Comme quoi, y a pas que des religieux au grand coeur, des antiféministes ethno-différentialistes ou des anti-impérialistes suprêmement bas de plafond qui publient à La Fabrique. Tout vient à point à qui sait attendre...
Venez rencontrer et discuter avec Thierry Schaffauser, autour de son ouvrage récemment paru : Les luttes des putes, à la
librairie Les mots à la bouche (6 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie,
75004 Paris) : mercredi 3 décembre à 19h.
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Pénaliser, abolir, verbaliser, réprimer : tel est le bruit de fond
commun aux discours sur «les putes», qu'ils émanent de députés, de
féministes ou de maniaques de l'ordre moral et urbain. À contre-courant,
ce livre défend l'idée de travail du sexe, idée scandaleuse entre
toutes car elle implique une alliance entre le combat féministe, le
combat ouvrier et celui des pauvres et des exclus. Se fondant sur son
savoir historique et sur son expérience personnelle, Schaffauser dénonce
les violences, décrypte les sollicitudes hypocrites et raconte
l'histoire des luttes, en particulier la création du STRASS (Syndicat du
travail sexuel), et ses rapports souvent conflictuels avec une
«extrême gauche» confite dans la vertu. Un livre décapant et éclairant sur un sujet qu'il n'est plus possible d'éviter aujourd'hui.
Thierry Schaffauser, pédé, drogué, est travailleur du sexe et membre fondateur du STRASS (Syndicat du travail sexuel).
Extrait :
« Pourquoi le travail sexuel est-il réprimé ? Il ne s’agit pas
uniquement, comme nous l’avons vu, d’une forme de contrôle patriarcal
sur les femmes mais également d’une forme de contrôle social sur les
plus pauvres qui sont maintenus dans l’illégalité, en visant leurs
moyens de vivre et de survivre. Ces moyens permettent parfois d’échapper
au travail salarié, parfois d’en contourner les difficultés d’accès. La
criminalisation du travail sexuel est à comprendre dans le prolongement
du système carcéral et comme faisant partie d’un continuum de
criminalisation des classes opprimées pauvres et tenues comme
inférieures. À titre de comparaison, le recel, la mendicité et la vente
de drogues sont aussi des métiers criminalisés parce que pratiqués par
des pauvres. Ces métiers ne sont plus criminalisés et sont reconnus
comme tels quand ils sont pratiqués par des puissants, qui se
débrouillent pour que les drogues qu’ils vendent de façon industrielle
soient légales (tabac et alcool notamment), pour renommer «fundraising»
et «appel au mécénat» leurs collectes d’argent ou pour que leurs vols
soient légalisés sous des formes acceptables de transactions et de
spéculations financières, lors de crash boursiers ou de guerres, pour
accaparer des ressources naturelles comme le pétrole. La prostitution fait partie de cette sphère des illégalismes, que
l’on se situe en régime prohibitionniste, abolitionniste ou
réglementariste (puisque sous ce dernier régime les formes de travail
sexuel échappant au contrôle restent pénalisées). Certes, les
prostituées sont, à l’initiative du féminisme d’État, progressivement
assimilées à des victimes plutôt qu’à des criminelles. La loi de
pénalisation des clients a par ailleurs prévu d’abolir le délit de
« racolage passif ». Pourtant, dans la pratique, les arrêtés municipaux
et préfectoraux sont encouragés par les mêmes féministes d’État en
remplacement de la loi nationale sur le racolage (1).
Ce nouveau discours officiel rend par ailleurs totalement invisible cet
illégalisme, voire aggrave sa criminalisation. C’est très frappant avec
la Suède ou la Norvège, pays défendus comme modèles où officiellement
les prostituées ne sont jamais inquiétées par la police, mais où
pourtant la police continue de jouer un rôle majeur dans la répression
du travail sexuel, et de manière directe sur nombre de travailleuses du
sexe, notamment les migrantes et les travailleuses séropositives en
Suède. Un rapport de la police suédoise de 2012 déclare :
En février 2011, les autorités de police du comté de Halland ont décidé d’expulser une femme roumaine [...] Les autorités de police ont dit que la femme, qui gagnait sa vie par la prostitution, constituait une menace à l’ordre public et à la sécurité. La femme a fait appel au Bureau suédois de la Migration qui a rendu la même évaluation que l’autorité de police de Halland : nommément que la prostitution est en effet illégale en Suède, puisque l’achat de services sexuels est un délit. Cela signifie en pratique qu’un crime doit être commis selon la loi suédoise pour permettre à une personne engagée dans la prostitution de subvenir à ses besoins (2).
La décision a finalement été rejetée lors du procès car il s’agit
d’une violation des directives européennes de liberté de mouvement.
Cependant dans le cas d’une autre travailleuse du sexe issue de l’Union
européenne la position du Bureau suédois de la Migration a été
reprise :
[...] la prostitution doit être vue comme un moyen malhonnête de subvenir à ses besoins selon la loi. La prostitution – qui ne peut pas avoir lieu sans qu’un crime soit commis – peut aussi être considérée comme une occurrence interdite d’un élément principal. Contrairement à un jugement précédent par le Ombudsman de la Justice, qui avait un lien avec la mendicité, l’expulsion dans cette affaire est considérée comme compatible avec la loi sur les étrangers (3).
L’absence de loi spécifique sur le racolage ne veut donc pas dire
qu’aucune loi ne pénalise les travailleuses du sexe. En France, en plus
des arrêtés municipaux et préfectoraux, les lois sur le proxénétisme
qui, elles aussi, officiellement ne visent pas les prostituées mais les
«protègent», sont très souvent, voire majoritairement, un moyen de
criminaliser directement les travailleurSEs du sexe. En Norvège, des
opérations de police ont été menées spécifiquement dans le but
d’empêcher les travailleurSEs du sexe d’exercer dans des hôtels ou en
intérieur. En Suède, la police explique qu’elle prévient les
propriétaires des logements où vivent les travailleurSEs du sexe pour
qu’ils les chassent de leur domicile. En France, il suffit qu’unE
travailleurSE du sexe ait son nom sur le bail de l’appartement et en
fasse profiter des collègues pour recevoir un client, et celle-ci est
arrêtée pour proxénétisme. Concrètement, fin décembre 2013, c’est ce qui
est arrivé à des travailleuses du sexe chinoises de Belleville et du
XIIIe arrondissement. Celles qui ont un titre de séjour
parviennent à louer une chambre qu’elles partagent à plusieurs et avec
leurs enfants dans des conditions difficiles et, comme on l’imagine,
dans une grande promiscuité. Elles n’utilisent pas ces chambres pour
travailler mais pour y dormir puisqu’elles travaillent dans des caves.
On ne peut donc pas dire qu’elles facilitent la prostitution d’autrui.
Peu importe si aucun proxénète n’est trouvé, les femmes dont le nom est
sur le bail des logements sont pourtant considérées comme proxénètes et
celles qui sont sans papiers et qui contribuent elles aussi au loyer
sont considérées comme victimes. Les «victimes» sont donc souvent
embarquées par la police, avec leurs enfants, menottées, et détenues en
centre de rétention pour entrave au droit au séjour. L’opération
antitraite des êtres humains ne permet pas a priori d’arrestation de
proxénète, mais déstructure l’organisation des travailleuses du sexe qui
se retrouvent à la rue avec leur logement sous scellés ; cela facilite
l’expulsion des migrantes, et satisfait les féministes et la gauche dans
leur politique prétendument progressiste contre la prostitution et la
traite. L’intérêt économique de cet illégalisme, c’est de maintenir et de
reproduire un «salariat bridé», une main-d’œuvre très bon marché et
asservie, pas seulement dans l’industrie du sexe, mais pour l’ensemble
des métiers de service ou de travail domestique accessibles aux femmes
migrantes. En cela, les abolitionnistes n’ont pas tout à fait tort de
comparer la prostitution dans ses conditions actuelles d’exercice à de
l’esclavage (4). Sauf
que les abolitionnistes veulent dire par là que vendre des services
sexuels, c’est par essence aliéner son corps à autrui. On peut se saisir
autrement de cette comparaison – d’une manière bien plus exacte et
efficace pour la lutte. L’esclavage de plantation aux États-Unis était
caractérisé par un ensemble de mesures qui contraignaient à l’extrême la
force de travail noire : aucune liberté pour choisir son employeur,
aucune marge de manœuvre sur le temps de travail, aucun pouvoir de
négociation, interdiction du port d’arme, condition héréditaire, etc. Ce
sont ces conditions qui ont permis à l’esclavage colonial d’être une
aubaine pour le capitalisme naissant. Les mesures de prohibition ou de prétendue «abolition» de la
prostitution remplissent, toutes proportions gardées, une fonction
similaire : construire un statut d’exception, en marge du salariat
conventionnel, pour intensifier l’exploitation et réduire à néant le
pouvoir de négociation des travailleurSEs. Les luttes des travailleurSEs du sexe visent, en première instance, à
ébranler tout dispositif d’exception qui accentuerait le pouvoir des
patrons et des clients. »
________________________________________
- 1. Par exemple les arrêtés des communes de Lyon, d’Albi ou Toulouse. Najat Vallaud-Belkacem a voté celui de Lyon mais, officiellement, les féministes d’État ne soutiennent pas directement ces communes. Je fais référence à l’exposé des motifs de la proposition de loi Olivier/Coutelle qui rappelle aux maires leur pouvoir d’adopter des arrêtés.
- 2. Rapport Polisen, Trafficking in Human Beings for Sexual and Other Purposes, 2012
- 3 Ibid.
- 4. Par exemple, Catherine Albertini, « Fantine ou la liberté de se prostituer », août 2014.
Ah là, vous avez laissé passer une bonne occasion de nous faire écouter Bernarda Fink. Sa voix sensuelle aurait tout à fait bien illustré les propos ici tenus. Vous êtes décidément trop têtu.
RépondreSupprimerL'abbé
La rue ne gouvernera pas. C'est M. Valls qui l'a dit.
RépondreSupprimerLI BE REZ BER NAR DA !
RépondreSupprimerLI BE REZ BER NAR DA !
LI BE REZ BER NAR DA !
La foule
https://sousleparapluierouge.wordpress.com/2013/03/26/anatomie-dun-lobby-pro-prostitution-etude-de-cas-le-strass-en-france/
RépondreSupprimerCet article est ridicule. La définition qu'il donne d'un "syndicat" légitime est ridicule. Les méthodes qu'il emploie - ou sous-traite à d'autres (dénoncer le colocataire de tel ou telle, rester aux aguets pendant des mois du fil twitter de tel ou telle adversaire, comme un petit détective privé minable) - sont ridicules, outre leur caractère méprisable et haïssable. Sa ligne politique - abolitionniste - est très ridicule. Ses sujets sociologiques ("militants, enseignants, chercheurs") sont absolument ridicules. Les auteurs de cet article sont nos ennemis traditionnels, extrêmement ridicules. Mais nous sommes peut-être encore plus ridicules qu'eux de leur laisser, et de vous laisser la parole ici. Cela, c'est entre nous et nous. Sachez que ce sera de toute façon first and last time. Bonne soirée ridicule.
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