Comment se fait-il qu'on ne s'exprime souvent jamais plus authentiquement, en matière de littérature ou de philosophie, qu'en commentant l'oeuvre d'un autre ? Autrement dit, pourquoi et comment la critique littéraire extérieure fournit-elle, pour nombre de critiques eux-mêmes, la meilleure clé d'accès à leur plus profonde intimité ? Nous avons là-dessus un point de vue, volontiers subjectiviste, si l'on entend par là une tendance à croire possible une vaste fusion subjective des intérêts, désirs et représentations humains à l'aune d'un certain principe - rationnel - d'identité, lequel n'équivaut point pour nous de manière nécessaire, pour jouer sur les mots, à un assujettissement, à une perte obligatoire de liberté individuelle au bénéfice de quelque terrifiant grand-Même. En tant, de fait, que marxistes extrêmement vulgaires et orthodoxes, nous considérons clairement, sur ces questions, comme notre ennemie principale l'idéologie déconstructrice dominante : en particulier celle soutenant fanatiquement, matin, midi et soir, la Différence (la différance derridienne) à l'encontre d'une telle croyance politique en ce genre d'unité finale sujet-objet : la coïncidence, finalement arrachée par l'homme, à une identité non-mutilée, à la faveur du communisme. Vieilles lunes, nous direz-vous, que tout cela. Certes. Mais c'est qu'il nous tombe ces jours-ci entre les mains un très précieux et exaltant ouvrage - aujourd'hui bien oublié - de Jean-Pierre Richard consacré à Mallarmé, ouvrage dont les critiques caractéristiques qu'il a suscitées au temps de sa publication, essentiellement sur cette question d'une confluence vers le même (à travers, en l'espèce, la notion défendue de thème poétique) fournissent un exemple adéquat de la vigueur, persistante dans la France d'aujourd'hui (où la déconstruction règne depuis quatre décennies, que ce soit dans la majeure partie du gauchisme ou dans l'université bourgeoise, la seconde fournissant la pouponnière, puis la retraite dorée évidentes du premier), de ce type d'affrontement conceptuel. Le même, donc, la possibilité d'un certain commun, d'un côté, contre la Différence absolue, de l'autre, antédiluvienne chimère, pourtant, libérale et individualiste, simplement remise au goût du jour.
Mais présentons d'abord, si vous le voulez bien, les protagonistes de l'affaire.
Mallarmé
Le
Thème richardien.
Durant
les années 1950-60, en France, les divers travaux d'interprétation
littéraire
de Jean-Pierre Richard contribuent à établir, progressivement, de
manière paradigmatique, les cadres du problème philosophique
d'un rapport du sujet - ou d'une trace du sujet - à l'être et à la
possibilité même du langage. La publication, en 1961, du livre
L'univers imaginaire de Mallarmé
constitue sans doute, au sein d'un tel processus, une espèce d'acmé,
le moment de cristallisation d'une dominante
thématique.
L'ouvrage
rencontre très vite sa réaction, sa série d'effets
et de répliques vis-à-vis de laquelle Michel Foucault note
simplement et sobrement, quelques années plus tard, que " le voici solidaire." 1
Presque simultanément, Gilles Deleuze oppose ainsi violemment, dans
son Nietzsche et la philosophie,
deux jeteurs de dés selon lui inconciliables : un Zarathoustra
défenseur du chaos et du hasard, d'un côté, un Mallarmé
nihiliste, de l'autre, métaphysicien honteux, et adepte de la
profondeur platonicienne.
Richard est précisément l'interprète de
cette profondeur
poétique2 suspecte à Deleuze, et à la tentation de laquelle ses adversaires
l'accusent de ne pas être resté insensible.3
Le
projet récurrent de Richard pourrait - à le définir en termes
freudiens - être dit un projet de liaison,
visant à ramasser telle prolifération lexicale primaire sensible
chez un poète, ou un littérateur, en une perspective sémantique,
indiscutablement synthétique ou totalisante4,
accompagnant toujours, de manière diffuse, la dissémination
signifiante. Ce que l'on nomme le thématisme
de Richard se trouve toujours présent comme soubassement, puissance
pélagique d'ordonnancement d'un chaos littéraire personnel, le
désordre de l'oeuvre rejoignant celui, intérieur, de l'auteur, de
son existence même, de son existence minuscule
plutôt que psychologique-biographique (celle regroupant les traces
infimes et marginales de ses oeuvres non-abouties, papiers, notes,
etc, bref : tout cet appareil à la fécondité encore largement
étrange pour l'époque, dont Foucault désigne la promesse critique
qu'elle représente sous l'expression " fonds de langage
stagnant ").5
Mallarmé, pour Richard (comme, de manière symétriquement
polémique, pour le premier Deleuze) serait alors pleinement
intelligible comme faisceau exemplaire,
comme Je6,
sa détestation de la matière multiple trouvant une issue dans son
élévation à l'ordre, nécessairement fulgurant et transitoire,
certes (Richard emploie les termes de vaporisation, d'éventement, d'"effulgences"...) de l'unité thématique. Au moyen d'un
certain nombre (gigantesque, donc forcément limité)
de thèmes et d'images-clés revenant régulièrement, en indiquant
aux signifiants une manière de cap (tous azimuts), Mallarmé
rendrait possible non seulement l'aperception de son mystère
personnel (ce "Je" lié), mais aussi celui de cette
capacité, gisant dans l'herméneutique littéraire, de produire
chez le critique (chez le lecteur) un écho
altérant, plutôt que désaltérant,
de l'oeuvre étudiée. Ce qui transparaît chez Richard lisant
Mallarmé relève, en effet, ni plus ni moins de la recréation d'une
oeuvre, le surgissement de nouveau via le regard posé sur un donné,
la constitution active d'un lecteur par sa lecture, de fait ordonnée
selon ses propres (pré)supposés.
De même, on le sait, Mallarmé entendait procéder par invention
d'un langage neuf dessus la ruine du mot de journal,
ou " de pure acceptation (comme chez les bavards et les hommes
quotidiens)." 7
Cette
unité de l'oeuvre demeure, donc, virtuelle et fulgurante en acte.
Son appréhension est explicitement dialectique, toute cohérence s'y
faisant jour se trouvant aussitôt dissoute dans la présentation
d'un cortège presque
infini d'images, de métaphores, de polysémies. Le thématisme de
Richard entend bien, néanmoins, opposer à cette dissémination
sémique une réconciliation ou, selon ses propres termes, un
équilibrage du même : " Comment la force, la dérive, la
déliaison désirante et déchirante du sauvage
peuvent-elles se conjoindre aussi à des formes fixes, limitées,
équilibrées, réconciliées en somme, tout en continuant cependant
à y faire sentir - car sans cela ce serait ennui, léthargie ou
simple conformisme - l'écho, le rythme de leur battement incoercible
? " 8
D'où le recours mallarméen à une poignée d'images ou d'archétypes
(le blanc, l'éventail, etc) ouvrant un flux de correspondances -
bien trop timide, comme nous le verrons, pour les tenants futurs de
la déconstruction (lesquels estimeront en substance que le
thématisme richardien en dit soit trop
soit rien, s'effondrant ainsi, comme
concept, en quelque sorte dès la naissance). Richard affirme, chez
Mallarmé, une tendance à la recherche perpétuelle d'une harmonie
supérieure réconciliant, dans le langage et à l'aune du bonheur
d'existence (extra-littéraire, donc) tout un ensemble de termes, de
signifiants affrontés. Le conflit, la différence,
l'incompréhensible prennent fin, pour ainsi dire. Richard ambitionne
("rêve", dit Foucault 9)
d'instituer "entre toutes les oeuvres particulières et tous
les registres - sérieux, tragique, métaphysique, précieux,
amoureux, esthétique, idéologique, frivole - de cette oeuvre, une
relation d'ensemble qui les oblige à mutuellement s'éclairer".10
Le Mallarmé de Richard sera "lui-même, de cette oeuvre nécessairement fragmentaire, le point virtuel d'unité." 11
Le Mallarmé de Richard sera "lui-même, de cette oeuvre nécessairement fragmentaire, le point virtuel d'unité." 11
Cette
quête richardienne d'unité paraît évidemment beaucoup devoir à
Hegel. Mallarmé,
déjà, semble avoir manifesté vis-à-vis de Hegel de l'intérêt,
du moins vis-à-vis de sa Logique,
seul ouvrage disponible à son époque, dans la traduction française
de Vera.12
Et au moment de la publication de L'univers
imaginaire de Mallarmé, cet
hégélianisme mallarméen est plus que supposé chez maints
interprètes, au point de provoquer des débats largement concentrés
sur ce point. À un Gardner Davies, par exemple, proposant, en 195513,
de lire le Coup de dés
comme la parabole d'une sortie nécessaire, d'un auto-mouvement hors
la positivité vide - suivi d'un retour à soi - de l'Idée : en
d'autres termes, comme dévoilement
poétique de ce procès de
manifestation (ou phénoménologique), s'oppose Jean Hyppolite qui,
s'il estime fondé le rapprochement du Coup
de dés et de la Logique
de Hegel, précise immédiatement qu'il
s'agirait, alors, d'une Logique
"devenue sa propre mise en question." 14
Le Coup de dés
procéderait davantage, selon lui, de l'expression d'un échec
structurel, aux yeux du poète, de toute communication et tentive de
construction d'identité, ou de totalité, par le langage lui-même.
Il est vrai que nous avons bien affaire, dans ce poème, à un
naufrage absolu.
Reste
qu'en ce projet critique dialectique, Richard n'est alors pas isolé,
loin s'en faut. Ce qui distingue, cependant, son hégélianisme de
celui d'un Davies ou, plus tard, d'un Georges Poulet, réside
assurément dans cette empathie critique propre à Richard, aux
termes de laquelle la totalité réconciliée, découverte chez tel
auteur étudié (Mallarmé, en l'espèce, mais aussi chez Baudelaire
ou Céline, ayant pourtant, eux, manifestement
fui comme la peste toute perspective de
"réconciliation"), se présente au fond comme
co-construction d'un "Je" impassible et abstrait (celui,
aussi bien, du critique) relativement soustrait aux détermination et
médiations historiques. C'est ce que soupçonne liminairement
Foucault dans son article de 1964 : "De quoi Richard parle-t-il
au juste ? De Mallarmé. Mais voilà qui n'est pas absolument clair." 15
Richard lui-même se montrera là-dessus infiniment plus clair : "Je ne peux écrire, dit-il, c'est ma loi, qu'à partir de l'écriture
de l'autre, j'ai besoin de ce détour par l'altérité, même, et
surtout, peut-être, pour évoquer le plus personnel."16
Telle
est, donc, cette dimension échoïque profonde - à la fois
empathique et créatrice - de la critique richardienne : l'écho en
tant que fusion circulante du critique et de l'oeuvre critiquée.
Dans son analyse d'Enfances Narcisse de
Claire Nouvet, Jérémie Majorel note que cette dernière : "réhabilite la nymphe Écho, trop souvent négligée par les
commentateurs du mythe, même chez les plus pénétrants comme
Blanchot, qui la réduisent à un pur et simple son répétant de
l'extérieur la parole d'un autre. Claire Nouvet montre au contraire
qu'Écho altère la parole de l'autre qu'elle itère. Elle est source
d'altération plus que de désaltération. La nymphe détourne
insidieusement les paroles de Narcisse pour y immiscer l'expression
de son propre désir : elle change leur intonation, joue sur
l'amphibologie de certains termes, tronque des morceaux de phrases,
en accompagne certaines de gestes évocateurs... Si Hermès est le
patron de l'herméneutique, Theuth le dieu tutélaire de la
déconstruction, la nymphe Écho pourrait être le double mythique de
la critique thématique." 17
En
sorte que ce narcissisme-échoïque richardien insisterait davantage,
dans le procès d'Aufhebung18fondant explicitement son projet critique, sur le moment identifiant
du thème plutôt que sur le moment différenciant du signe. Ce que
Georges Poulet reproche, au nom de Hegel même19,
à Richard (coupable d'une "empathie critique" jugée
chez lui trop vive vis-à-vis de Mallarmé), d'autres, à commencer
par Derrida, le mettront au compte du principe thématique
"objectif" lui-même, principe alors désigné comme
génétiquement idéologique et - ce qui revient au même -
conservateur. C'est, pour Derrida, l'Aufhebung
hégélienne tout entière qui se révèle impossible, chez Richard
comme partout ailleurs.20
Jacques dérida.
Paraît-il.
La
Différance derridienne.
Cette
impossibilité hégélienne de l'identité est en effet étendue par
Derrida à la pensée structurale, le thématisme de Jean-Pierre
Richard participant de l'une et de l'autre. Et via sa critique serrée
exercée contre cette manière d'arraisonnement de l'oeuvre
mallarméenne opéré par Richard, c'est à toute conception tentée
de réduire chaque signifiant de langage à un contenu signifié, à
une présentation actuelle de sens satisfaisante que Derrida
s'oppose.
Dans
la perspective structurale saussurienne qu'adopte Richard, la valeur
revêtue par chaque signifiant est une valeur de réciprocité
fondamentale. Tel mot n'acquiert sa légitimité, au sein d'une
structure de langage, que dans la différence nécessaire, la nuance
particulière du rapport qu'il entretient vis-à-vis d'un autre mot,
issu d'un même champ de signification. Le terme de nouvelle,
par exemple, se trouvera défini dans le rapport de différence qu'il
entretient génétiquement à celui d'information.
Derrida juge en quelque sorte
insuffisante cette différenciation structurale fondamentale, car
elle en vient malgré tout à admettre, pour lui, la prévalence d'un
contenu, tout nuancé et multiple soit-il reconnu, sur une présence
à ses yeux nécessairement évanescente, évanouissante, dudit
contenu, dont la solidité ou le maintien identitaire serait une
illusion, et l'être même ne pourrait être conçu que comme trace,
reflet ultime d'une seule vérité de passage. Admettre, en dernière
analyse, un signifié derrière
le signifiant, quelque précaution de réciprocité nécessaire que
prenne la pensée structurale, revient toujours à valider cette
hypothèse métaphysique, en l'espèce logocentriste
(phallogocentriste,
dit Derrida, insistant ainsi sur la dimension autoritaire et
dominatrice de cette tendance inconsciente) fondant la pensée
occidentale, et prétendant au fond assujettir la multiplicité de
l'être, sa capacité essentielle de différenciation radicale, à
une liaison (un ligotage, en l'espèce) de la différence par
l'identité. Le signifiant demeure sommé
de présenter un sens. Lorsque Richard postule, chez Mallarmé, une
structure poétique associant des lexèmes et les groupant en thèmes
suffisants, lesquels sont ainsi susceptibles, ne serait-ce qu'en
puissance, d'être identifiés, dénombrés relativement précisément,
lorsqu'il estime décisive, chez le poète, la volonté
réconciliatrice d'associer des éléments lexicaux pour produire un
tiers sens, nouveau, certes, mais désormais figé en cette
pseudo-nouveauté, il manque, selon Derrida, la vérité de
différance
du mot, qui, ainsi que l'indique ce A de la différance derridienne
demeure, irréductiblement, une vérité de report
: dans l'espace
lexical, d'abord (le rapport de dérobade perpétuel, infini par
dé-finition, en regard de chaque nuance infime portée par le terme
voisin), dans le temps,
surtout, lequel interdit de toute nécessité qu'un même sens reste
attaché à un même mot. L'expression
toujours nouvelle dans le temps de chaque mot contrecarre
génétiquement toute possibilité que lui corresponde un sens unique
adéquat. Or, c'est précisément, chez Richard, la répétition
mallarméenne de tel terme qui commande l'établissement progressif,
tâtonnant, d'un sens qui lui convienne. L'identité se voit issue de
la différence, elle finit par asseoir - sur elle - son triomphe. À
l'itération
revendiquée par Richard (lequel suit là les linguistes
structuralistes Greimas et Cortès)21,
à ce calage processuel et phénoménologique du sens, Derrida oppose
la notion d'itérabilité,
posant - à l'inverse - que c'est
justement dans la répétition d'un mot
que la différence radicale portée par le signifiant s'avère de la
manière la plus irrésistible. Là où, pour Richard, la cohérence
du texte mallarméen est à chercher dans l'itération ou
itérativité, "le long d'une chaîne syntagmatique, de
classèmes qui assure au discours énoncé son homogénéité"22
, l'itérabilité derridéenne " altère, elle parasite et
contamine ce qu'elle identifie et permet de répéter ; elle fait
qu'on veut dire (déjà, toujours, aussi) autre chose que ce qu'on
veut dire, on dit autre chose que ce qu'on dit et voudrait dire,
comprend autre chose que..., etc " 23.
Ce dont la linguistique structurale se trouve embarrassée, et qu'elle considère comme secondaire, soit l'excédent de sens nécessaire
porté par le signifiant au gré, notamment, des changements de
contexte auxquels se verra soumise l'émission d'un "même"
mot, Derrida le tient, lui, pour l'essentiel : cette inadéquation du
signifiant à quelque signifié figé que ce soit l'accompagne comme
son ombre. Son ombre ou encore son pli
: le dedans de son dehors, ce dernier terme offrant à Derrida
l'occasion d'un affrontement explicite avec le thème
de Richard. Que Mallarmé évoque dans sa poésie de manière
répétée, peut-être obsessionnelle, une aile d'oiseau, un
éventail, et maints autres objets et images susceptibles
d'accueillir en eux, en elles, cette idée
d'un pli, d'un déploiement dévoilant autant que dissimulant (un
visage derrière l'éventail), et c'est alors au nom de cette Idée
même, de cet acheminement nécessaire du signifiant vers l'Idée
(hégélienne, identitaire, itérative) que surgira le thème de
liaison richardienne. Pour Derrida, il serait aisé de démontrer que
cette notion de pli,
loin de rassembler des images à l'aune d'un
seul grand champ de signification métaphorique (celui, en
l'occurence, chez Mallarmé et selon Richard, d'intimité)
pourrait, à tout aussi bon droit renvoyer à "tout ce qui dans
le pli marque aussi la déhiscence, la dissémination, l'espacement,
la temporisation, etc"24.
L'association, de fait, d'un signifié à un signifiant procède
toujours d'une décision autoritaire, et arbitraire. La logique
thématique est vouée à s'auto-détruire : d'une part, elle
rassemble les signifiants en faisceaux de signification, jusqu'à
constituer des blocs métaphoriques homogènes jugés par elle
satisfaisants, d'autre part elle
s'arrête aussitôt qu'elle s'élance
tête baissée dans un tel projet de maîtrise et de domination du
multiple signifiant, puisque cette constitution nécessairement
limitée (non infinie) de blocs métaphoriques ne
peut apporter satisfaction. Derrida
n'est d'ailleurs pas sans reconnaître un certain mérite paradoxal,
une certaine dignité suicidaire, en quelque sorte, à cette
plasticité richardienne faisant glisser ainsi productivement, d'un
sème à l'autre, l'interprète de Mallarmé, selon une méthode
revendiquée et défendue.25
Le problème, c'est qu'un tel processus de glissement métaphorique
est, on l'a dit, virtuellement infini. Pourquoi s'arrêter, en effet,
à tel champ fermé : le blanc, le pli, l'azur, l'intimité, etc ?
Pourquoi enclore semblablement, comment délimiter de cette façon la
profusion métaphorique objectivement et perpétuellement à l'oeuvre
chez Mallarmé, et dissolvant par avance (différant)
tout sens établi, adéquat ? Derrida suit ici Nietzsche : si tout
est métaphore, plus rien ne l'est, les métaphores débarquant, par
définition, en désordre, en "cohues" incompréhensibles,
c'est-à-dire immaîtrisables.
Le signifiant ne peut jamais se voir limité dans un tel glissement
de différance
qui lui est consubstantiel. Telle est au fond la seule vérité qu'il
se puisse reconnaître : une vérité de dissémination. Et c'est
précisément au moyen de cette notion, donnant le titre à son
fameux ouvrage de 1972, que Derrida dispute à Richard le droit
d'enrôler Mallarmé dans sa trouble campagne
de sens : si Mallarmé est bien ce
poète subversif, délibérément radical, que Derrida aperçoit (et,
avec lui, les membres du groupe sollersien Tel
Quel s'intéressant également à lui),
c'est parce qu'il conserve sa liberté
inaliénable au signifiant, que chez
lui tout sens, toute hypothèse métaphysique de sens transcendantal
à accoler au signifiant, se trouve dynamitée,
avec la même violence - textuelle - qu'emploient à son époque les
anarchistes de la propagande par le fait (vis-à-vis desquels on sait
que Mallarmé sympathisait largement) à volatiliser le corps
effectif du bourgeois et de la société de classe. Ce dynamitage
passe évidemment par le paratextuel, quand l'interprétation
structuralo-hégélienne s'en tient, elle, pour commencer, dans son
projet métaphorique-unitaire, au mot déjà constitué, déjà
donné. Or, ce mot porte en lui-même, dès l'orée de sa
constitution, sa différance
avec les lettres
qui le constituent : leur diversité typographique, sans oublier les
blancs
séparant ou plutôt prolongeant celles-ci (des blancs tout autres
que ces simples blocs thématiques de blancheur identifiés par
Richard) en leur pouvoir marginal
(la marge du paragraphe, sa périphérie revenant ici constituer le
centre de commandement du processus dynamiteur différanciant,
disséminant
le sens en cette explosion colossale ininterrompue). Derrida écrit
ainsi, contre l'usage richardien dépréciatif du terme de
dissémination
(repris, selon lui coupablement, d'un passage des Mots
anglais de Mallarmé) : "La
dissémination de blancs (nous ne dirons pas de la blancheur) produit
une structure tropologique qui circule infiniment sur elle-même par
le supplément incessant d'un tour de trop : plus
de métaphore, plus
de métonymie. Tout devenant métaphorique, il n'y a plus de sens
propre et donc plus de métaphore. " 26 L'inquiétude, voire la haine ressentie par Mallarmé, selon Richard,
envers la matière, le hasard, le chaos, bref la liberté du mot
devant le sens ne peut résister, à supposer même qu'on en
reconnaisse la trace consciente dans
les écrits du poète, pour Derrida, à la puissance objective,
littéralement vertigineuse, de libération reposant dans le corpus
mallarméen (son Livre non-écrit
accueillant, seul, une identité, mais précisément une identité
sans lieu : l'identité comme utopie). Mallarmé ne saurait être
présenté comme cette sorte de "nihiliste" platonicien
ou hégélien fustigé par le premier Deleuze dans Nietzsche
et la philosophie (réaction
vigoureuse, selon toute probabilité, premier effet direct, comme
disait Foucault, dont le livre de Richard, publié l'année
précédente, dût être tenu solidaire).
Mallarmé n'est en effet " séparé de ce qu'il simule que par
un voile à peine perceptible, dont on peut tout aussi bien dire
qu'il passe déjà - inaperçu - entre le platonisme et lui-même,
entre le hégélianisme et lui-même. Entre le texte de Mallarmé et
lui-même. Il n'est donc pas simplement faux de dire que Mallarmé
est platonicien ou hégélien. Mais ce n'est surtout pas vrai."27 À moins qu'on entende par là ("platonicien") possible d'apercevoir
avec Platon,
de manière négative, la vérité négative de l'écriture, du
Biblios,
du Livre, en face d'un Logos
d'ordre et de contrôle maîtrisant
son sujet, fixant le savoir dans ses limites, dans son essence de
vérité fixe : par coeur, comme le dit le Phèdre.
La graphie pour elle-même, mallarméenne en l'espèce, représente
ainsi pour Derrida, en regard du discours de maîtrise et de sens,
cet espèce de remède-poison ambivalent, un "pharmakon"
: une substance anti-substantialisation, permettant de traiter la
coagulation du sens,
de restituer au signifiant son pouvoir de dissémination distributive
illimitée.28C'est bien un "déplacement
[souligné par nous] que nous nommons par convention "mallarméen" (La dissémination,
p. 235) que la déconstruction oppose à l'idéalisme du sens, comme
une position nietzschéenne thérapeutique, une position de santé,
fermement affirmée en face de la dégénéré-sens, de la maladie du
sens. La lecture de Julia Kristeva29
suggérerait, plus psychanalytiquement, qu'au rappel de Claudel,
présentant, lui, plutôt un Mallarmé avide de sens, toujours
soucieux de cette question en face des choses : " Qu'est-ce que
ça veut dire
? ", il conviendrait de répliquer alors par cette question
seconde différanciée
: "Qu'est-ce que ÇA
veut dire ?" : question absolument insoluble, en termes
freudiens, mais à laquelle Mallarmé répond, cependant, par
déplacements
incessants - pulsionnels - de signifiants. À la différence de la
linguistique structurale n'admettant toujours, en sa variante
thématique richardienne de critique littéraire, qu'un nombre limité
de blocs métaphoriques-signifiés, à la différence même de la
grammaire générative chomskyenne acceptant une masse toujours plus
gigantesque, presque
infinie donc déterminée,
d'embranchements et de connexions lexicales liant des termes malgré
tout donnés, malgré tout disponibles en une certaine quantité,
l'embranchement mallarméen, lui, excéderait
a priori toute limite contingentée de sens
possible, toute isotopie, du fait de l'anarchie mystérieuse,
irréductible, de sa disposition marginale
(le texte, les lettres, les blancs du Coup
de dés comme paradigme d'ouverture et
de fuite devant l'embranchement complexe standard). Telle serait
l'expérience-limite, intérieure (Blanchot) à laquelle inviterait
Mallarmé : une expérience de mort, à proprement parler, Mallarmé
usant des lettres écrites
comme d'un pur tombeau du sens, dont Derrida souligne assez, dans un
ouvrage éponyme, que le A de Différance
- évoquant la pyramide mortuaire - éclaire la pleine fonction
monumentale. Une expérience de mort frôlée, de perte de sens
recherchée, offrant, de fait, la possibilité d'un accueil libre,
non-instrumental de l'être. Guérir du platonisme, de la
philosophie, peut-être cela reviendrait-il, en effet, selon le terme
de Badiou s'opposant à Deleuze, à guérir
de la vérité, d'un contenu, d'un
signifié métaphysique glissé derrière
le sens. Ce serait donc bien guérir, tout de même. Et la fameuse
crise de Tournon, au cours de laquelle Mallarmé confie à son ami
Cazalis avoir manqué basculer définitivement dans la folie, se
solde bien, elle aussi, par une guérison, au sens d'un apaisement,
d'une capacité de puissance accrûe à vivre, au sein d'un monde
privé de sens. Villiers de l'Isle-Adam écouta un soir Mallarmé lui
lire, ainsi qu'à Judith Gautier et Catulle Mendès, Igitur,
l'esquisse préparatoire du Coup de dés.
Mendès craignit explicitement, et bruyamment, alors, pour la santé
mentale de son ami, en bon normopathe bourgeois qu'il était.
Villiers, quant à lui, écrivit plutôt un conte : l'Agrément
inattendu, qu'il dédia à Mallarmé,
et dont il fallut attendre longtemps qu'on l'interprétât
correctement, tant son intrigue et son objet jetaient de différance
au sein du recueil (les Histoires
insolites) dans lequel, en 1888, il se
trouva publié.
L'intrigue
? En plein été, un homme erre dans le midi, perdu, brûlé par le
soleil et la soif. Avisant une auberge, il s'y précipite. Là, un
étrange tenancier, moyennant quelques pièces soutirées, lui ouvre
le trésor hallucinant de son sous-sol. Dessous une trappe
dissimulée, notre voyageur découvre alors une grotte, insondable,
déchirée en ses ténébres infinies de traces lumineuses, de
reflets mouvants et tournoyants, renvoyés par des myriades de
stalactites, et la surface adamantine d'un lac souterrain, dans les
eaux rafraichissantes duquel le voyageur se baigne, s’y abandonnant
au plaisir thalassien, régressif et amniotique, dans l'extase. Tel
fut l'effet bénéfique, celui d'un tonique,
produit sur l'âme de Villiers par l'étrangeté même, la liberté
d'un texte (Igitur)
affranchi de tout sens et de ses sommations autoritaires :
"désensorcellé du concept", comme eût dit Adorno, lequel
partage sans doute avec la déconstruction, contre la maîtrise du
contenu, bon nombre d'aspects de sa soi-disant révolte anti-autoritaire.30
Reste ici au moins la question (évidemment évacuée par la déconstruction, mais posée par Adorno) de la possibilité d'une totalité non-dominatrice, d'une identité non-totalitaire, d'une dialectique négative. Foucault, étudiant le travail de Richard sur les métaphores dans L'univers imaginaire de Mallarmé, insiste sur l'importance des images du diamant et de la grotte. En ces descriptions de mouvements de lumière, saillis à la pointe de l'obscurité, ainsi qu'un diamant révèle, en tournant, des éclats aussitôt perdus, annulés dans le suivant, suivant l'orientation mobile de ses facettes, on peut déjà, selon nous, sans difficulté retrouver cette trace, cette nostalgie de trace d'une seule, une seule et même unique plénitude, indifférante et inattendue :
Reste ici au moins la question (évidemment évacuée par la déconstruction, mais posée par Adorno) de la possibilité d'une totalité non-dominatrice, d'une identité non-totalitaire, d'une dialectique négative. Foucault, étudiant le travail de Richard sur les métaphores dans L'univers imaginaire de Mallarmé, insiste sur l'importance des images du diamant et de la grotte. En ces descriptions de mouvements de lumière, saillis à la pointe de l'obscurité, ainsi qu'un diamant révèle, en tournant, des éclats aussitôt perdus, annulés dans le suivant, suivant l'orientation mobile de ses facettes, on peut déjà, selon nous, sans difficulté retrouver cette trace, cette nostalgie de trace d'une seule, une seule et même unique plénitude, indifférante et inattendue :
"
Ô subit panorama, tenant du rêve ! Je voyais se prolonger, -
presque à perte de vue, - au devant de moi, de très hautes voûtes
souterraines, aux stalactites scintillantes, aux profondeurs qui
renvoyaient, avec mille réfractions de diamants, en des jeux
merveilleux, les lueurs, devenues d'or, de la lanterne sourde : - et,
s'étendant à mes pieds, sous ces voûtes, une sorte de lac immense
d'un bleu très sombre, où ces mêmes lueurs tremblaient, illusions
d'étoiles ! - une eau claire, polie, dormante, à reflets d'acier,
où se réfléchissaient, démesurées, nos deux ombres. C'était
superbe et inattendu."31
***
Notes
1)
Michel Foucault, Le
Mallarmé de J.-P Richard,
in Annales,
19ème année, N. 5, 1964, pp. 996-1004.
2)
Rappelons le titre de son ouvrage de 1955 : Poésie
et profondeur.
3)
"On a reproché à Richard d'avoir été tenté par la
métaphore de la profondeur et d'avoir voulu surprendre au delà
d'un langage en fragments un "miroitement en dessous"
(op.
cit.
p. 997). Ici, c'est plutôt de la critique "anti-psychologisante" de Richard que Foucault se fait l'écho.
4)
Le sous-chapitre n° 7 du livre n° 8 (déjà baptisé L'Idée
!) de L'univers
imaginaire de Mallarmé
porte le titre sans équivoque suivant : Vers
une dialectique de la totalité.
5)
Op.
cit,
p. 997.
6)
Foucault emploie, pour qualifier le thème richardien la triple
expression de : "réseau manifeste du langage, forme constante
de l'imagination et muette obsession de l'existence" (op.
cit.,
p. 997). Richard se trouve ici défendu contre les accusations
symétriques de psychologisme biographique et d'insuffisance
structurale. Ce que Richard entend découvrir chez Mallarmé, ce
n'est ni une simple oeuvre littéraire, un simple agencement de
signifiants, ni un parcours d'existence particulier offrant, à lui
seul, quelque clé finale de l'oeuvre. Le projet thématique, projet
totalisant et fusionnel, consiste à montrer "un bloc de
langage immobile, conservé, gisant, destiné à être non pas
consommé mais illuminé, - et qui s'appelle Mallarmé"
(Ibid.,
p. 998). Or, c'est précisément cette immobilité
de bloc
qui fait problème.
7)
Ibid.,
p. 1004.
8)
J.-P. Richard, Pêle-mêle
(2010).
9)
Op.
cit,
p. 998-99.
10)
J.-P. Richard, L'univers
imaginaire de Mallarmé,
Seuil, 1961, p. 15.
11)
Foucault, op.
cit.,
p. 1000.
12)
Retenons ici, au passage, l'influence probable en cette affaire
(nous aurons à en reparler) de Villiers de l'Isle-Adam, grand ami
de Mallarmé, témoin de sa grave crise poétique de la fin des
années 1860, et dont le titre d'un des Contes
cruels
les plus admirables - Véra
- constitue probablement une référence crypto-hégélienne.
13)
Gardner Davies, Vers
une explication rationnelle du Coup de dés,
Corti.
14)
Jean Hyppolite, Le
Coup de dés et le message, Figures de la pensée philosophique,
PUF, p. 878
15)
Op.
cit.,
p. 996.
16)
Jean-Pierre Richard, Questions
et réponses. Propos recueillis par Yvan Leclerc,
in Littérature
n°164, décembre 2011, p. 103.
17) Jérémie Majorel, Échos
de Jean-pierre Richard,
recension de Littérature,
op. cit.,
p. 5.
18)
Notons tout de même cette nuance intéressante de Foucault
évoquant, chez Richard, plutôt que le goût du dépassement
conservatoire (Aufhebung),
autrement dit celui d'une totalité-résultat,
d'une totalité en bout de processus, une volonté de "rejoindre la région d'avant
[souligné par nous] toute séparation où le coup de dés lance
d'un même mouvement sur la page blanche, les lettres, les syllabes,
les phrases dispersées et le ruissellement chanceux de l'apparence". (Foucault, op.
cit,
p. 1002). Il n'est pas impensable que fluctuent ici, l'une dans
l'autre, les interprétations richardienne et mallarméenne de
Hegel, toutes deux volontiers idéalistes, voire intuitives
ou mystiques (comme chez Villiers) de l'identité. L'aspect
négativiste, radicalement différenciant du procès dialectique se
trouve là évacué (ce moment négativiste étant d'ailleurs
présenté par Hegel, rappelons-le, comme le moment spéculatif
par excellence, au regard du moment réconciliateur). Il est vrai
que c'est la Phénoménologie
de l'Esprit
(inaccessible à Mallarmé) qui consacre bien plus évidemment
que la Logique
cette puissance décisive de la différence. Quant à la Différance
derridienne, elle rejettera dans un même mouvement les identités
native
et dialectique
(voir ci-dessous notre note 20).
19)
Georges Poulet, La
conscience critique,
Corti, pp. 211-260.
20)
Tel est en effet "le mouvement de la différance (...) :
mouvement "productif" et conflictuel qu'aucune identité,
aucune unité, aucune simplicité originaire ne saurait précéder,
qu'aucune dialectique philosophique ne saurait relever..."
(Derrida insistant sur cette traduction du terme Aufheben,
in La
dissémination,
Seuil, 1972, p. 12).
21)
"L'itération des motifs" mallarméens implique "la rigueur du développement thématique." (J.-P. Richard,
L'univers
imaginaire de Mallarmé,
op.
cit.,
p. 22).
22)
Greimas, Courtés, Sémiotique.
Dictionnaire raisonné de la théorie du langage,
Hachette, 1979, p. 197.
23)
Derrida, Limited
Inc.,
Paris, Galilée, 1990, p. 120.
24)
Derrida, La
dissémination.
25)
"Le pli, donc, et le blanc : qui nous interdiront de chercher
un thème ou un sens total au-delà des instances textuelles dans un
imaginaire, une intentionnalité ou un vécu. Richard voit
dans le "blanc" et le "pli" des thèmes d'une plurivalence
particulièrement féconde ou exubérante. Ce qu'on ne voit pas,
dans l'abondance de son relevé, c'est que ces effets de texte sont
riches par une pauvreté, je dirais presque une monotonie très
singulière, très régulière aussi. On ne le voit pas parce qu'on
croit voir des thèmes au lieu où le non-thème, ce qui ne peut
devenir thème, cela même qui n'a pas de sens, se re-marque sans
cesse, c'est-à-dire disparaît." (La
dissémination,
op.
cit.,
pp. 282-283)
26)
Derrida, La
dissémination,
Seuil, 1972, p. 290.
27)
Ibid.,
p. 235.
28)
"Socrate compare à une drogue (pharmakon)
les textes écrits que Phèdre a apportés avec lui. Ce pharmakon,
cette
"médecine", ce philtre, à la fois remède et poison,
s'introduit déjà dans le corps du discours avec toute son
ambivalence. Ce charme, cette vertu de fascination, cette puissance
d'envoûtement peuvent être - tour à tour ou simultanément -
bénéfiques et maléfiques. Le pharmakon
serait une substance,
avec tout ce que ce mot pourra connoter, en fait de matière aux
vertus occultes, de profondeur cryptée refusant son ambivalence à
l'analyse, préparant déjà l'espace de l'alchimie, si nous ne
devions en venir plus loin à la reconnaître comme l'anti-substance
elle-même : ce qui résiste à tout philosophème, l'excédant
indéfiniment comme non-identité, non-essence, non-substance, et
lui fournissant par là même l'inépuisable adversité de son fonds
et de son absence de fond." (Ibid.,
p. 79)
29)
Rappelons le travail intense - quoi qu'on en pense - du groupe Tel
Quel
sur Mallarmé. De Julia Kristeva, voir par exemple les articles
D’une
identité l’autre
(in Tel
Quel, 62,
été 1975), Matière,
sens, dialectique
(Tel
Quel, 44,
hiver 1971), ainsi que les ouvrages Sémiotikè
(1969) et La
révolution du langage poétique,
1974 (pp. 421-440). Le caractère transgressif
de l'oeuvre de Mallarmé est davantage reconnu ici que son aspect
créatif.
C'est ce dernier qui focalise les efforts rivaux du groupe Change,
lequel mobilise, lui, au nom de Mallarmé - contre Kristeva, Derrida
et la grammatologie
- la grammaire générative (jugée par Tel
Quel
une perspective pré-freudienne, limitative et cartésienne, donc
finalement réactionnaire).
30)
C'est l'hypothèse fondant en particulier le très précieux ouvrage
de Pierre Zima, La
déconstruction, une critique
(PUF, 1994).
31)
Villiers de l'Isle-Adam, L'agrément
inattendu,
in Oeuvres
complètes, Pléiade,
1986, T 2, p. 1263.
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