dimanche 14 juin 2015

Lacan et Adorno sont dans une auto (Psychanalyse négative, de Pierre Eyguesier)


Les psychanalystes encore en exercice seraient fort avisés de lire le dernier ouvrage de Pierre Eyguesier, intitulé Psychanalyse négative, et récemment publié aux éditions La Lenteur. Tel n'est pas le moindre reproche que l'on pourrait, de notre point de vue, adresser à cet ouvrage efficace, érudit et raisonnablement désespéré. Car de deux choses l'une, en effet : soit le constat effectué par M. Eyguesier comme psychanalyste, quant à l'évolution contemporaine de sa propre discipline, est fort exagéré, auquel cas nous persisterions, malgré tout, à soutenir avec Adorno que "rien n'est vrai dans la psychanalyse que ses exagérations" (Minima Moralia). Soit M. Eyguesier dit vrai dans une large mesure mais alors les divers maux qu'il présente, rongeant la psychanalyse sous sa forme de pratique corporatiste actuelle, condamnent immanquablement celle-ci à bientôt disparaître du paysage intellectuel français, en un effondrement mérité dont rien - ou pas grand-chose - ne justifierait d'en prévenir les futures victimes, qui l'auront bien cherché.

Cette ambiguïté se ressent vaguement, superficiellement, sur le style du livre. Psychanalyse négative est un ouvrage foncièrement posé et mesuré : à mille lieues d'un brulot gauchiste anti-analytique, congédiant l'analyse en son principe même (ce qu'il serait au reste parfaitement légitimement fondé à faire, ou tenter de faire). Ne doivent faire illusion, sur ce plan, ni les envolées lyriques ponctuelles, ni les symétriques ramassements de formule lapidaire auxquels se livre parfois l'auteur, entre deux argumentations sobrement étayées. Le titre choisi pour cette oeuvre ne saurait, lui non plus, nous égarer : il n'est d'ailleurs pas innocent que M. Eyguesier confesse avoir hésité à lui en fournir un autre (voir à la fin de ce billet, notre dernière citation) comme s'il eût senti par avance tous les problèmes que pourrait poser celui-là. Sa psychanalyse négative se veut, bien entendu, rappel et reprise de cette Dialectique négative adornienne constituant aux yeux d'Eyguesier une référence de premier plan. Mais le projet d'Adorno était bien différent du sien et beaucoup plus radical : il s'agissait d'exhiber - par cette négativité revendiquée - le dernier pouvoir, absurde, d'une philosophie réduite en ses prérogatives à reconnaître sa seule impuissance fondamentale à saisir le vrai, et pire : sa tendance structurelle, congénitale, à la trahison de tous ses objectifs de départ comptant parmi les plus honorables. La Raison, chez Adorno, trahit par définition la liberté des hommes. Elle sert, dès l'origine, contre eux, la Domination, ou ce qu'il choisit de nommer ainsi. La psychanalyse négative de M. Eyguesier, quant à elle, est clairement une défense de la psychanalyse, une défense quand même, une défense amoureuse.

L'objet petit l de cet amour, c'est Lacan : bien davantage que Freud, même si ce dernier se voit ici longuement convoqué et célébré. Face à l'inertie, au conservatisme ronronnant de l'orthodoxie lacanienne repliée sur son confortable racket (un terme adornien que M. Eyguesier n'emploie guère - une occurrence, sous forme de citation, p. 88 - nous laissant ainsi très délicatement le soin de le faire), obsédée par sa survie machinale au sein d'un monde d'autant moins intelligible qu'il s'enfonce un peu plus chaque seconde dans la laideur pestilentielle : un monde parcouru en tous sens d'un effroyable blizzard crétinisant menaçant de priver la psychanalyse de son cheptel même de clients cultivés et riches, de scier en quelque sorte cette branche désormais hautement vermoulue sur laquelle trône - pour combien de temps encore ? - le lacanisme de métier. C'est en cela que ce livre procède d'une forme d'avertissement pratique aux professionnels, pour nous contestable. Face à ce lamentable état de fait, M. Eyguesier tient à opposer, en sa pureté maintenue et défendue par lui, la haute figure subversive de Jacques Lacan, son but explicite étant de " retrouver les traces dans son oeuvre, écrite et parlée, d'un Lacan "politique" (p. 42), non seulement au morne sens militant du mot (entendons là les "engagements politiques" de Lacan, dont M. Eyguesier postule cependant que Mai-68 - " le Mai-68 de Jacques Lacan " : titre  du cinquième essai ici présenté - et les séminaires précédant ou suivant immédiatement cette période, leur auraient offert l'occasion d'une espèce d'acmé) mais : " au sens anthropologique d'une forme culturelle qui ne se limite pas à gérer les affaires humaines, publiques et privées, mais constitue les bases mêmes de la raison. " (id.). L'honneur incontestable, au plan historique, de Lacan aura ainsi, selon Pierre Eyguesier, consisté en son grand refus de la psychanalyse d'adaptation sociale d'après-guerre, et dans un glorieux signal, lancé par Lacan contre celle-ci, d'un retour à Freud porteur de libération : " L'esprit de la psychanalyse lacanienne [...], je le dis pour ceux qui n'auraient pas tété les Écrits de Lacan ni traîné leurs guêtres dans les universités où sa théorie est expliquée, présuppose, considère comme allant de soi que la psychanalyse telle que la promeut, telle que la réinvente Lacan, en redonnant à la découverte freudienne son "soc tranchant", en plaidant pour un "réveil"  des psychanalystes, s'est radicalement démarquée de la psychanalyse " à l'américaine " (de ses idéaux adaptatifs). La peste que Freud, selon la légende, imaginait apporter au Nouveau Monde, est revenue en Europe par un effet de boomerang. C'est de là que Lacan part. C'est son aire de décollage : la critique de l'Ego psychology, de l'American way of life... C'est vrai que cette rupture avec une psychanalyse américaine abâtardie, ouvertement au service de l'human engeneering à l'américaine, donc du capitalisme, avait de quoi tenir en éveil, accrocher les esprits de toute une génération." (p. 35).
Accrocher, d'accord. Certes.
On veut bien.
Mais pour faire quoi, au juste ?

Qu'on ne se méprenne point sur nos intentions. Il ne s'agit pas ici, pour nous, d'opposer un Lacan correct, un Lacan authentique à un Lacan mal compris, ou déformé, qui serait celui de M. Eyguesier. Nous serions bien en peine d'avoir ce genre de prétention, Pierre Eyguesier s'avérant extrêmement compétent en matière de lacanisme (suivant le terme maudit dont il rappelle dans le quatrième essai de son livre, peut-être le meilleur, en tout cas l'un des plus drôles : Domaines de compétence de la Formation, à quel point son empire s'étend désormais sur l'ancienne subjectivité humaine, qui échappait encore naguère quelque peu, dans la définition de ses qualités possibles, aux exigences lexicales de la marchandise). Bref, le Lacan de M. Eyguesier est le bon. La chose ne fait aucun doute. Ce qui nous intéresse, c'est plutôt de puiser dans le livre de M. Eyguesier lui-même, et dans ces traits particuliers qu'il présente de la pensée et du personnage de Lacan, des choses que nous ne jugerons pas identiquement, lui et nous. Cette portée fondamentalement "subversive" des textes lacaniens donnés ici à lire, disons simplement que nous l'aurons ainsi souvent relativisée, voire contestée. Nous n'y aurons - souvent - pas vu la même chose que M. Eyguesier, voilà tout, jargon lacanien ou pas. Surtout au regard des étranges compagnons de route et de lecture que l'auteur choisit d'associer à Lacan, dans sa Psychanalyse négative : les situationnistes, Günther Anders, l'Encyclopédie des Nuisances, pour ne citer que les plus radicaux (le cas Adorno, pour lui, méritant qu'on s'y intéresse spécifiquement. Nous y reviendrons). Dans son incontestable sincérité, Pierre Eyguesier rappelle d'ailleurs, en négatif, l'essentiel des charges et critiques ayant pesé, un jour ou l'autre, sur la figure du Maître : son obsession de l'argent, des grosses bagnoles, sa préférence marquée pour le confort et, de manière générale, tous les signes d'appartenance bourgeoise les plus attendus et vulgaires, sa crainte de voir le goût généralisé - dans la jeunesse - pour la révolution (autour de 1968) le priver de ses disciples... Bref, son opportunisme intégral, opportunisme d'adaptation le faisant s'acoquiner avec toute mode intellectuelle (Hegel puis Heidegger puis Marx, puis le structuralisme, etc) dont Lacan devine chaque fois, tel un entrepreneur avisé, qu'elle sera appelée à durer quelque peu. Nous ne sommes pas loin, au fond (nous qui avons mauvais fond) de cette position spontanée de tel interlocuteur d'Eyguesier, dont ce dernier rappelle l'intervention lors d'un séminaire :

" À mes remarques sur l'intérêt porté par Lacan autour de Mai-68 à l'économie politique, à l'oeuvre de Marx et en particulier à la théorie de la plus-value, plus généralement à la critique sociale et politique, un participant avait répliqué qu'à son avis Lacan s'était à ce moment-là engagé sur ce terrain pour une simple et bonne raison : il lui fallait convaincre - séduire était le mot qu'il avait sans doute en tête - un auditoire qui, pour la première fois dans l'histoire du Séminaire, était en partie composé de jeunes têtes intelligentes, prometteuses, échauffées par la politique et embarquées dans la contestation (...) En somme, il taxait le Lacan de 1968 d'opportunisme. Ce n'était pas le "vrai" Lacan. Intuitivement, je pensai alors qu'il avait tort. Il me semblait en effet que la critique sociale, la critique de la science aussi, celle de la marchandisation du savoir, et, dans la foulée, celle du productivisme capitaliste étaient, bien au contraire, consubstantielles à la psychanalyse telle qu'elle m'avait à l'époque captivé et telle qu'elle me paraissait digne d'être poursuivie - par-delà ses abâtardissements divers, son flirt poussé avec Heidegger et avec le structuralisme. " (p. 166).

Le paradoxe, chez Eyguesier, nous paraît parfois être que sa défense d'un réveil social et politique de la psychanalyse, son objectif d'une compréhension par les psychanalystes eux-mêmes de l'ampleur de la catastrophe capitaliste et du lien nécessaire à établir entre le caractère collectif de celle-ci et le caractère individuel et atomistique de la misère névrotique se heurtent, chez lui, au sentiment - spontanément pessimiste - d'une certaine inutilité, voire d'une certaine nocivité de l'agitation politique consciente. Le recours à Lacan nous semble alors, là, parfaitement symptomatique, autant que sa préférence adornienne, Lacan étant cet individu convoqué par Eyguesier pour son intérêt "subversif", mais au sujet duquel ce dernier déclare aussitôt :

" En réalité, le propos de Lacan n'était pas tant de séduire la part préférée de son auditoire échauffée par les événements, que de les persuader qu'en jetant leurs forces dans la subversion révolutionnaire, ils allaient non seulement s'y brûler les ailes, mais renforcer le capitalisme, car la contestation "c'est encore ce qui, dans le capitalisme, peut le mieux le servir". La carte maîtresse qu'il opposa à la tentation de l'action révolutionnaire était la conquête d'un savoir en lui-même subversif. " (id.)

Bien évidemment, ici, nous nous séparons de lui. Adorno, lui aussi, stigmatise (dans Minima Moralia) l'agitation révolutionnaire, qu'il assimile abstraitement à une sorte de fringale activiste, une mode de celles dont la Domination impose, chaque seconde, quelque nouvelle mouture équivalente. Poser que le capitalisme se renforce du fait même de sa critique pratique, du fait même du désir d'une telle critique montant dans le coeur de la jeunesse nous paraîtra toujours simplement inepte. Qu'on jette un oeil, par contraste, sur la situation présente désespérante, où dominent, chez ladite jeunesse, l'analphabétisme politique, l'individualisme réflexe, et prédateur, bref la facticité absolue, et qu'on revienne ensuite nous voir pour nous ressortir, bien posément, ce genre d'aberration typiquement gauchiste. Les situationnistes, dont parle avec enthousiasme M. Eyguesier, avaient en 1968, bien autre chose à faire qu'à savoir. L'émeute, le combat de rues et l'incendie de voiture qu'ils pratiquaient avec bonheur (ou du moins célébraient) à l'époque, ne leur semblaient point tant renforcer le capitalisme qu'à Jacques Lacan ou Theodor Adorno. Pour M. Eyguesier, on ne sait pas trop. Notons seulement que son livre ne grouille pas, doux euphémisme ! d'appels concrets à l'insurrection ignée ou à la révolution apocalyptique. Une fois, il accorde en substance, comme en manière de confession arrachée, que de nouveaux Mai-68 feraient sans doute effectuer des bonds de géants à bien des cures analytiques piétinantes. Mais de manière générale, il est surtout question dans ce livre, s'agissant d'un "réveil du politique", d'anti-libéralisme, d'alter-mondialisme ou autres haltères lourdement équivalentes : du référendum de Maastricht, par exemple, ou de celui de 2005 - la chose revient deux ou trois fois sous sa plume - sur la ratification du Traité européen (auquel ses collègues psychanalystes de gauche auraient, à l'en croire, voté oui ! comme un seul libéral, ce dont nous nous foutons pour notre part assez considérablement). Une certaine nostalgie, d'un monde-qu'était-mieux-avant, autrement dit petite-artis-anale (puisse M. Eyguesier nous pardonner celle-ci) affleure aussi, çà et là, dans sa Psychanalyse négative. L'hommage récurrent à Jean Giono-l'anti-moderne satisfait cette fonction nostalgique, Eyguesier évoquant " son opposition à la barbarie de la guerre de 1914-1918 (Les Grands Troupeaux) [qui] prend à cet égard un relief inaperçu, loin du pacifisme mou qui lui est souvent reproché : c'est le refus de l'homme enraciné d'être liquidé soit comme lubrifiant de la machine soit comme chair à canon ; c'est l'appel au maintien des communautés ; c'est surtout, le distingo permanent entre ceux qui vivent dans l'instant, qui est, et ceux qui sont aliénés par l'avenir, qui n'est pas. " (p. 104). Tout cela est évidemment plus que discutable, dans une perspective utopique, notamment, où la matière elle-même serait essentiellement considérée comme devenir, comme tournée vers l'avenir, et où une logique potentielle de l'être viendrait précisément fournir, sous forme d'espoir, l'antithèse absolue de l'aliénation. On imagine aussi notre relative impatience à la découverte du point de vue antiprogressiste de Giono-Eyguesier quant à l'existence restée pure et vraie de certain coin de village portugais traditionnel (p.78), ou quant à cette " bonne vie que menaient les paysans de haute Provence en se contentant de ce qu'ils avaient sous la main. La découpe du lard sorti du saloir sur la planche qui le maintenait à l'abri de l'humidité plus que des regards. Les surplus vendus pour acheter le tabac et payer le tailleur de C., dans la vallée de la G., etc" (p. 105). Il serait vain cependant de conclure ici à quelque excédent réactionnaire simpliste. L'excellent chapitre VI (Le psychanalyste limité) des " autres essais " de Psychanalyse négative, consacré à l'authentiquement réactionnaire Melman - étrillé par un Eyguesier pour qui l'horreur de la désublimation répressive marchande actuelle, de " l'offre falsifiée de satisfaction de [la] pulsion " (p.69) : pornographie, libéralisme sexuel injonctif, etc, ne saurait justifier l'appel au retour d'un bon vieux temps pudibond et/ou patriarcal où les mômes savaient rester à leur place - est là pour le prouver. On eût seulement apprécié, au passage, qu'Eyguesier, évoquant cette " desexualisation de la sexualité dont Adorno fait un des traits de l'avilissement de l'homme du monde de la production totale " (p. 100) ne négligeât pas à ce point, là-dessus, Éros et civilisation et son éloge (anti-primat génital) de la réérotisation du sexe, via la régressivité perverse-polymorphe. Marcuse est cité une fois ou deux, dans son livre, et puis c'est tout. Adorno rafle la mise. Ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes, comme nous l'allons bientôt voir.

Présenter, donc, les divers types de position évoquées plus haut comme politiques par excellence est tout à fait possible, et certes relativement cohérent avec la défense eyguésienne annexe d'un Lacan fustigeant la pratique critique au nom d'un savoir supérieur. M. Eyguesier cite comme l'une des habitudes de sa propre pratique analytique le conseil de lecture (lisez Marx, les situs, etc) délivré aux patients ayant un jour poussé la porte de son cabinet. Lire et apprendre des choses, ce serait déjà changer l'essentiel. Oserons-nous lui avouer, très humblement, le fond de notre pensée ? Cette position n'est pas loin d'accuser les caractéristiques principales du théoricisme, croyance platonicienne à une réalité des idées dont Marx avait, en son temps, cruellement révélé l'ineffectivité historique, et matérielle, dans sa terrible "critique de la critique critique" stirnérienne. Et quand M. Eyguesier rappelle l'anecdote d'un Lacan rembarrant un maoïste quelconque venu le racketter de quelques deniers pour la cause, au nom du fait que, mazette ! "La Révolution, c'est moi !" (p. 166), cette attitude évoque fortement l'idélisme universitaire voisin d'un Horkheimer, d'un Adorno, voire - dans une moindre mesure - d'un Marcuse pas insensible, dans sa définition de la "Théorie Critique", à la figure platonicienne (autoritaire) du Roi-philosophe-législateur, un Marcuse pour qui la pratique doit indéniablement avant tout chercher son idée, la théorie toujours précéder et fonder l'action. Du moins, chez lui, la libération du psychisme humain était-elle, bon an mal an, indissociable d'un bouleversement matériel anti-économique des structures sociales. On éprouverait les plus grandes difficultés à trouver semblable voeu bouleversant chez Lacan, en dépit, donc, des divers diagnostics émis par lui (de manière théoriquement décisive, selon M. Eyguesier) quant au caractère éminemment social du malaise névrotique (mais alors Freud le dit déjà, et pour nous tellement mieux que lui), à cette indexation opérée par Lacan de son plus-de-jouir ! injonctif libéral-libertaire sur le plus-de-valeur marxien, à cette transmutation contemporaine du Père, développée par lui (mais Marcuse, pour ne citer que lui, dans son article Vieillissement de la psychanalyse, l'apercevait avec tellement plus de pertinence, tellement plus clairement et radicalement, au début des années soixante), transmutation structurant des moi faibles, avides de se résoudre dans quelque solution sexuelle sans question, dans un conformisme marchand témoignant d'une renonciation à toute investigation autonome de la pensée. Cette dernière hypothèse, plus spécialement eyguésienne, d'une suprême importance (quant à l'aliénation marchande future) de cet échec fondamental des investigations sexuelles précoces de l'enfant, brimé par la morale dans son goût de la recherche, de la fuite, bref du voyage d'apprentissage ou scientifique (au sens non-scientiste du terme), nous paraît, reconnaissons-le ici, extrêmement féconde (" la névrose résulte d'une capitulation de la pensée devant la parole officielle, la solution sexuelle n'en étant que la conséquence ", p. 83). Cette curiosité enfantine, cette appétence rationnelle primale représente, selon Eyguesier, tout ce qu'il s'agit de retrouver, tout ce qui, pour lui, guérira le névrosé. Elle incarne tout ce à quoi s'oppose pour lui une psychanalyse encroûtée dans des dogmes inopérants, et aveugle au déracinement massif, à la déqualification radicale (sous couvert, notamment, de cette fameuse et tragique "extension de compétences") provoquée - chez des patients qui la font pourtant vivre en se saignant aux quatre veines (ce dont les psys se moquent comme d'une guigne depuis Freud : une indifférence dont Eyguesier donne de terribles et édifiants exemples à charge) - pour une part essentielle par le triomphe absolu de la valeur d'échange capitaliste et de son inhumaine division du travail sur laquelle la psychanalyse n'a, semble-t-il, aucune intention de rien dire, sans parler d'intervenir. Cette critique, juste, impitoyable, du broiement psychique par le travail contemporain, la " chose technologique " et son " réel terrifiant " (ainsi que de l'ahurissante non-réaction suscitée, chez les psychanalystes, par l'évidence d'une telle mutilation) constitue probablement le plus grand intérêt de cette Psychanalyse négative, à qui elle offre ses plus belles pages : " Je propose donc ici, avec la force tirée de l'épreuve, de tracer une équivalence entre la mise à distance de la "chose freudienne" et la levée du refoulement dans la parole publique - mettant à distance la chose technologique sous tous ses aspects de maîtrise : maîtrise de l'angoisse, de la production à tout-va, des conséquences multiples et aujourd'hui quasiment indénombrables du réel terrifiant. Plus précisément, mon hypothèse psy est que la levée du refoulement ébauchée dans une cure a toute chance de rester prisonnière de l'analyse elle-même, donc de la névrose de transfert, si elle n'est pas répétée, reprise dans un espace public où il pourrait enfin être débattu d'une "morale du réel." (p. 217)
Mais est-ce encore une "hypothèse psy" que cela ?
Car les psys, ne serait-ce point justement ces gens-là qui " rabattant l'ensemble des "troubles névrotiques" sur la particularité sexuelle (...) ont sans le savoir ni le vouloir, nolens volens, donné la main à une nouvelle orthopédie. En hypostasiant le sexe et le travail, ils ont méconnu qu'ils s'agissait avant tout dans les cures de restaurer a minima des individualités liquidées par un monde où même le sexe et l'oeuvre sont passibles de catégories économiques. " (p. 54) ?

Le paradoxe généralement à l'oeuvre ici, associant donc contradictoirement exigence de réveil et conscience (malheureuse) de son impossibilité presque accomplie (sous forme d'une absence, signifiant forcément ladite impossibilité, de toute perspective révolutionnaire), constituerait la touche proprement adornienne du livre. À ceci près que Pierre Eyguesier ne lit pas exactement chez Adorno les mêmes choses que nous. Chez Adorno, sans même parler de perspective révolutionnaire, c'est le réveil qui est impossible. "La rationalité associée à la domination est elle-même à la racine du mal." (Dialectique de la raison). On ne saurait être plus éloigné d'un Freud Aufklärer. Adorno est le penseur des impossibilités de la raison, de son orientation génétiquement dominatrice, instrumentale et totalitaire. La Dialectique de la raison (d'Adorno-Horkheimer) va, rappelons-le, jusqu'à considérer les ruses d'Ulysse, et sa tendance cartographique à identifier les divers univers qu'il traverse, comme une simple première ébauche de cet esprit idéaliste bourgeois enragé ("L'idéalisme est une rage" dit la Dialectique négative) prétendant ainsi dès l'origine arraisonner la Nature, réduire ses objets à une équivalence générale : un esprit condamné à finir - à terme - sous la forme même de ce Mythe auquel la raison succédait, et qu'elle prétend partout, aujourd'hui plus que jamais (ou plutôt, donc : comme jamais, puisque l'histoire disparaît) remplacer. C'est en ce sens, nous semble-t-il, que Pierre Eyguesier convoque souvent Adorno à contre-emploi. Lorsqu'il évoque, par exemple, " le politique (...) constituant les bases mêmes de la raison " (p. 43) précisant : "La politique comprise en ce sens est ce qui empêche de délirer. Qui fait en sorte que la raison ne se dégrade pas en mythe, en raison-irrationnelle (Adorno)." (id.), il semble oublier que, pour Adorno, cette dégradation se trouve inscrite, pour ainsi dire, au programme génétique de la Raison. La Raison s'autodétruit de toute nécessité. Le fascisme lui-même ne fait que vérifier son principe technique et dominateur. Celui qui pense s'opposer rationnellement à la Domination le fera avec les seules armes que celle-ci lui fournit, et se retrouvera de fait encore et toujours placé dans son orbite. Tel est le cercle adornien, ce nihilisme anti-pratique que Bloch persifle avec violence dans son Athéisme dans le christianisme : " Dans une telle démarche, il convient certes de ne pas exagérer, ni surtout d'isoler le mal ; comme ce fut la mode dans certains élans de pessimisme ou, chez Adorno, avec le jargon de l'inauthenticité du Bien. Car on va alors au-delà encore des pleurnicheries évoquées précédemment, au nom d'une dialectique strictement négative que Marx, et Hegel lui-même, ont dû relativiser car on peut être sûr qu'elle n'est plus une lutte, qu'elle n'est plus l'algèbre de la révolution." (p. 306).

Pour toutes ces raisons, quant au "délire" auquel la Raison bien comprise, c'est-à-dire la raison politique s'opposerait selon Eyguesier, nous dirions, nous, à peu près l'inverse s'il s'agissait de définir la position d'Adorno. Adorno (dont Psychanalyse négative reproduit là-dessus une citation-clé, p. 49 : " la tâche du dialecticien serait donc d'amener cette vérité du fou à la conscience de la raison qui est en elle, etc") fut probablement le plus grand défenseur du délire, de la folie, de l'extinction de l'identité (autrement dit de la logique). Ce qu'il refuse de voir, une fois qu'il accepte l'hypothèse freudienne de l'inconscient, c'est la haute rationalité stratégique du comportement de celui-ci : ce qui, pour nous, installe précisément Freud dans la continuité de la tradition rationaliste. Même le clivage ou l'éclatement conservatoire du psychisme post-traumatisé, étudié par Ferenczi, participe d'une telle stratégie, et la folie que Ferenczi valorise lui aussi est une folie de défense, bien plutôt une continuation de la raison que la fin, ou l'extérieur définitif de celle-ci. Le fou, chez Ferenczi, est simplement plus intelligent que le normal, voit et comprend plus finement les choses et cette supériorité le pousse, vis-à-vis du normal (limité) à la bienveillance et la protection solitaires. Quand Pierre Eyguesier présente son projet comme " la réinjection " au sein de l'analyse " d'une dose de matérialisme historique" (p. 110), s'aperçoit-il qu'il s'oppose là au "délire" tel que conçu par Adorno, le penseur anhistorique par excellence, dont le statisme, l'ignorance du temps (Ulysse, Hegel et M. Jourdain, même combat), et l'apologie du délire individuel (apologie de la contradiction irréconciliée, de la non-identité maintenue) procèdent (pense Adorno) de l'inconscient freudien lui-même ? "L'analyse ne peut pas grand-chose quand rien dans l'histoire ne prend le relais " (p.111), écrit Pierre Eyguesier. Sous-entendu, un relais libérateur. Certes, mais d'une part "l'analyse brise souvent ce qu'elle libère" (Minima Moralia), d'autre part l'histoire qui, seule, pourrait alors installer d'autres cadres collectifs, politiques, d'épanouissement  de cette psyché libérée, ne peut jamais, pour cet Adorno qu'Eyguesier érige en modèle de réveil et de résistance critique, que repasser tragiquement les plats de la Raison dominante. Il serait donc totalement vain d'attendre quelque émancipation que ce soit, quelque sortie que ce soit par l'histoire du délire capitaliste (Eyguesier), dès lors que, de toute absoluité, 1°) le délire seul délivre, 2°) l'histoire n'existe pas, car 3°) toujours la Raison trahit. Notons ici que le manque de sens historique représente, aux yeux d'Eyguesier, le grand péché de Freud. Il a évidemment bien raison, mais nous nous expliquons assez mal sa forte tolérance, pour ne pas dire le contre-sens qu'il commet alors, symétriquement, sur telle attitude extrêmement légère de Lacan relativement à la précision historique (et pourtant présentée par Eyguesier comme preuve de l'importance de ladite précision aux yeux de Lacan) : " peu importe, dit Lacan en substance, le moment et les lieux où a commencé l'accumulation du capital " (p. 173). Et en effet, dans la foulée, citation est donnée de cette plaisante parole du Maître : " Nous n'allons pas nous casser les pieds à savoir si c'est à cause de Luther, de Calvin, ou de je ne sais quel trafic de navires autour de Gênes, ou dans la mer Méditerranée, ou ailleurs, car le point important est qu'à partir d'un certain jour, le plus-de-jouir se compte, se comptabilise, se totalise, etc". " Je me dis qu'Adorno aurait eu de l'intérêt à le lire " écrit Eyguesier.
Y a des chances, oui, et pour cause ! comme nous l'avons pu voir déjà. L'intérêt d'un Karl Marx, en revanche, ou de tout autre "matérialiste historique " conséquent et convaincu se fût à notre avis épuisé beaucoup plus rapidement. Attendu que " la méconnaissance de l'histoire a pour conséquence d'imputer la totalité des symptômes à la structure, comme cela se vérifie dans la propension de Freud à rendre compte du refoulement par des mythes " (id.).
Lacan, on l'a vu, s'en sortirait donc apparemment mieux.
Quant à la détestation qu'éprouve Adorno le dialecticien-bloqué pour la logique rationnelle hégélienne du système, elle le pousse malgré tout à opposer formellement, selon une tradition d'ailleurs marxiste et posant elle-même problème, la méthode dialectique - réputée, seule, non-corrompue - au système. C'est oublier (et Bloch le rappellera à la fin des années cinquante, en s'attirant pour cela les foudres des staliniens est-allemands) que le système idéaliste lui-même recèle une vertu émancipatrice dès lors qu'il détruit les faits pour eux-mêmes, la totalisation des faits leur fournissant un sens permettant de sortir du "délire", de cette aliénation qui est surtout séparation, dans le temps ou l'espace (Gabel). S'en tenir, comme Adorno, à l'objet même, au particulier, en refusant farouchement - comme un projet d'entrée de jeu totalitaire - toute identification de cet objet à un autre, toute identification des différences, d'une situation à une autre (pour transformer celle-ci, par exemple, en une situation de classe ou, à parler encore plus radicalement le langage de la logique : de genre), c'est sanctifier la séparation, abolir toute rencontre, tout possible commun (bref abolir "le politique", au sens d'Eyguesier). Cela revient à éterniser, quoi qu'on en dise, la Domination. Si le névrosé ne peut comprendre sa fuite dans la névrose comme comportement légitime directement collectif et social, si le délire n'est jamais qu'une forme de libération individuelle, irréductiblement particulière vis-à-vis de sa propre souffrance (l'expérience de la souffrance du monde, de la "galère" étant reconnue à la fois chez Adorno et Lacan, à juste titre, comme la seule susceptible de valider mon humanité),  alors on comprend mieux " l'affirmation de Lacan dans Télévision qu'il n'y a de sortie du capitalisme que singulière, un par un..." (p. 45). Mais est-ce la propre position d'Eyguesier ? Lui qui fustige efficacement, chez ces psychanalystes promoteurs de ladite "sortie-un-par-un", " l'attrait pour l'argent ", " leur peur de manquer (de patients, d'un reçu pour l'achat d'un livre ou un repas au restaurant..." (id.) ? On en douterait. On lui rappellerait volontiers en tout cas, ici, les agissements ordinaires d'un Horkheimer et d'un Adorno, au retour de leur exil américain : nous parlons là de leur chasse au poste, aux places et à l'influence, de la surveillance jalouse de l'extension de leur pouvoir universitaire (Rectorat de la Faculté et Institut Sigmund Freud, à Francfort, Institut  Max Planck, à Berlin) et médiatique (leurs entrées aux Frankfurter Hefte, aux éditions Suhrkamp, à la Hessischer Rundfunk, ou encore les débats et l'acoquinage radiophonique et télévisuel d'Adorno avec le très réactionnaire Arnold Gehlen fournissent là-dessus assez d'exemples notoires), lorsque - protégés de fait par l'Amérique libérale - nos deux pourfendeurs de Mass media et d'Industrie culturelle se livraient, entre deux déclarations d'affection envers les USA "anti-totalitaires" (bombardant alors sauvagement le Vietnam avec le soutien officiel d'Horkheimer - contre Marcuse - ce que les étudiants allemands d'alors ne pardonnèrent pas), au toilettage consciencieux - avant réédition officielle - de cette Dialectique de la Raison ayant décidément gardé de sa jeunesse sulfureuse beaucoup trop de traces crypto-marxistes désormais bien embarrassantes... Il est vrai que la théorie domine toujours la pratique, n'est-ce pas ? Et que nous avons mauvais fond, répétons-le encore, d'aller ainsi fouinasser vilainement du côté sombre et inutile de la pratique des théoriciens émancipateurs. Adorno reproche à Marx, quelque part dans sa Dialectique négative, d'en être resté, avec sa promotion de la praxis tous azimuts, au postulat de base de la raison bourgeoise, de la raison prétendant dompter son monde, l'instrumentaliser au rythme de son activisme fébrile. La meilleure défense, y a pas à dire, c'est l'attaque.
Mais revenons-en, terminalement, à Pierre Eyguesier écrivant, page 111 de son beau Casa do Fim (le texte introductif de sa Psychanalyse négative) :

" J'aurais pu intituler ces essais : "Lacan avec Adorno". Je me dis en effet au moment de le boucler que ces deux auteurs ont été en permanence des guides sûrs de ma tentative. Mon regret, au bout du compte, c'est que Lacan n'ait pas fait un tour en voiture avec Adorno - cela lui aurait évité de le faire avec Heidegger."

Nous lui répondrons que, pour notre part, on se serait volontiers satisfait d'un seul tour d'auto-tamponneuse en compagnie de Guy Debord, Wilhelm Reich ou Herbert Marcuse.
Avant de le saluer très amicalement.
Et de lui sauter (voir ci-dessous le commentaire n°6) souhaiter un bon dimanche...


19 commentaires:

  1. "Adam avec les cornes"? Il s'en passe à l'arrière des taxis .

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  2. Il existe d'autres critiques internes de la psychanalyse dont le parcours entamé ici aurait à se soucier. un clip publicitaire pas tout à fait réussi
    http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu04631/l-anti-oedipe-de-gilles-deleuze-et-felix-guattari.html

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    1. Trois références significatives à ces deux figures dans PSYCHANALYSE NÉGATIVE :

      1) p. 175 : " Bien qu'ayant déjà lu à l'époque où j'ai écrit ce texte bon nombre d'écrits de Gilles Deleuze et de Félix Guattari, je maintenais en bon lacanien leurs idées en suspicion. Non seulement il m'apparaît aujourd'hui qu'elles recoupent mon propos, mais qu'elles vont bien au-delà à bien des égards : liberté du ton, alacrité de leur critique du " psychanalysme " , introduction d'un "inconscient réel " infiltré par les " noms de l'histoire ", déchiffrage à nouveaux frais du " cas Shreber ", etc., tout cela et bien d'autres choses encore (que j'ai découvertes à neuf en lisant la thèse inédite " Psychose, inconscient, politique " de Florent Gabarron-Garcia)..."

      - p. 172, cette citation de Guattari, 31 janvier 1968 : " Cet acte de création d'un nom (l'objet a), donc qui fait qu'il (Lacan) a endossé la paternité d'un certain reclassement notionnel, est quelque chose qui, en quelque sorte, nous met tous, dans cette école, dans une position transférentielle."

      - Enfin, last but not least, p. 20 : " Souvenir, ici, d'un trait assassin de Gilles Deleuze contre les psys : " Un analysant ne peut plus dire à son psy " Je veux faire partie d'un groupe hippie " sans s'entendre répliquer : " Vous voulez faire un GROS PIPI ? "

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  3. De lui "sauter" un bon dimanche ? Quel souhait !

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    1. Il vous était naturellement réservé de la repérer, celle-là !
      Du coup, elle est trop belle.
      On la laisse.

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    2. Merci, le Moine. Pourtant, Lacan ne m'habite guère.
      Si j'ose dire.
      Ce doit être mon côté vétilleux...
      Allez, au divan, hop ! On va analyser tout ça !

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    3. " Mais de quel divan parlez-vous ? "
      Voilà toute la question.

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  4. bon, le moinillon : et Karl Marx dans tout ça ?

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  5. Il me semblait pourtant qu'on en avait pas mal causé ici, non ? Du moins entre les lignes.
    Pour ce qui est du sieur Eyguesier, le vieux barbu figure en très bonne place dans son opus.
    Le "freudo-marxisme", non, en revanche : Lacan lui ayant solidement - et sans doute définitivement - " mis en tête " de ne jamais risquer de se " fourvoyer dans " les impasses du freudo-marxisme " (p. 38). Le très COMPÉTENT François Chatelet posait, au reste, lui aussi et comme beaucoup d'autres dans les années 1970, que " parler de freudo-marxisme, c'était nécessairement prendre le risque de dire de grosses bêtises, ou bien des choses extrêmement aventureuses. "
    Ma foi, on est aventurier ou on ne l'est pas.
    Une simple convergence, en tous les cas, entre Freud et Marx paraît raisonnablement possible. Après tout, Marx a souvent été lu, et utilisé par des non-marxistes.
    Voire des anti-marxistes.
    Voyez Althusser, par exemple.

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  6. Peut-on vraiment prendre au sérieux un type (Adorno) qui considérait le jazz comme une " musique fasciste" ?

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    1. Voir le texte de 68 sur les USA (dans les Modèles critiques...) où teodor revient là-dessus... et où il ne regrette pas grand chose, d'ailleurs...

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  7. Sans avoir lu nous-même le texte auquel vous faites référence, la thèse qu'il défend paraît en effet et en l'occurrence bien grossière. Disons les choses franchement : à de rares exceptions près, le jazz nous a toujours ennuyés. Adorno, sympathisant avec la psychanalyse, eût du justement s'aviser des tendance ordinaires du jazz au déclenchement, chez l'auditeur, de cette fameuse " attention également flottante " recherchée par le thérapeute - et vectrice pour nous d'agacement pur, voire d'envies homicides.
    Ce qui demeure intéressant, certes, au plan psychanalytique.

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  8. champagne (volé) pour la fin du cadavre de la secte psychanalytique !

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  9. Qui vole un oeuf va un prison.
    Qui vole du Moët-et-Chandon,
    du coup,
    est cent fois moins con.

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  10. Super lecture, merci!
    A lire aussi "L'autodestruction du mouvement psychanalytique" de Sébastien DUPONT...
    Mais après tout, là encore le prophète Lacan avait bien prévu que ce n'est pas la psychanalyse qui triompherait mais la religion...
    "Car ni Socrate, ni Descartes, ni Marx, ni Freud ne peuvent être dépassés..." Voilà, Lacan c'est tout ça, pas simplement Freud et Marx.
    Et sinon, Adorno avait bien raison de haïr le jazz (musique bourgeoise par excellence !)et il aurait certainement adoré le punk (mâtiné, bien sûr, d'un soupçon de hardcore).
    Bien à vous Le Moine Bleu.

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  11. Vous y allez hardcore, Peter. Pas pour nous déplaire, d'ailleurs, quoique nous soyons plus intégristement Oï ! et rattachés, musicalement (et ailleurs) à la très-sublime année 1977...
    N'en déplaise à Jello Biafra, et quelques autres yankees (surtout) bien séduisants...
    La bonne année à vous.
    La bonne blâaague.

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    1. Bien sûr que j'y vais hardcore, comment ne pas y aller hardcore ? Non mais sans blâaague, c'est un blog bien puissant que vous faites là bon Moine...et malgré nos divergences de fond, vous me voyez bien heureux de vous avoir déniché.

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  12. Je parie qu'il n'y que des..."hommes" pour participer à ce débat. Moi, ce que je vois aujourd'hui c'est surtout la différence entre des, qui continuent à se goinfrer et à palabrer, pendant que la planète, la Terre se meurent. Voilà où est la vraie différence. Et au final, Lacan n'aura été qu'un parmi d'autres a contribuer par sa soif d'argent frais à la destruction du vivant. Aujourd'hui, la vraie question est celle de l'urgence de la décroissance. Quand les psychanalystes et même ceux qui la critique n'auront plus une once d'essence à mettre dans leur foutues bagnoles, dans le chauffage de leurs foutus appartements (parisiens de préférence) alors peut-être on pourra commencer à parler de choses sérieuses...
    De la part d'une qui vit bien en-deça du seuil de pauvreté, mais qui ne s'estime pas riche pour autant...

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