lundi 3 octobre 2016

Jacques Noël


Jacques Noël a claboté.
On a traîné, là, nous. 
Jeunes.
C'était dans le monde d'avant. Le nôtre.
Qui n'était pas le nôtre, déjà, comme monde : il ne s'agit pas de dire, abstraitement, que c'était mieux, avant : que ce monde était davantage le nôtre. C'est la grande erreur des réactionnaires dogmatiques, cela. Mais les autres nous font tellement chier, aussi, faut dire. Ce n'était pas mieux avant, qu'ils disent, les autres. Pour sûr, Arthur. Ce n'était pas mieux avant. On ne critiquait pas mieux ce monde, paraît-il. Les gens n'étaient pas plus nombreux à le faire, qu'ils disent (ni surtout : plus nombreux en tant que moins riches et soi-disant inéduqués, à le critiquer spontanément). Ouais ? 
Et puis avant : on ne mangeait pas mieux, l'air n'était - partout - pas moins pollué, on ne se logeait pas pour moins cher au centre-ville de n'importe quel hyper-monde central, etc. Ouais ? 
Et puis en plus, last but not least - c'est bien la preuve ultime que c'était pas mieux, avant : imagine : on n'avait même pas accès gratos à la 4G presque partout en France, ou à des liseuses Amazon pour lire Marcel Proust, ou James Joyce, ou André Breton.
On allait traîner au Regard Moderne, chez Jacques Noël.
Pas pour acheter, d'ailleurs, toujours, faut bien avouer.
Quoi qu'il en soit, c'est bien fini, tout ça.
Dieu merci.


8 commentaires:

  1. S'agit-il d'une librairie rue Git-le-cœur, siouplait ?

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  2. Fatalitas !
    Déjà, la disparition de celle de la rue Dauphine nous avait fait prendre un coup de noir.

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  3. Hé ouais, dix ans après Pierre Sias d'Actualités, c'est l'indispensable Jacques qui passe l'arme à gauche, une autre bibliothèque d'Alexandrie qui part en fumée.
    Je ne l'ai appris que vendredi.
    Avant Un regard moderne, c'était Les yeux fertiles<, rue Danton, qu'il avait ouvert dans les années 70 avec deux comparses.
    Mais vous êtes trop jeune pour avoir connu ce monde d'avant-là…

    Il m'avait fait l'honneur de passer un jour à Entropie (et, incroyable, d'acheter des bouquins !) : je lui avais avoué sans fard que c'était notamment grâce à lui, à la passion qu'il m'avait transmise, que je me retrouvais à tenir ce bouclard…

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  4. À propos de "Fatalitas !", l'ami Chéri-Bibi s'est fendu d'un très bel hommage.

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  5. Bien le bonjour à toi, bougre de moine, je n'ai vraiment pas l'intention de faire un hommage post-mortem à ce cher Jacques,ne l'ayant pas connu,mais plus à ce que le lascar représentait, lui et les différentes librairies qu'il a géré, car si je ne me trompe pas, il n'était pas propriétaire du Regard moderne, mais il en était le "gérant artistique"celui qui faisait vivre le lieu en tous cas. J'ai connu "Les yeux fertiles" vers le bvd St michel dans les années 86-87 au cours d'un voyage scolaire pour visiter les musés parisiens(on arrivait de Clermont Ferrand, les gros ploucs auvergnats!),la visite se terminait à beaubourg, et là on avait deux plombes de quartier libre avant le rencard au car. pendant ces deux heures, avec quelques potes on a foncé à New rose pécho des disques et des fanzines, puis trainé pour chercher une épicerie, et là on tombe sur cette librairie de ouf et on décide d'aller y faire un tour...J'y ai trouvé la version originale du Ringolevio de Emmet Grogan, un des dix bouquins qui ont chamboulé le jeune ado que j'étais, et qui m'ont quelque part construit, et j'ai gardé le souvenir de cette caverne littéraire comme celui d'une caverne d'ali baba: des fanzines à la pelle, des bazooka, des elles sont de sortie, tous les grafzines européens de l'époque, des brochures situ, des bouquins d'art, de punk, de SM, de photos de guedin, du cul chelou, un truc de fou!!! et puis tous ces livres, qui peu à peu se sont tellement développé et reproduit qu'ils ont fini par tout envahir, du coup, nouveau lieu rue gites-le coeur, et quelques années aprés, c'est encore pire mon poto! Bon j'vais pas te mentir, j'y ai volé plutôt plus que pas beaucoup, en faisant gaffe quand même à ne pas prendre ni zine ni autoproduction, mais c'est vrai qu'il y avait des trucs que tu ne trouvais nul-part ailleurs, et quand ça coute 50 euros, ben...Et je savais qu'il savait, y avait comme une sorte de contrat moral quand on croisait nos regards: je pense qu'il savait que je savais qu'il savait, il matait d'un oeil discret, un autre sur un quelconque bouquin mais tant que je volais des choses de gouts, et pas en trop grosse quantité, j'avais droit à mon "au revoir, à bientôt", une fois sur trois disons. Ca ne t'incite pas à abuser...En tous cas, un putain de lieu, et de personnage, qui finalement m'accompagnait sans le savoir depuis presque 30 ans, et dont la disparition va faire un nouveau vide dans ce triste paname qui crève à petit feu...Repose en guerre Jacques , et bonne lectures...

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  6. après une sympathique discussion avec l'ami Vincent, ex-tenancier de la librairie, nous sommes tombé d'accord sur le fait qu'appeler Jacques "gestionnaire", même artistique, ne lui aurait pas vraiment plu, et il est vrai que c'est un gros mot qui n'a rien à faire ici! Donc, pour remettre les choses en place, dans le désordre que nous adorons, le terme qui convient le mieux au monsieur est celui de passeur. Passeur qu'il fut, pendant des années, et pas des moindres, et il le fut bonnement, motivé par tout sauf par ce foutu désir de bénéfices qui fait tourner de plus en plus libraires et écrivains. Donc, acte, je retire ce triste mot, et verse à nouveau une larme dans mon verre de vin en souvenir de tous ces moments passés avec nos amis morts de plus en plus nombreux ces derniers temps flippants, mais, hey! que voulez-vous?! combattre ce monde et ses complices n'a jamais fait de longues et paisibles vies! Et c'est tant mieux! Vivons, foutre dieux, vivons, et crevons la tête haute, dédicace à N'dréa... Elga,aka Ruine.

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  7. Salut à vous. Un baiser sur les ruines.

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