(Emmanuel Kant, fiché S comme : Si tu veux prouver l'existence de dieu, on n'est pas couché.)
« Arrière, fantômes ! Je vais parler d'un homme dont le nom seul exerce une puissance d'exorcisme : Emmanuel Kant. On dit que les esprits de la nuit s'épouvantent quand ils aperçoivent le glaive d'un bourreau. De quelle terreur doivent-ils donc être frappés lorsqu'on leur présente la Critique de la raison pure, de Kant. Ce livre est le glaive qui tua, en Allemagne, le Dieu des déistes. À dire vrai, vous autres Français avez été modérés, comparé à nous autres Allemands. Vous n'avez pu tuer qu'un roi, et encore vous fallut-il, en cette occasion, tambouriner, vociférer et trépigner à en ébranler tout le globe ! On fait réellement trop d'honneur à Maximilien Robespierre en le comparant à Emmanuel Kant. Maximilien Robespierre - le grand badaud de la rue Saint-Honoré - avait sans doute ses accès de destruction quand il était question de la royauté, et il se démenait d'une manière assez effrayante dans son épilepsie régicide. Mais si Emmanuel Kant, ce grand démolisseur dans le domaine de la pensée surpassa de beaucoup en terrorisme Maximilien Robespierre, il a pourtant avec lui quelques ressemblances qui provoquent un parallèle entre ces deux hommes. D'abord, nous trouvons chez tous deux cette probité inexorable, tranchante, incommode, sans poésie. Et puis, tous deux ont le même talent de défiance, que l'un traduit par le mot de Critique, et qu'il tourne contre les idées, tandis que l'autre l'emploie contre les hommes et l'appelle : vertu républicaine. D'ailleurs, ils relèvent tous deux au plus haut degré du type du badaud, du boutiquier. La nature les avait destinés à peser du café et du sucre, mais la fatalité voulut qu'ils tinssent une tout autre balance, et jeta, à l'un, un roi, à l'autre, un dieu. Et ils pesèrent, exactement…»
(Heinrich Heine)
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