vendredi 22 octobre 2021

Très russe !

jeudi 21 octobre 2021

L'important, c'est d'aimer !


≪Je suis un sale bonhomme. Je remarque toutefois une chose : un homme qui, le matin, n'est pas dans son assiette et, le soir, déborde de projets, de rêves et d'énergie, ça c'est un très mauvais homme ; mal fichu le matin, en pleine forme le soir : voilà qui ne trompe pas. Mais dans le cas contraire, s'il est plein d'allant et d'espoir le matin et complètement à plat le soir, là, c'est franchement un pauvre mec, un mesquin et un médiocre. Pour moi, c'est une ordure. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je trouve que c'est une vraie ordure.
Bien sûr, il y a aussi ceux qui se plaisent autant le matin que le soir, qui sont aussi heureux quand le jour se lève que quand il se couche. Ceux-là, ce sont tout bonnement des fumiers, et ça me dégoûte rien que d'en parler. Quant à celui qui n'est jamais bien, pas plus le soir que le matin, alors là, les mots me manquent : c'est le roi des cons et le dernier des salauds.»

(Vénédict Erofeiev, Moscou-sur-Vodka)

vendredi 15 octobre 2021

De trop philosopher (ou : du mouvement stationnaire)

« ―L'ÉTRANGER : Le mouvement est donc le même et pas le même : il en faut convenir et ne s'en point fâcher. C'est que, lorsque nous le disons le même et pas le même, ce n'est point sous les mêmes rapports. Quand nous le disons le même, en effet, c'est sa participation au "même" par rapport à soi qui nous le fait dire tel. Quand nous nions qu'il soit le même, c'est en conséquence de la communauté qu'il a avec l'autre, communauté qui l'a séparé du "même" et fait devenir non même, mais autre ; aussi avons-nous le droit de le dire, cette fois, "pas le même".  

―THÉÉTÈTE : Absolument. 

―L'ÉTRANGER : Si donc, par quelque biais, le mouvement même participait au repos, il n'y aurait rien d'étrange à l'appeler stationnaire ?

―THÉÉTÈTE : Ce serait, au contraire, parfaitement correct... »

(Platon, Le Sophiste)

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«C'est reculer que d'être stationnaire. On le devient de trop philosopher

(Charles d'Avray, Le Triomphe de l'anarchie)

jeudi 14 octobre 2021

Au fait : Le Moine Bleu a dix ans !

AMÈNE !

dimanche 10 octobre 2021

Sur le concept de philosophie

Max Horkheimer (street cred)

≪S'il nous fallait parler d'une maladie qui affecte la raison, il serait nécessaire de comprendre que cette maladie n'a pas frappé la raison à un moment historique donné, mais qu'elle a été inséparable de la nature de la raison dans la civilisation telle que nous l'avons connue jusque-là. La maladie de la raison, c'est que la raison naquit de la tendance impulsive de l'homme à dominer la nature ; et son "rétablissement" éventuel dépendra de la connaissance de la nature de la maladie originelle, pas de la guérison de ses symptômes les plus tardifs. La véritable critique de la raison mettra nécessairement à jour les couches les plus profondes de la civilisation. Elle explorera les toutes premières phases de son histoire. Depuis le temps où la raison est devenue l'instrument de domination de la nature humaine et extra-humaine par l'homme ─ c'est-à-dire depuis ses débuts ─ elle a été frustrée de sa propre intention de découvrir la vérité. Cela est dû au fait même qu'elle a fait de la nature un simple objet et qu'elle n'a pas su découvrir la trace d'elle-même dans une telle objectivation, que ce soit dans les concepts de matière et de choses ou dans ceux de Dieux et d'esprit. On pourrait dire que la folie collective, qui s'étend aujourd'hui des camps de concentration jusqu'aux réactions, en apparence des plus inoffensives, de la culture de masse, était déjà présente en germe dans l'objectivation primitive, dans la contemplation intéressée du monde en tant que proie par le premier homme. La paranoïa, cette folie qui bâtit des théories logiquement élaborées de la persécution, n'est pas simplement une parodie de la raison, elle se manifeste, d'une manière ou d'une autre, en toute forme de raison qui n'est que recherche de buts déterminés.
Ainsi le dérangement de la raison va bien au-delà des malformations évidentes qui la caractérisent à l'heure actuelle. La raison ne peut réaliser ce qui est raisonnable en elle que par la réflexion sur la maladie du monde telle qu'elle est produite et reproduite par l'homme. Dans une telle autocritique la raison, en même temps, restera fidèle à elle-même en sauvegardant de toute application pour des mobiles inavoués le principe de vérité dont à elle seule nous sommes redevables. La sujétion de la nature régressera vers la sujétion de l'homme et vice versa, aussi longtemps que l'homme ne comprendra pas sa propre raison et le processus de base par lequel il a créé et maintiendra l'antagonisme qui est sur le point de le détruire. La raison peut être plus que la nature, mais seulement si elle se fait une idée nette et concrète de son "naturel" ─ qui tient dans sa tendance à la domination ─ cette tendance même qui, paradoxalement, l'aliène de la nature. Ainsi, en étant l'instrument de la réconciliation, elle sera également plus qu'un instrument. Les changements de direction, les avances et les reculs de cet effort reflètent le développement de la définition de la philosophie. 
La possibilité d'une autocritique de la raison présuppose tout d'abord que l'antagonisme de la raison et de la nature est dans une phase aiguë et catastrophique ─ et secondement, qu'à ce stade de complète aliénation, l'idée de vérité est toujours accessible».

(Max Horkheimer, «Sur le concept de philosophie», in Éclipse de la raison, 1947)