dimanche 10 novembre 2013

L'abolitionnisme, par les putes mêmes !


Grand concours de bêtise, de lâchetés, et de tartufferies éditoriales en tout genre, ces derniers temps, autour de la soi-disant "abolition" programmée de la prostitution en France. Le féminisme traverse assurément une jolie période de misère - la plus critique, peut-être, de son histoire - lorsqu'on ne trouve plus guère pour défendre les putes, défendre leur sécurité et leur vie (qui sera évidemment, quoi qu'on puisse déblatérer, dramatiquement bien plus menacée après le triomphe prévu de la loi socialisto-UMP) que les imbéciles réactionnaires et branchés du torchon Causeur, cependant que se coalisent pour les enfoncer, les réformer, les redresser orthopédiquement, avec un amour et une sollicitude dignes des pires infirmières de bagnes psychiatriques milosformaniens, une coalition effrayante regroupant les rivaux imbéciles de Causeur (les imbéciles du journal Causette), la gauche institutionnelle et comptable, épaulée de toute la canaille gauchisto-religieuse (NPA et consorts) attachée, selon ses termes hypocrites, à la dignité éternelle des femmes. Et que dire du traitement reçu, sur Indymédia, par le droit de réponse de Morgane Merteuil à l'odieux article intitulé Contre le STRASS et son monde
La société civile, elle, comme disent les cons, se cache, se planque, fait la maligne, philosophe avec ou sans qualités. On n'en attendait pas moins de sa part. Elle continuera à aller aux putes, sans se faire gauler, tout cela n'étant point son souci, elle qui daignera nous expliquer, à la rigueur, cyniquement, sans énervement ni courage, que la défense des putes ne saurait être un combat valable. Les intellectuels, en cette affaire, à quelques exceptions près, sont des merdes. Pour la crétine Dominique Simonet, ayant signé récemment une tribune ridicule dans Le Monde (de laquelle il ressort que ses propres fantasmes - élevés - pourraient en somme servir d'exemple massif, d'étalon, à la pratique sexuelle modérée, citoyenne et idéale de demain), son ineptie ne saurait trouver d'équivalence que dans les incroyables propos dont la rapporteuse (cela ne s'invente pas) socialiste du prochain projet abolitionniste (une certaine Maud Ollivier) se rend coupable tous les jours, ou presque. Voilà des féministes qui chient, sans la connaître, bien entendu, le moins du monde, sur la psychanalyse, qui remettent en cause le primat des pulsions, et rêvent d'une bienséance sexuelle imposée à tous par cette société future dont ils/elles indiquent la direction glorieuse. Le féminisme dominant d'aujourd'hui est anti-pute, anti-sexe, normatif jusqu'à la fureur. Il est froussard, ignorant, en un horrible mot : bourgeois. La vile marchandisation des corps qu'il flétrit depuis ses chaires idéologiques pitoyables, croyez-vous donc qu'il l'attaquerait avec la même sainte colère lorsque ses amis gouvernementaux rivent, en un tournemain parlementaire, quelques années de plus les ouvrières de ce pays aux chaînes de leurs métiers puants, leur abîmant les mains, le dos, tout le corps et l'âme ?
Non, évidemment.
Les putes, ici, ne pourront compter, comme tous les prolétaires, que sur leurs propres forces.
Et sur notre affection profonde.
Ce qui leur fera une belle jambe.

" A force de nous entendre dire sans arrêt que nous ne sommes que des marchandises, des corps qui se vendent, que nous ne nous respectons pas, que, naturellement, nous aurions été violées dans notre enfance, qu'il faut nous réinsérer, que nous portons atteinte à notre dignité, à notre santé psychique, les personnes abolitionnistes ont fini, par excès de systématisme, par briser des vies. L'abolitionnisme est une forme de maltraitance théorique. 
Nous ne serions donc acceptables que malheureuses afin de confirmer l'image que l'on veut donner de nous.
Mais que l'une d'entre nous se rebelle et revendique la liberté de se prostituer, de disposer librement de son corps, suivant pourtant en ceci une démarche féministe, elle sera de suite étiquetée : non représentative, égoïste, salope nymphomane forcément perturbée, en passe de légitimer les viols et qu'il faut donc punir. Tu n'es pas malheureuse ? Tu ne veux pas te réinsérer ? Contrôle fiscal, retrait de la garde des enfants, amendes et PV, humiliations, harcèlement policier, expulsions. Ni retraite, ni sécu, aucun droit.
Comme si cela ne suffisait pas, les abolitionnistes veulent maintenant la pénalisation de nos clients. Ou comment entraver la liberté sexuelle. Comment faire chier des adultes consentants. Comment décréter à tout prix comme violence ce qui ne l'est pas. Ils devraient pourtant savoir que réprimer les clients revient à pénaliser les prostituées, qui pour protéger une clientèle qu'on n'abolira pas d'un trait de plume seront obligées de se cacher.
Personne n'oblige pourtant les abolitionnistes à nous imiter, si elles ne veulent pas se prostituer. Et ce n'est pas parce qu'elles ne parviennent pas à baiser en dehors du couple, avec des inconnus, nombreux, sans désir, et parfois sans plaisir, juste par intérêt, que nous devrions subir la même vie sexuelle qu'eux."

Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser, Fières d'être putes (L'Altiplano).


5 commentaires:

  1. merci beaucoup pour tout ça

    je glisse au passage ce beau moment de grisélidis réal

    1/ http://www.youtube.com/watch?v=EclDtIZexmY
    2/ http://www.youtube.com/watch?v=_7Zx613GKHQ

    buvons-le bien

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  2. Ce métier intrigue toujours beaucoup, mais cependant réservé aux femmes... ;-)

    Je dois travailler et du coup me prostitue, est-ce pourquoi je devrais en être fière!!! et j'aime souvent mon travail :-)je ne parle pas de mon administration :-(

    Ceci dit, j'ai visionné les vidéos proposées par Tampaxromana, selon moi, "du" à en prendre et en laisser... combien est-elle Grisélidis, sur des mille voire plus à s'exprimer et surtout à choisir ses mots....

    Cependant j'ai apprécié, car hormis les féministes militantes, faisant partie d'associations qui œuvraient pour "un meilleur" ( protections ...),j'ai souvent eu impression que ces dames féministes désiraient plutôt un phallus et n'avaient pas la sexualité qu'elles désiraient...ou que leurs hommes" y pouvaient pas".

    Je suis fière d'être une femme et d'apprécier mes différences avec l'homme.

    Max



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  3. Où diable avez-vous donc été pêcher, Max, que ce métier "fascinant" était réservé aux femmes ?
    Par ailleurs, n'oublions pas ce gigantesque phénomène prostitutionnel officiel - et encouragé - qu'on nomme "mariage". Marx et son copain patron Engels ont en leur temps proféré là-dessus quelques analyses décisives. Le coup de l'infirmière qui se maque avec le chirurgien, cela c'est bon pour les roman-photos (dont le caractère de classe, refoulé, est indéniable). La réalité triviale - abolition des putes ou pas - c'est que les riches vont aux riches, les pauvres échouent aux pauvres, et que chaque code symbolique annexe aspire, de même, son extrême semblable jusqu'à plus soif. Le chacun trouvant sa chacune, ce chacun-là se trouve à son tour immanquablement déterminé par l'appartenance moutonnière, le plus cocasse de l'affaire, évidemment, étant que cette histoire de pure "intériorité", de pure "liberté" de l'amour soit une faribole proprement bourgeoise. Il était autrefois certaines traditions (et il demeure, spatialement, certaines cultures) ne s'offusquant nullement de la quantification de l'amour, de l'estimation quantifiée - au moyen d'étalons divers - de son "intensité" véritable (et sociale). Les gens devraient relire Simmel, de temps à autre : sa "philosophie de l'amour", par exemple. Au fond, il ne sera jamais de vraie liberté amoureuse qu'après la destruction de la tartufferie sociale ambiante, excitant l'univers au moyen de son Droit chéri, puis décevant inlassablement toutes ses splendides promesses de grandeur "intérieure", dont moult milliards d'imbéciles persistent de lui savoir gré, sur cette planète ridicule.

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  4. Une précision, encore, sous forme d'une réponse claire et nette de Morgane Merteuil aux mufles de chez la mère Lévy (allez voir aussi sur le site du STRASS) :

    " Il fallait s’y attendre, la médiocrité des débats sur le travail sexuel, savamment entretenue par celles et ceux qui n’ont aucun intérêt à ce que les véritables enjeux de celui-ci soient abordés, ne pouvait que nous mener à l’abjection. Après l’article de Causette et ses 55 bonnes raisons de ne pas aller aux putes, c’est Causeur qui prend le relai avec son manifeste des 343 clients.
    Abjecte, la référence au manifeste des 343 salopes : lorsqu’en 1971, 343 femmes ont pris la parole pour dire qu’elles avaient avorté, elle défiaient alors les lois et l’ordre moral ; elles annonçaient que malgré les risques qu’elles prenaient, rien ni personne ne les empêcherait de disposer de leur corps. Et les risques étaient grands, alors, non seulement en termes de stigmatisation, de répression pénale, mais surtout, parce qu’en avortant dans des conditions clandestines, c’est leur vie que ces femmes risquaient. Beaucoup l’ont perdu, d’ailleurs, et continuent de la perdre aujourd’hui, faute d’accès légal à l’IVG. Que risquent ces 343 clients aujourd’hui ? RIEN. Et ne venez pas nous parler des peines inscrites dans la loi, qui ne seront appliquées au mieux que 3 fois pour l’exemple, car elles n’ont en réalité d’autres buts que de forcer les putes à toujours plus se cacher.
    Abjecte, votre refus de reconnaître vos privilèges, et votre discours anti-féministe qui voudrait nous faire croire que vous êtes les pauvres victimes des progrès féministes : alors que vous défendez votre liberté à nous baiser, nous en sommes à défendre notre droit à ne pas crever. La pénalisation des clients, en ce qu’elles condamne de nombreuses femmes à toujours plus de clandestinité, n’est certainement pas un progrès féministe, et c’est à ce titre qu’en tant que putes nous nous y opposons. Car c’est bien nous putes, qui sommes stigmatisées et insultées au quotidien parce que vendre des services sexuels n’est pas considéré comme une manière « digne » de survivre. Nous, putes, qui subissons chaque jour les effets de la répression. Nous, putes, qui prenons des risques pour notre vie, en tant que clandestines dans cette société qui ne pense qu’à nous abolir. Alors n’inversez pas les rôles, et cessez donc de vous poser en victime, quand votre possibilité d’être clients n’est qu’une preuve du pouvoir économique et symbolique dont vous disposez dans cette société patriarcale et capitaliste.
    Abjecte, enfin, mais dans uns style qui n’a rien à envier aux abolitionnistes que vous prétendez combattre, votre paternalisme, lorsque vous énoncez « touche pas à ma pute » : nous ne sommes les putes de personne, et encore moins les vôtres.

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  5. Ravie de lire un tel billet. En tant que petite fille de putain, j'ai beaucoup d'affection pour ces dames, aussi. (et puis Causette est ennuyeux)

    c.l

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