mardi 26 septembre 2017

Du pouvoir (3) La société contre l'État


« L'entretien avec L'Anti-mythes est, à vrai dire, un texte polémique. Pierre Clastres ne réfute pas, il affirme. Qu'affirme-t-il ? Que la société contre l'État ne comporte pas en tant que telle des "morceaux de pouvoir" ou des "séquences de pouvoir" qui seraient susceptibles de devenir l'embryon d'un pouvoir d'État. Ce faisant Pierre Clastres lutte contre ce que j'appellerais le foucaldisme ambiant. La thèse de Michel Foucault quant à l'existence des micro-pouvoirs a conduit, à tort, à voir du pouvoir partout. Ainsi Félix Guattari, malgré son admiration pour l'oeuvre de Pierre Clastres, repousse comme trop brutale l'opposition entre société à État et société contre l'État, car selon lui il y aurait toujours dans la société sans État des formes de pouvoir. C'est pourquoi Pierre Clastres dans l'entretien se montre déterminé à rejeter la tendance à discerner du pouvoir partout. Aussi va-t-il prendre soin d'insister sur les critères du pouvoir et, du même coup, s'efforcer à plusieurs reprises de bien distinguer entre les situations de pouvoir et celles qui ne le sont pas.
Pour qu'il y ait pouvoir, il faut qu'il y ait division de la société à partir de la relation commandement-obéissance. Il faut que la société se divise entre un haut - les dominants - qui commandent et un bas - les dominés - qui obéissent. Un pouvoir qui ne s'exerce pas n'est pas un pouvoir. L'exercice du pouvoir se manifeste par le fait que ceux d'en-haut font obligation à ceux d'en-bas de payer le tribut sous forme de travail aliéné ou sous toute autre forme. Pierre Clastres professe donc une conception restrictive du pouvoir en ce qu'elle est spécifiquement politique et que la relation de pouvoir se manifeste par la division, et à partir de cette division politique par l'obligation de s'acquitter de la dette à l'égard du chef ou du groupe dominant. »

(Miguel Abensour, Avant-dire à l'Entretien avec l'Anti-mythes (1974), Sens & Tonka, Paris, 2011).   

3 commentaires:

  1. Guattari est un mauvais lecteur qui s'est obstiné à comprendre "société sans Etat" quand Clastres parlait lui de "société CONTRE l'Etat" qui est un ensemble de dispositifs d'évitement des forces "unificatrices". L'un évoque une société figée quand l'autre comprend que ces sociétés sont au contraire portées par une dynamique (en l'occurence centrifuge, qui "diversifie", contre une logique centripète qui concentre et fossilise).

    A cet égard le site Lundi Matin a consacré un article pour présenter un livre qui pour une fois me semble mériter lecture:

    https://lundi.am/L-anomalie-sauvage

    KM (jeune)

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    1. Désolé, très-cher, mais nous ne lisons pas Lundi-Matin.
      Pourquoi pas Égalité et Réconciliation, tant que vous y êtes ?

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  2. Très bien, si vous ne voulez pas lire la critique de ce livre sur le site Lundi Matin, lisez alors sa présentation sur le site de l'éditeur (éditions Lignes, vous n'avez rien contre ?):

    https://www.editions-lignes.com/LE-MOUVEMENT-INCONSCIENT-DU-POLITIQUE.html

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