mercredi 27 septembre 2017

Notes pour Mezioud


« Dans le spectacle, une société de classes a voulu, très systématiquement, éliminer l'histoire. Et maintenant on prétend regretter ce seul résultat particulier de la présence de tant d'immigrés, parce que la France "disparaît" ainsi ? Comique. Elle disparaît pour bien d'autres causes et, plus ou moins rapidement, sur presque tous les terrains.

Les immigrés ont le plus beau droit pour vivre en France. Ils sont les représentants de la dépossession ; et la dépossession est chez elle en France, tant elle y est majoritaire, et presque universelle. Les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d'autres. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement.

Avec l'égalisation de toute la planète dans la misère d'un environnement nouveau et d'une intelligence purement mensongère de tout, les Français, qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (sauf en 1968) sont malvenus à dire qu'ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c'est très vrai. C'est parce qu'il n'y a plus personne d'autre, dans cet horrible nouveau monde de l'aliénation, que des immigrés.

Il vivra des gens sur la surface de la Terre, et ici même, quand la France aura disparu. Le mélange ethnique qui dominera est imprévisible, comme leurs cultures, leurs langues mêmes. On peut affirmer que la question centrale, profondément qualitative, sera celle-ci : ces peuples futurs auront-ils dominé, par une pratique émancipée, la technique présente, qui est globalement celle du simulacre et de la dépossession ? Ou, au contraire, seront-ils dominés par elle d'une manière encore plus hiérarchique et esclavagiste qu'aujourd'hui ? Il faut envisager le pire, et combattre pour le meilleur. La France est assurément regrettable. Mais les regrets sont vains. »

(Guy Debord, Notes sur la « question des immigrés » - des notes rédigées fin 1985, puis transmises à Mezioud Ouldamer, lequel publia, l'année suivante, aux Éditions Gérard Lebovici, Le Cauchemar immigré dans la décomposition de la France. Mezioud Ouldamer est mort le 12 juillet dernier).


2 commentaires:

  1. Impeccable, implacable, le Guy.
    Vous m'apprenez la disparition de Mezioud Ouldamer - son cauchemar immigré est difficile à se procurer quand on a pas un sou vaillant.
    Salutations, le Moine

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  2. Un autre hommage à Mezioud Ouldamer est paru ici: http://acontretemps.org/spip.php?article639
    Un texte inédit, datant de juin 2016 devrait paraître bientôt sur le même site.
    Amicalement

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