mardi 15 janvier 2013

Urbanisme et Démocratie


« J’étais avec mon ami corse 
Jean-Pierre Santoni, nous respirions l’anarchie
Pour autrui, notre langage était du morse
Nous allions boire au bistrot " Les cinq billards "
De la vieille rue mouffetard
Où déjà, se mourait, le Paris fêtard
C’était encore, en 1973, lieu des soûlards
C’est aussi là, que fut arrêté
Le fameux poète psychogéographe feu Ivan Chtcheglov
En 1959, pour colère d’ivrogne et débris divers
De notre illustre récipiendaire
Ou alors, pour à la dynamite, et non au cocktail Molotov
Fit le projet, avec Henry de Béarn, de faire sauter la tour Eiffel
Car sa lumière le gênait, de quoi elle se mêle ! »

Le Corbillard de Ivan Chtcheglov (extrait), Patrice Faubert, 2012.  

  
Précision du Moine Bleu : Ivan Chtcheglov (Gilles Ivain) décide en 1950, avec son compagnon Henry de Béarn, de détruire la Tour Eiffel, dont l’éclairage lumineux - selon leurs premières (et dernières) déclarations - « les gênait pour dormir, la nuit ». Après s’être, lui ou un autre, procuré les explosifs censément nécessaires à l’accomplissement de ce projet notoirement avorté (la Tour Eiffel est, semble-t-il, toujours là), Chtcheglov laissera le temps sécouler quelque peu. Puis, en 1959, il sera appréhendé au café Les cinq billards évoqué par Faubert dans le poème ci-dessus, et déporté dans un asile psychiatrique où on lui fera passer à coups de tortures diverses, durant cinq ans, le goût de se mêler d’urbanisme, ou de laisser libre cours à toute autre expression de son génie. Ce martyre conserve aujourdhui encore, aux yeux de certaines personnes, une dimension mythologique.


20 commentaires:

  1. C'est une horrible histoire mais qui n’est que légendaire car elle repose sur une confusion temporelle de neuf ans entre la décision d'Henry de Béarn et Ivan Chtcheglov de faire sauter la tour Eiffel (en 1950, Henry de Béarn fera quelques jours de prison pour la faible charge de plastic qu'il avait obtenue d'un loufiat, qui n'avait pas manqué de le dénoncer) et l'internement d'Ivan Chtcheglov à la suite d’une grave crise psychotique aux "Cinq Billards" en 1959.
    Pour confirmation de cette précision, rapportez-vous aux deux ouvrages publiés sur Chtcheglov chez Allia en 2006.
    La photo d'Ivan est bien belle !

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    1. Merci de ces précisions, Thomas. Il n'en reste pas moins exact, à vous lire, que la Tour Eiffel - au moins en rêve aura donc bien été désignée une cible prioritaire par nos deux jeunes amis, en vertu des griefs spéciaux qui furent alors les leurs. Qu'elle l'ait été en 1950 plutôt que neuf ans plus tard mérite, certes, de se voir notifié.
      Et vous avez raison : c'est vrai qu'Ivan est très beau sur cette photo.

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    2. Oui, mais il n'y a pas - contrairement à ce que vous écrivez – de relation de cause à effet entre leur volonté de détruire la tour Eiffel en 1950 et l'internement de Chtcheglov en 1959. Le lien direct que vous établissez entre ces deux faits relève de la mythologie.

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    3. Il nous semble avoir bien compris votre point de vue. Il est très clair, n'en doutez pas. Mais le projet de 1950 et l'internement de 1959 conservent pour nous un lien nécessaire, en la personne d'Ivain, et au-delà du simple élément factuel que vous pointez. Libre à vous de qualifier cela de mythologie. Ce n'est pour nous pas un gros mot.

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  2. Pur enculage de mouche, si vous permettez.
    lamine

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  3. Mossieur Lamine, votre solidarité coléoptère, quoique fort émouvante, ne nous intéresse guère.

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    1. ce serait pas mal de revenir un peu sur terre, quand même, Gilles Ivain a été interné cinq années dans des conditions terribles. Alors, chercher une raison trop "précise" à cet internement revient presque à en chercher une "valable".
      Thomas 1, la " grave crise psychotique " que vous avez citée devait bien se nourrir à certaines sources, non ? Et pourquoi pas alors le GÉNIE de Chtcheglov ? qui présentait à Debord depuis sa tôle les choses comme ça : " Et c'est toujours la demande démente du monde : ayez du génie, oui, mais en vivant comme nous. Ils sont fous. Et ils vont encore me coller une nouvelle étiquette dans leur dossier. "
      Celle de " fou", en l'occurence. Ou de " psychotique " (même si Chtcheglov se reconnaissait lui-même un "malade "). Toujours Dans ces fameuses " Lettres de loin " publiées par l'IS dans le n° 9 de la revue (Août 1964),Chtcheglov interné n' avait pas perdu l'intérêt qui était le sien dix ans avant pour les questions d'urbanisme unitaire. Loin s'en faut puisque il fait allusion aux travaux architecturaux de Chirico jugés " angoissants " et aux défauts à corriger dans son propre Formulaire de 1953, etc. malgré la situation qu'on lui imposait, il s'agissait en 1964 du même individu, et des mêmes questions qu'il abordait, qu'en 1950 ou 1959. Ce même individu justement pour lequel " on avait convoqué deux cars bourrés de flics (autant qu'il m'en souvienne). Enfin, 24 flics pour votre
      camarade... Cependant, vous me connaissez aussi lorsque je suis très mal. Il n'y a pas de quoi envoyer 24 flics. D'ailleurs, il n'y a JAMAIS de quoi ! " (écrit Chtcheglov à Debord, voir IS n°9).

      Bon cela dit et quoi qu'il en soit la tour eiffel est toujours là. salut le moine.

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    2. Salut à vous, Tour Eiffel. On y redescend, sur Terre. Ne vous inquiétez pas. On y redescend même au point de TOMBER entièrement d'accord avec vous.

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  4. Je vois, quand il est dit : « Ivan Chtcheglov (Gilles Ivain) décide en 1959, avec son compagnon Henry de Béarn, de détruire la Tour Eiffel, dont l’éclairage lumineux - selon leurs premières (et dernières) déclarations - « les gênait pour dormir, la nuit ». Après s’être procuré sur un chantier les explosifs nécessaires à l’accomplissement de ce projet, Chtcheglov sera appréhendé au café Les cinq billards, évoqué par Faubert dans le poème ci-dessus. Il sera ensuite déporté dans un asile psychiatrique, où on lui fera passer à coups de tortures diverses, durant cinq ans, le goût de se mêler d’urbanisme», il s'agit de bien comprendre qu'entre 1959 et 1950 tout cela, en fait, s'est passé en un même temps et en un même lieu puisqu'il y avait une même personne et que la tour Eiffel est toujours là en 2013. Il est pas simple l'élément factuel ?
    Allez, salut les zozos !

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  5. Il suffit juste de lire attentivement le poème que vous proposez au-dessus, cher Moine. Les deuxévènements y sont bien présentés comme distincts même si la date de " 1950" n'apparaît pas (et que c'est comme psycho-géographe qu'Ivan Chtcheglov aura connu ses misères psychiatriques après l'échec de ses grands projets " urbanistique " !)
    Lov

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  6. A Lov : Vous avez parfaitement raison.
    A Thomas : nous avions d'abord pensé, flemmards que nous sommes, que la simple lecture de ces commentaires - en particulier des vôtres - suffirait bien au visiteur pour régler cette histoire de date.Votre réaction énergique - ainsi que celle de Lov - achève de nous prouver que non. Aux grands maux, les grands remèdes. C'est donc dans le corps même du billet que nous avons opéré les modifications qui s'imposaient, et ainsi le plus hautement possible rétabli la justice.
    Puisse cependant la forme définitive dudit billet, toujours intitulé, je vous le rappelle, " Urbanisme et démocratie " vous faire également entendre un certain point de vue, partagé ici. Pour nous, ce qu'on colla au gnouf en 1959 procède du même "génie" (dixit " tour eiffel") - notamment anti-urbanistique - ayant déjà vigoureusement opéré, une décennie auparavant.
    Bien à vous, Thomas.

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    1. Merci d'avoir vaincu votre flemme et avoir ainsi rendu justice à Ivan Chtcheglov en lui rendant hommage dans toute sa poésie et sa vérité.
      La tour Eiffel est encore debout, c'est à peine croyable !
      Bien à vous.

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    2. Cela aura été un plaisir, Monsieur. Revenez nous voir quand vous voudrez.

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  7. La Tour Eiffel est donc toujours debout ?

    C'est une catastrophe.

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  8. Nenni Marquis, il s'agit en réalité d'un sapin moderniste et non-offensant, installé là à l'année.

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  9. Réponses
    1. Est-ce vous, Charles ? Il demeure que certains alcooliques auront parfois - au travers de leur vice même - constitué l'avant-garde de la conscience, parmi un monde rendu débile à force de sobriété. Voyez Debord, ou ces figures glorieuses dont il cause, n'ayant jamais pris qu'une seule cuite, laquelle dura pourtant toute leur existence.

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