mercredi 3 juillet 2024

Quand j'entends le mot ≪culture≫...

Ci-dessus : le splendide Combat pour les valeurs du clip ≪antifasciste≫ 
No Pasaran !France, juin 2024 (détail) 

***

≪ Nous n'attendons pas de miracles de la classe ouvrière... ≫
(Des situationnistes, à l'ancienne)

≪ C'est la théorie en tant qu'intelligence de la pratique humaine qui doit être reconnue et vécue par les masses. Elle exige que les ouvriers deviennent dialecticiens et inscrivent leur pensée dans la pratique : ainsi elle demande aux hommes sans qualité bien plus que la révolution bourgeoise ne demandait aux hommes qualifiés qu'elle déléguait à sa mise en œuvre... 
(Guy Debord, La Société du Spectacle)


Il s'agit donc, ces jours-ci, d'aller voter, évidemment ! mais surtout de faire voter certaines foules ordinairement éloignées de tout comportement civique normal, à savoir les ≪jeunes de quartier populaire≫ ― suivant l'expression convenue ― considérés par la gauche mélenchoniste comme un formidable bétail citoyen abstrait, un gigantesque et miraculeux réservoir de voix (c'est ainsi que ces gens s'expriment) susceptible de faire la différence avec le reste du pays, de toute évidence largement acquis, lui, au fascisme. Car le péril fasciste rôde, ce dont nous ne disconvenons pas. Or, pour traîner (il n'est pas d'autre mot) ces potentiels ≪primo-électeurs≫ jusqu'à l'isoloir, il n'existe pas trente-six façons de faire, dès lors qu'on désespère que, dans un espace de temps aussi court, les jeunes-de-quartier-populaire prennent soudain par eux-mêmes conscience dudit péril fasciste, sur la base de quelque indignation spontanée, quelque sentiment de révolte autonome, nés d'un mouvement moral et d'intelligence libertairelui-même dicté par une très saine et atavique haine de classe. Non, ça, désolé ! mais on n'a pas le temps d'attendre, sans parler d'y travailler ni de l'encourager. Ça fait des décennies, en vérité, qu'on n'a pas le temps de prendre ce temps-là, et que, de fait, un tel mouvement ne surgit pas, jamais. Mais bref. À qui la faute, au fond ! Aucune importance. On fera plutôt feu de tout bois. On mobilisera plutôt la culture. Ce sera plus rapide que l'intelligence, la culture. Et, avec un peu de chance, bien plus efficace ce dimanche. Que cette culture relève d'une certaine  industrie, conçue, comme toute industrie, pour produire puis proposer une certaine marchandise bien calibrée, auprès d'un certain coeur de cible soigneusement identifié, consommateur heureux des stéréotypes qu'on aura pris soin de lui fabriquer sur mesure : tout cela ne pose aucune espèce de souci. Que cette culture, en d'autres termes, se détruise tendanciellement comme culture, c'est-à-dire comme mouvement critique permettant d'abandonner ce qu'on était (l'identité figée qu'on assumait) l'instant d'avant, cela n'est plus guère interrogé par personne, et certainement pas par la gauche ≪radicale≫ d'aujourd'hui. Celle-ci a mieux et plus urgent à faire que de s'occuper de toutes ces vieilles questions creuses d'industrie culturelle ou de stéréotypes infusant depuis des lustres dans l'esprit des jeunes-de-quartiers-populaires. Car ce qui compte, vous comprenez ! c'est de lutter contre le fascisme deux ou trois jours d'élection par an et, pour cela, d'aller faire voter by any means necessary des gens qui, autrement, se moqueraient comme d'une guigne du fait que le fascisme est au bord d'accéder au pouvoir parlementaire. Or, loin encore de tout Parlement, de toute Assemblée positive, le fascisme commence par triompher dans les têtes, dans les ≪idées≫ et les valeurs≫ s'imposant aux foules comme légitimes. Certains professionnels reconnus de la culture populaire contemporaine, dont le rap constitue l'avant-garde incontestée, prétendent avoir compris cela. Et c'est pour cette raison, et dans cette perspective, que le clip désormais célèbre intitulé No Pasaran ! (sic) a été très récemment conçu puis réalisé, regroupant l'élite, reconnue par ses consommateurs même,  du hip-hop français d'aujourd'hui, mais également d'hier, puisque Akhénaton (pilier du groupe marseillais IAM) y participe avec fougue. Et comme il le dit lui-même, au beau milieu de ce morceau choral No Pasaran !, il s'agit de combattre les ≪idées≫ du fascisme
On rappellera ici opportunément que, voilà quelques décennies, Akhénaton se présentait comme adversaire résolu du ≪rap de droite≫, comme nous l'évoquions dans un ancien article. Nous renvoyons à la sagacité de notre lectorat le soin de trancher si le ≪rap de droite≫ d'antan a bien été ou non définitivement supplanté par le ≪rap antifasciste≫ d'aujourd'hui. Auprès des jeunes-de-quartier-populaire, s'entend (naturellement). 


Voilà qui s'avère décidément prometteur. La culture sauvera le monde, c'est sûr. Surtout la populaire. Mais venons-en au fait. Ces idées fascistes qu'il s'agit de combattre, quelles sont-elles, au juste ? Nous les montrera-t-on enfin ? Et quelles idées antifascistes leur opposer, à en croire les cadors du rap français ? En vérité, comme vous allez le constater, les choses sont assez simples. Voici un petit florilège, établi par nos soins, de la meilleure culture anti-RN ≪de rue≫ du moment. Mettez-vous ça dans le crâne d'ici dimanche, et le tour est joué. Ils ne passeront pas ! 

(Bon, ça, c'est la base. C'est connu. Un peu comme la terre plate, si tu veux)

(Là aussi, banalité antifasciste de base. Mais ça peut ramener des voix, dimanche.)

(De la merde dans le cerveau, passe encore, mais une puce dans le sang ! Là, mon antifascisme culturel ne fait qu'un tour...)

(Faut dire qu'y en a, ils abusent aussi, de boire du sang de bébé ou de vierge pour augmenter leur puissance. Et puis, se nourrir d'un truc qu'on consomme, c'est indécent, de base. )

(Ça sent la dénazification antifasciste à la russe. Ils l'auront bien cherché, au nom de Dieu...)

(Ça, c'est pour la mère Le Pen et sa nièce ! Qu'elles arrêtent immédiatement ou je ne réponds pas du féministe radical qui sommeille en moi...)


On a décidé de s'arrêter là pour aujourd'hui. Que celles et ceux désireux d'aller au bout en profitent jusqu'à la (jeune) garde. Non que ce morceau de rap, clairement inspiré en tous points de l'anarchisme espagnol des années 1936, ne soit pas autrement passionnant (il regorge, par exemple, de beaux moments de mysticité et de rappels réguliers à une pratique religieuse monothéiste rigoureuse, saine et exigeante) mais, le truc, là, c'est qu'on a encore beaucoup de travail. Il nous reste en effet à convaincre (en usant, notamment, de ce genre d'outils de propagande admirable) une multitude de jeunes-des-quartiers-populaires d'aller faire le bon choix ce week-end. Le fascisme menace. En France comme en Ukraine. Et là-bas comme ici, pour conjurer le péril, n'oubliez jamais, o estimés camarades, que tous les moyens sont bons. Et les mauvais aussi...

Vive la Culture, 
Mort au Fascisme !  

5 commentaires:

  1. Vous touchez juste. En plus timoré mais plus cultivé sur le rap, cette réaction : https://blogs.mediapart.fr/benjamine-weill2/blog/030724/no-pasaran-quand-une-bonne-idee-vire-au-desastre

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  2. Rappel de la mésalliance antifasciste, même en Espagne, jusqu'à mai 37, et pas seulement (36e à 39e min.), même si décisivement, à cause des stals.

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  3. On confesse volontiers que cette Benjamine est bien savante en la matière. Mais peut-être a-t-elle plus de temps à perdre que nous, aussi. C'est le propre des benjamines.

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  4. Bien vu, le Moine, comme d'habitude.

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    1. Pour pas le voir, en même temps, faut s'appeler Gilbert Montagné, là, quand même...

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