lundi 23 septembre 2013

Riche Belgique (4) : Comme à Ostende

Brise d'Ostende (1900).

Ostende est une métropole regorgeant littéralement de curiosités, à caractère esthétique autant que géostratégique, parmi lesquelles il convient de citer : 1°) un centre-ville traditionnel d’où jaillit, comme partout en Flandre, l’inquiétant beffroi de rigueur, surplombant sa grand-place de demeures bourgeoises finement ouvragées, 2°) un parc Léopold, poumon vert d’une cité certes tournée, avant tout, vers les nuances grisâtres enluminées de cette mer du Nord dépressive que nous chérissons tant, sans oublier, bien entendu (faisant exactement face au bassin du mythique Mercator ayant jadis ramené du bout de l'océan, entre autres trésors, la dépouille du père Damien, béatifié par Jean-Paul II en 1995),  3°) la clandestine et mondialement célèbre base sous-marine d’attaque qu’entretient ici à grand frais depuis près de deux siècles le marquis de l’Orée, à laquelle les touristes émerveillés pourront accéder tous les jours (sauf le jeudi) de 15 heures à 15 heures 17, via une crypte éminemment profonde de la basilique Pierre-et-Paul. 
Les jours de fin de semaine, quand le temps est clément, on se baguenaude en foule le long d'immenses plages bordant la ville, on y joue dans le sable, crie, nage, s’amuse, et circule, pourquoi pas ! en voitures collectives (à pédales) sur un front de mer longeant d'étranges Galeries royales, l’esprit imbibé de nostalgie et de vapeurs de bière tripel. Les villas 1900, il est vrai ! ne sont désormais qu'un lointain souvenir, emportées au plus noir du temps par les mânes d'obscurs philistins qui les habitèrent et, tout cochons simples qu'ils aient été à leur époque bénie, riants et paillards ou catholiques tordus, n'eussent également pu se représenter combien il serait possible après eux de vivre encore plus mal, tellement plus vulgairement et laidement. Les promoteurs immobiliers ayant ici balafré Ostende l'auront assez démontré universellement. Mais nous voilà devant le grand Casino de la ville, imposant et sinistre café-restaurant-discothèque chic, jouissant d’une vue exceptionnelle sur le large, et recevant exclusivement, au plan artistique, des chanteurs morts, ou bien, à la rigueur, francophones (Carla Bruni y est attendue au mois de novembre). Ce nid de rupins mis à part et la Villa Maritza, l'autre rendez-vous de la Haute (pour lui purement gastronomique) n'ayant toujours pas réouvert, bien que sa splendide façade Art Nouveau (l'une des dernières de la promenade) soit toujours visible et admirable par tous, l’ambiance à Oostende aan Zee, le week-end, est souvent nettement populaire, voire prolétarienne. Les prolétaires, en l'occurrence, sont belges (parfois même carrément liégeois) ou français. Les Allemands, et surtout les Anglais, autrefois hools avinés en goguette scandaleuse, depuis les ports consanguins de leurs contrées chômeuses, échouent désormais davantage céans depuis les bourgs luxueux (De Haan, notamment, et ses merveilleuses langues de dunes) situés plus au nord de la Côte, le long de la ligne de tramway reliant La Panne à Knocke-Le-Zout (l'horrible). C'est ainsi qu'entre la gare d'Ostende et les premières vastes étendues de sable de la Zeeheldenplein, flanquée de sa fameuse statue cambrée à la Querelle de Brest, on remonte souvent le Visserkaai - son marché aux poissons, ses échoppes de crevettes et de roll-mops - parmi l'environnement enthousiaste de familles lilloises sans le sou, fraîchement débarquées en train par Courtrai (quinze euros le ticket), et dont le contentement pour ainsi dire familièrement dépaysé, déjà réel quoique empressé de grandir toujours plus (là-bas ! sur les plages ! au commencement bientôt entre-aperçu de la grande promenade Albert 1er) rencontre aussi le nôtre, à moins qu'il ne le suscite purement et simplement. C'est ici, en tout cas, que fond sur nous, immanquablement au gré des années, la même combinaison sentimentale d'euphorie et de mélancolie sévère requise pour apprécier les lieux. 
Les choses, au fond, n'ont guère changé depuis qu'Ensor peignait, voilà un siècle, ses gigantesques orgies balnéaires de masse, éclatantes, cependant que Spilliaert, son compatriote, choisissait, lui, d'enfermer cette même atmosphère dans un chromatisme de gris et noirs de fin du monde, de suspension du temps désignant la ville. Ensor puisait, dans Ostende, de la force et de la révolte, trouvant, dans les physionomies trognesques peuplant l'endroit, l'incarnation idéale du mensonge social (du masque) autant que la vigueur matérielle - coloriste - susceptible de le moquer et de le congédier, comme Rabelais, au terme de quelque énorme farce, sanctionnée par un rire dément, anarchisant, communicatif. Ensor, tout individualiste et désespéré qu'il fût, lia toujours son sort personnel à celui d'une certaine cohérence, d'un certain mouvement esthétique collectif (Les XX, La Libre Esthétique...). Chez Spilliaert, c'est avant tout le sentiment d'échec solitaire, d'impossibilité subjective de réussir qui importe et domine. De fait, malgré sa participation formelle à divers groupes en vue (et quelques succès d'exposition), malgré le soutien d'Edmond Deman, libraire bruxellois influent qui remua ciel et terre pour le faire connaître, ou l'amitié de Verhaeren, dont il se rapprocha en France grâce au précédent, rien pour lui ne bougea jamais. Jamais l'écho, favorable pourtant, que sa manière stupéfiante rencontre encore de nos jours n'installa autre chose, en sa faveur, qu'une sorte de gêne inquiète, d'ennui coupable, de crainte diffuse. Spilliaert, invariablement, aura rebuté l'acheteur, comme tout ce qui dégage une trop insistante et envahissante odeur de mort. De sorte que le sentiment d'étrangeté, irréductible, tourna vite chez notre malheureux artiste à l'angoisse de ne pouvoir exister, de ne pouvoir rien devenir, de ne pouvoir même physiquement fuir cet état d'impuissance radicale, lequel finit par se confondre à ses yeux avec Ostende elle-même. Toutes les tentatives, tous les projets caressés par Spilliaert en vue de s'évader de cette ville, d'une manière ou d'une autre : en devenant marin, explorateur colonial ou artiste à Paris se brisèrent ainsi sur la réalité triviale de sa mauvaise santé, de son repliement sur soi mutique, de sa faiblesse congénitale. Fils d'un parfumeur boute-en-train et d'une mère bigote renfermée, Spilliaert aura en effet hérité - de cette monstrueuse alliance - la sensibilité fine de qui se sait toujours parfaitement condamné par la tyrannique médiocrité ambiante. Ensor, qu'il poursuivait de son admiration assidue (au point, paraît-il, de faire le siège régulier de son logement, distant du sien de quelques rues, après les nuits d'errance dont Spilliaert était coutumier le long des boulevards glacés, et sur la digue, face à la mer) ne l'aimait point. Permeke non plus, à ce qu'il paraît, dont une légende raconte qu'il aurait même mis en pièces, avec rage, son propre portrait que l'autre lui aurait offert. Sans doute Spilliaert l'énervait-il, à force de lui coller le bourdon. Pensez ! Un bourgeois comme lui, et qui plus est même pas mystique. Athée. Livresque. Nietzschéen. Un pauvre petit-bourgeois se campant devant lui, et puis devant eux tous, les artistes, comme une sorte d'infini reproche qu'on leur aurait lancé, gémissant et incompréhensible. Ne crevant point de faim, ce type, et pourtant tellement malheureux de s'estimer, comme cela, coincé et emprisonné. Tourné et retourné sans repos, dans le vent houspilleur d'Ostende. Et Spilliaert, toute sa vie, resta seul. Il offrit, au cours de son existence, ce spectacle pénible de l'homme incarcéré au fond d'un sort social. Le bouquet, si l'on osait ce terme, c'est qu'à la longue, cet homme, cet artiste nécessaire autant qu'impossible se trouva peu à peu touché et gagné, les années passant - très lentement - par une vague forme de contentement, et même, tenez-vous bien ! de bonheur proprement conjugal. Il s'éloigna résolument, alors, de tous ses noirs, et de ses gris, et de ses sombres paysages de Mer du Nord noyée dans l'attente mystérieuse, qui font son premier intérêt sordide. Il choisit la couleur, l'espoir. Il choisit la vie. Et dans ce choix ultime-là, enfin, il perdit absolument tout. Fin de la belle histoire de Léon Spilliaert (1881-1946).
 
La Rafale (1904).
« Quant au jeune dessinateur Spilliaert, il expose des choses impressionnantes et comme hallucinées : femmes de plaisir aux mines hagardes, intoxiquées d'absinthe et d'amour, rampe à peine éclairée donnant sur la mer infinie, grands cierges se consumant dans un édifice mystérieux.»
(Emma Lambotte, Le Méphisto, journal anversois du 13/08/1908). 

Autoportrait au miroir (1908).
« Jusqu'à présent, ma vie s'est passée, seule et triste, avec un immense froid autour de moi.» 
(Lettre de Spilliaert à Jean De Mot, 6 février 1909).

***

Il ne faut pas trop se fier à ce que vous lirez ces jours-ci sur le site internet du Musée des Beaux-Arts d'Ostende (MuZEE) : du fonds Spilliaert dont l'établissement est dépositaire, peu d'oeuvres sont en réalité actuellement exposées. Reconnaissons néanmoins qu'elles comptent parmi les plus saisissantes, telles le duo présenté ci-dessus, ainsi que le célèbre Vertige, La coupe bleue ou encore l'autre Autoportrait (sans miroir) de 1908.
 
Le Musée des Beaux-Arts propose également, jusqu'au 17 novembre prochain, une rétrospective pas dénuée d'intérêt intitulée L'alphabet d'étoiles d'E.L.T Mesens (1903-1971), consacrée à cette cheville ouvrière relativement méconnue du surréalisme en Belgique (et ailleurs), galeriste, collectionneur, musicien, poète, collagiste, ami de Satie, Breton, Tzara et de tant d'autres. Certes, la vie des galeristes et mécènes ne nous passionne guère en général. Et il faut bien avouer que certains aspects un tantinet épiciers de l'existence de ce Mesens ici développés en long, en large et en travers, n'échappent pas à la règle. Une tendance, très actuelle, à la réécriture systématique de l'histoire des avant-gardes européennes à l'aune du pouvoir de l'argent de bon goût, du choix judicieux de capitaines d'industrie éclairés, bref de l'établissement artistique aux commandes spirituelles, tend désormais à évacuer, à Ostende et partout, ce qui, partout, fonda l'intérêt proprement politique et subversif des mouvements en question (nous en parlions d'ailleurs récemment ici même à propos de Tamara de Lempicka). Tout se trouve souvent présenté comme si, au fond, sans l'intervention des riches sponsors en question, à célébrer jusqu'à plus soif : véritables héros chevaleresques pieusement désireux de promouvoir sans contrepartie la modernité de leur époque, une telle modernité n'eût pu jaillir du néant, et se faire connaître de l'Univers de par sa seule légitimité historique. Le catalogue de l'exposition Mesens nous explique, par exemple, au sujet de la rencontre entre le dénommé Mesens et Paul-Gustave Van Hecke, publiciste influent en compagnie duquel le premier ouvrira bientôt une galerie, avant de se lancer dans une foultitude d'activités industrieuses artistiques, que : « Mesens trouve en Van Hecke - "Tatave" pour les intimes - un alter ego. Leurs points communs : l'esprit d'entreprise, le cosmopolitisme, le dandysme, le rejet de la discipline et le flair artistique. » Variante finale, dans les couloirs du musée : «... le dandysme, le rejet de la discipline et ont tous deux le nez fin en matière d'art. »
Grand bien leur fasse. Il s'agit donc toujours d'une question d'odeur. 
Le gentil commissaire d'exposition pédagogique évacue d'ailleurs là-dessus, un peu plus loin, sans scrupules excessifs, le fait que Mesens ait choisi de publier dans son London Bulletin (seule revue britannique alors consacrée au surréalisme), en 1938, le Manifeste pour un art révolutionnaire indépendant, de Breton, Rivera et Trotski. Les sinuosités entreprenariales suivies par tel ou tel, faut dire ! sont autrement motivantes, et passionnantes, que les palabres théoriques susceptibles de plomber l'ambiance.
Reste que l'occasion nous est là offerte d'apprendre des choses (parfois) intéressantes sur le surréalisme en Angleterre (Mesens ayant dirigé à Londres la galerie-tête de pont de ce mouvement dans la perfide Albion, du mitan des années 30 au début des années 50, la question restant, une fois de plus, de comprendre pourquoi le surréalisme, hors le feu de paille de ce type de projet commercial, n'y rencontra point davantage de succès) ou en Belgique (le recensement érudit des rencontres, et des revues auxquelles collabora le touche-à-tout Mesens pourra séduire les spécialistes-archéologues). Certaines créations, disséminées, reconnaissons-le, valent franchement le détour : Le noeud, entre autres, oeuvre fort étrange et charmante de Rachel Baes (figurant une petite fille aux prises avec un gigantesque coquillage, derrière une grande fenêtre ouverte sur la mer, et la nuit), le Pêle-Mêle de Louis Scutenaire, plaisant amalgame (Freud, la bande à Bonnot, etc) des admirés de l'auteur, ou Court-Circuit, poème isolateur, du très précieux Marcel Mariën, mort il y a tout juste vingt ans. Le roi de la fête n'est pas en reste : E.L.T Mesens étant l'homme qui aura révélé Magritte (ma foi, il faut bien révéler quelque chose dans la vie), l'un de ses compagnons les plus anciens, divers témoignages de leur longue collaboration sont ici visibles. Tirés de la revue MaRiE, Journal bimensuel pour la belle jeunesse, organe dadaïsto-surréaliste belge fondé notamment par les deux compères, et ayant eu deux numéros, deux poings américains (1925) impressionnent, placés en vis-à-vis : le premier (Comme ils l'entendent) plat et régulier, l'autre (Comme nous l'entendons) hérissé de piques offensives. Précisons que suite à la faillite de la galerie bruxelloise Le Centaure, en 1932, Mesens racheta, pour un prix dérisoire, plus d'une centaine de toiles de Magritte afin, officiellement, que celles-ci ne se perdissent point. Elles ne se perdirent point, rassurez-vous. À telle enseigne, tout de même, qu'une certaine inimitié naquit entre eux de ce fait, Mesens étant devenu là le propriétaire d'un stock dont la valeur marchande ne cesserait de grimper, Magritte en prenant ombrage. La brouille irréparable n'interviendra cependant qu'à la fin des années 1950, tandis que le very successful Mesens continuera d'organiser au casino de Knocke ou à La Réserve, l'hôtel de luxe fondé par Van Hecke, une série de rétrospectives paraît-il impressionnantes (Ernst, Picasso ou lui-même). Dernières pépites appréciables, en tous les cas, à Ostende, de Mesens, encore : un étonnant Masque servant à injurier les esthètes, un très beau Fritz Van den Berghe pas vraiment dans la manière habituelle de l'auteur : Idolen (1928-29), une scène de bordel stimulante, par De Smet  (Het goede huis, 1926) et, pour revenir au surréalisme - qui plus est anglais - The junction, de Roland Penrose (co-organisateur de la triomphale International Surrealist Exhibition de juin 1936 à Londres et gestionnaire, avec Mesens, de la très orthodoxe London Gallery), évoquant furieusement certaine scène de La petite boutique des horreurs. Mais c'est incontestablement le travail de Paul Nougé, sa subversion des images, qui nous fit le plus d'effet. Il consiste en une suite (photographiée) d'exercices imposés sur les objets les plus usuels, les plus anodins du monde, afin de les rendre étrangers, et inquiétants, précisément à force qu'on les fréquente. Une action déterminée est exercée sur un objet, ou une certaine attention, exorbitante, se voit spectaculairement concentrée sur lui, par des humains, et l'on photographie la scène. Puis, l'on supprime l'objet, qu'on le remplace ou non par un autre, et l'on photographie à nouveau, en observant l'effet psychologique du procédé : deux hommes trinquent à présent sans verre ni bouteille, des individus semblent captivés, ensemble, par un néant complet qui se trouvait être, voilà une minute, un mur, etc. On peut aussi détourner de sa fonction inoffensive une simple ficelle, par exemple, et la soumettre à une femme à qui cet objet inspire, en apparence, une visible terreur, l'exercice consistant ici à étudier en nous la palette de réactions possibles à la terreur de cette femme, depuis la sympathie compréhensive jusqu'à la moquerie incrédule et impitoyable. Tout cela est extrêmement classique, et néanmoins d'une irrésistible drôlerie.
Entre deux hoquets, justement, ce jour-là, ayant jeté un coup d'oeil rapide à notre montre, nous décidâmes que c'en était trop. 
Trop de joie, trop de gaieté. Il fallait faire quelque chose. 
Il nous restait dix minutes.
Nous retournâmes donc voir une dernière fois, à l'autre étage, la poignée de toiles de notre cher Léon Spilliaert, histoire de sortir triste, ainsi qu'il convînt, du Musée des Beaux-Arts d'Ostende. 
Sur le chemin, dans l'escalier, nous parvinrent alors de l'extérieur, depuis la longue artère Alfons Pieterslaan, toute proche, les premières rumeurs triviales - fonflonnantes -  de quelque harmonie municipale de concours. L'intensité des cris de la foule, des zim-boum-bam de grosses caisses, la puissance des coups de sifflets et des applaudissements grossirent, progressivement, jusqu'à atteindre leur plénitude au moment même où nous fixions derechef - désormais complètement désemparés - nos regards sur les douloureuses visions solitaires de l'inénarrable incompris d'Ostende. Et ces créatures, ces objets abandonnés semblaient, eux aussi, du même coup, nous prendre à témoin, une dernière fois. Ta-taratata-taratata-taratata ! fit soudain la fanfare. Bravo ! hurla quelqu'un. 
Alors, nous mîmes les voiles. 
Mais en partant, une dernière chose attira notre attention, une dernière série de toiles, demeurées jusqu'ici inaperçues. Il était là. L'autoportrait au chapeau fleuri. Dans un recoin, juste attenant au domaine - réduit - de ce pauvre Léon. 
Et il ricanait, en ce jour de grande braderie, à Ostende, en face de son infortuné concitoyen. 
Une dernière fois, sous nos yeux désolés, le baron Ensor choisit de se foutre bien correctement de sa gueule.

                     

10 commentaires:


  1. Merci pour le voyage. Je me suis déjà promené à Ostende, mais force est de constater que je la connais moins que vous.

    Et pour finir ce commentaire en musique, voici une chanson de Bashung.

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  2. Que nenni, cher Cédric : un bon plan et le tour est joué. Nous ne connaissons rien à cette région. Songez que nous n'avons jamais quitté Blankenberge !

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  3. On ne connait peut-être pas tout, mais l’Émile nous a donné un petit goût! ;-)

    Sur les grèves

    Sur ces plages de sel amer
    Et d'âpre immensité marine,
    Je déguste, par les narines,
    L'odeur d'iode de la mer.

    Quels échanges de forces nues
    S'entrecroisent et s'insinuent,
    Avec des heurts, avec des bonds,
    A cette heure de vie énorme,
    Où tout s'étreint et se transforme
    Les vents, les cieux, les flots, les monts !

    Et c'est fête dans tout mon être :
    L'ardeur de l'univers
    Me rajeunit et me pénètre.
    Que m'importe d'avoir souffert
    D'avoir raclé mon coeur avec la chaîne
    - Qui vient et va - de la douleur humaine,
    Que m'importe ! - je sens
    Mon corps renouvelé vibrer de joie entière
    D'être trempé vivant et sain
    Dans ce brassin
    De formidable et sauvage matière.

    Le roc casse le flot, le flot ronge le roc.
    Un silence se fait : le choc
    Des gros tonnerres d'eau ébranlent les falaises ;
    Une île au loin se nourrit de la mer
    Et monte d'autant plus que les grèves s'affaissent.
    Le sable boit le soleil clair
    - Oh revenir aux aurores du monde ! -
    Tout se conforte, tout se détruit, tout se féconde.
    On vit un siècle en un instant.

    Et qu'importe ce deuil du temps :
    La mort !
    Sans elle
    Jamais l'éternité n'apparaîtrait nouvelle ;
    Homme qui tue et qui engendre
    Il faut apprendre
    A jouir de la mort.

    La mort, la vie et leur ivresse !
    Oh toutes les vagues de la mer !
    Cercueils fermés, berceaux ouverts,
    Gestes d'espoir ou de détresse,
    Les membres nus, le torse au clair,
    Je m'enfonce soudain, sous vos caresses rudes,
    Avec le désir fou
    De m'en aller, un jour, jusques au bout,
    Là-bas, me fondre en votre multitude !

    Max :-)



    EMILE VERHAEREN- 1855-1916

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  4. Grand bien me fasse. Il s'agit donc aussi d'une question d'odeur.

    J'étais plus au nord d'Ostende... et voici, c'était une première fois.

    "La première fois que j’ai vu la mer, j'avais 25 ans… à Rotterdam … Je me souviens, c’était entre chiens et loups, la plage était déserte hormis une femme qui lavait son cheval… un bel animal de labours … La mer était houleuse, elle grondait en remontant… Je n’oublierai jamais cet instant… j’ai eu l’impression devant cette immensité, qu’elle allait m’avaler… "

    Je suis retournée parfois la voir ailleurs....

    Merci, Moine pour cette visite!

    Je ne pense pas avoir abîmé le paysage, enfin, je l'espère ;-)

    Max'

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  5. Rien abîmé, non.
    Ou alors nous nous serons abîmés ensemble.
    Dans le flot.

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  6. Enfant, je passai quelques jours à Ostende avec ma grand-mère à l'hôtel Astoria.
    Je garde de ce voyage des souvenirs inoubliables. La cage de fer de l'ascenseur, la foule hébétée comme partout, la puanteur de la plage et, par-dessus tout, la présence de cette masse d'eau brunâtre sur laquelle se dessinent des auréoles d'huile et de mazout, montant et de descendant sans cesse, battant une digue de pierres noires dans un effroyable et inutile fracas, et que l'on nomme couramment: La Mer du Nord.

    En plus, vous m'apprenez que se trouvent là-bas quantité de musées dissimulés sous la vase.

    Je l'ai échappé belle, au moins pour cette partie de la visite.

    Mais il est l'heure de ma sieste, et heureusement, car après pareils souvenirs il me faut récupérer avant de me remettre à creuser a terre.

    A cause de vous, tout m'est revenu d'un coup. C'est une catastrophe.

    Au lit.

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  7. Est-ce à dire que vous délocalisez, Marquis, la base que nous venons d'évoquer ?
    Mais que diront les gens ?

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  8. Je crois bien que c'est le même Mesens qui a écrit : " l'évidence m'aime".

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  9. Il l'a non seulement écrit, mais il s'agit surtout du titre d'une de ses oeuvres, datant de 1954 et que l'on peut observer à l'exposition dont nous parlons ici (jusqu'au 17 novembre prochain, donc).

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