dimanche 11 février 2018

Good job


« Il n'y peut avoir d'amitié là où est la cruauté, là où est la déloyauté, là où est l'injustice ; et entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non pas une compagnie ; ils ne s'entraiment pas, mais ils s'entrecraignent ; ils ne sont pas amis, mais ils sont complices. »

(Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire

8 commentaires:

  1. On commence même à voir qui bouffe qui. Les sous-traitants turcs ont l'air de progresser bien difficilement (d'autant que les YPG peuvent circuler et même être soignés dans les zones contrôlées par le régime), ce qui pourrait forcer Erdogan à engager pour de bons les forces turques avec beaucoup plus de « fly different » à la clé.

    Dans le même temps, les accusations contre Assad d'avoir utiliser l'arme chimique tombent. Il redevient à peu près aussi propre (juste très sale) que tout le monde dans cette guerre, et la solution politique soutenue par Poutine apparaît ainsi de plus en plus comme la seule sortie crédible.

    À moins que le bordel ne se généralise suite à la destruction du F16 israélien par la DCA syrienne (encore un point pour la popularité d'Assad dans la région). Et là si Tel Aviv et Washington se mettent à se taper directement avec Moscou...

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    1. La vraie clé, c'est le comportement US. Dans un précédent commentaire, vous estimiez que les kurdes s'étaient choisi là les pires alliés possibles. Ce n'est pas notre avis, du moins pas a priori. Une alliance avec Poutine-Assassad avait été proposée au PYD, juste avant l'invasion turque (le refus de celle-ci ayant provoqué celle-là). Il est probable, selon nous, que les kurdes aient fait le bon choix, dans l'assurance de leur force militaire (qui semble désormais avérée, au vu du bourbier dans lequel s'englue Erdogan après un mois de conflit). Poutine entendait justement montrer aux kurdes que les ricains les lâcheraient. Il y a flottement, mais le gigantesque massacre de russes et d'assassadiens perpétré par les ricains voilà trois jours du côté de Der ezzor (plus de 220 morts, quand même) avait valeur de test. Ou plutôt : les russes ont voulu tester, et les ricains ont répondu. Les turcs sont prévenus de ce qui risquerait de leur arriver s'ils se montrent trop agressifs du côté de Manbij. Le shoot (au MANPADS) du Sukhoi 25 russe est aussi ce qui pouvait arriver de pire à l'alliance turquo-russe. Sans complotisme aucun, on peut estimer que c'était là soit le fait d'un djihadiste débile et ne représentant justement que lui-même, ayant hérité d'un stock de missiles turcs, soit d'une provocation ricaine, destinée à enfoncer un coin entre Erdo et Poupoute, soit d'une réaction assadienne légitimiste, décidément vexée de voir les néo-ottomans se réinstaller sans coup férir du côté d'Idlib... Conséquence immédiate, en tout cas : reprise des bombardements turcs sur Afrin (d'où; dernière hypothèse : un coup de Poutine lui-même). Sans compter que, sur le terrain, la confusion s'aggrave en effet, puisque iraniens et assassadiens semblent étrangement bel et bien soutenir (même de loin) les combattants kurdes. Mais les soutenir, hélas ! comme l'arbre soutient le pendu : le corridor qui les relie encore au Rojava-est pouvant se transformer en chaîne d'étranglement à la discrétion d'Assad et de ses protecteurs, au gré d'une énième lubie ou trahison. Ainsi donc, le choix en dernière instance des yankees comme partenaire tactique n'était pas forcément le pire (les US étant obsédés au fond, par une seule chose, dans le coin, susceptible de les faire rester coûte que coûte : l'influence iranienne...). Et si les israéliens s'en mêlent eux aussi durablement - leur soutien aux kurdes étant patent - alors, là, oui, vous avez raison, la mayonnaise sanglante monte encore un peu plus en pur délire..

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    2. Le sukhoi peut aussi être une réponse aux bombardements qui ont empêché les forces turques de prendre position à Tal el-Eis. Quant à Der ezzor, Washington dit 100 morts, Moscou dément toute perte dans l'opération, Damas en admet 61 et conteste toute « agression » (guillemets parce que légalement les US occupent le territoire syrien). Comme d'habitude, allez savoir où est la vérité (le bilan de Rameau d'Olivier serait de 148 tués pour le PYD, 27 pour l'armée turque et 158 pour ses sous-traitants). Il est tout de même peu probable que Damas cherche dès maintenant la confrontation avec les USA, Assad et Poutine ayant toujours été méthodiques dans la reconquête du territoire (lâcher temporairement Afrin pour avoir Idlib, par ex.). Quant à un protectorat américain sous forme d'un Kurdistan syrien (en le laissant marxiste ?) dont PERSONNE autour ne veut, il ne faut pas sous-estimer la loyauté à Damas. Il y a beaucoup de populations arabes et autres dans le coin, pas sûr donc que le nationalisme kurde soit de leur goût (en cela le PYD n'est pas le Vietminh), et il n'est même pas dit que tous les Kurdes marchent jusqu'au bout avec le PYD (comme partout dans la région, il doit y avoir en sous-main des logiques claniques assez terre-à-terre). C'est tout le problème, tant qu'il y a la guerre ceux qui ont les flingues parlent pour les autres et ça vaut pour tout le monde (la fin est dans les moyens, même quand on ne les choisit pas).

      Si les US me paraissent le pire allié, c'est qu'en dehors de leurs revirements et de leur manque de discernement passés leur seul intérêt est de maintenir le bordel dans la région (soit des civils morts ou sous la coupe de seigneurs de la guerre). Contrairement aux deux gros salauds Assad et Poutine (qui nous pondront sûrement une riante démocratie façon Kadyrov), ils n'ont aucune vision à terme, rien à proposer à part soutenir inavouablement leurs ennemis officiels (Al-Qaeda et l'EI) pour empêcher toute paix. C'est de la souffrance gratuite pour les populations car clausewitziennement parlant un non-sens stratégique (ils ne savent pas concrètement à quel nouvel équilibre ils veulent contraindre leurs adversaires avec leur puissance). Quand ils auront enfin réalisé cela, ils se barreront en abandonnant les Kurdes, au mieux en les armant comme naguère l'ARVN, ce qui veut dire encore et toujours la guerre, après déjà sept ans de destruction et de massacres sans qu'on ait vu émerger aucun mieux démocratique du chaos syrien. Une vraie fuite en avant sans aucune perspective d'émancipation...

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    3. Mouais. Pour Tal el Eis et les frappes subies par les Turcs, difficile de croire que le Sukhoi aurait "payé" pour elles : quel intérêt au juste, si vous sous-entendez que ce serait là un coup des turcs (mais se vengeant de qui ? des russes ?). Au contraire : Poutine a ramé comme un dingue pour expliquer après coup, que ça (le shotdown du Su 25) ne remettait pas en cause le processus dit d'Astana (zones de "désescalade" avec occupation turque de 5 bases... accessoirement destinées à attaquer et prendre à revers les kurdes d'Afrin), ni de manière générale la collaboration (anti USA) avec Erdogan, etc. Il y avait urgence vis-à-vis de son opinion publique (il a un plébiscite en vue, je vous rappelle, l'année prochaine). Or, vous connaissez la turcophobie instinctive des russes (l'affaire du chasseur russe abattu l'an dernier n'ayant en outre rien arrangé). Il s'agissait donc là à notre avis d'une intervention malencontreuse (jihadiste individuelle) ou anti-alliance russe-turque (les iraniens ? les israéliens ? les yankees ?)...
      Pour ce qui est du reste, tout ce que vous dites est sans doute pertinent, mais vous négligez un facteur important : le poids malgré tout plus notable de l'opinion (et d'une presse "libre") dans des pays de type démocratie libérale (France, USA, Allemagne...) que pré-fascistes (Turquie, Russie). C'est à ce titre que les kurdes ont joué la carte yankee : histoire de pouvoir les titiller plus efficacement sur leurs contradictions droit-de-l'hommistes (cf les efforts actuels de propagande des pro-YPG partout en Europe et aux states, que ce soit dans la rue, sur les réseaux sociaux, etc). L'opinion en France ou aux USA n'oublie pas, elle, que les kurdes ont, seuls, permis d'éliminer la pourriture de l'État Islamique. C'est d'ailleurs là un véritable caillou dans la chaussure des Macron, Merkel, Trump et autres raclures. Ils doivent, eux, rendre des comptes (encore un tout petit peu, disons...). Si les kurdes avaient joué les russes ou les iraniens, ils n'auraient tout simplement plus eu AUCUN levier à leur disposition. Là, il leur en reste un, dérisoire, certes. On notera, pour finir, le silence quasi-total des gauchistes français sur ce sujet (soucieux de ne point fâcher, sans doute, leur base prolétaire-islamo-compatible-décoloniale) : pensez ! des staliniens kurdes soutenus par l'impérialisme américain (pléonasme, évidemment)... D'autres luttes plus urgentes (et, elles, chimiquement pures) réclament ailleurs leurs efforts homériques. Les gauchistes occidentaux combattant actuellement à Afrin sauvent l'honneur, bien entendu. Annonçant, peut-être, une ligne de fracture bienvenue dans l'extrême-gauche contemporaine ? Bon, faut pas rêver.

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    4. Vous avez sûrement raison pour le sukhoi. Pour le reste, seuls les USA ont la capacité à peser sur le terrain et de fait y sont. La France, dernière armée à avoir des vraies capacités de projection en EU est au taquet quant à l'emploi de ses forces, qui s'enlisent au Mali tout en étant mobilisées par Sentinelle (en cela, une indéniable victoire des islamistes). Je ne suis donc pas certain que l'opinion publique occidentale puisse changer la donne actuelle. L'intérêt de la carte Poutine-Assad, c'est que les deux veulent en finir au plus vite. Poutine serait même prêt à laisser la Turquie occuper certaines zones (alors qu'Assad entend tout récupérer, peu importe le temps que ça prendra). En tout cas ils n'ont pas les ressources pour se lancer à l'assaut des fiefs kurdes du PYD, d'où possibilité de négocier une autonomie profitant des routes commerciales syriennes — économiquement Damas a tout intérêt à la stabilité du Nord — tout en étant à l'abri des Turcs. Le problème immédiat du régime est de finir les islamistes sunnites, seule opposition capable de prendre Damas.

      Dans ce que j'ai dit, il semblerait que la question de la loyauté au régime soit beaucoup plus complexe que ça (ie. loin d'être une évidence). Une synthèse en anglais sur les dynamiques à l'œuvre. Je n'ai pas encore fini de la lire, mais c'est très intéressant (sur le Rojava, p. 71 du pdf, voir aussi les scénarios de sortie p. 114) : http://www.washingtoninstitute.org/uploads/Documents/pubs/SyriaAtlasCOMPLETE.pdf

      À part ça la Turquie revendique 1200 YPG tués, dont ne sait pas encore combien de gallinacés terroristes.

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    5. RECTIFICATIF: Assad n'est PAS lavé de l'accusation d'avoir employé du sarin. La fausse nouvelle parue dans Newsweek est un tronçonnage honteux des propos de James Mattis, qui disait n'avoir pas de preuve que l'arme chimique avait été utilisée depuis le début de l'administration Trump, tout en maintenant pour acquis qu'elle l'avait été sous Obama. Le journal s'est rétracté en désavouant l'auteur de l'article. Voilà qui m'apprendra à m'attarder sur les réseaux sociaux.

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  2. Intéressant. Échange de bons procédés : pour y voir un peu plus clair dans ce merdier, tout ce que dit et écrit Wladimir van Wilgenburg, notamment sur le site The Region , mérite l'intérêt...

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  3. et aussi, " pourquoi la turquie est en train de perdre à Afrin..." (savant et motivant) : http://rojinfo.com/turquie-train-de-perdre-a-efrin/

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