu savent que nous sommes TOUT sauf "appellistes". Interrogez-vous, à ce sujet, sur le silence glaçant entretenu par le gauchisme actuel sur ce massacre annoncé. C'est à ce genre d'indice - négatif - qu'on sent instinctivement que ce qui se passe là-bas intéresse décidément la révolution.

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    2. Certes, mais nous avons beaucoup plus d'histoire dans les bottes qu'en 1870 ou en 1936. Et justement la question se pose légitimement de savoir si le PYD est ici le POUM/CNT ou le PCE. « Tout le pouvoir aux soviets », on a déjà entendu ça, on sait ce qu'il en a été : « tout le pouvoir au Parti ». L'émancipation en kaki, idem, il suffit de lire La guerre n'a pas un visage de femme de Svetlana Aleksievitch: on ne peut être qu'ému devant ces témoignages de femmes, parfois des gamines d'à peine 17 ans, forçant les bureaux de recrutement et exigeant d'être versées dans les unités de combat, surtout quand on sait la monstrueuse brutalité des Allemands envers les sous-hommes de l'Est. Pourtant leur fougue dans cette « Grande Guerre Patriotique » était au service d'un des pires régimes qu'on n'ait vus (d'autant qu'elles avaient vécu 1937), et après la victoire elles eurent à pâtir de leur engagement – leur jeunesse à patauger dans le sang en vareuse — à défendre ce socialisme réel où on estimait maintenant qu'après avoir vécu pendant des années dans la promiscuité avec les hommes elle ne pouvaient être « comme il faut ».

      Pour le moment, ce qu'on voit c'est une armée qui fait la guerre contre des salauds, le contenu de cette ainsi nommée révolution, contrairement à la Catalogne de 36, étant loin de sauter aux yeux alors que c'est la SEULE chose pour laquelle on puisse s'enthousiasmer. On ne peut pas juger un mouvement à l'aune de ses ennemis, surtout qu'ici Poutine et Assad ont le même principal, à savoir l'islam sunnite radicalisé en Syrie. La question de savoir si le PYD est un mouvement social armé ou si c'est une armée (un pouvoir séparé) qui profite de son rôle protecteur pour mettre la population à la remorque de son programme reste tout à fait légitime.

      Si vous me répondez que c'est quand même ce qu'il y a de plus gros de promesses dans la région, je vous l'accorde sans problème, mais les perspectives y sont tellement sombres que n'importe quelle loupiote fait figure de soleil. Car si « Changer la vie » a une quelconque portée universelle, alors ça ne saurait passer plus qu'ici par la conscription obligatoire, les attaques kamikazes et le culte des martyrs. Des gens courageux derrière un flingue, il y en a partout à la pelle et on ne voit pas que ça ait à voir avec la qualité de leurs idées. Castro, par exemple, n'était pas plus un lâche que Durutti ou Makhno, se devait-on pour autant de vibrer sans réserve pour sa révolution cubaine ? Prendre le risque de se tromper, d'accord, mais merde, qu'au moins l'erreur soit historiquement belle !

      Pour ce qui est du massacre certes à éviter à tout prix, le PYD peut encore parapher le contrat léonin du régime syrien (qu'il a, rappelons-le, depuis le début appelé à défendre ses frontières): la vie contre le désarmement total et l'intégration dans les forces du régime: https://ejmagnier.com/2018/02/17/les-usa-observent-afrin-retourner-dans-les-bras-de-damas-non-sans-inquietude/ C'est dégueulasse, clairement, mais ça reste toujours une position moins désespérée que celle des Rohingyas.

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    3. Nous partageons entièrement votre analyse. Vos doutes, et votre suspicion de fond à l'égard des rojavistes sont aussi les nôtres. Mais c'est là, à notre avis, ce qui détermine précisément l'intérêt de toute prise de position politique valable : tout doit toujours y être précaire, instable, auto-critiqué. En l'espèce, notre doute s'accompagne (et s'alimente même, pour ainsi dire) de notre conviction que les YPG sont du bon côté du manche, et de la vie. La haine extrême que nous éprouvons pour les fascistes d'en face, estimés par nous le péril le plus immédiat, que ce soit en France ou partout ailleurs, explique évidemment cette conviction inconfortable. C'est plus fort que nous.

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