Brise d'Ostende (1900). |
Ostende
est une métropole regorgeant littéralement de curiosités, à caractère
esthétique autant que géostratégique, parmi lesquelles il convient de
citer : 1°) un centre-ville traditionnel d’où jaillit,
comme partout en Flandre, l’inquiétant beffroi de rigueur, surplombant sa
grand-place de demeures bourgeoises finement ouvragées, 2°) un parc Léopold, poumon vert
d’une cité certes tournée, avant tout, vers les nuances grisâtres
enluminées de cette mer du Nord dépressive que nous chérissons tant, sans
oublier, bien entendu (faisant exactement face au bassin du mythique Mercator ayant jadis ramené du bout de l'océan, entre autres trésors, la dépouille du père Damien, béatifié par Jean-Paul II en 1995), 3°) la
clandestine et mondialement célèbre base
sous-marine d’attaque qu’entretient ici à
grand frais depuis près de deux siècles le marquis de l’Orée, à laquelle
les touristes émerveillés pourront accéder tous les jours (sauf le jeudi) de 15
heures à 15 heures 17, via une crypte éminemment profonde de la basilique
Pierre-et-Paul.
Les
jours de fin de semaine, quand le temps est clément, on se baguenaude en foule
le long d'immenses plages bordant la ville, on y joue dans le sable, crie,
nage, s’amuse, et circule, pourquoi pas ! en voitures collectives (à
pédales) sur un front de mer longeant d'étranges Galeries royales, l’esprit imbibé de
nostalgie et de vapeurs de bière tripel. Les villas 1900, il est vrai ! ne sont désormais
qu'un lointain souvenir, emportées au plus noir du temps par les mânes
d'obscurs philistins qui les habitèrent et, tout cochons simples qu'ils
aient été à leur époque bénie, riants et paillards ou catholiques tordus,
n'eussent également pu se représenter combien il serait possible après eux de vivre encore plus mal, tellement plus vulgairement et laidement.
Les promoteurs immobiliers ayant ici balafré Ostende l'auront assez démontré universellement. Mais nous voilà devant le grand Casino de la ville, imposant et sinistre
café-restaurant-discothèque chic, jouissant d’une vue exceptionnelle sur le
large, et recevant exclusivement, au plan artistique, des chanteurs morts, ou
bien, à la rigueur, francophones (Carla Bruni y est attendue au mois de
novembre). Ce nid de rupins mis à part et la Villa Maritza, l'autre rendez-vous de la Haute (pour lui purement
gastronomique) n'ayant toujours pas réouvert, bien que sa splendide façade Art
Nouveau (l'une des dernières de la promenade) soit toujours visible et
admirable par tous, l’ambiance à Oostende aan Zee, le week-end, est souvent nettement
populaire, voire prolétarienne. Les prolétaires, en l'occurrence, sont belges
(parfois même carrément liégeois) ou français. Les Allemands, et surtout les
Anglais, autrefois hools avinés en goguette
scandaleuse, depuis les ports consanguins de leurs contrées chômeuses, échouent
désormais davantage céans depuis les bourgs luxueux (De Haan, notamment, et ses
merveilleuses langues de dunes) situés plus au nord de la Côte, le long de la
ligne de tramway reliant La
Panne à Knocke-Le-Zout (l'horrible). C'est ainsi
qu'entre la gare d'Ostende et les premières vastes étendues de sable de la Zeeheldenplein, flanquée de sa fameuse
statue cambrée à la Querelle
de Brest, on
remonte souvent le Visserkaai - son marché aux
poissons, ses échoppes de crevettes et de roll-mops - parmi l'environnement
enthousiaste de familles lilloises sans le sou, fraîchement débarquées en
train par Courtrai (quinze euros le ticket), et dont le contentement pour
ainsi dire familièrement
dépaysé, déjà
réel quoique empressé de grandir toujours plus (là-bas ! sur les plages ! au
commencement bientôt entre-aperçu de la grande promenade Albert 1er) rencontre
aussi le nôtre, à moins qu'il ne le suscite purement et simplement. C'est ici,
en tout cas, que fond sur nous, immanquablement au gré des années, la même
combinaison sentimentale d'euphorie et de mélancolie sévère requise pour
apprécier les lieux.
Les
choses, au fond, n'ont guère changé depuis qu'Ensor peignait, voilà un siècle,
ses gigantesques orgies balnéaires de masse, éclatantes, cependant que
Spilliaert, son compatriote, choisissait, lui, d'enfermer cette même atmosphère
dans un chromatisme de gris et noirs de fin du monde, de suspension du temps
désignant la ville. Ensor puisait, dans Ostende, de la force et de la révolte,
trouvant, dans les physionomies trognesques peuplant l'endroit, l'incarnation
idéale du mensonge social (du masque) autant que la vigueur matérielle - coloriste - susceptible de le
moquer et de le congédier, comme Rabelais, au terme de quelque énorme farce,
sanctionnée par un rire dément, anarchisant, communicatif. Ensor, tout
individualiste et désespéré qu'il fût, lia toujours son sort personnel à celui
d'une certaine cohérence, d'un certain mouvement esthétique collectif (Les XX, La Libre
Esthétique...).
Chez Spilliaert, c'est avant tout le sentiment d'échec solitaire, d'impossibilité subjective de réussir qui importe et domine. De
fait, malgré sa participation formelle à divers groupes en vue (et quelques
succès d'exposition), malgré le soutien d'Edmond Deman, libraire bruxellois
influent qui remua ciel et terre pour le faire connaître, ou l'amitié de
Verhaeren, dont il se rapprocha en France grâce au précédent, rien pour lui ne bougea jamais. Jamais l'écho, favorable
pourtant, que sa manière stupéfiante rencontre encore de nos jours n'installa
autre chose, en sa faveur, qu'une sorte de gêne inquiète, d'ennui coupable, de
crainte diffuse. Spilliaert, invariablement, aura rebuté l'acheteur, comme tout ce qui dégage une
trop insistante et envahissante odeur de mort. De sorte que le sentiment
d'étrangeté, irréductible, tourna vite chez notre malheureux artiste à
l'angoisse de ne pouvoir exister, de ne pouvoir rien devenir, de ne pouvoir
même physiquement fuir cet état
d'impuissance radicale, lequel finit par se confondre à ses yeux avec Ostende
elle-même. Toutes les tentatives, tous les projets caressés par Spilliaert en
vue de s'évader de cette ville, d'une manière ou d'une autre : en devenant
marin, explorateur colonial ou artiste à Paris se brisèrent ainsi sur la
réalité triviale de sa mauvaise santé, de son repliement sur soi mutique, de sa
faiblesse congénitale. Fils d'un parfumeur
boute-en-train et d'une mère bigote renfermée, Spilliaert aura en effet hérité
- de cette monstrueuse alliance - la sensibilité fine de qui se sait toujours
parfaitement condamné par la tyrannique médiocrité
ambiante. Ensor, qu'il poursuivait de son admiration assidue (au point,
paraît-il, de faire le siège régulier de son logement, distant du sien de
quelques rues, après les nuits d'errance dont Spilliaert était coutumier le
long des boulevards glacés, et sur la digue, face à la mer) ne l'aimait point.
Permeke non plus, à ce qu'il paraît, dont une légende raconte qu'il aurait même
mis en pièces, avec rage, son propre portrait que l'autre lui aurait offert.
Sans doute Spilliaert l'énervait-il, à force de lui coller le bourdon. Pensez !
Un bourgeois comme lui, et qui plus est même pas mystique. Athée. Livresque.
Nietzschéen. Un pauvre petit-bourgeois se campant devant lui, et puis devant
eux tous, les artistes, comme une sorte d'infini reproche qu'on leur aurait
lancé, gémissant et incompréhensible. Ne crevant point de faim, ce type, et
pourtant tellement malheureux de s'estimer, comme cela, coincé et emprisonné.
Tourné et retourné sans repos, dans le vent houspilleur d'Ostende. Et Spilliaert,
toute sa vie, resta seul. Il offrit, au cours de son existence, ce spectacle
pénible de l'homme incarcéré au fond d'un sort social. Le bouquet, si l'on
osait ce terme, c'est qu'à la longue, cet homme, cet artiste nécessaire autant
qu'impossible
se trouva peu à peu touché et gagné, les années passant - très lentement - par
une vague forme de contentement, et même, tenez-vous bien ! de bonheur proprement
conjugal. Il
s'éloigna résolument, alors, de tous ses noirs, et de ses gris, et de ses
sombres paysages de Mer du Nord noyée dans l'attente mystérieuse, qui font son
premier intérêt sordide. Il choisit la couleur, l'espoir. Il choisit la vie. Et
dans ce choix ultime-là, enfin, il perdit absolument tout. Fin de la belle histoire de Léon Spilliaert
(1881-1946).
La Rafale (1904). |
« Quant au jeune dessinateur Spilliaert, il expose des choses impressionnantes et
comme hallucinées : femmes de plaisir aux mines hagardes, intoxiquées
d'absinthe et d'amour, rampe à peine éclairée donnant sur la mer infinie,
grands cierges se consumant dans un édifice mystérieux.»
(Emma Lambotte, Le Méphisto, journal anversois du 13/08/1908).
(Emma Lambotte, Le Méphisto, journal anversois du 13/08/1908).
Autoportrait au miroir (1908). |
«
Jusqu'à présent, ma vie s'est passée, seule et triste, avec un immense froid
autour de moi.»
(Lettre de Spilliaert à Jean De Mot, 6 février 1909).
(Lettre de Spilliaert à Jean De Mot, 6 février 1909).
***
Il
ne faut pas trop se fier à ce que vous lirez ces jours-ci sur le site internet
du Musée des Beaux-Arts d'Ostende (MuZEE) : du fonds Spilliaert dont
l'établissement est dépositaire, peu d'oeuvres sont en réalité actuellement
exposées. Reconnaissons néanmoins qu'elles comptent parmi les plus
saisissantes, telles le duo présenté ci-dessus, ainsi que le célèbre Vertige, La coupe bleue ou encore l'autre Autoportrait (sans miroir) de 1908.
Le
Musée des Beaux-Arts propose également, jusqu'au 17 novembre prochain, une rétrospective pas dénuée
d'intérêt intitulée L'alphabet
d'étoiles d'E.L.T Mesens (1903-1971), consacrée à cette cheville ouvrière relativement
méconnue du surréalisme en Belgique (et ailleurs), galeriste, collectionneur,
musicien, poète, collagiste, ami de Satie, Breton, Tzara et de tant d'autres.
Certes, la vie des galeristes et mécènes ne nous passionne guère en général. Et
il faut bien avouer que certains aspects un tantinet épiciers de l'existence de
ce Mesens ici développés en long, en large et en travers, n'échappent pas à la
règle. Une tendance, très actuelle, à la réécriture systématique de l'histoire
des avant-gardes européennes à l'aune du pouvoir de l'argent de bon goût, du choix judicieux de capitaines d'industrie éclairés, bref de l'établissement artistique aux commandes spirituelles, tend désormais à évacuer, à
Ostende et partout, ce qui, partout, fonda l'intérêt proprement
politique et subversif des mouvements en question (nous en parlions d'ailleurs
récemment ici même à propos de Tamara de Lempicka). Tout se trouve souvent
présenté comme si, au fond, sans l'intervention des riches sponsors en
question, à célébrer jusqu'à plus soif : véritables héros chevaleresques
pieusement désireux de promouvoir sans contrepartie la modernité de leur
époque, une telle modernité n'eût pu jaillir du néant, et se faire connaître de
l'Univers de par sa seule légitimité historique. Le catalogue de l'exposition
Mesens nous explique, par exemple, au sujet de la rencontre entre le dénommé
Mesens et Paul-Gustave Van Hecke, publiciste influent en compagnie duquel le
premier ouvrira bientôt une galerie, avant de se lancer dans une foultitude
d'activités industrieuses artistiques, que : « Mesens trouve en Van
Hecke - "Tatave" pour les intimes - un alter ego. Leurs points
communs : l'esprit d'entreprise, le cosmopolitisme, le dandysme, le rejet de la
discipline et le flair artistique. » Variante finale, dans les
couloirs du musée : «...
le dandysme, le rejet de la discipline et ont tous deux le nez fin en matière
d'art. »
Grand
bien leur fasse. Il s'agit donc toujours d'une question d'odeur.
Le
gentil commissaire d'exposition pédagogique évacue d'ailleurs là-dessus, un peu
plus loin, sans scrupules excessifs, le fait que Mesens ait choisi de publier
dans son London
Bulletin
(seule revue britannique alors consacrée au surréalisme), en 1938, le Manifeste pour un art
révolutionnaire indépendant, de Breton, Rivera et Trotski. Les sinuosités
entreprenariales suivies par tel ou tel, faut dire ! sont autrement motivantes,
et passionnantes, que les palabres théoriques susceptibles de plomber
l'ambiance.
Reste
que l'occasion nous est là offerte d'apprendre des choses (parfois)
intéressantes sur le surréalisme en Angleterre (Mesens ayant dirigé à Londres
la galerie-tête de pont de ce mouvement dans la perfide Albion, du mitan des
années 30 au début des années 50, la question restant, une fois de plus, de
comprendre pourquoi le surréalisme, hors le feu de paille de ce type de projet
commercial, n'y rencontra point davantage de succès) ou en Belgique (le
recensement érudit des rencontres, et des revues auxquelles collabora le
touche-à-tout Mesens pourra séduire les spécialistes-archéologues). Certaines
créations, disséminées, reconnaissons-le, valent franchement le détour : Le noeud, entre autres, oeuvre fort
étrange et charmante de Rachel Baes (figurant une petite fille aux prises avec
un gigantesque coquillage, derrière une grande fenêtre ouverte sur la mer, et
la nuit), le Pêle-Mêle de Louis Scutenaire, plaisant
amalgame (Freud, la bande à Bonnot, etc) des admirés de l'auteur, ou Court-Circuit, poème
isolateur, du
très précieux Marcel Mariën, mort il y a tout juste vingt ans. Le roi de la
fête n'est pas en reste : E.L.T Mesens étant l'homme qui aura révélé Magritte
(ma foi, il faut bien révéler quelque chose dans la vie), l'un de ses
compagnons les plus anciens, divers témoignages de leur longue collaboration
sont ici visibles. Tirés de la revue MaRiE, Journal bimensuel pour la belle jeunesse, organe dadaïsto-surréaliste
belge fondé notamment par les deux compères, et ayant eu deux
numéros, deux poings américains (1925) impressionnent, placés en vis-à-vis
: le premier (Comme
ils l'entendent)
plat et régulier, l'autre (Comme nous l'entendons) hérissé de piques offensives. Précisons que suite à
la faillite de la galerie bruxelloise Le Centaure, en 1932, Mesens racheta, pour un prix dérisoire,
plus d'une centaine de toiles de Magritte afin, officiellement, que celles-ci
ne se perdissent point. Elles ne se perdirent point,
rassurez-vous. À telle enseigne, tout de même, qu'une certaine inimitié naquit
entre eux de ce fait, Mesens étant devenu là le propriétaire d'un stock dont la
valeur marchande ne cesserait de grimper, Magritte en prenant ombrage. La
brouille irréparable n'interviendra cependant qu'à la fin des années 1950,
tandis que le very successful Mesens continuera d'organiser
au casino de Knocke ou à La
Réserve,
l'hôtel de luxe fondé par Van Hecke, une série de rétrospectives paraît-il
impressionnantes (Ernst, Picasso ou lui-même). Dernières pépites
appréciables, en tous les cas, à Ostende, de Mesens, encore : un étonnant Masque servant à injurier
les esthètes, un
très beau Fritz Van den Berghe pas vraiment dans la manière habituelle de
l'auteur : Idolen (1928-29), une scène de
bordel stimulante, par De Smet (Het goede huis, 1926) et, pour revenir au surréalisme - qui
plus est anglais - The
junction, de
Roland Penrose (co-organisateur de la triomphale International Surrealist Exhibition de juin 1936 à Londres et
gestionnaire, avec Mesens, de la très orthodoxe London Gallery), évoquant furieusement
certaine scène de La
petite boutique des horreurs. Mais c'est incontestablement le travail de Paul Nougé,
sa subversion des images, qui nous fit le plus d'effet. Il consiste en une
suite (photographiée) d'exercices imposés sur les objets les plus usuels, les
plus anodins du monde, afin de les rendre étrangers, et inquiétants,
précisément à force qu'on les fréquente. Une action déterminée est exercée sur
un objet, ou une certaine attention, exorbitante, se voit spectaculairement
concentrée sur lui, par des humains, et l'on photographie la scène. Puis, l'on
supprime l'objet, qu'on le remplace ou non par un autre, et l'on photographie à
nouveau, en observant l'effet psychologique du procédé : deux hommes trinquent
à présent sans verre ni bouteille, des individus semblent captivés, ensemble,
par un néant complet qui se trouvait être, voilà une minute, un mur, etc. On
peut aussi détourner de sa fonction inoffensive une simple ficelle, par
exemple, et la soumettre à une femme à qui cet objet inspire, en apparence, une
visible terreur, l'exercice consistant ici à étudier en nous la palette de
réactions possibles à la terreur de cette femme, depuis la sympathie
compréhensive jusqu'à la moquerie incrédule et impitoyable. Tout cela est
extrêmement classique, et néanmoins d'une irrésistible drôlerie.
Entre
deux hoquets, justement, ce jour-là, ayant jeté un coup d'oeil rapide à notre
montre, nous décidâmes que c'en était trop.
Trop
de joie, trop de gaieté. Il fallait faire quelque chose.
Il
nous restait dix minutes.
Nous
retournâmes donc voir une dernière fois, à l'autre étage, la poignée de toiles
de notre cher Léon Spilliaert, histoire de sortir triste, ainsi qu'il convînt,
du Musée des Beaux-Arts d'Ostende.
Sur
le chemin, dans l'escalier, nous parvinrent alors de l'extérieur, depuis la
longue artère Alfons
Pieterslaan,
toute proche, les premières rumeurs triviales - fonflonnantes - de
quelque harmonie municipale de concours. L'intensité des cris de la foule, des
zim-boum-bam de grosses caisses, la puissance des coups de sifflets et des
applaudissements grossirent, progressivement, jusqu'à atteindre leur plénitude
au moment même où nous fixions derechef - désormais complètement désemparés -
nos regards sur les douloureuses visions solitaires de l'inénarrable incompris
d'Ostende. Et ces créatures, ces objets abandonnés semblaient, eux aussi, du
même coup, nous prendre à témoin, une dernière fois. Ta-taratata-taratata-taratata
! fit soudain
la fanfare. Bravo
! hurla
quelqu'un.
Alors,
nous mîmes les voiles.
Mais
en partant, une dernière chose attira notre attention, une dernière série de
toiles, demeurées jusqu'ici inaperçues. Il était là. L'autoportrait au
chapeau fleuri. Dans un recoin, juste attenant au domaine - réduit - de ce
pauvre Léon.
Et
il ricanait, en ce jour de grande braderie, à Ostende, en face de son infortuné
concitoyen.
Une
dernière fois, sous nos yeux désolés, le baron Ensor choisit de se foutre bien
correctement de sa gueule.
RépondreSupprimerMerci pour le voyage. Je me suis déjà promené à Ostende, mais force est de constater que je la connais moins que vous.
Et pour finir ce commentaire en musique, voici une chanson de Bashung.
Que nenni, cher Cédric : un bon plan et le tour est joué. Nous ne connaissons rien à cette région. Songez que nous n'avons jamais quitté Blankenberge !
RépondreSupprimerOn ne connait peut-être pas tout, mais l’Émile nous a donné un petit goût! ;-)
RépondreSupprimerSur les grèves
Sur ces plages de sel amer
Et d'âpre immensité marine,
Je déguste, par les narines,
L'odeur d'iode de la mer.
Quels échanges de forces nues
S'entrecroisent et s'insinuent,
Avec des heurts, avec des bonds,
A cette heure de vie énorme,
Où tout s'étreint et se transforme
Les vents, les cieux, les flots, les monts !
Et c'est fête dans tout mon être :
L'ardeur de l'univers
Me rajeunit et me pénètre.
Que m'importe d'avoir souffert
D'avoir raclé mon coeur avec la chaîne
- Qui vient et va - de la douleur humaine,
Que m'importe ! - je sens
Mon corps renouvelé vibrer de joie entière
D'être trempé vivant et sain
Dans ce brassin
De formidable et sauvage matière.
Le roc casse le flot, le flot ronge le roc.
Un silence se fait : le choc
Des gros tonnerres d'eau ébranlent les falaises ;
Une île au loin se nourrit de la mer
Et monte d'autant plus que les grèves s'affaissent.
Le sable boit le soleil clair
- Oh revenir aux aurores du monde ! -
Tout se conforte, tout se détruit, tout se féconde.
On vit un siècle en un instant.
Et qu'importe ce deuil du temps :
La mort !
Sans elle
Jamais l'éternité n'apparaîtrait nouvelle ;
Homme qui tue et qui engendre
Il faut apprendre
A jouir de la mort.
La mort, la vie et leur ivresse !
Oh toutes les vagues de la mer !
Cercueils fermés, berceaux ouverts,
Gestes d'espoir ou de détresse,
Les membres nus, le torse au clair,
Je m'enfonce soudain, sous vos caresses rudes,
Avec le désir fou
De m'en aller, un jour, jusques au bout,
Là-bas, me fondre en votre multitude !
Max :-)
EMILE VERHAEREN- 1855-1916
Merci pour lui et nous, Max.
RépondreSupprimerGrand bien me fasse. Il s'agit donc aussi d'une question d'odeur.
RépondreSupprimerJ'étais plus au nord d'Ostende... et voici, c'était une première fois.
"La première fois que j’ai vu la mer, j'avais 25 ans… à Rotterdam … Je me souviens, c’était entre chiens et loups, la plage était déserte hormis une femme qui lavait son cheval… un bel animal de labours … La mer était houleuse, elle grondait en remontant… Je n’oublierai jamais cet instant… j’ai eu l’impression devant cette immensité, qu’elle allait m’avaler… "
Je suis retournée parfois la voir ailleurs....
Merci, Moine pour cette visite!
Je ne pense pas avoir abîmé le paysage, enfin, je l'espère ;-)
Max'
Rien abîmé, non.
RépondreSupprimerOu alors nous nous serons abîmés ensemble.
Dans le flot.
Enfant, je passai quelques jours à Ostende avec ma grand-mère à l'hôtel Astoria.
RépondreSupprimerJe garde de ce voyage des souvenirs inoubliables. La cage de fer de l'ascenseur, la foule hébétée comme partout, la puanteur de la plage et, par-dessus tout, la présence de cette masse d'eau brunâtre sur laquelle se dessinent des auréoles d'huile et de mazout, montant et de descendant sans cesse, battant une digue de pierres noires dans un effroyable et inutile fracas, et que l'on nomme couramment: La Mer du Nord.
En plus, vous m'apprenez que se trouvent là-bas quantité de musées dissimulés sous la vase.
Je l'ai échappé belle, au moins pour cette partie de la visite.
Mais il est l'heure de ma sieste, et heureusement, car après pareils souvenirs il me faut récupérer avant de me remettre à creuser a terre.
A cause de vous, tout m'est revenu d'un coup. C'est une catastrophe.
Au lit.
Est-ce à dire que vous délocalisez, Marquis, la base que nous venons d'évoquer ?
RépondreSupprimerMais que diront les gens ?
Je crois bien que c'est le même Mesens qui a écrit : " l'évidence m'aime".
RépondreSupprimerIl l'a non seulement écrit, mais il s'agit surtout du titre d'une de ses oeuvres, datant de 1954 et que l'on peut observer à l'exposition dont nous parlons ici (jusqu'au 17 novembre prochain, donc).
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