vendredi 29 août 2014

Coup de Je-Nous

Als das Kind Kind war...

« Un matin, tout enfant encore, je me tenais sur le seuil de la maison et je regardais à gauche, vers le bûcher, lorsque soudain me vint du ciel, comme un éclair, cette idée : je suis un moi, qui dès lors ne me quitta plus. Mon moi sétait vu lui-même pour la première fois et pour toujours. » 

(Jean-Paul Richter)  

« Le Je que nous sommes, le Nous que je suis. » 

(Hegel, Phénoménologie de lEsprit)


***

Grandeur inaltérable, vertigineuse - toujours - de la prise de tête alboche. Médiocrité, en comparaison, de la théorie françaouie, dont seuls provoquent la sympathie - certes indéfectible - le matérialisme jamais démenti de l’inspiration et des emportements, le réalisme spontané des colères (cet invincible socialisme tant apprécié de Marx).


Lien efficace établi par Shaw - étudiant  la Tétralogie - entre Réforme et Anarchie (Siegfried protestant).


L’Anarque de Jünger. Un monarque de lui-même, dictateur autarcique de sa propre conscience, régnant sur elle d’une liberté infinie, toute vaine et solitaire soit-elle. Création d’un alboche pourtant catholique formel (tardif, il est vrai, voire carrément final). 


Marcuse : « La réforme luthérienne avait annoncé un Royaume de beauté, de liberté et de moralité invulnérable aux réalités et aux conflits du monde extérieur ; ce Royaume était retranché d’un état social lamentable, et ancré dans l’âme de l’individu. Ce domaine est devenu la réalité véritable transcendant la médiocrité pitoyable des conditions régnantes ; c’est lasile de la vérité, du bien, de la beauté et du bonheur (...). La culture allemande est donc essentiellement idéaliste, attachée à l’idée des choses plus qu’aux choses elles-mêmes. Elle donne le pas à la liberté de pensée sur la liberté d’action, elle met la moralité avant la justice, la vie intérieure avant la vie en société. Cette culture idéaliste, toutefois, précisément parce qu’elle s’isole d’une réalité intolérable, préserve intacte sa propre intégrité. Elle a servi ainsi, malgré des consolations et des embellissements illusoires, de dépôt aux vérités non encore réalisées dans l’histoire de l’humanité. »

Apparition dans un tel contexte (gratiné) du motif du Double, du Doppelgänger : développement organique à soi-même, en soi-même, de sa propre adversité, et genèse nécessaire - par extraction automatique du donné sensible - de l’Abstraction. Kant et Fichte, autant que les romantiques overdosés de mythes. Nécessité albochément admise et partagée d’une croissance de l’Âme (c’est-à-dire de la Réalité), obéissant à des impératifs de rythme aussi incontestables et impérieux (quoique largement inconnaissables autant qu’ils sont en cours) que ceux gouvernant les étapes de chaque existence humaine déterminée (Aufhebung de l’enfance). Fécondité extrême du thème du Double en psychanalyse. L’angoisse périlleuse qu’elle révèle chez une subjectivité, ces grands conflits qui la minent. Grandeur finale, tout de même - face à Freud - de Hegel, lalboche-françaoui : chez lui, l’inquiétude, l’inquiétante étrangeté du Double n’a, malgré tout, qu’un temps et s’épanouit à la longue en histoire collective, en histoire politique. Sans que ce chemin, jamais, ne cesse d’être celui ni du doute ni du désespoir individuels (du fait de la ruse méchante de la Raison générale). Sans que le procès de Culture, jamais, ne cesse d’être ni déchirement ni souffrance.

Caractère douteux - sans compter qu’elle soit laide - de l’anecdote autobiographique de Heine au sujet de Hegel, rapportée dans l’excellent Freud avec les écrivains, de Pontalis et Gomez Mango : «  Par une belle nuit étoilée nous étions tous deux devant la fenêtre, et moi, jeune homme de vingt-deux ans, qui venait de faire un excellent dîner et de prendre le café, je parlais avec exaltation des étoiles et les appelais le séjour des bienheureux. Mais le maître grogna pour lui-même : Les étoiles, hum, hum, hum, les étoiles ne sont qu’une éruption de furoncles lumineux au ciel. »

4 commentaires:

  1. "les étoiles ne sont qu’une éruption de furoncles lumineux au ciel".
    Avec une telle absence de vision (au sens rimbaldien du terme) comment cet homme a-t-il pu prétendre défricher notre ciel intérieur ?

    Zill

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  2. C'est précisément ce qui nous pousse à douter de la véracité de l'histoire.

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  3. Moi je la crois absolument vraie, ce n'est pas notre ciel intérieur qui intéressait Freud et ses adeptes, mais notre "mécanique" mentale socio-psychologique. Les vrais poètes ne s'y sont pas trompés d'ailleurs qui ont dénoncé dans le structuralisme la nature véritable de la psychanalyse. S'il fallait une preuve à la véracité de l'anecdote citée, il suffit de voir à quelle misère et indigence intellectuelle nous a mené un siècle de soi-disant émancipation mentale: cette misère et cette indigence signent son caractère anti poétique.

    Zill

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  4. Ce que vous dites de Freud (ou du freudisme) n'est pas sans pertinence.
    Mais, en l'occurrence, c'est Hegel que l'anecdote concerne.
    Et c'est là que - concernant le bonhomme - sa complète véracité nous surprendrait.

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