vendredi 20 août 2021

Percival Everett

  (Merci au camarade Vilbidon de nous avoir montré ceci !)

2 commentaires:

  1. Iour ouelcome, mais je n'ai guère de mérite: j'ai juste remis le nez dans Effacement. Je ne suis évidemment pas le même lecteur qu'il y a dix ans, mais c'est frappant comme ce qui me semblait alors très américain est devenu proche. Vous reprendrez bien un deuxième chote:

    «Un soir, lors d'une réception à New York, l'une de ces soirées mortelles où ceux qui écrivent se mêlent à ceux qui veulent écrire, et à ceux qui peuvent les aider tous à commencer ou à continuer d'écrire, un agent, grand, mince, et plutôt laid, me déclara que je vendrais bien si je laissais tomber les reprises d'Euripide et les parodies de structuralistes français pour me mettre aux récits authentiques de la rude vie des Noirs. Je lui répondis que ma vie l'était, noire, bien plus que la sienne ne le serait jamais, quelle ne l'avait été et ne continuerait de l'être. Il m'abandonna pour aller bavarder avec une artiste prometteuse, à la fois performer et romancière, qui venait de poser dix-sept heures d'affilée devant la résidence du gouverneur en tenue de jockey. D'un geste familier, il écarta l'une de ses fausses tresses et me montra du pouce.

    La vérité, la rude vérité, c'est que la race est un sujet auquel je ne pense presque jamais. Et quand, à une époque, j'y ai pensé beaucoup, c'était parce que je me sentais coupable de ne pas y penser. Je ne crois pas à la race. Je crois qu'il y a des gens prêts à me descendre, me pendre, me rouler, me faire obstacle, parce que eux croient à la race, à cause de ma peau noire, de mes cheveux frisés, de mon nez épaté et de mes ancêtres esclaves. Mais c'est ainsi.»

    Et puis allez, un troisième en bonus, parce que j'y résiste pas (rappelons que le bouquin date d'avant les selfis):

    «Linda Mallory incarnait l'essence de la sexualité postmoderne. Obsédée par sa propre image, elle était trop occupée à compter ses orgasmes pour en ressentir aucun. Quand elle faisait l'amour, tout pour elle était source d'inquiétude: est-ce qu'elle restait belle, quelle expression prenait son visage quand elle commençait à jouir, était-elle trop tendue, trop détendue, trop sèche, trop mouillée, trop discrète, pas assez… et elle ressentait le besoin d'exprimer ses préoccupations durant l'acte lui-même.

    “Mes cheveux étalés sur l'oreiller, c'est comment? demanda-t-elle.

    — Très bien, Linda.

    — Ça te va, comme je bouge? Trop vite, pas assez?

    — Bouge comme tu le sens.”

    Elle suivit mon conseil, du moins le soupçonnais-je quand elle me lâcha un cri en pleine figure, ce qui me perturba quelque peu.»

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