samedi 13 août 2016

Dieu caché

(Un dieu s'est caché dans l'image ci-dessus. Sauras-tu le retrouver ?)

« Et ce même rationalisme qui ne connaîtra - à la limite - sur le plan humain que des individus isolés pour lesquels les autres hommes sont des objets de leur pensée et de leur action, ne fera pas moins subir la même transformation au monde physique. Sur le plan humain, il avait détruit la représentation même de la communauté en la remplaçant par celle d'une somme illimitée d'individus raisonnables, égaux et interchangeables ; sur le plan physique, il détruit l'idée d'univers ordonné, la remplaçant par celle d'un espace indéfini sans limites, ni qualités, et dont les parties sont rigoureusement identiques et interchangeables. Dans l'espace aristotélicien, comme dans la communauté thomiste, les choses avaient leur lieu propre qu'elles s'efforçaient de rejoindre, les corps lourds tombaient pour arriver au centre de la Terre, les corps légers montaient parce que leur lieu naturel se trouvait en haut. L'espace parlait, il jugeait les choses, leur donnait des directives, les orientait, comme la communauté humaine jugeait et orientait les hommes, et le langage de l'un et de l'autre n'était au fond que le langage de Dieu. Le rationalisme cartésien avait transformé le monde, "la physique des idées claires dissipe toutes ces âmes animales, puissances, principes, etc, dont les scolastiques avaient peuplé la nature : le mécanisme se présente comme une conquête à la fois intellectuelle et industrielle du monde : au savant, il apporte un univers intelligible, à l'artisan un univers soumis." (H. Gouhier).
Hommes et choses devenaient de simples instruments, objets de pensée ou d'action de l'individu rationnel et raisonnable. Le résultat fut que les hommes, la nature physique et l'espace, abaissés au niveau d'objets, se comportaient comme tels : ils restaient muets devant les grands problèmes de la vie humaine. 
Privé de l'univers physique et de la communauté humaine, ses seuls organes de communication avec l'homme, Dieu, qui ne pouvait plus lui parler, avait quitté le monde. Dans la perspective rationaliste, cette transformation n'avait rien de grave ni d'inquiétant. L'homme de Descartes et de Corneille, comme celui des empiristes d'ailleurs, n'avait besoin d'aucun secours et d'aucun guide extérieur. Il n'aurait su qu'en faire. Le rationaliste voulait bien voir en Dieu l'auteur des "vérités éternelles", qui avait créé le monde et le maintenait à l'existence, lui reconnaître même une possibilité théorique de faire des miracles, pourvu que ce Dieu ne se mêlât point des règles de son comportement et surtout ne s'avisât pas de mettre en doute la valeur de la raison et cela aussi bien sur le plan de son comportement pratique que sur celui de la compréhension du monde extérieur, physique ou humain. À ce Dieu, Voltaire lui-même allait un jour bâtir une chapelle. » 

(Lucien Goldmann, Le dieu caché)







4 commentaires:

  1. Citer Goldmann, c'est quand même classe, Moine bleu !
    Surtout "Le Dieu caché".

    Mais est-ce que la seule question qui vaille, là, de nos jours, cet été, ce ne serait pas plutôt "comment sortir d'un trou noir ?" http://www.lemonde.fr/cosmos/video/2016/08/12/peut-on-sortir-d-un-trou-noir_4982011_1650695.html

    Bien que, loin de nous, évidemment, l'idée de faire de la pub pour Le Monde.

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  2. Lucien, Jean-jacques ou Pierre, on aura hésité.
    Pour le trou noir, on vous renvoie à une réplique rigolote (assez - rigolote - bien qu'on la voie venir à dix kilomètres) dans "Deconstructing Harry", avec une péripatéticienne.

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  3. L'idée, puisqu'on est chez ce dieu-là, c'est : Take the Money and Run... and nothing else.
    On ne voit plus les films de W.A. que rarement, depuis ce temps-là, où il était encore frais.
    Sinon, c'est Lulu le plus chic.
    Pierre, son fantôme rôde encore à Amiens autour du Palais de justice.
    Quant à Jean-Jacques, il semble qu'il ait dû laisser la place de"préféré des Français". Cruelle défaite ! Vae victis !

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  4. Cher moine, je ne connaissais point ce texte de Goldmann, il est vrai qu'il est magnifique, merci donc à lui et à vous.

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